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DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE PAŞA ET ERKAN EROL c. TURQUIE
(Requête no 51358/99)
ARRÊT
STRASBOURG
12 décembre 2006
DÉFINITIF
23/05/2007
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions
définies à l’article 44 § 2 de la
Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Paşa et Erkan Erol c. Turquie,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième
section), siégeant en une chambre composée de :
MM. J.-P. Costa,
président,
A.B. Baka,
R. Türmen,
M.
Ugrekhelidze,
Mmes E. Fura-Sandström,
D.
Jočienė,
M. D. Popović, juges,
et de Mme
S. Dollé, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du
conseil le 21 novembre 2006,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette
date :
PROCÉDURE
- A l’origine de l’affaire se trouve une
requête (no 51358/99) dirigée contre la
République de Turquie et dont deux ressortissants de cet Etat,
MM. Paşa Erol et Erkan Erol (« les requérants »),
ont saisi la Cour le 7 septembre 1999 en vertu de l’article
34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des
Libertés fondamentales (« la Convention »).
- Les requérants sont représentés
par Me S. Abdil, avocat à Tunceli. Le gouvernement
turc (« le Gouvernement ») n’a pas
désigné d’agent aux fins de la procédure
devant la Cour.
- Par une décision du 28 février 2006, la
Cour a déclaré la requête recevable.
- Tant les requérants que le Gouvernement ont
déposé des observations écrites sur le fond de
l’affaire (article 59 § 1 du règlement).
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
- Les requérants, MM. Paşa Erol (père)
et Erkan Erol (fils), sont nés respectivement en 1943 et 1986,
et résident à Tunceli.
- Le 11 mars 1995, Paşa Erol, en sa qualité
de maire du village, fut informé qu’entre 11 et 15
heures, des mines antipersonnel seraient enterrées sur un coté
des locaux du commandement de la gendarmerie d’Akdemir,
district de Pertek (Tunceli). Le procès-verbal dressé
le même jour par la gendarmerie indiqua que la zone fut
entourée « de fils barbelés à hauteur
de la taille » et des panneaux d’avertissement
placés tous les vingt mètres.
- Le lendemain, une notification fut adressée aux
villageois afin de les informer de la présence de mines
antipersonnel dans la zone située autour du commandement de la
gendarmerie qui servait de pâturage du village. Des
avertissements furent réitérés oralement les
jours suivants.
- Le 11 mai 1995, Erkan Erol, alors âgé de
neuf ans, faisait paître des moutons avec ses camarades. Les
animaux s’orientèrent alors vers la zone minée et
y pénétrèrent. Le requérant et les autres
enfants, qui avaient entre sept et treize ans, les poursuivirent et
traversèrent aussi les fils barbelés. Puis, en voulant
ramasser une pièce en métal qu’il avait remarquée
dans la terre, le requérant fut blessé par l’explosion
de ce qui s’avéra être une mine antipersonnel.
Transporté par hélicoptère militaire à
l’hôpital civil d’Elazığ, il fut amputé
de la jambe gauche à hauteur du genou, partie remplacée
par une prothèse. Une opération de sauvetage par
hélicoptère militaire fut organisée pour sortir
les autres enfants de la zone, dont certains furent légèrement
blessés lors de l’explosion.
- Le même jour ainsi que les 13, 14 et 15 mai 1995,
neuf villageois, le maire, les enfants et leurs parents furent
entendus par les gendarmes. Tous affirmèrent avoir été
avertis du danger et avoir reçu des notifications. Les parents
avaient interdit à leurs enfants d’entrer sur la zone.
Toutefois, il ressort des témoignages que le maire du village
se rendait sur cette zone avec ses animaux sans crainte.
- Lors de sa déposition du 15 mai 1995, Paşa
Erol reconnut sa négligence pour s’être lui-même
rendu sur la zone.
- Le 10 avril 1996, Paşa Erol introduisit une
demande auprès du ministère de l’Intérieur
pour obtenir des dommages et intérêts pour défaut
de mesures de sécurité autour de la zone militaire.
- Le 9 juillet 1996, il ouvrit une action en
dédommagement contre ce ministère devant le tribunal
administratif de Malatya, sur la base de l’article 125 de
la Constitution relatif à la responsabilité objective
de l’Etat.
