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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> ILKER ENSAR UYANIK c. TURQUIE - 60328/09 (French text) [2012] ECHR 1574 (03 May 2012) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2012/1574.html Cite as: [2012] ECHR 1574 |
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DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE İLKER ENSAR UYANIK c. TURQUIE
(Requête no 60328/09)
ARRÊT
STRASBOURG
3 mai 2012
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire İlker Ensar Uyanık c. Turquie,
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composéede :
FrançoiseTulkens, présidente,
DanutėJočienė,
DragoljubPopović,
IşılKarakaş,
GuidoRaimondi,
PauloPinto de Albuquerque,
HelenKeller, juges,
et de Stanley Naismith, greffierde section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 10 avril 2012,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 60328/09) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet Etat, M. İlker Ensar Uyanık (« le requérant »), a saisi la Cour le 31 octobre 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant est représenté par Me A. Dokucu, avocat à İzmir. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») est représenté par son agent.
3. Le requérant se plaint en particulierd’un défaut d’équité de la procédure devant les juridictions nationales à raison du non-respect, selon lui, par ces dernières des dispositions de la Convention de La Haye.
4. Le 23 avril 2010, la requête a été communiquéeau Gouvernement.Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond de l’affaire.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5. Le requérant est né en 1970 et réside à Durham (Etats-Unis).
6. Le 19 novembre 2000, il se maria. Par la suite, il s’installa avec son épouse aux Etats-Unis.
7. Le 9 février 2006 naquit leur fille, Yasemin Nur.
8. Le 29 août 2007, le requérant, son épouse et leur fille se rendirent en Turquie pour les vacances.
9. Au mois de septembre 2007, l’épouse du requérant aurait quitté celui‑ci. Elle ne retourna pas aux Etats-Unis avec l’enfant.
10. Le 28 novembre 2007, le requérant, rentré seul aux Etats-Unis,saisitla cour civile du comté de Durham d’une action en attribution d’autorité parentale ainsi que l’autorité centrale américaine d’une demande tendant au retour de sa fille auprès de lui.
A. Procédure déclenchée devant les instances nationales en vertu de laConvention de La Haye relative aux aspects civils de l’enlèvement international d’enfant
11. Se fondant sur les dispositions de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 relative aux aspects civils de l’enlèvement international d’enfant (« la Convention de La Haye »), l’autorité centrale américaine saisit la direction générale des relations extérieures et du droit international près le ministère de la Justice turc (« la direction générale »).
12. Le 3 avril 2008, cette direction saisit le procureur de la République d’İzmir (« le procureur de la République ») d’une demande tendant notamment à ce qu’en vertu de l’article 7 de la Convention de La Haye, l’enfant fût localisé et des mesures préventives adoptées pour qu’elle ne fût pas perdue de vue ; que l’épouse du requérantfût entendue afin de déterminer les raisons pour lesquelles elle souhaitait garder sa fille en Turquie ; qu’il fût vérifié si elle était prête à envisager un retour à l’amiable de l’enfant aux Etats-Unis.
13. Le 4 avril 2008, l’épouse du requérant fut entendue par le procureur de la République. A cette occasion, elle déclara n’être pas retournée aux Etats-Unis parce que son époux aurait quitté la Turquie le 27 septembre 2007 en emportant son passeport et celui de sa fille. Elle précisa par ailleursavoir,le 26 septembre 2007, subi un curetage en raison d’une mort fœtale in uterode l’enfant qu’elle portait. Ayant appris que son mari avait entamé une procédure en divorce aux Etats-Unis, dans le cadre de laquelle elle aurait reçu une notification à comparaître, elle précisa avoir elle aussi introduit une requête en divorce en Turquie et demandé la garde de sa fille. Enfin, elle déclara refuser le retour de sa fille aux Etats-Unis.
14. Le 17 avril 2008, la direction générale saisit le procureur de la République afin, notamment, qu’il ouvrît une procédure devant le tribunal de la famille, qu’il fût statué sur la question du retour de l’enfant aux Etats‑Unis, qu’il fût sursis à la requête en divorce et en attribution de la garde d’enfant pendante devant le tribunal de la famille d’İzmir jusqu’à ce qu’il fût statué sur la demande de retour et qu’une interdiction de sortie du territoire fût prononcéeà l’endroit de l’enfant.
15. Le 22 avril 2008, le procureur de la République saisit le tribunal de la famille d’İzmir de la question pour le compte du requérant. Il demanda qu’il fût statué sur la question du retour ou non-retour de l’enfant, que,en attendant, une décision portant interdiction de sortie du territoire fût prononcée à l’endroit de l’enfant, et,enfin, qu’il fûtsursis à la procédure en divorce et en garde d’enfant pendante devant le tribunal de la famille, et ce en vertu de l’article 16 de la Convention de La Haye.
