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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> TRIANTAFYLLOU v. GREECE - 26021/10 - Committee Judgment (French Text) [2013] ECHR 1141 (14 November 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/1141.html
Cite as: [2013] ECHR 1141

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    PREMIÈRE SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE TRIANTAFYLLOU c. GRÈCE

     

    (Requête no 26021/10)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

     

    STRASBOURG

     


  1. novembre 2013
  2.  

     

    Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Triantafyllou c. Grèce,

    La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un Comité composé de :

    Elisabeth Steiner, présidente,
    Linos-Alexandre Sicilianos,
    Ksenija Turković, juges,
    et de André Wampach, greffier adjoint de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 22 octobre 2013,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE


  3. .  A l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 26021/10) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant de cet Etat, M. Dimitrios Triantafyllou (« le requérant »), a saisi la Cour le 26 avril 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  4. .  Le requérant a été représenté par Mes V. Chirdaris et E. Michou, avocats au barreau d’Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par les délégués de son agent, M. D. Kalogiros, auditeur auprès du Conseil Juridique de l’Etat et Mme K. Paraskevopoulou, assesseure auprès du Conseil Juridique de l’Etat.

  5. .  Le 8 décembre 2011, la Requête a été communiquée au Gouvernement.
  6. EN FAIT

    LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE


  7.   Le requérant est né en 1940 et réside à Glyfada.

  8. Par décision no 4158/1561 du 9 août 1985, l’Etat grec procéda à l’expropriation de biens fonciers d’une superficie totale de 6 200 m2 au profit de l’Organisme des bâtiments scolaires. Le terrain du requérant faisait partie des propriétés expropriées.

  9. Par décision no 2421/1987, la cour d’appel d’Athènes fixa le prix unitaire définitif d’indemnisation au mètre carré. Une indemnisation fut versée à la Caisse des dépôts et consignations au profit du requérant. A une date non précisée, le requérant s’est vu payer cette somme.
  10. 7. Le 10 septembre 2004, le requérant demanda à l’administration de procéder à la révocation de l’expropriation, en affirmant que les travaux n’avaient pas progressé et qu’une partie de la superficie expropriée restait inexploitée.

    8. Face au silence de l’administration, équivalent selon le droit interne à un refus de faire droit à sa demande, le requérant saisit, le 28 décembre 2004, le Conseil d’Etat.


  11. Le 6 avril 2009, le Conseil d’Etat rejeta son recours, au motif que le but d’intérêt public que poursuivait l’expropriation n’avait pas été abandonné, puisque les bâtiments scolaires avaient déjà été construits et qu’à partir de septembre 2004, ils logeaient des écoles. Quant à la partie prétendument inexploitée du terrain, le Conseil d’Etat nota qu’elle servirait de cour extérieure aux écoles (arrêt no 1243/2009). Cet arrêt fut mis au net et certifié conforme le 26 novembre 2009.
  12. EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION


  13.   Le requérant allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
  14. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »


  15. Le Gouvernement n’a pas soumis d’observations.
  16. A.  Sur la recevabilité


  17.   La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève en outre qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
  18. B.  Sur le fond

    1.  Période à prendre en considération


  19.   La période à considérer a débuté le 28 décembre 2004 avec la saisine du Conseil d’Etat par le requérant et s’est terminée le 26 novembre 2009, date à laquelle l’arrêt no 1243/2009 fut mis au net et certifié conforme. Elle a donc duré plus de quatre ans et onze mois pour un degré de juridiction.
  20. 2.  Caractère raisonnable de la procédure


  21.   La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Vassilios Athanasiou et autres c. Grèce, no 50973/08, 21 décembre 2010).

  22.   La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Vassilios Athanasiou et autres, précité).

  23.  Elle note que l’affaire ne présentait aucune complexité. Qui plus est, la Cour ne relève aucun élément de nature à mettre en cause la responsabilité du requérant dans l’allongement de la procédure. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, elle considère qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse a été excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

  24. Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.
  25. II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION


  26.   Le requérant se plaint également du fait qu’en Grèce il n’existe aucun recours effectif pour se plaindre de la durée excessive de la procédure. Il invoque l’article 13 de la Convention, ainsi libellé :
  27. « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

    A.  Sur la recevabilité


  28.   La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
  29. B.  Sur le fond


  30.   La Cour rappelle que l’article 13 garantit un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre d’une méconnaissance de l’obligation, imposée par l’article 6 § 1, d’entendre les causes dans un délai raisonnable (voir Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 156, CEDH 2000-XI).