- Le 2 avril 1997, le tribunal administratif rejeta la
demande au motif que les éléments du dossier
permettaient d’établir que les mesures de sécurité
avaient été prises autour de la zone minée et
que celle-ci avait été entourée de
« signalisation et de panneaux d’avertissement ».
De plus, des notifications écrites et orales avaient été
adressées en particulier à Paşa Erol, en tant que
maire du village, ainsi qu’aux autres villageois. Le tribunal
estima qu’aucune faute ne pouvait être imputable à
l’Etat étant donné que le second requérant
avait pénétré sur une zone interdite et était
responsable de l’accident. Quant à son père, il
en était responsable de par sa propre négligence.
- Le 24 novembre 1998, sur pourvoi du requérant,
le Conseil d’Etat confirma ce jugement. Il souligna que « la
responsabilité objective de l’Etat nécessite
obligatoirement une indemnisation même en cas d’absence
de faute de service imputable aux agents de l’Etat en vertu de
l’article 125 de la Constitution, cependant, si la personne a
provoqué le dommage de par sa propre action et si sa
responsabilité personnelle peut être engagée, le
lien de causalité nécessaire pour la responsabilité
objective de l’Etat cesse d’exister ».
- L’arrêt définitif du Conseil d’Etat
fut notifié aux requérants le 19 mars 1999.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES ET INTERNATIONALES
- L’article 125 §§ 1 et 7 de la
Constitution énonce :
« Tout acte ou décision de
l’administration est susceptible d’un contrôle
juridictionnel.
(...)
L’administration est tenue de réparer tout
dommage résultant de ses actes et mesures. ».
- L’article 1 de la Convention d’Ottawa sur
l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production
et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction,
signée le 18 septembre 1997, impose aux Etats parties, d’une
part, de ne pas employer de mines antipersonnel et, d’autre
part, de détruire toutes les mines antipersonnel ou veiller à
leur destruction dans les dix années suivant la date d’entrée
en vigueur de la Convention après approbation par leur
autorité interne.
La Turquie est partie à la Convention d’Ottawa depuis le
28 mars 2003. Celle-ci y est entrée en vigueur le 1er
mars 2004.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE
2 DE LA CONVENTION
- Invoquant l’article 2 de la Convention, les
requérants se plaignent d’une atteinte au droit à
la vie, dans la mesure où l’Etat aurait manqué à
l’obligation positive de protéger le droit à la
vie de ses citoyens en autorisant la pose de mines antipersonnel sans
prendre les mesures de sécurité nécessaires.
L’article 2 de la Convention dans sa partie pertinente se lit
ainsi :
« 1. Le droit de toute personne à
la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être
infligée à quiconque intentionnellement, sauf en
exécution d’une sentence capitale prononcée par
un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine
par la loi. (...) »
A. Sur les exceptions préliminaires du
Gouvernement
1. Qualité de victime de Paşa Erol
- Le Gouvernement met en exergue le fait que le premier
requérant était le maire du village (muhtar) au
moment des faits et qu’à ce titre, il avait également
l’obligation d’assurer l’information de ses
administrés. De plus, en tant que père, il avait manqué
à sa responsabilité parentale en laissant son fils sans
surveillance, alors qu’il n’avait que neuf ans.
- La Cour observe qu’effectivement le requérant
était le maire du village au moment des faits et qu’il
avait reçu des informations aussi bien avant la pose des mines
qu’une fois l’opération achevée. Elle
accorde de l’importance au poste à responsabilités
qu’occupait le premier requérant. En tant que muhtar,
il était le fonctionnaire élu administratif le plus
élevé du village et, à ce titre, il devait
directement contribuer à la prise des mesures nécessaires
à la protection de ses administrés et, si nécessaire,
alerter les autorités pour tous les risques concernant les
villageois.
- Dans le cas d’espèce, la Cour estime que
son emploi de maire impliquait pour le requérant –
compte tenu de la nature des fonctions et des responsabilités
qu’il exerçait – un devoir d’alerter la
gendarmerie de l’insuffisance des mesures prises et d’exiger
des mesures supplémentaires. La responsabilité des
autorités administratives, notamment des mairies, concernant
les zones dangereuses à l’intérieur de leur
juridiction a déjà été reconnue par la
jurisprudence (mutatis mutandis, Öneryıldız
c. Turquie [GC], no 48939/99, § 101,
CEDH 2004 XII). Cependant, la Cour relève qu’elle
n’a reçu aucun élément tendant à
montrer que le requérant, en sa qualité de maire, a
porté à l’attention des autorités
militaires les griefs qu’ils soulèvent devant la Cour.