16. Le même jour, le tribunal de la famille d’İzmir émit une interdiction de sortie du territoire à l’égard de Yasemin Nur.
17. Le 23 juin 2008, le requérant soumit un mémoire au tribunal de la famille d’İzmir,dans lequel il précisait que les juridictions américaines avaient adopté une mesure temporaire de partage de la garde de l’enfant, que son épouse ne la respectait pas, qu’elle avait la possibilité administrative de rentrer aux Etats-Unis. Il soulignait en outre que les juridictions américaines étaient compétentes pour trancher la question de l’autorité parentale car il s’agirait des juridictions du lieu de résidence habituelle des parties, circonstances qui auraient en outre été admise par son épouse.
18. Au cours de l’audience du 24 juin 2008, le procureur de la République souligna qu’eu égard à l’âge de l’enfant –25 mois – l’établissement d’un rapport par un psychologue n’était pas nécessaire. Il demanda en outre à ce qu’il soit fait droit à la demande de retour de l’enfant, soutenant que sa présence en Turquie était contraire à la Convention de La Haye. Le jour même, le tribunal de la famille d’İzmir rejeta la demande de retour de l’enfant au terme d’une argumentation pouvant notamment se lire comme suit :
« (...) tenant compte des dispositions de la Convention, le tribunal a mené une procédure rapide (...)
Les faits de l’espèce ont été examinés à la lumière des allégations des parties, de la psychologie personnelle, sociale et physiologique de l’enfant (...)
1. L’enfant sort tout juste de l’âge de l’allaitement maternel (...)
2. L’enfant est âgée de moins de vingt-cinq mois et a davantage besoin de l’affection et de l’attentionmaternelles que paternelles (...)
3. La procédure en divorce est pendante (...) [de ce fait, les époux] ont, en vertu du système juridique turc, acquis le droit de vivre séparément. Il n’existe aucune règle imposant à la mère de vivre au domicile commun.
4. Lors de la prise en compte de l’âge de l’enfant et de ses relations avec sa mère, ce sont les intérêts de l’enfant et ses besoins qui priment (...) Le lieu où ces intérêts peuvent être satisfaits au mieux peut être le lieu de résidence (...) Au regard de l’âge de l’enfant, le meilleur lieu pour elle est auprès de [sa mère].
5. Les relations entre les parties qui sont en instance de divorce peuvent être néfastes pour l’enfant lorsqu’elles [s’expriment] en sa présence (...) En outre, le fait que la mère soit titulaire de la carte verte ne lui impose pas de vivre aux Etats-Unis. Les parties ayant toutes deux la nationalité turque, rien ne s’oppose à ce qu’elles voient l’enfant et résident en Turquie.
6. Une procédure en divorce est pendante devant un autre tribunal de la famille (...) [Elle] offre au père la possibilité de soumettre son point de vue (...) Il est clair que ses relations personnelles avec l’enfant ne sont pas entravées.
7. Tout comme le fait que les deux parties sont de nationalité américaine ne suffit pas à écarter le système du droit de la nationalitéturque, la recherche de leurs droits en Turquie n’est pas soumise aux lois américaines.
Pour les motifs exposés ci-dessus, un retour de l’enfant serait contraire aux droits et intérêts de celle-ci, de sorte qu’il [convient] de rejeter la demande (...)
(...) En prenant en compte les allégations et déclarations de la partie plaignante et les déclarations (...) de la partie intimée, vu l’âge de l’enfant et ses relations avec la mère, vu qu’elle n’est pas en âge de s’exprimer elle-même il n’est pas jugé nécessaire d’avoir recours à un rapport (...), [vu] le fait que l’enfant est encore très petite, que l’affection et l’attention maternelles [lui] sont nécessaires : rejet de l’affaire (...) »
19. Le 9 juillet 2008, le procureur de la République forma un pourvoi en cassation contre le jugement du 24 juin 2008, soutenant que la solution adoptée était contraire aux dispositions de la Convention de La Haye.
20. Le 11 juillet 2008, le requérant forma également un pourvoi en cassation contre ce jugement, soutenant que les dispositions de la Convention de La Haye tout comme celles de la loi no 5717 relative au sens et au champ d’application juridiques de l’enlèvement international d’enfant (« loi no 5717») avaient été ignorées.
21. Le 19 février 2009, la Cour de cassation confirma le jugement de première instance pour conformité à la loi et au vu notamment de l’absence d’erreur dans l’appréciation des preuves.
