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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> KANAKIS v. GREECE (No. 2) - 40146/11 - Chamber Judgment (French Text) [2013] ECHR 1279 (12 December 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/1279.html
Cite as: [2013] ECHR 1279

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PREMIÈRE SECTION

 

 

 

 

 

 

 

AFFAIRE KANAKIS c. GRÈCE (No 2)

 

(Requête no 40146/11)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ARRÊT

 

 

STRASBOURG

 

12 décembre 2013

 

 

 

 

 

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Kanakis c. Grèce (no 2),

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Isabelle Berro-Lefèvre, présidente,
Elisabeth Steiner,
Khanlar Hajiyev,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Julia Laffranque,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Erik Møse, juges,
et de
André Wampach, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 19 novembre 2013,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1.  A l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 40146/11) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant de cet Etat, M. Vassilios Kanakis (« le requérant »), a saisi la Cour le 10 juin 2011 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le requérant est représenté par Me M. Lambrou, avocate à Larissa. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») est représenté par les délégués de son agent, Mme F. Dedousi, assesseure auprès du Conseil juridique de l’Etat, et MM. D. Kalogiros et I. Bakopoulos, auditeurs auprès du Conseil juridique de l’Etat.

3.  Le requérant alléguait une violation de l’article 3 de la Convention, en raison de ses conditions de détention dans les prisons de Korydallos, Patras, Corfou et Larissa.

4.  Le 23 février 2012, la Requête a été communiquée au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5.  Le requérant est né en 1952. Il est actuellement incarcéré à la prison de Larissa.

A.  La procédure contre le requérant et sa condamnation

6.  Le 28 février 2001, le requérant fut arrêté par des agents du Corps de poursuite des crimes financiers (Σώμα Δίωξης Οικονομικού Εγκλήματος, SDOE), soupçonné d’avoir organisé, avec un autre individu, un trafic international de stupéfiants.

7.  Le 29 avril 2002, la cour d’assises d’Athènes déclara le requérant coupable de trafic de stupéfiants, d’usage de faux et de protection d’un criminel et le condamna à la réclusion à perpétuité et à 294 000 euros d’amende (décision no 1244/2002). Le requérant interjeta appel de cette décision.

8.  Le 6 octobre 2006, la cour d’appel d’Athènes confirma la peine infligée en première instance (arrêt no 2327/2006).

9.  Le 22 mars 2007, le requérant se pourvut en cassation. Le 11 décembre 2007, la Cour de cassation cassa l’arrêt attaqué pour défaut de motivation et renvoya l’affaire devant une nouvelle formation de la cour d’appel (arrêt no 2234/2007). L’audience, initialement fixée au 20 juin 2008, eut lieu le 19 décembre 2008.

10.  Le 22 décembre 2008, la cour d’appel d’Athènes déclara le requérant coupable de trafic de stupéfiants et le condamna à la réclusion à perpétuité et à 250 000 euros d’amende (arrêt no 3327/2008). Elle proclama aussi la déchéance à vie de ses droits politiques.

11.  Par un arrêt du 16 avril 2009 (Kanakis c. Grèce, no 16634/07), la Cour a constaté une violation de l’article 6 § 1 de la Convention en raison du dépassement d’un « délai raisonnable » dans la procédure en question.

B.  La détention du requérant

12.  A compter du 28 février 2001, le requérant fut détenu dans quatre prisons différentes.

1.  La détention à la prison de Korydallos

13.  Le requérant y fut détenu du 28 février 2001 au 30 juillet 2002, soit pendant 17 mois.

a)  Version du requérant

14.  Le requérant affirme qu’il était placé dans une cellule de 9 m² avec trois autres détenus. Il allègue que le WC n’était pas séparé de la cellule et que le robinet n’avait pas d’eau chaude. La cellule n’avait jamais été entretenue : en particulier, elle ne fut jamais repeinte ni désinfectée et les vitres cassées n’étaient pas remplacées. Il n’y avait pas de tabourets pour s’asseoir, ni de draps ou de couvertures pour les lits et les matelas existants étaient crasseux. Les cellules étaient humides, car le système d’évacuation des eaux était vétuste, et non chauffées. La lumière artificielle était insuffisante. Des ventilateurs pour l’été furent autorisés seulement à partir de 2006.

15.  Certains détenus, dont lui-même, durent partager leur cellule avec des toxicomanes dont certains avaient des maladies contagieuses, telles l’hépatite B ou le virus HIV. Le requérant allègue également qu’il devint, contre sa volonté, un fumeur passif, car plusieurs détenus fumaient à longueur de journée.

16.  Les cellules n’avaient pas de système d’alarme pour avertir les gardiens en cas d’urgence, de sorte que trois détenus avaient été brûlés vifs dans leur cellule. La prison ne disposait pas d’un psychiatre, ni d’un psychologue ou de travailleurs sociaux.

b)  Version du Gouvernement

17.  Le Gouvernement affirme qu’à l’époque à laquelle le requérant fut détenu dans cette prison, le nombre des détenus variait entre 2 000 et 2 200 personnes. Chaque cellule (d’une superficie de 9,5 m²) accueillait deux, trois et parfois quatre détenus et chaque chambrée (d’une capacité de douze personnes) entre seize et vingt détenus. La superficie qui correspondait à chaque détenu variait donc entre 2,5 m² et 4,5 m². Le requérant était détenu dans une cellule, mais il n’est pas possible de préciser, dix ans plus tard, dans laquelle exactement.

18.  Chaque cellule disposait d’un WC qui fermait par un paravent. Les cellules avaient un éclairage naturel et artificiel suffisant et des radiateurs fonctionnant tous les jours pendant l’hiver. Pendant l’été, les détenus ayant des problèmes de santé pouvaient demander qu’on leur fournisse des ventilateurs. Les détenus non-fumeurs avaient aussi la possibilité de demander à être placés dans des cellules avec des non-fumeurs.

19.  Toutes les ailes de la prison disposaient de salles de douche avec de l’eau chaude à certaines heures de la journée. Le ménage dans les cellules était assuré par les détenus sous le contrôle des surveillants.

20.  La prison disposait d’un dispensaire (« Aghios Pavlos ») où travaillaient de manière permanente un dentiste et deux infirmiers. Des dizaines des médecins de toutes spécialités offraient leurs services au dispensaire. Des contrôles sanitaires préventifs avaient lieu chaque fois que des détenus le demandaient et de manière sélective lorsqu’il n’y avait pas de demande. Des transferts dans les hôpitaux publics étaient effectués pour les cas qui ne pouvaient être traités au dispensaire.

21.  Le requérant fut détenu au dispensaire de la prison du 12 au 18 juin 2001 pour une crise hémorroïdaire et un traitement pharmaceutique lui fut administré pendant quinze jours.

22.  Chaque aile de la prison disposait d’une grande cour comportant des espaces pour la marche et le sport (terrain de football ou de basket). Les détenus y avaient accès tous les jours, matin et après-midi, pendant au moins quatre heures.

