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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> MIKA v. GREECE - 10347/10 - Chamber Judgment (French Text) [2013] ECHR 1332 (19 December 2013) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/1332.html Cite as: [2013] ECHR 1332 |
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PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE MIKA c. GRÈCE
(Requête no 10347/10)
ARRÊT
STRASBOURG
19 décembre 2013
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Mika c. Grèce,
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
Isabelle Berro-Lefèvre, présidente,
Elisabeth Steiner,
Khanlar Hajiyev,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Julia Laffranque,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Erik Møse, juges,
et de Søren Nielsen, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3 décembre 2013,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 10347/10) dirigée contre la République hellénique et dont une ressortissante de cet Etat, Mme Aggeliki Mika (« la requérante »), a saisi la Cour le 26 janvier 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. La requérante a été représentée par Me M. Panagiotopoulos, avocat à Thessalonique. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par les délégués de son agent, Mme K. Paraskevopoulou et M. I. Bakopoulos, assesseurs auprès du Conseil juridique de l’Etat.
3. La requérante allègue en particulier une violation de l’article 10 de la Convention.
4. Le 22 mai 2012, la Requête a été communiquée au Gouvernement.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5. La requérante est née en 1968 et réside à Nigrita.
6. Le 9 juin 2006, la requérante, qui était à l’époque conseillère municipale et chef du parti d’opposition « Ananeotiki Kinisi » à Nigrita, publia dans le journal local I Foni tis Visaltias, un article intitulé « Lorsque les meilleurs [aristoi] gouvernent », dont les passages pertinents se lisaient ainsi :
« Dans la cité grecque antique, il y avait des périodes où gouvernaient les « aristoi ». Ceux-ci étaient des citoyens illustres de la société, instruits et ayant des qualités qui répondaient à certains critères objectifs d’honnêteté, de franchise et de perspicacité, fortunés et incorruptibles, à même par là de faire face à la tâche difficile qu’était celle de gouverner la cité. (...)
Aujourd’hui notre cité est encore gérée par les « aristoi », élus démocratiquement, qui ont la confiance de la majorité de nos concitoyens et qui ont reçu le mandat populaire de faire de leur mieux pour le bien de la ville et des citoyens. Toutefois, au lieu de cela et en dévoyant leur mandat, dans une commune où jour après jour la ville et les villages se désertifient et périclitent, se marginalisent et endurent le problème de la baisse de l’activité économique, du chômage et du sous-développement, ces « aristoi », élus il y a trois ans et demi, ont préféré résoudre leurs problèmes professionnels en utilisant leur charge municipale pour se placer et pour placer leurs proches.
Chers concitoyens, ma question est claire et s’adresse à la direction actuelle de la commune de Nigrita ainsi qu’à tout citoyen avisé.
Qu’est-ce que c’est que cette direction qui place dans la fonction publique des filles, des épouses et des proches dans une période marquée par tant de problèmes de chômage, alors que tous ceux qui leur ont donné leurs voix attendent qu’ils fassent quelque chose pour le développement de leur pays ?
Qu’est-ce que c’est que cet exercice du pouvoir qui hypothèque l’avenir de la commune par des emprunts bancaires en cédant tout dans le seul but de satisfaire leur intérêt personnel et en recevant pour contrepartie l’embauche de l’adjoint au maire à la banque dont il s’agit ?
Vous devriez avoir honte, Messieurs (...). De quel droit avez-vous fait de la commune de Nigrita une « bouée » pour votre salut personnel et professionnel ainsi que pour celui de vos proches et amis ?