  31.   Par ailleurs, la Cour a déjà eu l’occasion de constater que l’ordre juridique hellénique n’offrait pas aux intéressés un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention leur permettant de se plaindre de la durée d’une procédure (voir, parmi beaucoup d’autres, Vassilios Athanasiou et autres, précité, §§ 33-35).

  32. La Cour note que le 12 mars 2012 a été publiée la loi no 4055/2012 portant sur l’équité et la durée raisonnable de la procédure judiciaire, qui est entrée en vigueur le 2 avril 2012. En vertu des articles 53 suiv. de la loi précitée, un nouveau recours a été établi permettant aux intéressés de se plaindre de la durée de chaque instance d’une procédure administrative dans un délai de six mois à partir de la date de publication de la décision y relative. Cependant, la Cour observe que cette loi n’a pas d’effet rétroactif. Par conséquent, elle ne prévoit pas un tel recours pour les affaires déjà terminées six mois avant son entrée en vigueur.

  33.  En l’espèce, l’arrêt no 1243/2009 du Conseil d’Etat a été publié le 6 avril 2009, à savoir plus de six mois avant l’entrée en vigueur de la loi n4055/2012. Dès lors, la Cour estime qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention en raison, à l’époque des faits, de l’absence en droit interne d’un recours qui aurait permis au requérant d’obtenir la sanction de son droit à voir sa cause entendue dans un délai raisonnable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.
  34. III.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 DE LA CONVENTION


  35. Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, le requérant se plaint d’une atteinte à son droit au respect de ses biens en alléguant qu’il a été privé de son bien pour une longue période avant que l’ouvrage poursuivi par la procédure d’expropriation ait été réalisé.

  36.   Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession et de sa jurisprudence en la matière (voir Papadopoulou et autres c. Grèce, no 53901/00, 14 mars 2002 et Bitsinas c. Grèce (déc.), no 33076/02, 23 novembre 2004), la Cour, dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles. En particulier, la Cour note que, comme le Conseil d’Etat l’a considéré, l’expropriation en cause poursuivait un but légitime d’ « intérêt public » et que le but de l’expropriation n’avait pas été abandonné.

  37.   Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
  38. IV.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    27.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    28.  Le requérant réclame 30 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi.

    29.  Le Gouvernement invite la Cour à écarter la demande. Il affirme en outre qu’un constat de violation constituerait en soi une satisfaction équitable suffisante et qu’en tout cas, si la Cour considère qu’il faut accorder une satisfaction pécuniaire, celle-ci doit être inférieure à 2 000 EUR.

    30.  La Cour estime qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 3 200 EUR au titre du préjudice moral subi, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt.

    B.  Frais et dépens

    31. Le requérant demande également 1 230 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour. Il produit une facture signée par son avocat, sur laquelle figure la somme réclamée.

    32.  Le Gouvernement conteste ces prétentions.

    33.  Selon la jurisprudence constante de la Cour, l’allocation de frais et dépens au titre de l’article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI).

    34. En l’espèce, compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour juge raisonnable d’allouer au requérant 500 EUR à ce titre, plus tout montant pouvant être dû par lui à titre d’impôt.

    C.  Intérêts moratoires

    35.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la Requête recevable quant aux griefs tirés de la durée excessive de la procédure et de l’absence de recours interne effectif à cet égard et irrecevable pour le surplus ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

     

    3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention ;

     

    4.  Dit

    a)  que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, les sommes suivantes :

    i)  3 200 EUR (trois mille deux cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

    ii)  500 EUR (cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par lui, pour frais et dépens ;

    b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 14 novembre 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    André Wampach Elisabeth Steiner
    Greffier adjoint
    Présidente


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