23.  La nourriture était en quantité suffisante et de bonne qualité, suivant les principes de la cuisine méditerranéenne.

24.  Il était possible aux détenus de demander à travailler au sein de la prison, mais il ne ressort pas des archives que le requérant eût formulé une telle demande.

25.  Lorsque le requérant fut admis à la prison de Korydallos, et jusqu’au 10 janvier 2002, il n’avait pas le droit de bénéficier d’une autorisation de sortie, car il avait le statut de prévenu. Par la suite et jusqu’à son transfert à la prison de Patras, la raison des refus était qu’il n’avait pas atteint la durée de détention nécessaire pour bénéficier d’une telle autorisation.

2.  La détention à la prison de Patras

26.  Le requérant y fut détenu du 30 juillet 2002 au 8 mai 2006, soit pendant 45 mois.

a)  Version du requérant

27.  Le requérant affirme avoir été placé dans une chambrée de 25 m² avec neuf autres détenus. Il allègue que le seul robinet (sans eau chaude) et l’unique WC dans la chambrée ne suffisaient pas pour les besoins des dix détenus. La prison ne fournissait ni draps ni couvertures pour les lits, ni tabourets, ni produits d’entretien, et les matelas existants étaient crasseux. Il n’y avait pas de chauffage, ni de lumière artificielle suffisante et il régnait une odeur nauséabonde en raison de la proximité d’une industrie d’engrais chimiques.

28.  Comme à Korydallos, les cellules ne disposaient pas d’un système d’alarme, les détenus partageaient leurs cellules avec des toxicomanes porteurs de maladies contagieuses et ceux qui étaient non-fumeurs souffraient de tabagisme passif.

29.  Les conditions d’hygiène étaient déplorables, les détenus jetant, après le déjeuner ou le dîner, les restes de nourriture par les fenêtres dans la cour de la prison, où ils restaient jusqu’à ce qu’il soit procédé au nettoyage. Cette situation favorisait la présence de rats et de toutes sortes d’insectes, en particulier de cafards.

30.  Les visites étaient pénibles en raison de l’existence d’une vitre opaque qui rendait difficile la communication, et courtes en raison du grand nombre de détenus. De même, les visites dites « libres » ne dépassaient pas dix minutes et se déroulaient en présence d’un gardien.

31.  L’eau du robinet n’était pas potable et le requérant prétend qu’il devait acheter de l’eau en bouteille avec ses propres deniers.

32.  Le 8 mai 2006, il fut transféré à la prison de Corfou, de manière inopinée, et selon lui, à titre punitif, car il présentait souvent des doléances pour tenter d’améliorer les conditions de détention dans cette prison.

b)  Version du Gouvernement

33.  Le Gouvernement affirme que les détenus étaient répartis dans des cellules (de 7 m²) ou des chambrées (de 25 m² et ayant chacune une douche et un WC), suffisamment éclairées et aérées par deux grandes fenêtres donnant sur la cour de la prison.

34.  Dans chaque chambrée, il y avait une table et des chaises ou des tabourets. Au moment de leur admission, tous les détenus recevaient un matelas, des couvertures, un oreiller et des draps.

35.  Dans chaque aile, il y a des salles de douches qui ont de l’eau chaude entre 15 heures et 17 h 30. Le chauffage central fonctionne tous les jours, du 15 novembre au 15 mars, de 6 h 30 à 8 h 30 et de 20 h 30 à 22 heures. Si la température chute en dessous de 10o C, les horaires sont réajustés. La prison est connectée au réseau public d’alimentation d’eau.

36.  Lors de sa détention, le requérant ne bénéficia d’aucune autorisation de sortie.

37.  La prison dispose d’un dispensaire où travaillent un médecin généraliste permanent, deux médecins généralistes visiteurs, un dentiste, deux infirmiers professionnels et cinq agents pénitentiaires faisant fonction d’infirmiers. Au moment de l’admission, chaque détenu est soumis à un examen médical dont le résultat est noté sur son livret de santé.

38.  Les menus des détenus sont élaborés par le conseil de la prison en collaboration avec le médecin, notamment pour ceux des détenus qui ont besoin d’une alimentation adaptée. Des menus spéciaux sont préparés pour les détenus de certaines confessions religieuses.

39.  En ce qui concerne l’hygiène, dans chaque couloir et dans chaque chambrée il existe des poubelles où les détenus peuvent jeter leurs détritus, notamment après les repas. Les poubelles sont vidées deux fois par jour. Toutefois, il arrive que des détenus jettent leurs détritus par la fenêtre dans la cour. La propreté des lieux, intérieurs et extérieurs, est assurée par les détenus eux-mêmes, deux fois par jour tous les jours. Les détritus jetés par la fenêtre sont nettoyés dans un délai de cinq heures au maximum.

40.  Pendant sa détention, le requérant travailla à la maintenance du bâtiment de la prison 306 jours en 2003, 300 en 2004, 360 en 2005 et 100 en 2006.

41.  Le contrôle sanitaire effectué au requérant lors de son admission à la prison démontra qu’il souffrait d’anémie. Un traitement lui fut prescrit. Le 18 septembre 2003, le requérant fit l’objet d’un contrôle psychiatrique qui démontra qu’il était en bonne santé. Le 24 avril 2003, il fut transféré à l’hôpital « Aghios Andreas » de Patras, où il fit l’objet d’examens du sang et des urines et d’un examen radiologique. Le 28 avril 2006, il fut transféré dans le même hôpital pour une nouvelle prise de sang.

3.  La détention à la prison de Corfou

42.  Le requérant y fut détenu du 11 mai 2006 au 9 juillet 2009, soit pendant 37 mois.

a)  Version du requérant

43.  Le requérant affirme avoir été placé dans une cellule de 9 m² avec deux autres détenus. Il allègue que le WC n’était pas séparé de la cellule et que celle-ci n’était pourvue que de deux lits, de sorte que le troisième détenu dormait par terre sur le sol en béton. Le crépi était tombé par terre en raison de la vétusté.

44.  Le requérant décrit une situation similaire à celle des autres prisons, évoquant le tabagisme passif, la cohabitation avec des toxicomanes, le manque de psychiatres ou de psychologues, le manque de linge pour le lit et de produits d’hygiène et d’entretien, le manque d’entretien du bâtiment, le manque d’eau chaude et d’eau potable, mais aussi le fait que la fourniture d’eau ne durait que deux heures par jour.

45.  Le 30 octobre 2006, le père du requérant décéda. Le requérant demanda aux autorités de la prison de l’autoriser à assister à son enterrement, mais sa demande fut rejetée sans explication.

46.  Les 10 mars et 10 juin 2009, le conseil de la prison rejeta deux demandes de congé présentées par le requérant.

b)  Version du Gouvernement

47.  Le Gouvernement affirme que cette prison accueille des détenus condamnés à des peines d’emprisonnement supérieures à cinq ans. Les détenus sont placés dans dix ailes, sous forme de rayons, ayant chacune deux étages. Les cellules sont individuelles et d’une superficie de 5,44 m² (de 8 m² avec le WC). La capacité de chaque rayon est en principe de 15 personnes. Les cellules sont munies d’une douche individuelle et d’un radiateur, et sont naturellement ventilées. Chaque rayon dispose d’une cour de 60 m² sauf le rayon A dont la cour est de 70 m².