De plus, lui-même avait adopté un comportement
irresponsable en se rendant sur la zone avant l’incident
(paragraphes 9 10 ci-dessus).
- Partant, la Cour accueille l’exception
d’irrecevabilité soulevée par le Gouvernement
quant à la responsabilité administrative et parentale
du premier requérant dans l’accident de son fils et
conclut qu’il ne peut pas se prétendre victime, selon
l’article 34 de la Convention, d’une violation de
l’article 2. Elle rappelle qu’elle peut déclarer
une requête irrecevable à tout stade de la procédure,
même après la recevabilité. Il convient donc de
rejeter cette partie du grief comme étant manifestement mal
fondée selon l’article 35 §§ 3 et 4 de la
Convention.
2. Applicabilité de l’article 2 de la
Convention
- Le Gouvernement conteste l’applicabilité
de l’article 2 de la Convention, dans la mesure où
aucune procédure pénale mettant en cause la
responsabilité des autorités militaires n’a été
entamée par la partie requérante, laquelle s’est
contentée de demander des dommages et intérêts.
- La Cour rappelle que la première phrase de
l’article 2 § 1 de la Convention, non seulement astreint
l’Etat à s’abstenir de provoquer la mort de
manière volontaire et irrégulière, mais garantit
également le droit à la vie en des termes généraux
et, dans certaines circonstances bien définies, fait peser sur
les Etats l’obligation de prendre les mesures nécessaires
à la protection de la vie des personnes relevant de sa
juridiction (voir, notamment, L.C.B. c. Royaume-Uni, arrêt
du 9 juin 1998, Recueil des arrêts et décisions
1998 III, p. 1403, § 36, Calvelli et Ciglio c. Italie
[GC], no 32967/96, § 48, CEDH 2002 I,
Eriksson c. Italie (déc.), no 37900,
26 octobre 1999, et Leray et autres c. France (déc.),
no 44617/98, 16 janvier 2001).
- Pour la Cour, l’obligation positive qui découle
de l’article 2 vaut aussi dans le domaine de la sécurité
publique mis en cause en l’espèce ; il n’y a
pas lieu de distinguer les actes, omissions et « négligences »
de la part des autorités nationales pour examiner si celles-ci
ont observé ladite obligation. Toute autre approche serait
incompatible avec l’objet et le but de la Convention, en tant
qu’instrument de protection des êtres humains, qui
appellent à comprendre et appliquer ses dispositions,
notamment l’article 2, d’une manière qui en
rende les exigences concrètes et effectives (Öneryildiz,
précité, § 65).
- De même, si l’atteinte au droit à
la vie ou à l’intégrité physique n’est
pas volontaire, l’obligation positive découlant de
l’article 2 n’exige pas nécessairement dans tous
les cas un recours de nature pénale (Öneryildiz,
précité, § 92).
- Dès lors, la Cour rejette l’exception du
Gouvernement et conclut à l’applicabilité de
l’article 2 en l’espèce.
B. Sur le fond quant à Erkan Erol
- Le deuxième requérant se plaint d’une
atteinte à son droit à la vie, dans la mesure où
l’explosion d’une mine antipersonnel a conduit à
l’amputation de sa jambe et il aurait pu perdre la vie. Il se
plaint également d’une violation de l’article 5 de
la Convention en reprochant aux autorités de n’avoir
pris aucune précaution pour assurer la sécurité
des citoyens. Il affirme que la zone minée n’avait pas
été entourée de fils barbelés et qu’elle
servait de pâturage du village. La Cour observe que les griefs
portent sur les mêmes faits et décide ainsi de les
examiner uniquement sur le terrain de l’article 2 § 1
cité ci-dessus.
- Le Gouvernement soutient que les mines antipersonnel
ont été posées autour du commandement de la
gendarmerie de jour, au vu et au su de tous les villageois, sans
aucune dissimulation. Des fils barbelés ont été
installés et des panneaux d’avertissement placés
autour de la zone tous les vingt mètres. Le lendemain de ces
travaux, le maire et tous les autres villageois ont été
avisés par des notifications, aussi bien écrites
qu’orales, des risques et dangers de mort dans cette zone. Le
Gouvernement insiste également sur le fait que les parents
avaient un devoir de surveillance de leurs enfants mineurs.