22. Le 26 mars 2009, le requérant forma un recours en rectification contre cet arrêt, soutenant que celui-ci était contraire à la jurisprudence établie de la Cour de cassation. Il contesta également la prise en considération de l’âge de l’enfant comme fondement de la décision des juridictions internes,exposant que, en vertu de la Convention de La Haye, les juridictions internes auraient dû statuer uniquement au regard de l’existence ou non d’un risque grave de danger physique ou psychique pour l’enfant en cas de retour.
23. Le 1er juillet 2009, la Cour de cassation rejeta ce recours.
B. Procédure devant les juridictions américaines
24. Le 8 mai 2008, la cour civile de l’Etat de Caroline du Nord, comté de Durham, statua sur la demande de garde temporaire introduite par le requérant. Les passages pertinents de cette décision peuvent se lire comme suit :
« (...) Etablissement des faits (...)
4. Les parties ont un enfant, Yasemin Nur, née le 9 février 2006 ; elle est âgée de vingt-sept mois. Yasemin a la double nationalité américaine et turque.
5. Au cours du mariage, les deux parties se sont beaucoup impliquées dans les soinsà l’enfant mineure (...)
8. Le (...) 29 août 2007, le plaignant, la défenderesse et l’enfant mineure ont voyagé en Turquie pour rendre visite à leurs familles (...) Ce voyage était supposé durer jusqu’au 22 octobre [2007]et les parties avaient des billets d’avion pour un aller et retour (...)
10. Le 9 septembre 2007, une dispute est survenue entre les parties (...) [M]algré l’objection du plaignant et après quelques disputes, la défenderesse est partie avec l’enfant mineure et s’est rendue au domicile de ses parents (...) Depuis le 9 septembre[2007], le plaignant n’a vu ni la défenderesse ni sa fille (...)
Sans avoir préalablement informé la défenderesse ni obtenu le consentement de celle-ci, le plaignant a unilatéralement modifié les billets d’avion pour les deux parties et l’enfant mineure, fixant la date de retour aux Etats-Unis (...) au 27 septembre [2007] Le plaignant avait le passeport de l’enfant mineure.
La défenderesse a appris la nouvelle date de voyage, mais elle ne s’est pas présentée à l’aéroport le 27 septembre [2007]. Le plaignant est retourné seul aux Etats-Unis avec le passeport de l’enfant. La défenderesse est restée seule en Turquie avec l’enfant mineure (...)
12. Depuis son retour aux Etats-Unis, le plaignant a tenté de prendre contact avec l’enfant mineure et la défenderesse, sans succès. De plus, il a, de manière répétée, demandé à voir sa fille par webcam.
(...) 15. A ce jour, le plaignant est en possession du passeport de l’enfant mineure ainsi que du passeport de la défenderesse. La défenderesse a obtenu un passeport de remplacement pour elle-même.
16. Le plaignant a entamé une procédure en vertu de la Convention de La Haye,alléguant que la défenderesse retenait Yasemin de manière illicite.
17. Le représentant de la partie intimée, non présent à l’audience, a déclaré que la partie intimée était désireuse de retourner aux Etats-Unis à condition de ne pas être arrêtée par la [police] fédérale, en raison de la requête du plaignant fondée sur la Convention de La Haye (...)
18. [Le point de savoir] si l’intimée serait ou non arrêtée en cas de retour aux Etats-Unis avec l’enfant mineure n’est pas clair (...)
(....) 20. La défenderesse a présenté une (...) demande reconventionnelle devant la cour du comté de Durham le (...) 7 mars 2008. La défenderesse a admis et accepté que le comté de Durham était le comté/l’Etat de résidence de l’enfant mineure et que cette cour avait compétence (...) pour adopter une ordonnance initiale de garde.
21. Les deux parents ont un rôle actif dans les soins à l’enfant mineure.
22. Pour avoir élevé l’enfant mineure conjointement sur le plan physiqueet légal,le plaignant est une personne digne et capable, et cela est dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
23. Etant donné l’âge de l’enfant et le stade de son développement, il est capital pour son bien-être qu’elle aitaccès àet soit en relation avec ses deux parents.
24. Il n’est pas dans l’intérêt supérieur de l’enfant mineure que la défenderesse la retienne en Turquie et/ou que des échanges significatifs entre le père-plaignant et l’enfant soient empêchés.
(...) C’est pourquoi la cour, se fondant sur l’établissement des faits (...) [conclut] :
1. La cour est compétenteen ce qui concerne les parties et l’objet du litige. En particulier, cette cour a compétence pour prendre une décision initiale sur la question de la garde de l’enfant (...)
