BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?
No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!
[Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback] | ||
European Court of Human Rights |
||
You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> S.C. RAISA M. SHIPPING. S.R.L. v. ROMANIA - 37576/05 - HEJUD (French text) [2013] ECHR 11 (08 January 2013) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/11.html Cite as: [2013] ECHR 11 |
[New search] [Contents list] [Printable RTF version] [Help]
TROISIÈME SECTION
AFFAIRE S.C. RAISA M. SHIPPING S.R.L. c. ROUMANIE
(Requête no 37576/05)
ARRÊT
STRASBOURG
8 janvier 2013
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire S.C. Raisa M. Shipping S.R.L. c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Josep Casadevall, président,
Alvina Gyulumyan,
Ján Šikuta,
Luis López Guerra,
Nona Tsotsoria,
Kristina Pardalos,
Johannes Silvis, juges,
et de Santiago Quesada, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 4 décembre 2012,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
Le 9 mars 2000, la Chambre arbitrale se déclara incompétente pour trancher ledit litige. La sentence arbitrale fut confirmée par un jugement du 15 mars 2001 du tribunal de première instance de Tulcea, par une décision du 18 septembre 2001 de la cour d’appel de Galaţi et par un arrêt de la Cour de cassation de 2003.
Le 14 décembre 2000, la Chambre arbitrale maritime de Galaţi jugea que la société requérante devait s’acquitter de la totalité des taxes fluviales dues par les navires dont elle était l’agent, car elle ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d’une réduction de 50 % de ces taxes.
Dès lors, elle obligea la société requérante à payer à l’Administration fluviale 68 777,57 USD au titre de taxes fluviales, 3 921,36 lei nouveaux (RON) au titre de pénalités de retard, ainsi que 28 592 624 lei anciens (ROL) de frais.
Par un jugement du 6 septembre 2001, la cour d’appel de Galaţi annula la sentence arbitrale du 14 décembre 2000 de la Chambre arbitrale, au motif que la Chambre arbitrale n’était pas compétente pour trancher le litige né entre l’Administration fluviale de Galaţi et la société requérante au sujet du montant des taxes de navigation litigieuses. En effet, ni le nom des arbitres ni la procédure de leur désignation n’avaient été déterminés avant la saisine de la Chambre arbitrale, alors que le code de procédure civile l’exigeait aux fins de reconnaissance de la compétence d’un tribunal arbitral. Sur le fond, la cour d’appel constata que la société requérante avait saisi les juridictions de droit commun avant que la Chambre arbitrale fût saisie, et que des décisions judiciaires avaient déjà été rendues dans le litige porté devant la Chambre arbitrale et étaient même passées en force de chose jugée avant le prononcé de la sentence arbitrale.
Elle forma un pourvoi en annulation pour cause d’irrégularité d’assignation devant la Cour de cassation et se plaignit d’avoir été privée de son droit à se défendre. La société requérante fit valoir qu’elle n’avait pas eu connaissance de l’audience qui s’était tenue le 27 mai 2003, car elle n’avait jamais reçu la citation qui lui avait été notifiée par voie d’affichage le 17 avril 2003. Elle souligna, en outre, qu’ainsi qu’il ressortait de la copie de l’acte de citation se trouvant dans le dossier du tribunal, l’adresse du siège social figurant sur la citation était incomplète. En effet, le bâtiment en question comportait plusieurs entrées, chacune identifiée par une lettre, et son siège social se trouvait à l’entrée « A » ; or, la citation ne donnait aucune indication destinée à identifier l’entrée à laquelle la citation avait été apposée.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
Article 86
« (1) Les demandes et tous les actes de procédure sont notifiés d’office par l’intermédiaire des agents procéduraux du tribunal ou de tout autre salarié du tribunal (...).
(3) Lorsqu’il n’est pas possible de procéder à une notification selon l’alinéa 1er, la notification est faite par lettre recommandée avec accusé de réception ou par tout autre moyen susceptible d’assurer la transmission du texte de l’acte et la confirmation de sa réception. »
Article 92
« (1) La citation à comparaître sera remise en mains propres à la personne citée à comparaître, qui signera un accusé de réception, l’agent procédural en charge de la remise en mains propres attestant de l’identité et de la signature de la personne concernée.
(...)
(3) Si la personne citée à comparaître ne se trouve pas à son domicile (...), l’agent remettra la citation (...) à un membre de la famille ou, en l’absence, à toute autre personne qui habite avec l’intéressé ou qui reçoit son courrier habituellement (...) ; la personne à qui la citation est remise signera un accusé de réception, l’agent procédural attestant de l’identité de celle-ci et de sa signature et dressant à ce sujet un procès-verbal.