48.  Le dispensaire de la prison comptait, à l’époque des faits, un médecin généraliste, un médecin stagiaire et deux aides-soignants.

49.  Pendant sa détention, le requérant travailla du 16 juin 2006 au 9 juillet 2009 : comme aide-cuisinier du 16 juin 2006 au 3 juillet 2007, comme agent de maintenance du 2 août 2007 au 6 février 2008 et comme magasinier du 7 février 2008 au 9 juillet 2009. Le programme quotidien du requérant comportait les heures de travail de 7 h 30 à 12 h 30 et des activités libres de 15 heures jusqu’au coucher le soir.

50.  Le requérant était placé dans le rayon A, dans une cellule individuelle de 5,44 m² (avec un WC de 2,56 m²). Toutefois, pendant cette période, en raison des travaux effectués dans d’autres rayons de la prison, il partageait occasionnellement sa cellule avec un autre détenu.

4.  La détention à la prison de Larissa

51.  Le requérant y est détenu depuis le 10 juillet 2009.

a)  Version du requérant

52.  Le requérant affirme avoir été placé d’abord dans une chambrée de 25 m² avec neuf autres détenus, puis dans une cellule dont il ne précise pas les dimensions. Il prétend que la chambrée n’a jamais été ni peinte ni désinfectée, ce qui avait favorisé la prolifération de poux, cafards et moustiques. La prison ne disposait pas d’eau chaude malgré l’installation de panneaux solaires. Le requérant dénonce, en outre, les mauvaises conditions d’hygiène, l’humidité et les odeurs en raison des détritus jetés par les fenêtres, le manque de lumière artificielle suffisante, la cohabitation avec des toxicomanes porteurs de maladies contagieuses (prétendument au nombre de huit sur dix occupants dans la cellule du requérant), le tabagisme passif, le manque d’un système d’alerte pour prévenir les gardiens, ainsi que l’impossibilité de voter aux élections des 7 juin et 4 octobre 2009.

53.  Le requérant allègue, en outre, qu’il n’a subi aucun examen médical dans cette prison, ni d’ailleurs dans celles de Korydallos et de Corfou.

b)  Version du Gouvernement

54.  Le Gouvernement affirme que cette prison accueille des détenus condamnés à des peines de réclusion. A la date de l’introduction de la présente Requête, le nombre total des détenus s’y élevait à 803.

55.  Les détenus séjournent dans des chambrées de 25 m² avec salle d’eau et toilette, ou dans des cellules de 7 m² avec WC. Il y a de l’eau chaude tous les jours, à certaines heures. Les chambrées et les cellules sont suffisamment éclairées et aérées, car les fenêtres sont grandes. Les cours extérieures sont grandes aussi et les détenus peuvent courir et jouer au football ou au basket.

56.  La prison dispose d’un dispensaire et d’un cabinet dentaire, où travaillent un médecin généraliste et un dentiste permanents, ainsi que sept aides-soignants. Les détenus souffrant de problèmes cardiaques, pulmonaires ou autres sont examinés par des spécialistes. Les prises de sang ont lieu à l’hôpital universitaire de Larissa. Pour l’année 2011, 5 695 détenus furent admis au dispensaire de la prison et 1 429 furent transférés à l’hôpital de Larissa.

57.  Le requérant fut initialement placé dans une chambrée de 23,25 m² avec sept autres détenus. La chambrée était munie d’une salle d’eau avec robinet, WC et douche. Depuis le 15 mars 2011, il est placé, avec un autre détenu, dans une cellule individuelle de 9,7 m². Le Gouvernement fournit à cet égard les décisions du conseil de la prison affectant différents détenus, dont le requérant, aux différentes chambrées et cellules de la prison. La décision no 322/2011 précise que le requérant a été déplacé le 15 mars 2011 vers une cellule de l’aile A de la prison pour des « raisons de conditions de vie ». Dans une lettre du 11 décembre 2012 adressée au Conseil juridique de l’Etat, le directeur de la prison de Larissa admet que lors de son incarcération dans la chambrée de la prison, et en raison de la surpopulation, il y avait des périodes pendant lesquelles le requérant partageait la chambrée avec un nombre de détenus supérieur à sept, quoique ne dépassant jamais neuf.

58.  En 2009, le requérant suivit des cours à « l’école de la seconde chance » (quatre heures par jour), et il termina ses études en 2011. Une période de 2 340 jours de travail fut comptabilisée de manière favorable sur la durée de sa peine en raison de ces cours. Le requérant ne demanda jamais à travailler à l’intérieur de la prison.

59.  Le requérant fut soumis à un examen médical lors de son admission à la prison ; aucun problème de santé ne fut diagnostiqué. Le 10 juillet 2010, il se rendit au dispensaire et un régime alimentaire adapté aux personnes souffrant d’ulcères lui fut recommandé, mais il ne le suivit pas. Invité à se soumettre à une prise de sang, il ne se rendit pas au rendez-vous. Depuis lors, il ne demande aucune aide pour des problèmes de santé.

60.  Le requérant ne pouvait pas voter aux élections d’octobre 2009, puisque la cour d’appel d’Athènes l’avait déchu à vie de ses droits politiques.

61.  Depuis le 18 janvier 2012, le requérant bénéficie d’une autorisation de sortie tous les deux mois.

II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT ET LES TEXTES INTERNATIONAUX

A.  Le droit interne

62.  L’article 572 du code de procédure pénale dispose :

« 1.  Le procureur près le tribunal correctionnel du lieu où la peine est purgée exerce les compétences prévues par le code [de procédure pénale] concernant le traitement des détenus et contrôle l’exécution des peines et l’application des mesures de sécurité, conformément aux dispositions du présent code, du code pénal et des lois y afférentes.

2.  En vue d’exercer les fonctions susmentionnées, le procureur près le tribunal correctionnel visite la prison au moins une fois par semaine. Lors de ces visites, il rencontre les détenus qui ont préalablement demandé à être entendus. »

63.  Les dispositions pertinentes en l’espèce du code pénitentiaire (loi no 2776/1999) se lisent ainsi :

Article 6

Protection légale des détenus

« 1.  Les détenus ont le droit de s’adresser par écrit et à des intervalles raisonnables au conseil de la prison, en cas d’actes ou d’ordres illégaux pris à leur encontre et si les dispositions du présent code ne prévoient pas d’autre recours. Dans les quinze jours suivant la notification d’une décision de rejet ou un mois après le dépôt de la demande, si l’administration a omis de prendre une décision, les détenus ont le droit de saisir le tribunal de l’exécution des peines compétent. Si le tribunal fait droit au recours, il ordonne les mesures susceptibles de pallier l’acte ou l’ordre illégal (...) »

Article 21

Lieux de séjour des détenus

« 1.  Chaque maison d’arrêt (...) est divisée en plusieurs secteurs, sans possibilité de communication entre les détenus qui y sont placés. Ces secteurs peuvent inclure des cellules et, de manière exceptionnelle, des chambrées, de préférence d’une capacité maximum de six personnes.