- La Cour répète que la violation du droit
à la vie est envisageable en relation avec la responsabilité
positive des Etats de prendre toutes les mesures nécessaires
pour éviter la mise en danger de la vie d’autrui
(paragraphes 24-26 ci-dessus).
- Si toute menace présumée contre la vie
n’oblige pas les autorités, au regard de la Convention,
à prendre des mesures concrètes pour en prévenir
la réalisation, il en va autrement, notamment, lorsqu’il
est établi que lesdites autorités savaient ou auraient
dû savoir sur le moment qu’un ou plusieurs individus
étaient menacés de manière réelle et
immédiate dans leur vie, et qu’elles n’ont pas
pris, dans le cadre de leurs pouvoirs, les mesures nécessaires
et suffisantes pour pallier ce risque (voir, mutatis mutandis,
Osman c. Royaume-Uni, arrêt du 28 octobre 1998, Recueil
1998 VIII, p. 3159, § 116). Nul n’a laissé
entendre que l’Etat défendeur aurait délibérément
cherché à provoquer une atteinte à la vie du
deuxième requérant en plaçant les mines
antipersonnel sur une zone de sécurité militaire.
Toutefois, la Cour a pour tâche de déterminer si, dans
les circonstances de l’espèce, l’Etat a pris
toutes les mesures nécessaires pour empêcher que la vie
du requérant et d’autres villageois ne soit inutilement
mise en danger.
- La Cour observe d’emblée que les mines
antipersonnel ont été placées pour des raisons
de protection de la gendarmerie locale située près du
village. Cependant, de telles mines représentent un danger
particulier pour les jeunes enfants et leur utilisation a été
largement condamnée par l’opinion internationale, d’où
la nécessité d’une convention internationale à
ce sujet, interdisant leur usage, et à laquelle la Turquie est
partie depuis 2003 (paragraphe 17 ci-dessus).
- La Cour relève que la zone concernée
était le pâturage du village et que les villageois s’y
rendaient régulièrement pour nourrir leur élevage.
Par conséquent, vu la situation spécifique de terrain,
les mesures de sécurité avaient une importance accrue
et il était du devoir des autorités, à défaut
d’autres moyens de protection de la gendarmerie régionale,
de prendre toutes les mesures afin d’empêcher la
pénétration de civils innocents à cet endroit.
- La Cour a examiné les pièces soumises
par le Gouvernement. Elle observe dans le procès-verbal dressé
par l’administration militaire que la zone a été
entourée par deux rangées de fils barbelés et
que des panneaux d’avertissement ont été placés
autour de la zone pour signaler le danger de mort (paragraphes 6-7
ci-dessus). Néanmoins, il est visible sur les photographies
soumises que ces deux rangées de fils barbelés étaient
largement écartées et constituaient donc une protection
inefficace.
- De même, les parents ont affirmé avoir
été informés de l’enfouissement de mines
antipersonnel et avoir interdit à leurs enfants d’entrer
sur la zone (paragraphe 9 ci-dessus).
- Cependant, pour la Cour, il est difficilement
concevable, dans l’environnement naturel et les conditions de
vie d’un village en pleine campagne où les enfants
participent activement aux tâches quotidiennes, telles que
faire paître les animaux, d’attendre qu’ils se
comportent en adultes responsables face à de tels dangers, et
ce d’autant plus que les adultes eux-mêmes ne suivaient
pas les consignes de sécurité (paragraphes 9 10
ci-dessus).
- De plus, il est incompréhensible qu’une
zone de pâturage ait été minée et
simplement entourée de deux rangées de fils barbelés
relativement écartées, ce qui est clairement
insuffisant pour empêcher que des enfants y pénètrent.