3. Le plaignant et la défenderesse sont tous deux capables et dignes d’exercerconjointement la garde légale et physique partagée de l’enfant mineure.
4. Il est de l’intérêt supérieur de l’enfant d’être sous la garde physique partagée et légale conjointe des parties et d’avoir accès, de manière significative, physiquement (...), à ses deux parents.
C’est pourquoi (...) il est ordonné, déclaré et jugé ce qui suit :
1. Le plaignant et la défenderesse se voient attribuer la garde légale conjointe de l’enfant mineure Yasemin, née le 9 février 2006.
2. Lorsque l’enfant mineure retournera aux Etats-Unis, le plaignant et la défenderesse devront en partager la garde physique. Si les parties ne parviennent pas à un accord sur un calendrier de garde physique, l’enfant sera avec chacun de ses parents par alternance de deux jours jusqu’à nouvel ordre de la cour (...)
6. Tant que l’enfant mineure reste en Turquie avec la mère-défenderesse, le plaignant doit pouvoir, au minimum, voir sa fille tous les jours par voie électronique, avec une webcam, à sept heures du matin, heure des Etats-Unis (...)
(...) 8. Ceci est une ordonnance de garde temporaire (...) »
25. Le 1er avril 2009, cette même cour releva que l’intimée refusait de respecter le droit de visite via webcam du requérant et prononça en conséquence un jugement d’outrage à la cour. Elle porta en outre le droit de visite du requérant via webcam à deux fois par jour et précisa que les deux parents devaient communiquer tous les jours pour discuter des conditions d’exercice de ce droit.
26. Le 30 avril 2009, cette cour se prononça également sur la demande d’attribution de la garde permanente de l’enfant introduite par le requérant. Elle constata que les époux avaient divorcé le 18 décembre 2008 et que la défenderesse ne s’était pas présentée à l’audience, mais qu’elle y avait été représentée,et que la garde temporaire de l’enfant était en place depuis onze mois. Elle conclut à ce que l’ordonnance de garde temporaire adoptée le 8 mai 2008 devienne une ordonnance de garde permanente.
II. LE DROIT NATIONAL ET INTERNATIONAL PERTINENT
27. La loi no 5717 relative au sens et au champ d’application juridiques de l’enlèvement international d’enfant du 22 novembre 2007, entrée en vigueur le 4 décembre 2007, définit les principes et la procédure à suivre aux fins de permettre l’application des dispositions de la Convention de La Haye.
28. Les dispositions pertinentes de la Convention de La Haye sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfant du 25 octobre 1980 (ratifiée par la Turquie et les Etats-Unis) sont énoncées notamment dans l’affaire Maumousseau et Washington c. France (no 39388/05, § 43, 6 décembre 2007).
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
29. Le requérant se plaint d’un défaut d’équité de la procédure qui tiendrait au non-respect par les juridictions internes des dispositions de la Convention de La Haye, à l’absence de motivation de l’arrêt de la Cour de cassation et à la contrariétédes décisions des juridictions internes à la jurisprudence établie de la Cour de cassation pour ce type de litige.
Il soutient également que le retour de l’enfant est une mesure contraignante en vertu de l’article 12 de la Convention de La Haye et demande ce retour.
Il invoque l’article 6 de la Convention, lequel dispose :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
30. La Cour rappelle que, maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause, elle ne se considère pas comme liée par celle que leur attribuent les requérants ou les gouvernements. En vertu du principe jura novit curia, elle a, par exemple, examiné d’office des griefs sous l’angle d’un article ou paragraphe que n’avaient pas invoqué les parties. Un grief se caractérise en effet par les faits qu’il dénonce et non par les simples moyens ou arguments de droit invoqués (voir, mutatis mutandis, Guerra et autres c. Italie, 19 février 1998, § 44,Recueil des arrêts et décisions 1998‑I, et Berktay c. Turquie, no 22493/93, § 167, 1er mars 2001).
31. La Cour rappelle en outre que la différence entre l’objectif visé par les garanties offertes respectivement parles articles 6 § 1 et 8 peut, selon les circonstances, justifier l’examen d’une même série de faits sous l’angle de l’un et l’autre article (Bianchi c. Suisse, no 7548/04, § 113, 22juin 2006).
32. En l’espèce, elle observe que le requérant a entrepris une série de démarches administratives et judiciaires visant au retour de sa fille aux Etats-Unis et conteste pour l’essentiel le bien-fondé de la décision des juridictions nationales qui ontrefusé de prononcer ce retour.A cet égard, elle rappelle que les griefs concernant des litiges touchant aux liens personnels entre parents et enfants relèvent du domaine de la « vie familiale » au sens de l’article 8 de la Convention (voir, parmi beaucoup d’autres, Maire c. Portugal,no 48206/99, § 68, CEDH 2003‑VII).