2.  Les cellules individuelles ont une capacité d’au moins 35 mètres cube et sont équipés d’un lit, d’une table, d’une chaise et d’une armoire. Le placement dans la cellule d’un deuxième détenu est permis exceptionnellement pour une période limité ou en permanence, si la capacité de la cellule est d’au moins 40 mètres cube. Le séjour d’un détenu dans une cellule individuelle constitue un droit qui peut être respecté si des besoins propres au détenu l’imposent et les installations de la prison le permettent.

(...)

4.  Les chambrées doivent être d’une superficie d’au moins 6 mètres carrés pour chaque détenu et être équipés de lits, d’armoires et de tables d’une surface suffisante ainsi que d’un nombre suffisant de chaises.

5.  Les cellules individuelles et les chambrées ont leurs propres installations de chauffage et d’hygiène (lavabos, toilettes). Chaque installation sanitaire doit servir au maximum à trois détenus. L’existence d’une douche dans les cellules et les chambrées n’est pas nécessaire s’il y a un nombre suffisant d’installations communes, avec eau froide et chaude, pour l’hygiène individuelle et la propreté de chaque détenu.

(...) »

Article 25

Hygiène et propreté

« 1. La direction assure les conditions d’hygiène et de propreté dans la prison, maintien le bon fonctionnement de toutes les installations et procure les moyens pour l’hygiène individuelle et la propreté des détenus.

(...) »

Article 26

Contrôle sanitaire

« 1.  Le contrôle sanitaire des établissements de détention est réalisé par le contrôleur sanitaire du ministère de la Justice (...) avec la participation d’un représentant de l’ordre des médecins local.

2.  Le contrôle est fait régulièrement pendant les dix premiers jours de chaque trimestre (...) et exceptionnellement, lorsque cela est jugé nécessaire par le magistrat compétent ou le contrôleur sanitaire du ministère de la Justice (...) »

Article 36

Exercice physique et sport

« 1.  Afin de préserver la santé physique et psychique des détenus, il est prévu de consacrer au moins une heure par jour à marcher ou à faire de l’exercice dans la cour de la prison ou dans un espace ouvert mais protégé des changements climatiques.

2.  Pour l’exercice physique des détenus, des espaces intérieurs (salles de sport) ou extérieurs (terrains de sport) sont créés, aménagés et équipés pour l’exercice individuel ou collectif.

(...) »

Article 37

Information

« 1.  Chaque détenu a le droit d’être informé par de journaux, de magazines et des émissions radiophoniques ou télévisées. Le conseil de la prison détermine les modalités d’exercice de ce droit, comme le lieu, le moment et la procédure y relative.

(...) »

64.  Il ressort de la jurisprudence que tant la demande devant le conseil de la prison que l’appel devant le tribunal de l’exécution des peines peuvent porter sur les conditions d’incarcération dans l’établissement pénitentiaire, telles que, à titre d’exemple, la superficie de la cellule, le caractère adéquat des systèmes d’aération et de chauffage, et les modalités de communication de l’intéressé avec des tierces personnes (voir, parmi d’autres, les décisions nos 2075/2002 et 175/2003 de la chambre d’accusation du tribunal correctionnel du Pirée).

65.  Les dispositions pertinentes en l’espèce de l’arrêté ministériel no 58819/2003, du 7 avril 2003, se lisent ainsi :

Article 6

« 1.  Le contrôle de légalité sur l’exécution des peines privatives de liberté (...) est exercé par le procureur-superviseur compétent.

2.  Ce contrôle comprend (...) b)  la garantie d’un juste traitement et de la protection judiciaire pour l’ensemble des détenus et c)  l’information des autorités judiciaires et administratives compétentes sur le contenu des auditions ou des rapports de détenus ou de membres du personnel pénitentiaire qui font apparaître des indices que des actes répréhensibles ou des infractions disciplinaires ont été commis par ceux-ci. »

Article 7

« 1.  Dans le cadre de la supervision, le procureur collabore avec le directeur et les chefs hiérarchiques des différents secteurs de l’établissement pénitentiaire et fait des recommandations sur des questions qui concernent l’exécution des peines.

2.  Le procureur-superviseur ou son adjoint exercent des compétences juridictionnelles, disciplinaires et de contrôle.

En particulier, le procureur :

1.  Veille à l’application des dispositions en vigueur concernant le traitement des détenus ainsi que de celles du code pénal et des lois spéciales relatives à l’exécution des peines et à l’application des mesures de sûreté. (...)

9.  Entend les détenus, leurs proches et les avocats des premiers, à leur demande. (...)

10.  Examine les questions de protection juridictionnelle des détenus en indiquant aux intéressés les démarches à suivre, et fait suivre aux autorités compétentes les demandes d’aide juridictionnelle des détenus (...) »

Article 25

« Afin d’assurer le bon fonctionnement de l’établissement pénitentiaire, les jours et heures d’audition des détenus sont fixés comme suit :

a.  Le procureur-superviseur auditionne des détenus pendant au moins deux heures une fois par semaine afin de garantir leur traitement équitable et leur protection judiciaire.

b.  Le directeur auditionne les détenus, si besoin, pour toutes questions relevant de sa compétence. »

Article 32

« En sus des droits mentionnés à l’article précédent, l’exercice par les détenus de leurs droits est facilité par l’adoption de mesures qui visent à réduire les effets négatifs de l’exécution des peines privatives de liberté. En particulier les détenus peuvent :

(...) 3.  se procurer auprès de la direction de la maison pénitentiaire tout produit nécessaire à leur hygiène et à leur propreté personnelle ainsi que les vêtements nécessaires. »

Article 37 § 10

« Le directeur de l’établissement pénitentiaire prend les mesures nécessaires pour réduire les conséquences négatives résultant de l’exécution des peines et des mesures privatives de liberté. »

66.  L’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil se lit comme suit :

Article 105

« L’Etat est tenu de réparer le dommage causé par les actes illégaux ou omissions de ses organes lors de l’exercice de la puissance publique, sauf si l’acte ou l’omission a eu lieu en méconnaissance d’une disposition destinée à servir l’intérêt public. La personne fautive est solidairement responsable avec l’Etat, sous réserve des dispositions spéciales sur la responsabilité des ministres. »

67.  Par deux arrêts no 2893/2008 et 1215/2010, le Conseil d’Etat a admis qu’une personne détenue pour dette envers un tiers, en violation de l’article 1050 § 2 du code de procédure civile, dans la même cellule avec des personnes qui avaient déjà été condamnées pour des infractions pénales, avait subi un dommage moral et avait, en application des articles 105 de la loi d’accompagnement du code civil et 57 du code civil, droit à une indemnité. La déclaration de la nullité de la détention et la mise en liberté de l’intéressé ne constituait pas un motif de disparition du dommage moral que celui-ci avait déjà subi pendant sa détention. Le manque de lieux de détention propices à la détention des personnes condamnées pour dettes envers de tiers ne suffisait pas pour justifier l’effacement ou la limitation de la responsabilité de l’Etat. Pour déterminer le montant de l’indemnité, il fallait tenir compte des conditions de détention. Toutefois, l’appréciation des conditions de détention ne pouvait pas conduire à exclure tout préjudice moral, car celui-ci était causé par la seule privation illégale de la liberté de l’intéressé, indépendamment de toute question de conditions de détention. Dans ces arrêts, le Conseil d’Etat a admis que les intéressés dans ces affaires étaient, du fait de leur détention avec des personnes condamnées pour infractions pénales, exposés à des invectives, insultes, atteintes à leur intégrité physique, violences qui dans de tels lieux de détention étaient dirigés surtout contre ceux qui n’étaient pas de criminels.