(4) Si les personnes indiquées dans l’alinéa précédent ne le souhaitent pas ou ne peuvent pas signer l’accusé de réception, l’agent en dressera un procès-verbal et leur remettra la citation en mains propres ; ci ceux-ci ne souhaitent pas recevoir la citation ou sont absents, l’agent affichera la citation soit sur la porte du logement de la personne citée à comparaître, soit, en l’absence d’indication du numéro de son appartement, sur la porte principale du bâtiment et dressera un procès-verbal à ce sujet.
(...)
(6) Les dispositions du présent article sont applicables également pour la communication ou la notification de tout acte de procédure. »
Article 317
« Les jugements devenus définitifs peuvent être attaqués par le biais d’une contestation en annulation, pour les motifs suivants, dans le seul cas où ces motifs n’ont pu être invoqués en appel ou en recours :
1. lorsque la procédure de convocation à l’audience n’a pas été accomplie selon les exigences légales ;
(...)
La contestation en annulation peut également être accueillie si lesdites raisons ont été invoquées lors de la demande de recours et que le tribunal les a rejetées en motivant le besoin de mener une vérification de la situation de fait ou a rejeté le recours sans examiner son bien-fondé. »
« La contestation [en annulation] peut être faite à tout moment avant le début de l’exécution forcé, ainsi que pendant l’exécution forcée jusqu’à l’expiration du délai fixé à l’article 401 § 1 b) ou c). La contestation en annulation peut être faite à l’encontre des jugements devenus définitifs [irevocabile] non-susceptibles d’exécution par voie d’exécution forcée, et ce dans le délai de 15 jours à partir du jour où la personne qui conteste a eu connaissance du jugement, mais au plus tard dans le délai d’un an à partir de la date à laquelle le jugement est devenu définitif. »
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
A. Sur la recevabilité
Il s’ensuit que la Requête introduite le 11 octobre 2005 n’est pas tardive. Il convient donc de rejeter cette exception.
B. Sur le fond
En l’espèce, les autorités n’ont fait qu’appliquer strictement et d’une manière correcte la loi interne, ce qui est tout à fait compatible avec la Convention et la jurisprudence de la Cour.
De surcroît, selon le Gouvernement, la citation par voie d’affichage était due à la négligence de la société requérante, qui a omis d’informer le tribunal du changement de l’adresse de son siège social.
Elle fait valoir ensuite qu’elle n’a jamais reçu la citation à comparaître à l’audience du 27 mai 2003 devant la Cour de cassation, et que de ce fait, elle n’a pas pu se défendre et faire valoir ses droits dans une procédure déterminante pour ses droits de caractère patrimonial.
Or, la procédure devant la Cour de cassation a abouti à l’annulation d’un jugement qui lui était favorable, à savoir le jugement du 6 septembre 2001 de la cour d’appel de Galaţi.
S’il est vrai qu’il appartient au premier chef aux autorités nationales d’interpréter et d’appliquer les règles de nature procédurale, un formalisme excessif dans leur application peut s’avérer contraire à l’article 6 § 1 de la Convention lorsqu’il est opéré au détriment de l’une des parties (voir, mutatis mutandis, Sovtransavto Holding c. Ukraine, no 48553/99, § 81, CEDH 2002-VII). L’effectivité du droit d’accès demande qu’un individu jouisse d’une possibilité claire et concrète de contester un acte constituant une ingérence dans ses droits (Bellet c. France, arrêt du 4 décembre 1995, série A no 333-B, p. 42, § 36 ; voir également Cañete de Goñi c. Espagne, no 55782/00, § 34, CEDH 2002-VIII).
Enfin, le droit d’action ou de recours doit s’exercer à partir du moment où les intéressés peuvent effectivement connaître les décisions judiciaires qui leur imposent une charge ou pourraient porter atteinte à leurs droits ou intérêts légitimes ; la notification, en tant qu’acte de communication entre l’organe juridictionnel et les parties, sert à faire connaître la décision du tribunal, ainsi que les fondements qui la motivent, le cas échéant pour permettre aux parties de recourir (Miragall Escolano et autres c. Espagne, nos 38366/97, 38688/97, 40777/98, 40843/98, 41015/98, 41400/98, 41446/98, 41484/98, 41487/98 et 41509/98, § 37, CEDH 2000-I, et Díaz Ochoa c. Espagne, no 423/03, § 48, 22 juin 2006).