33. Rappelant en outreque l’article 8 exige que le processus décisionnel débouchant sur des mesures d’ingérence soit équitable et que l’Etat prenne les mesures propres à réunir le parent et l’enfant concernés (notamment Zavřel c. République tchèque, no 14044/05, § 32, 18janvier 2007,etKaroussiotis c. Portugal, no 23205/08, § 55, 1erfévrier 2011), la Cour estime opportun, dans les circonstances de l’espèce, d’examiner les griefs du requérantsous l’angle de l’article 8 de la Convention, etconsidère qu’il n’est pas nécessaire d’examiner séparément si une violation de l’article 6 de la Convention est également en cause (pour une approche similaire, voir,notamment, Amanalachioai c. Roumanie, no 4023/04, § 63, 26 mai 2009, Raban c.Roumanie, no 25437/08, § 23, 26 octobre 2010, etBergmann c. République tchèque, no 8857/08, § 39, 27 octobre 2011).
L’article 8 de la Convention dispose notamment ce qui suit :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...)
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) à la protection des droits et libertés d’autrui. »
A. Sur la recevabilité
34. Le Gouvernement soutient que le requérant a omis d’épuiser les voies de recours internes dans la mesure où l’intéressé n’aurait pas soulevé ses griefs devant les juridictions internes.
35. Le requérant combat cet argument.
36. La Cour rappelle que le grief dont on entend la saisir doit d’abord avoir été soulevé au moins en substance, dans les formes et délais prescrits par le droit interne, devant les juridictions nationales appropriées (voir, entre autres, Cardot c. France, 19 mars 1991, § 34, série A no 200). En l’espèce, elle observe que le requérant a saisi les instances compétentes afin de demander le retour de sa fille auprès de lui, s’appuyant pour ce faire sur les dispositions de la Convention de La Haye. De même, il a pris part à la procédure diligentée par le procureur de la République en qualité de plaignant (paragraphes 10, 17, 20et 22 ci-dessus). En outre, il a, à l’appui de son recours en rectification, souligné la contrariété de la solution juridique adoptée dans son casà la jurisprudence de la Cour de cassation pour ce type de litige (paragraphe 22 ci-dessus).
37. Partant, la Cour estime que le requérant a bien saisi les juridictions internes des allégations qu’il a portées devant la Cour. Il s’ensuit que l’exception préliminaire du Gouvernement doit être rejetée.
38. La Cour constate que le grief du requérant n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
1. Arguments des parties
39. Le Gouvernement soutient que, étant donné son âge – vingt‑cinq mois – au moment des faits, la fille du requérant avait besoin davantage de l’affection et de l’attentionmaternelles que paternelles, circonstance qui aurait étéétablie par le tribunal de la famille. Il indique que c’est en tenant compte de l’intérêt supérieur et des besoins de l’enfantque les juridictions internes ont rejeté la demande du requérant et qu’elles ont adopté,à la lumière des principes définis dans la Convention de La Haye, la décision de son non-retour aux Etats-Unis.
40. Le Gouvernement précise en outre que les juridictions internes n’ont pas conclu que l’enfant a été enlevée par sa mère et qu’elle serait restée avec elle à l’insu de son père. Il ajoute qu’il ressort des éléments du dossier que le requérant a laissé son épouse et son enfant en Turquie et qu’il est rentréseul aux Etats-Unis.Il indique enfin quele tribunal de la famille d’İzmir a considéré que les relations personnelles du requérant avec sa fille n’étaient pas entravées.
41. Le Gouvernement souligne par ailleurs que le requérant a été représenté par un avocat de son choix durant toute la procédure et qu’il a eu la possibilité de présenter ses moyens et justifications à l’appui de sa demande. Il aurait ainsi été en mesure de répondre à toutes les allégations formulées par son épouse. Quant aux juridictions, ellesauraient examiné les faits et les moyens de preuve présentés par les parties. Elles auraient appliqué les règles de droit en tenant compte de la particularité de l’affaire et des faits propres à celle-ci. Par conséquent, il n’y aurait pas de divergence entre, d’une part, laposition de la Cour de cassation et les décisions des juridictions internes en l’espèce et, d’autre part, la jurisprudence établie de la Cour de cassation pour ce type de litige.