68.  L’article 59 du code pénal prévoit :

« 1. La condamnation (...) à une peine de réclusion à perpétuité entraîne d’office la privation permanente des droits politiques du condamné. »

B.  Les constats du Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT)

1.  Les constats du CPT concernant la prison de Korydallos dans son rapport du 22 novembre 2002

69.  Lors de sa visite en Grèce du 23 septembre au 5 octobre 2001, le CPT s’est rendu dans la prison de Korydallos. Dans son rapport du 22 novembre 2002, il rappelait, se référant aussi à ses rapports établis lors des visites précédentes, que la plus grande partie des cellules de cette prison mesuraient 9,5 m² ; certaines mesuraient 8,5 m² et il existait aussi des chambrées de 100 m². Ils étaient bien ventilés et éclairés, tant par la lumière naturelle que par la lumière artificielle. Des efforts avaient été faits afin d’améliorer les conditions de détention. Des paravents étaient placés pour isoler les cabinets de toilette, les ailes A et D de la prison étaient rénovées et le niveau d’hygiène avait été considérablement amélioré. Toutefois, des signes d’usure recommençaient à se manifester et des problèmes de fuite du système d’égouts de l’aile D étaient visibles. Une amélioration notable était aussi visible en ce qui concernait le linge de lit : la plupart des détenus avaient reçu des matelas propres et des couvertures.

70.  Le plus grand défaut concernant les conditions matérielles était toujours le surpeuplement. Même s’il arrivait qu’une cellule ne soit partagée que par deux détenus, dans la plupart des cas il y en avait trois voire quatre par cellule. Dans certaines cellules mesurant 9,5 m², le nombre d’occupants s’élevait à cinq et parfois à six (par exemple dans l’aile C). Certaines chambrées mesurant 36,5 m² accueillaient seize prisonniers, notamment des étrangers en attente d’expulsion.

71.  Le CPT recommandait qu’il n’y ait pas plus de trois détenus dans une cellule de 9,5 m² et que des efforts soient faits pour réduire leur nombre à deux.

2.  Les constats du CPT concernant la prison de Korydallos dans son rapport du 10 janvier 2012

72.  Lors de sa visite en Grèce du 20 au 27 janvier 2011, le CPT s’est rendu de nouveau à la prison de Korydallos. Dans son rapport du 10 janvier 2012, il relevait que la prison accueillait 2 345 détenus, alors que sa capacité officielle n’était que de 700 détenus. Il soulignait qu’en dépit de sa recommandation de réduire l’occupation de chaque cellule individuelle (d’une superficie de 9,5 m²) à deux détenus par cellule, les autorités n’avaient pris aucune mesure à cet effet et les cellules continuaient à accueillir trois, quatre, voire cinq détenus.

73.  Le rapport indiquait aussi qu’en raison des effectifs pénitentiaires insuffisants, le contrôle effectif des secteurs d’hébergement des détenus était pris en charge par les détenus eux-mêmes.

3.  Les constats du CPT concernant la prison de Patras dans son rapport du 17 novembre 2010

74.  Lors de sa visite en Grèce du 17 au 29 septembre 2009, le CPT s’est rendu pour la première fois dans la prison de Patras. Dans son rapport du 17 novembre 2010, le CPT constatait que la prison était située dans une zone industrielle de la ville et avait été construite en 1974. Elle était composée de trois ailes principales (A, B et C) de trois étages chacune et d’une plus petite pour les détenus qui travaillaient. A l’époque de la visite, la prison, d’une capacité de 380 personnes, en accueillait 709.

75.  Les ailes principales comportaient des chambrées de 22,5 m² qui accueillaient jusqu’à dix détenus. En dépit du surpeuplement, la ventilation et l’éclairage naturel et artificiel étaient satisfaisants. Chaque chambrée avait une annexe avec un cabinet de toilette, un évier (utilisé aussi pour faire la vaisselle) et une douche (avec de l’eau froide). Il y avait aussi des douches communes au rez-de-chaussée de chaque aile.

76.  Plusieurs détenus se plaignaient du manque d’espace personnel, en particulier du fait que la plupart d’entre eux purgeaient de longues peines, et des mauvaises conditions d’hygiène, dues notamment au manque de produits d’entretien.

77.  Les conditions de détention dans les quatre chambrées de l’aile D, qui accueillait au total soixante détenus, étaient acceptables, quoique chaque détenu disposât de moins de 3 m².

78.  La prison avait un médecin à plein temps et deux autres s’y rendaient pour des consultations deux fois par semaine. Elle avait aussi une infirmière qualifiée assistée de quatre gardiens ayant une certaine expérience des soins infirmiers. Le poste du psychiatre était vacant.

4.  La déclaration publique relative à la Grèce faite par le CPT le 15 mars 2011, au sujet des établissements pénitentiaires :

79.  Les extraits pertinents de cette déclaration se lisent ainsi :

« 8.  Le CPT n’a eu de cesse de rappeler la nécessité d’apporter des solutions aux insuffisances structurelles de la politique de la Grèce en matière de détention, et a cherché à exercer son rôle préventif en recommandant l’adoption de mesures concrètes visant à garantir que tous les étrangers en situation irrégulière privés de leur liberté sont retenus dans des conditions décentes. Toutefois, le Comité s’est retrouvé confronté à l’inertie des autorités grecques face aux très graves préoccupations qu’il soulevait.

9.  Il en va de même pour la situation dans les établissements pénitentiaires. Le CPT a constaté une détérioration constante des conditions de détention et du traitement des détenus pendant la dernière décennie. Le Comité a identifié un certain nombre de questions structurelles fondamentales qui entravent les tentatives visant à remédier à cette situation. Parmi elles, il convient de citer l’absence de plan stratégique visant à gérer les établissements pénitentiaires, lesquels sont connus pour leur complexité, l’absence d’un système de signalement et de surveillance effectif et la gestion inadaptée du personnel. Le CPT a mis en avant dans ses rapports les mauvaises conditions matérielles, l’absence de régime d’activités approprié et les soins de santé insuffisants. Il a constaté qu’en raison des effectifs en personnel totalement inadaptés, la maîtrise des événements au sein des quartiers de détention de certains établissements pénitentiaires visités avait progressivement été laissée à la merci des groupes de détenus les plus puissants. Toutes ces questions sont aggravées par la forte surpopulation au sein de la plupart des prisons grecques.