(...) »
7. Le 11 mars 2008, la cour d’appel de Thessalonique, dans une formation de trois membres, saisie d’une plainte du maire de Nigrita, déclara la requérante coupable de diffamation calomnieuse par voie de presse (article 363 du code pénal) et la condamna à huit mois d’emprisonnement avec sursis. Elle condamna également la requérante à verser la somme de 50 euros à la partie civile. Elle considéra que la requérante avait délibérément porté atteinte à l’honneur et à la respectabilité du maire de Nigrita car elle savait que ses allégations étaient mensongères et que seuls les faits suivants correspondaient à la réalité : a) la location du rez-de-chaussée de l’hôtel « Yerakina » à la banque du Pirée, qui était une entreprise municipale autogérée, avait été décidée par le conseil d’administration de la banque et pour un loyer mensuel d’un montant de 1 500 euros ; b) le maire n’avait accordé aucune faveur à cette banque et les conditions du prêt conclu entre la mairie de Nigrita et la banque étaient identiques à celles des prêts accordés à d’autres organismes municipaux ; c) le maire n’avait retiré aucun bénéfice personnel de ce prêt et l’embauche de l’ancien adjoint au maire par la banque avait eu lieu un an après la conclusion du contrat de prêt, sans qu’il y ait de rapport entre les deux événements ; d) tant le maire, ingénieur et actionnaire de la société « Agrotiki » que son épouse, qui avait un cabinet d’expert-comptable à Nigrita, étaient installés professionnellement et n’avaient pas besoin de soutien par le biais de la charge municipale ; e) leurs trois filles étaient mineures et n’avaient pas l’intention d’être embauchées comme fonctionnaires avec l’aide de leur père.
8. La requérante interjeta appel devant la cour d’appel de Thessalonique, dont la formation de jugement était élargie à cinq membres.
9. Par un arrêt du 6 mai 2009, celle-ci confirma le jugement et diminua la peine imposée à sept mois d’emprisonnement avec sursis. Elle réitéra les termes du jugement et considéra qu’il ressortait de l’article litigieux que le maire était indirectement mais clairement visé et que le lecteur moyen pouvait s’apercevoir que le contenu de l’article se rapportait au maire. Elle releva qu’aucun élément du dossier ne prouvait que le maire avait placé ses proches, qu’aucun prêt frauduleux n’avait été conclu et que la mairie n’avait pas servi de « bouée » au maire pour résoudre ses problèmes personnels et économiques. Elle estima que l’article n’avait aucune base factuelle, qu’il dépassait les limites de la décence et de la critique au bon sens du terme, qu’il ne s’agissait pas de simples jugements de valeur, que la requérante avait agi avec intention et de manière dolosive.
10. Le 18 septembre 2009, la requérante se pourvut en cassation. Elle soulevait deux moyens de cassation : l’un avait trait à la motivation insuffisante de l’arrêt attaqué (article 510 § 1 d) du code de procédure pénale), l’autre au rejet de l’objection de la requérante selon laquelle l’acte qui lui était reproché n’avait pas de caractère préjudiciable au sens de l’article 367 du code pénal. La requérante soutenait, en outre, que l’article litigieux constituait un manifeste électoral qui ne contenait pas un exposé de « faits », susceptible par là de présenter un caractère diffamatoire, mais adressait simplement des questions aux autorités de la commune de Nigrita et à tout citoyen capable de réfléchir. En considérant que « indirectement mais clairement » ses propos avaient porté atteinte à la réputation d’un candidat à la fonction du maire, la cour d’appel s’était immiscée dans le domaine des « pensées ». Selon la requérante, l’approche retenue par l’arrêt « méconnaissait ouvertement le droit à la liberté d’exprimer une opinion, bâillonnait la parole politique et (...) punissait la pensée politique même lorsque celle-ci n’était pas exprimée et directement rendue publique », puisque la cour d’appel s’était autorisée à prêter à ses propos « indirectement mais clairement » une teneur condamnable.
11. Par un arrêt du 20 novembre 2009, la Cour de cassation rejeta le pourvoi. Elle réitéra les termes de l’arrêt attaqué et releva que la cour d’appel, composée de cinq juges, avait cité les faits qui étaient mensongers, expliqué clairement le dol de la requérante et indiqué les faits qui démontraient que celle-ci avait connaissance de l’inexactitude de ses allégations. Elle conclut que la cour d’appel avait suffisamment motivé sa décision au regard de l’article 510 § 1 d).
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
12. Les articles pertinents du code pénal prévoient :
Article 82
Transformation des peines privatives de liberté
« 1. La peine privative de liberté qui ne dépasse pas un an est transformée en sanction pécuniaire ou amende.