42. Le requérant soutient que sa fille a été retenue illégalement, contre la volonté paternelle, loin de sa résidence habituelle, dans des circonstances qui s’analysentselon lui en une rétention d’enfantau sens des articles 3, 4 et 5 de la Convention de La Haye. A cet égard, il précise que, avant le déplacement de l’enfant, il détenait un droit de garde sur elleen vertu du droit des Etats-Unis, où se trouvait sa résidence habituelle. Il soutient que son retour aux Etats-Unis sans sa fille relevait non pas d’un choix, mais d’un impératif commandé par le fait qu’il y vivait et y travaillait.Il ajoute qu’en tout état de cause cette circonstance ne change enrien l’existence de la rétention illégale d’enfant qu’il dénonce en se référant à la Convention de La Haye.
43. Le requérant soutient également que la mère de l’enfant a elle-même reconnu que la résidence habituelle de l’enfant était aux Etats-Unis et que les juridictions de ce pays avait compétence pour connaître de toutes les questions relativesà l’autorité parentale sur l’enfant.
44. Ilaffirmeen outre que l’article 13 de la Convention de La Haye a clairement identifié les conditions dans lesquelles le retour d’un enfant à sa résidence habituelle pouvait être refusé. Il ajoute que la décision des juridictions internes ne satisfait aucunement aux conditions énoncées à l’article 13 b) de cetteconvention, dès lors qu’aucun des risques énoncés dans ce texte n’existerait en l’espèce. A cet égard, il allègue que, aux termesselon lui de la Convention de La Haye, l’âge de l’enfant n’est pas un critère à prendre en compte pour déterminer sa résidence habituelle. Il renvoie à cet égard à des décisions de la Cour de cassation qui préciseraient que l’âge de l’enfant ne pouvait être un motif pour refuser son retour en vertu de la loi no 5717. Aux dires du requérant, le critère utilisé pour décider du retour de l’enfant à sa résidence habituelle a subi une dérive manifeste, ce que feraient apparaître les précédents de la Cour de cassation.
45. A l’appui de ses dires, le requérant a notamment soumis deuxarrêts de la Cour de cassation en date du 23 novembre 2006 (E. 2006/18756, K. 2006/16305)et du 31 octobre 2006 (E. 2006/17797, K 2006/14567)dans lesquels la Cour de cassation aurait reconnu que le besoin d’affection maternelle d’un enfant en bas âge ne pouvait, au regard de la Convention de La Haye, constituer un motif d’empêchement à son retour à son lieu de résidence habituelle. De même, il a soumis un arrêt de la Cour de cassation du 15 juin 2010 (E. 2010/124, K. 2010/11846), dans lequel la Cour de cassation rappela notamment qu’une décision de retour d’un enfant n’était pas tributaire de l’existence d’un jugement sur l’autorité parentale ou un droit de visite.
46. Enfin, le requérant conteste les dires du Gouvernement, selon lesquels le jugement du tribunal de la famille ne serait pas un obstacle à ses relations avec sa fille.Il précise à cet égard qu’il doit se rendre en Turquie chaque fois qu’il souhaite voir son enfant, que le calendrier des visites est limité et que, en dehors des dates prévues, ses visites sont soumisesau bon vouloir de la mère.
2. Appréciation de la Cour
47. A titre liminaire, la Cour estime utile de préciser que son examen sur le terrain de l’article 8 de la Convention se limitera aux seuls manquements dont elle se trouve saisie, à savoir ceux qui concernent la procédure judiciaire relative à la détermination par les juridictions nationales du retour ou non-retour de la fille du requérant aux Etats-Unis.
48. La Cour note ensuite qu’il n’est pas contesté que le lien entre le requérant et sa fille mineure relève de la vie familiale au sens de l’article 8 de la Convention, lequel est donc applicable en l’espèce. Reste dès lors à déterminer si les circonstances dénoncées par le requérant révèlent un manquement à cette disposition.
49. A cet égard, la Coursouligne avoir déjà eu l’occasion de se prononcer sur les obligations positives que l’article 8 de la Convention fait peser sur les Etats contractants en matière de réunion d’un parent à ses enfants. Elle a ainsi déclaré à de nombreuses reprises que l’article 8 impliquait le droit d’un parent à des mesures propres à le réunir à son enfant et l’obligation pour les autorités nationales de prendre celles-ci (voir, par exemple, Ignaccolo-Zenide c. Roumanie, no 31679/96, § 94, CEDH 2000-I).Toutefois, l’obligation pour les autorités nationales de prendre des mesures à cet effet n’est pas absolue. La nature et l’étendue de celles-ci dépendent des circonstances de chaque espèce (Ignaccolo-Zenide, précité, §94).