10.  Les autorités grecques doivent maintenant reconnaître que le système pénitentiaire tel qu’il fonctionne actuellement n’est pas capable de proposer des conditions de sûreté et de sécurité aux personnes incarcérées. Il est ressorti des discussions avec l’administration pénitentiaire à Athènes que les autorités ne se rendaient pas bien compte de la réalité de la situation prévalant dans les établissements pénitentiaires du pays. »

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

80.  Le requérant se plaint de ses conditions de détention dans quatre prisons dans lesquelles il a été, et est encore détenu, depuis le 28 février 2001. Il allègue une violation de l’article 3 de la Convention qui se lit ainsi :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

A.  Sur la recevabilité

1.  Les conditions de détention

a)  Thèses des parties

81.  En premier lieu, le Gouvernement soutient que les griefs relatifs aux conditions de détention dans les prisons de Korydallos, Patras et Corfou, et qui sont différents de ceux relatifs aux conditions régnant dans la prison de Larissa, sont irrecevables car formulés en dehors du délai de six mois et insusceptibles d’être considérés comme ayant trait à une situation continue.

82.  En deuxième lieu, le Gouvernement prétend que les griefs plus spécifiques concernant l’espace personnel réduit ainsi que le manque de produits d’hygiène, d’éclairage, de chauffage et de cellules réservées aux non-fumeurs doivent être rejetés pour non-épuisement des voies de recours internes. En particulier, le requérant a omis d’introduire une action fondée sur l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil, qui constitue une voie de recours efficace pour faire constater d’éventuelles mauvaises conditions de détention et obtenir des dommages-intérêts pour préjudice matériel et moral. Par ailleurs, le requérant n’a pas fait usage des possibilités offertes par l’article 572 du code de procédure pénale et les dispositions pertinentes du code pénitentiaire ainsi que celles de l’arrêté ministériel no 58819/2003.

83.  En troisième lieu, le Gouvernement affirme que les griefs concernant les soins médicaux, le manque de psychologues, de systèmes de sécurité, de mesures pour empêcher la transmission des maladies contagieuses sont aussi irrecevables car il s’agit d’allégations à caractère général qui ne se rapportent pas à la situation du requérant. Les griefs du requérant ne se rapportent à aucun fait ou allégation spécifique qui démontrerait un danger pour sa santé ou sa sécurité.

84.  Se prévalant de la jurisprudence de la Cour, le requérant explique, de manière générale, que, dans les circonstances de la cause, il a fait tout ce qu’il pouvait raisonnablement faire pour épuiser les voies de recours internes existantes qui lui étaient accessibles et que le recours indemnitaire de l’article 105 précité n’était pas un recours adapté au type de doléances qu’il souhaitait présenter. Quant à la question du respect du délai de six mois, le requérant soutient que l’article 35 § 1 ne saurait être interprété d’une manière qui exigerait qu’un requérant saisisse la Cour de son grief avant que la situation relative à la question en jeu n’ait fait l’objet d’une décision définitive au niveau interne (Varnava et autres c. Turquie [GC], nos 16064/90, 16065/90, 16066/90, 16068/90, 16069/90, 16070/90, 16071/90, 16072/90 et 16073/90, § 157, CEDH).

b)  Appréciation de la Cour

i.  Epuisement des voies de recours internes

85.  La Cour rappelle que le fondement de la règle de l’épuisement des voies de recours internes énoncée dans l’article 35 § 1 de la Convention consiste en ce qu’avant de saisir un tribunal international, le requérant doit avoir donné à l’Etat responsable la faculté de remédier aux violations alléguées par des moyens internes, en utilisant les ressources judiciaires offertes par la législation nationale, pourvu qu’elles se révèlent efficaces et suffisantes (voir, entre autres, Fressoz et Roire c. France [GC], no 29183/95, § 37, CEDH 1999–I). Cette règle se fonde sur l’hypothèse, objet de l’article 13 de la Convention – avec lequel elle présente d’étroites affinités –, que l’ordre interne offre un recours effectif quant à la violation alléguée (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 152, CEDH 2000-XI). L’article 35 § 1 de la Convention ne prescrit l’épuisement que des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Ils doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues ; il incombe à l’Etat défendeur de démontrer que ces exigences se trouvent réunies (voir, parmi beaucoup d’autres, Dalia c. France, 19 février 1998, § 38, Recueil des arrêts et décisions 1998‑I).

86.  Quant à la condition de l’épuisement des voies de recours internes, la Cour souligne qu’en l’espèce le requérant ne se plaint pas uniquement de sa situation personnelle, mais allègue être personnellement affecté par les conditions prévalant dans l’enceinte de la prison (voir, mutatis mutandis, A.A. c. Grèce, no 12186/08, § 47, 22 juillet 2010, et Samaras et autres c. Grèce, no 11463/09, § 48, 28 février 2012). Il s’ensuit que les recours indiqués par le Gouvernement ne sauraient être considérés comme pertinents pour le grief relatif aux désagréments qu’entraîne la surpopulation sur la condition de détenu.

87.  Au sujet du recours prévu par l’article 105 précité, la Cour réitère qu’un recours exclusivement indemnitaire ne saurait être considéré comme suffisant en matière de conditions d’internement ou de détention prétendument contraires à l’article 3, dans la mesure où, par nature, un tel recours n’a pas un effet « préventif » – en ce sens qu’il n’est pas à même d’empêcher la continuation de la violation alléguée ou de permettre aux détenus d’obtenir une amélioration de leurs conditions matérielles de détention (Cenbauer c. Croatie (déc), no73786/01, 5 février 2004 ; Norbert Sikorski c. Pologne, no 17599/05, § 116, 22 octobre 2009 ; Mandić et Jović c. Slovénie, nos 5774/10 et 5985/10, § 116, 20 octobre 2011 ; Parascineti c. Roumanie, no 32060/05, § 38, 13 mars 2012). A cet égard, pour qu’un système de protection des droits des détenus garantis par l’article 3 de la Convention soit effectif, les recours préventifs et indemnitaires doivent coexister de façon complémentaire (Ananyev et autres c. Russie, nos 42525/07 et 60800/08, § 98, 10 janvier 2012).