- En conséquence, la Cour n’est pas
convaincue qu’en l’espèce, les mesures de sécurité
nécessaires pour éloigner tout risque de danger de mort
et blessure aient été prises (mutatis mutandis,
Demiray c. Turquie, no 27308/95, § 46,
CEDH 2000 XII). Partant, elle estime que l’Etat a manqué
à son obligation positive imposée par l’article 2
de la Convention et conclut à la violation de cette
disposition en ce qui concerne le deuxième requérant.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 6
§ 1 ET 13 DE LA CONVENTION
- Les requérants se plaignent de l’iniquité
de la procédure d’indemnisation, du fait qu’avant
de rejeter leur demande d’indemnité, le tribunal
administratif n’a pas procédé à une visite
des lieux. Ils invoquent l’article 6 § 1 de la
Convention dont la partie pertinente se lit comme suit :
« Toute personne a droit à ce que sa
cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...),
qui décidera (...) des contestations sur ses droits et
obligations de caractère civil (...) »
Sur la base des faits exposés au regard de l’article 2
de la Convention, les intéressés se plaignent aussi que
le recours administratif exercé afin d’obtenir
réparation des préjudices qu’ils ont subis, s’est
avéré dénué de toute efficacité,
donc incompatible avec les exigences de l’article 13 de la
Convention, ainsi libellé :
« Toute personne dont les droits et libertés
reconnus dans la (...) Convention ont été violés,
a droit à l’octroi d’un recours effectif devant
une instance nationale, alors même que la violation aurait été
commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs
fonctions officielles. »
- Le Gouvernement conteste ces thèses.
- La Cour a examiné le dossier mais n’a
constaté aucun élément permettant de conclure à
une défaillance de la procédure devant le tribunal
administratif. En effet, le tribunal administratif disposait, à
l’instar de la Cour, des photographies, des témoignages
des villageois et des procès-verbaux concernant la pose des
mines, documents sur la base desquels elle a rendu son jugement
(paragraphe 13 ci-dessus). Partant, la Cour estime que la voie de
recours administratif n’est pas une voie de recours inefficace
au sens des articles 6 § 1 et 13 de la Convention. Elle conclut
à la non-violation de ces dispositions.
III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA
CONVENTION
- Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a
eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit
interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer
qu’imparfaitement les conséquences de cette violation,
la Cour accorde à la partie lésée, s’il y
a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
- La partie requérante réclame au titre
des dommages matériel et moral 200 000 francs
français (FRF) [environ 30 505 euros (EUR)].
- Le Gouvernement considère que ce montant est
excessif et injustifié.
- La Cour estime qu’en considération du
jeune âge d’Erkan Erol à l’époque des
faits, la somme requise n’est pas excessive et accorde la
totalité de cette somme à lui seul.
B. Frais et dépens
- La partie requérante réclame 7 000
FRF [environ 1 076 EUR] pour frais et dépens, y compris
les honoraires pour la procédure menée devant la Cour.
- Le Gouvernement conteste cette somme.
- La Cour estime que la demande est raisonnable et doit
être honorée dans son intégralité.
Partant, elle accorde au deuxième requérant la somme
demandée.
C. Intérêts moratoires
- La Cour juge approprié de baser le taux des
intérêts moratoires sur le taux d’intérêt
de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale
européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
- Accueille l’exception préliminaire
du Gouvernement pour autant qu’elle concerne Paşa Erol et
son grief relatif à l’article 2 de la Convention et
déclare cette partie de la requête irrecevable ;
- Dit qu’il y a eu violation de l’article
2 de la Convention sous son angle substantiel en ce qui concerne
Erkan Erol ;
- Dit qu’il n’y a pas eu violation des
articles 6 § 1 et 13 de la Convention ;
- Dit
a) que l’Etat défendeur doit verser à
Erkan Erol, dans les trois mois à compter du jour où
l’arrêt sera devenu définitif conformément
à l’article 44 § 2 de la Convention, 30 505
EUR (trente mille cinq cent cinq euros) pour tous dommages confondus,
ainsi que 1 076 EUR (mille soixante-seize euros) pour frais
et dépens, plus tout montant pouvant être dû à
titre d’impôt, à convertir en livres turques au
taux applicable à la date du règlement ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit
délai et jusqu’au versement, ces montants seront à
majorer d’un intérêt simple à un taux égal
à celui de la facilité de prêt marginal de la
Banque centrale européenne applicable pendant cette période,
augmenté de trois points de pourcentage.
Fait en français, puis communiqué par écrit le
12 décembre 2006 en application de l’article 77 §§
2 et 3 du règlement.
S. Dollé J.-P. Costa
Greffière Président