50. La Cour rappelle en outreque, lorsque la Convention de La Haye est invoquée pour fonder le retour d’un enfant, celle-ci ne s’applique pas de manière automatique ou mécanique ;elle en veut pour preuve la reconnaissance par cet instrument de plusieurs exceptions à l’obligation de retour assumée par les Etats membres, qui reposent sur des considérations objectives relatives à la personne même de l’enfant et à son environnement, ce qui montre qu’il incombe à la juridiction saisie d’adopter une approche in concreto de l’affaire (Maumousseau et Washington c. France, no 39388/05, § 72, 6 décembre 2007).
51. La Cour rappelle de surcroît que c’est au premier chef aux autorités nationales, notamment aux cours et tribunaux, qu’il appartient d’interpréter la législation interne. Il en va de même lorsque le droit interne renvoie à des règles de droit international ou à des accords internationaux. Le rôle de la Cour se limite à vérifier leur applicabilité et la compatibilité avec la Convention de l’interprétation qui en est faite (Waite et Kennedy c. Allemagne [GC], no 26083/94, § 54, CEDH 1999‑I et Neulinger et Shuruk c. Suisse [GC], no 41615/07, § 133, CEDH 2010).
52. Dans ce domaine, le point décisif consiste à savoir si le juste équilibre devant exister entre les intérêts concurrents en jeu – ceux de l’enfant, ceux des deux parents et ceux de l’ordre public – a été ménagé, dans les limites de la marge d’appréciation dont jouissent les Etats en la matière (Maumousseau et Washington, précité, § 62), l’intérêt supérieur de l’enfant devanttoutefois constituer la considération déterminante (Neulinger et Shuruk,précité,§ 134). Cela étant, l’intérêt des parents, notamment à bénéficier d’un contact régulier avec l’enfant, reste un facteur dans la balance des différents intérêts en jeu (ibidem, § 134).
53. La Cour réitère aussi que l’intérêt de l’enfant doit s’apprécier au cas par cas et que cettetâcherevient en premier lieu aux autorités nationales, lesquelles bénéficientsouvent de rapports directs avec les intéressés. Elle doit toutefois s’assurer que le processus décisionnel ayant conduit les juridictions nationales à prendre la mesure litigieuse a été équitable et qu’il a permis aux intéressés de faire valoir pleinement leurs droits (ibidem,§ 139). Pour ce faire, elle doit vérifier si les juridictions nationales se sont livrées à un examen approfondi de l’ensemble de la situation familiale et de toute une série d’éléments, d’ordre factuel, affectif, psychologique, matériel et médical notamment, et si elles ont procédé à une appréciation équilibrée et raisonnable des intérêts de chacun, avec le souci constant de déterminer quelle était la meilleure solution pour l’enfant enlevé dans le cadre d’une demande de retour dans son pays d’origine(Maumousseau et Washington,précité, § 74, etNeulinger et Shuruk,précité,§ 139).
54. En l’espèce, la Cour souligne d’embléequ’elle n’a pas pour tâche de se substituer aux autorités nationalespour prononcer un éventuel retour de Yasemin Nur aux Etats-Unis, sur le fondement de la Convention de La Haye, comme le lui demande l’intéressé (paragraphe 29 ci-dessus). De même, elle n’a pas pour tâche de se substituer aux autorités compétentes dans l’examen de la question de savoir si le non-retour de Yasemin Nur aux Etats-Unis était ou non illicite au sens de la Convention de La Haye (Karoussiotis,précité, § 87).Comme elle l’a déjà rappelé (paragraphe 51 ci‑dessus), lorsque le droit interne renvoie à des règles du droit international général ou à des accords internationaux, son rôle se limite à vérifier leur applicabilité et la compatibilité à la Convention de l’interprétation qui en faite. En revanche, la Cour est compétente pour contrôler la procédure suivie devant les tribunaux internes,et rechercher si les raisons censées justifier les mesures effectivement adoptées quant à la jouissance par le requérant de son droit au respect de sa vie familiale sont pertinentes et suffisantes au regard de l’article 8 (Bianchi,précité, § 77).
55. La Cour observe que dans les circonstances de l’espèce, les juridictions nationales ont statué au terme d’une procédure au cours de laquelle le requérant était représenté par un avocat, a pu présenter ses arguments et ses moyens de preuve et contester ceux soumis par la partie adverse. Cela étant, elle relève que le requérant met en cause les critères pris en compte par ces juridictions pour fonder leur décision, soutenant qu’ils seraient contraires aux principes énoncés dans la Convention de La Haye et à la position adoptée par la Cour de cassation dans des affaires similaires.
56. A cet égard, la Cour souligne que le tribunal de la famille d’İzmir a statué en tenant compte de l’intérêt de l’enfant et qu’il a jugéque c’était dans l’intérêt de l’enfantde rester avec sa mère.Ce tribunal a en outreestimé que la domiciliation de la fille du requérant en Turquie était possibleau regard du droit turc, lequel ne ferait aucunement obligation à la mère de l’enfant de vivre avec sa fille aux Etats-Unis (paragraphe 18 ci-dessus).