88.  La Cour note que le code pénitentiaire grec contient des articles qui créent au bénéfice des détenus des droits justiciables. Il en est ainsi par exemple de l’article 21 § 4 qui dispose que les chambrées doivent être d’une superficie d’au moins 6 m² pour chaque détenu. Cet article, parmi d’autres, pourrait être invoqué par des détenus dans une action en dommages-intérêts fondée sur les articles 105 précité et 57 du code civil. Dans des affaires mettant en cause des conditions de détention, comme celles décrites par le requérant en l’espèce, l’exercice d’une telle action serait un préalable essentiel à la saisine de la Cour, du point de vue de l’épuisement des voies de recours internes, par un requérant qui aurait retrouvé sa liberté avant cette saisine. A supposer que les tribunaux suivent la jurisprudence du Conseil d’Etat, esquissée par les arrêts no 2893/2008 et no 1215/2010 (paragraphe 67 ci-dessus) et accordent une indemnité, cela aboutirait au même effet que celui recherché par le requérant qui saisit la Cour : obtenir une indemnité pour le dommage moral allégué. En revanche, pour le requérant qui saisit la Cour alors qu’il est toujours en détention, ce remède ne saurait être considéré comme efficace aux fins de l’épuisement car il lui manque le caractère préventif au sens de la jurisprudence susmentionnée de la Cour.

89.  Force est donc à la Cour de rejeter l’exception du Gouvernement tirée du non-épuisement des voies de recours internes visant les conditions de sa détention dans toutes les quatre prisons.

ii.  Délai de six mois

90.  En outre, la Cour rappelle qu’en vertu de l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie d’une affaire que « dans un délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive ». En l’occurrence, la Cour relève que cette partie du grief du requérant sous l’angle de l’article 3 concerne ses conditions de détention dans les prisons de Korydallos, Patras, Corfou et Larissa.

91.  Le requérant a été détenu dans les trois premières prisons respectivement du 28 février 2001 au 30 juillet 2002, du 30 juillet 2002 au 8 mai 2006 et du 11 mai 2006 au 9 juillet 2009. En ce qui concerne la prison de Korydallos, la Cour note que le CPT, lors de sa visite dans cette prison en 2001, avait relevé la surpopulation existante déjà à cette époque, ce que le Gouvernement ne conteste pas vraiment en admettant qu’il était courant que les cellules soient occupées par deux, trois voire quatre détenus. Dans la prison de Patras, la Cour note que le Gouvernement ne contredit ni les affirmations du requérant selon lesquelles il était placé dans une chambrée de 25 m² avec neuf autres détenus, ni les constats du CPT concernant la surpopulation dans cette prison. En revanche, dans la prison de Corfou, la situation du requérant a notablement changé. Le Gouvernement a fourni une description précise de l’hébergement des détenus dans cette prison. Le requérant y était détenu dans une cellule de 8 m² environ (cellule d’une superficie de 5,44 m² et WC de 2,56 m²). Sur ce point, les calculs du requérant, qui estime la superficie à 9 m², concordent avec ces informations. Si le requérant se plaint d’avoir dû partager cet espace avec deux autres détenus, il ne conteste pas l’allégation du Gouvernement selon laquelle cette situation n’était qu’occasionnelle. D’autre part, du 16 juin 2006, soit un mois après son arrivée, au 9 juillet 2009, date de son transfert à Larissa, il a travaillé au sein de la prison (de 7 h 30 à 12 h 30) et le programme quotidien prévoyait des activités libres de 15 heures jusqu’à l’heure du coucher le soir (paragraphes 49-50 ci-dessus). La situation à Larissa, où le requérant fut ensuite détenu, se distingue clairement de celle à Corfou. En effet, le requérant y disposait, à l’origine, de 3,12 m² selon le Gouvernement et de 2,5 m² selon lui. Il n’y a pas non plus travaillé.

92.  La Cour note que la détention du requérant dans la prison de Corfou a pris fin le 9 juillet 2009 alors que la Requête a été introduite devant elle le 10 juin 2011, soit en dehors du délai de six mois prévu par l’article 35 § 1 de la Convention. La Cour relève qu’il n’existe aucune circonstance particulière lui permettant de considérer que la détention du requérant dans la prison de Corfou et sa détention ultérieure dans la prison de Larissa constituent une « situation continue » justifiant un examen de la totalité de la période de détention dont se plaint le requérant (Novinskiy c. Russie (déc.), no 11982/02, § 96, 6 décembre 2007 ; Maltabar et Maltabar c. Russie, no 6954/02, § 83, 29 janvier 2009 ; Ananyev et autres, § 76, précité, et Mitrokhin c. Russie, no 35648/04, § 38, 24 janvier 2012). A supposer même que les conditions de détention du requérant dans les prisons de Korydallos et de Patras puissent être considérées comme sensiblement similaires à celles prévalant à Larissa, la détention dans la prison de Corfou marque une interruption claire par rapport à la situation carcérale du requérant.

93.  Etant donné qu’il n’existe pas de recours effectif à cet égard, le point de départ du délai de six mois pour se plaindre des conditions de détention dans les prisons de Korydallos, Patras et Corfou est le 9 juillet 2009, date à laquelle il a été transféré à la prison de Larissa. La Cour note par ailleurs que le requérant a été condamné à une peine privative de liberté à perpétuité et était donc incarcéré à la prison de Larissa à la date de l’introduction de sa Requête à la Cour.

94.  Il s’ensuit que cette partie de la Requête, pour autant qu’elle concerne les conditions de détention dans les prisons de Korydallos, Patras et Corfou, doit être rejetée pour non-respect du délai de six mois, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

95.  La Cour constate, en outre, que le grief relatif aux conditions de détention dans la prison de Larissa n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

2.  Le refus d’autoriser le requérant de voter aux élections

96.  Le requérant se plaint aussi du refus qui lui a été opposé, alors qu’il était à la prison de Larissa, de voter aux élections des 7 juin et 4 octobre 2009. La Cour note qu’il soulève ce grief dans le cadre de ses plaintes concernant les conditions de sa détention.

97.  Maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause, la Cour n’est pas liée par celle que leur attribuent les requérants ou les gouvernements. En vertu du principe jura novit curia, elle a par exemple examiné d’office plus d’un grief sous l’angle d’un article ou d’un paragraphe que n’avaient pas invoqué les parties (Şerife Yiğit c. Turquie [GC], no 3976/05, § 52, 2 novembre 2010). Elle estime que ce grief doit être examiné sous l’angle de l’article 3 du Protocole no 1 qui garantit le droit à des élections libres.

98.  A cet égard, la Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle la règle des six mois, prescrite à l’article 35 § 1 de la Convention, a pour objet d’assurer la sécurité juridique et de veiller à ce que les affaires litigieuses au regard de la Convention soient examinées dans un délai raisonnable, ainsi que de protéger les autorités et autres personnes concernées de l’incertitude dans laquelle elles seraient laissées, du fait de l’écoulement prolongé du temps (voir Bulut et Yavuz c. Turquie (déc.), no 73065/01, 28 mai 2002, et Bayram et Yıldırım c. Turquie (déc.), no 38587/97, CEDH 2002‑III). La Cour rappelle aussi que, s’il n’existe pas de recours, ou si les recours disponibles ne sont pas effectifs, le délai de six mois mentionné à l’article 35 § 1 de la Convention prend normalement naissance à la date des actes incriminés (voir Hazar et autres c. Turquie (déc.), nos 62566/00-62577/00 et 62579/00-62581/00, 10 janvier 2002).