Parmi les différentes modalités de notification, l’article 92 § 4 du même code régit la notification par voie d’affichage sur la porte du domicile ou siège social, selon le cas, permise en cas d’absence de l’intéressé lors du passage de l’huissier chargé d’effectuer la remise en mains propres.
La Cour de cassation, saisie d’un pourvoi pour atteinte au droit à la défense du fait d’une irrégularité d’assignation, a rejeté ledit pourvoi au seul motif que la notification par voie d’affichage était une modalité de notification prévue par la loi.
Le Gouvernement n’a pas démontré non plus que des démarches dans le même but aient été accomplies par la Cour de cassation à l’occasion de l’examen du pourvoi pour irrégularité d’assignation, cette dernière se contentant à constater que la notification par voie d’affichage avait une base légale en droit interne.
Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 À LA CONVENTION
IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
39. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
1. Dommage matériel
Toutefois, elle rappelle sa jurisprudence bien établie selon laquelle un arrêt constatant une violation entraîne pour l’État défendeur l’obligation juridique au regard de la Convention de mettre un terme à la violation et d’en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci.
Si la nature de la violation permet une restitutio in integrum, il incombe à l’État défendeur de la réaliser. Si, en revanche, le droit national ne permet pas ou ne permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences de la violation, l’article 41 habilite la Cour à accorder, s’il y a lieu, à la partie lésée la satisfaction qui lui semble appropriée (Piersack c. Belgique (article 50), arrêt du 26 octobre 1984, série A no 85, p. 16, § 12, et Brumărescu c. Roumanie (satisfaction équitable) [GC], no 28342/95, § 21, CEDH 2001-I).
2. Dommage moral
B. Frais et dépens
En l’espèce, compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour alloue la somme de 500 EUR au titre des frais et dépens encourus devant la Cour de cassation.
C. Intérêts moratoires
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
1. Déclare, à l’unanimité, la Requête recevable ;
2. Dit, par six voix contre une, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
3. Dit, à l’unanimité, qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief tiré de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention ;
4. Dit, par six voix contre une,
a) que l’État défendeur doit verser à la société requérante, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement :
i) 4 500 EUR (quatre mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;
ii) 500 EUR (cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par la société requérante, pour frais et dépens ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 8 janvier 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Santiago
Quesada Josep
Casadevall
Greffier Président
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée de la juge Pardalos.
J.C.M.
S.Q.
OPINION DISSIDENTE DE LA JUGE PARDALOS
A mon grand regret, je ne puis me rallier à la conclusion de la majorité, car à mon sens il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
A mon avis, la notification de la citation à comparaître à l’audience du 27 mai 2003 a été effectuée selon les dispositions prévues par la loi.
La majorité de la chambre justifie son constat de violation par le fait que les juridictions nationales ont fait preuve d’un formalisme incompatible avec la lettre et l’esprit de l’article 6 § 1 (paragraphe 35 de l’arrêt) et par le fait qu’elles n’ont pas été suffisamment diligentes s’agissant de s’assurer de la transmission de la citation à comparaître et de sa réception par la requérante (paragraphe 34 de l’arrêt).
A mon sens, une excessive flexibilité, au contraire, entraîne le risque de se transformer, en pratique, en une obligation excessive à la charge des autorités judiciaires, et ce au détriment du principe de la bonne administration de la justice. Dans ces conditions, j’estime qu’on laisse aussi aux parties la possibilité, éventuellement, de profiter de la procédure pour en abuser ou se livrer à des spéculations.
Si l’on analyse les faits de la présente requête, la société requérante a eu la possibilité de contester la décision du 27 mai 2003 ; elle a formé un pourvoi en annulation pour cause d’irrégularité de l’assignation devant la Cour de Cassation, dans laquelle elle se plaignit d’avoir été privée de son droit à se défendre. La Cour de Cassation, dans sa décision, a rejeté le pourvoi formé par la société requérante au motif que la notification avait été faite conformément à la loi, et qu’elle était régulière. A mon avis, la Cour de Cassation a dûment motivé sa décision (paragraphe 16 de l’arrêt), pas seulement en constatant que la notification ad domi avait une base légale, mais également en observant qu’elle contenait toutes les formalités prévues par la loi, c’est-à-dire le nom et le numéro de la rue ainsi que le numéro de l’appartement. En outre, la société requérante n’allègue pas une mauvaise interprétation de la loi mais se plaint en substance du résultat de la procédure.
Considérant les faits de la présente requête, notamment la motivation donnée par la Cour de Cassation dans sa décision du 26 janvier 2005, j’estime que dans la présente affaire il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1.