57. En dépit de l’affirmation du Gouvernement selon laquelle la décision de rejet de la demande de retour de l’enfant a été adoptée par les juridictions internes en application des principes définis dans la Convention de La Haye, la Cour observe, à la lecture des décisions de ces juridictions, queles seuls critères qui apparaissent avoir pesé en l’espèce sont ceux de l’âge de l’enfant et de son besoind’attention et d’affection maternelles en découlant (paragraphe 18 ci-dessus).
58. En effet, alors même que le procureur de la République, agissant sur saisine du ministère de la Justice èsqualité d’autorité centrale aux fins de la Convention de La Haye, avait estimé que les circonstances de l’espèce relevaient du champ d’application de la Convention de La Haye (paragraphe 15 ci-dessus) et que la décision du tribunal de la famille d’İzmir était contraire aux principes définis dans cette convention (paragraphe 19 ci‑dessus), il ne ressort pour autant aucunement des décisions litigieuses queces juridictions auraient statuéou examiné les circonstances de l’affaire à la lumière des principes posés dans la Convention de La Haye.
59. A cet égard, la Cour rappelle qu’en vertu de l’article 3 de cette convention le non-retour d’un enfant est considéré comme illicite lorsqu’il a lieu en violation d’un droit de garde, attribué à une personne, seul ou conjointement, par le droit de l’Etat dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle et, exercé de façon effective. Or, elle relève que rien dans la motivation du tribunal de la famille d’İzmir n’indique que cette juridiction ait recherché si le requérant était ou non titulaire d’un droit de garde au sens de l’article 3 de la Convention de La Haye.
60. Cette juridiction n’apparaît pas non plus s’être prononcée sur la licéité du non-retour litigieux de l’enfant aux Etats-Unis au regard de cette convention – question dont elle se trouvait pourtant saisie –,etce alors même qu’il n’apparaissait pas contesté qu’il s’agissait du lieu de résidence habituelle de l’enfant (paragraphe 24 ci-dessus). Il en est de même de la Cour de cassation qui, dans le cadre du pourvoi en cassation, a, dans une motivation succincte, limité son appréciation au constat de l’absence d’erreur dans l’examen des preuves (paragraphe 21 ci-dessus).
61. En outre, la Cour observe que, en considérant que le non-retour de l’enfant n’était pas de nature à entraver les relations personnelles de celle-ci avec son père, le tribunal de la famille d’İzmir n’a pas suffisamment pris en compte le fait que la présence de Yasemin Nur en Turquie rendait de factoillusoire le maintien de ces relations personnelles. A cet égard, s’il ne fait pas de doute que son très jeuneâge était un critère à prendre en compte dans ce type de litige pour déterminer l’intérêt de l’enfant (Raban, précité, § 38), il ne saurait être considéré à lui seul comme un motif suffisant, au regard des exigences de la Convention de La Haye,pour justifier le rejet de la demande du requérant.
62. Au vu de tout ce qui précède et des pièces du dossier, la Cour estime que,dans les circonstances de l’espèce,les juridictions nationales ne se sont pas livrées à un examen approfondi de l’ensemble de la situation familiale en cause et que le processus décisionnel en droit interne n’a pas satisfait aux exigences procédurales inhérentes àl’article 8 de la Convention. Ce constat suffit pour que la Cour conclueà la violation en l’espèce de cet article.
II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
63. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
64. Le requérant réclame50 000 euros (EUR) pour préjudice moral.
65. Le Gouvernement conteste cette prétention.
66. La Cour considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant12 500 EUR pour dommage moral.
B. Frais et dépens
67. Le requérantsolliciteégalement 4 000 EUR pour les frais et dépens engagésdans la procédure devant la Cour. Il soumet à titre de justificatif une note d’honoraire relative à la procédure devant les juridictions américaines.
68. Le Gouvernement conteste cette demande.
69. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu de l’absence de documents étayant cette prétention et des critères susmentionnés, la Cour rejette la demande du requérant relative aux frais et dépens.
C. Intérêts moratoires
70. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Ditqu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention ;
3. Ditqu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief tiré de l’article 6 de la Convention ;
4. Dit
a) que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois moisà compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, la somme de 12 500 EUR (douze mille cinq cents euros) pour préjudice moral, à convertir en livres turques au taux applicable à la date du règlement, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 3 mai 2012, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Stanley
Naismith Françoise
Tulkens
Greffier Présidente