99.  En l’espèce, la Cour relève que la présente Requête a été introduite le 10 juin 2011. Elle constate aussi que les élections auxquels le requérant n’a pas été autorisé à voter ont eu lieu en juin et octobre 2009, donc en dehors de la période de six mois prescrit par l’article 35 § 1 de la Convention. Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

B.  Sur le fond

1.  Thèses des parties

100.  Le Gouvernement soutient que dans la prison de Larissa, le requérant était initialement détenu dans une chambrée d’une capacité de 10 personnes, avec sept autres détenus : son espace personnel était de 3,12 m². Depuis le 15 mars 2011, il est détenu dans une cellule avec un autre détenu : son espace personnel est de 3,5 m², bien éclairé et ventilé.

101.  Le Gouvernement souligne aussi que la prison dispose de grandes cours où les détenus peuvent faire de l’exercice physique et des douches communes au rez-de-chaussée de chaque aile. Il y a de l’eau chaude pendant certaines heures tous les jours de l’année. Tous les détenus reçoivent un matelas et des couvertures, des couverts pour les repas ainsi qu’un casier. Tous les espaces sont suffisamment éclairés et chauffés. Le requérant a subi un examen médical lors de son arrivée et aucun problème de santé n’a été constaté.

102.  Le requérant reproche au Gouvernement de ne pas avoir déposé de plan de prison ni d’informations concernant le nombre des détenus, leur espace personnel, les conditions d’hygiène, ou les examens médicaux. Il prétend que son espace personnel ne dépassait pas 2,5 m² et qu’il avait du mal à satisfaire ses besoins hygiéniques en raison de la surpopulation. S’appuyant sur les rapports généraux du CPT, il souligne que la surpopulation dans les prisons constitue à elle seule un traitement inhumain et dégradant. Il dénonce aussi le manque d’hygiène, des installations d’eau chaude, des produits d’hygiène corporelle et de nettoyage, d’éclairage et de chauffage, des mesures de sécurité pour empêcher la propagation de maladies infectieuses, des cellules destinées aux non-fumeurs et de système d’alerte en cas d’urgence.

2.  Appréciation de la Cour

103.  S’agissant des conditions de détention, la Cour rappelle qu’elle prend en compte les effets cumulatifs de celles-ci ainsi que les allégations spécifiques du requérant (Dougoz c. Grèce, nº 40907/98, CEDH 2001-II). En particulier, le temps pendant lequel un individu a été détenu dans les conditions incriminées constitue un facteur important à considérer (Alver c. Estonie, no 64812/01, 8 novembre 2005).

La Cour note que les thèses des parties divergent quant aux conditions de détention dans la prison de Larissa. Elle estime cependant qu’il n’est pas nécessaire qu’elle les examine toutes, car ses constats relatifs à la surpopulation suffisent pour conclure sur le bien-fondé du grief.

104.  Lorsque la surpopulation carcérale atteint un certain niveau, le manque d’espace dans un établissement pénitentiaire peut constituer l’élément central à prendre en compte dans l’appréciation de la conformité d’une situation donnée à l’article 3 (voir, en ce sens, Karalevičius c. Lituanie, no 53254/99, 7 avril 2005).

105.  Ainsi, lorsqu’elle a été confrontée à des cas de surpopulation sévère, la Cour a jugé que cet élément, à lui seul, suffisait pour conclure à la violation de l’article 3 de la Convention. En règle générale, bien que l’espace estimé souhaitable par le CPT pour les cellules collectives soit de 4 m², il s’agissait de cas de figure où l’espace personnel accordé au requérant était inférieur à 3 m² (Kantyrev c. Russie, no 37213/02, §§ 50-51, 21 juin 2007 ; Andreï Frolov c. Russie, no 205/02, §§ 47-49, 29 mars 2007 ; Kadiķis c. Lettonie (no 2), no 62393/00, § 55, 4 mai 2006 ; Sulejmanovic c. Italie, no 22635/03, § 43, 16 juillet 2009).

106.  En l’espèce, dans la prison de Larissa, le requérant affirme qu’il était placé dans une chambrée de 25 m² avec neuf autres détenus. Toutefois, il ressort des documents de la prison fournis par le Gouvernement que le requérant a d’abord été placé, le 10 juillet 2009, dans une chambrée de 23,25 m² avec sept autres détenus puis, à compter du 15 mars 2011, dans une cellule de 9,7 m² partagée avec un autre détenu. Quant à la période postérieure à cette dernière date, le requérant disposait et dispose toujours d’un espace personnel de 4,8 m², ce qui est suffisant selon la jurisprudence de la Cour. Toutefois, il ressort clairement du document envoyé par le directeur de la prison au Conseil juridique de l’Etat qu’en raison de la surpopulation régnant dans la prison, durant certaines périodes antérieures au 15 mars 2011 le requérant a été obligé de partager la chambrée avec neuf autres détenus, ce qui réduisait son espace personnel, déjà inférieur à 3 m², à 2,5 m². Il ressort, en outre, de la décision no 322/2011 du conseil de la prison que le motif du transfert du requérant de la chambrée à la cellule le 15 mars 2011 était « les conditions de vie » (paragraphe 57 ci-dessus).

107.  Eu égard à ces considérations, la Cour estime que le requérant a été soumis, durant son séjour à la prison de Larissa, du 10 juillet 2009 au 15 mars 2011, à des conditions incompatibles avec l’article 3 de la Convention. Il a subi une épreuve d’une intensité qui a excédé le niveau inévitable de souffrance inhérent à l’incarcération et donc un traitement inhumain et dégradant. Par conséquent, il y a eu violation de cet article pendant cette période.

II.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

108.  Aux termes de larticle 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

109.  Le requérant réclame 85 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi.

110.  Le Gouvernement soutient que cette somme est excessive et injustifiée et que le constat de violation constituerait une satisfaction équitable suffisante.

111.  La Cour estime qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 8 500 EUR au titre du préjudice moral.

B.  Frais et dépens

112.  Le requérant demande aussi 3 800 EUR pour ses frais et dépens devant la Cour.

113.  Le Gouvernement prétend que cette somme excède un taux raisonnable.

114.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce et compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable d’accorder au requérant 2 500 EUR à ce titre.

C.  Intérêts moratoires

115.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.  Déclare la Requête recevable quant au grief tiré de l’article 3 de la Convention au sujet de la surpopulation carcérale dans la prison de Larissa et irrecevable pour le surplus ;

 

2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention en raison des conditions de détention du requérant dues à la surpopulation dans la prison de Larissa, du 10 juillet 2009 au 15 mars 2011 ;

 

3.  Dit

a)  que lEtat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

i.  8 500 EUR (huit mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

ii.  2 500 EUR (deux mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens ;

b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

 

4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 12 décembre 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

André Wampach Isabelle Berro-Lefèvre
Greffier adjoint Présidente


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