(...)
3. Le montant de la sanction pécuniaire ou de l’amende varie entre 5 et 100 euros par jour de détention (...) »
Article 362
Diffamation
« Quiconque diffuse ou formule devant des tiers, de quelque manière que ce soit, des allégations susceptibles de nuire à l’honneur ou à la réputation d’autrui est puni d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans ou d’une amende. L’amende peut être infligée conjointement avec la peine d’emprisonnement. »
Article 363
Diffamation calomnieuse
« Si dans le cas de l’article 362, les faits sont mensongers et la personne responsable de leur diffusion le savait, elle est punie d’une peine d’emprisonnement d’au moins trois mois ; une sanction pécuniaire peut être imposée en sus de l’emprisonnement (...). »
Article 367
« 1. Ne sont pas considérés comme des actes préjudiciables : a) les jugements défavorables portés sur des travaux scientifiques, artistiques ou professionnels (...) c) les actions accomplies dans l’exercice de tâches d’ordre légal, dans l’exercice légal de pouvoirs, pour la sauvegarde (...) d’un droit ou pour tout autre intérêt légitime (...).
2. La disposition précédente ne s’applique pas : lorsque les jugements et actions susmentionnés contiennent les éléments constitutifs de l’infraction indiquée à l’article 363 (...). »
III. LES TEXTES INTERNATIONAUX
13. Le 4 octobre 2007, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté une résolution 1577(2007), intitulée « Vers une dépénalisation de la diffamation », dont les passages pertinents se lisent ainsi :
« (...)
6. Les législations anti diffamation poursuivent le but légitime de protéger la réputation et les droits d’autrui. L’Assemblée exhorte cependant les Etats membres à y recourir avec la plus grande modération, car de telles lois peuvent porter gravement atteinte à la liberté d’expression. Pour cette raison, l’Assemblée exige des garanties procédurales permettant notamment à tous ceux qui sont poursuivis pour diffamation d’apporter la preuve de la véracité de leurs déclarations et de s’exonérer ainsi d’une éventuelle responsabilité pénale.
7. Par ailleurs, des déclarations ou allégations présentant un intérêt public, même quand elles se révèlent inexactes, ne devraient pas être passibles de sanctions, à condition qu’elles aient été faites sans connaissance de leur inexactitude, sans intention de nuire, et que leur véracité ait été vérifiée avec la diligence nécessaire.
8. L’Assemblée déplore que dans un certain nombre d’Etats membres un usage abusif soit fait des poursuites pour diffamation dans ce qui pourrait s’apparenter à des tentatives des autorités de réduire les médias critiques au silence.
(...)
12. Chaque cas d’emprisonnement d’un professionnel de la presse est une entrave inacceptable à la liberté d’expression et fait peser une épée de Damoclès sur les journalistes dans l’exercice de leur travail d’intérêt public. C’est la société tout entière qui pâtit des conséquences des pressions que peuvent ainsi subir des journalistes muselés dans l’exercice de leur métier.
13. Par conséquent, l’Assemblée considère que les peines carcérales pour diffamation devraient être abrogées sans plus de délai. Elle exhorte notamment les Etats dont les législations prévoient encore des peines de prison – bien que celles-ci ne soient pas infligées en pratique – à les abroger sans délai, pour ne donner aucune excuse, quoique injustifiée, à certains Etats qui continuent d’y recourir, entraînant ainsi une dégradation des libertés publiques.
14. L’Assemblée dénonce également le recours abusif à des dommages et intérêts démesurés en matière de diffamation et rappelle qu’une indemnité d’une ampleur disproportionnée peut aussi violer l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme.
(...)
17. En conséquence, l’Assemblée invite les Etats membres :
17.1. à abolir sans attendre les peines d’emprisonnement pour diffamation ;
17.2. à garantir qu’il n’y a pas de recours abusif aux poursuites pénales et à garantir l’indépendance du ministère public dans ces cas ;
17.3. à définir plus précisément dans leur législation le concept de diffamation, dans le but d’éviter une application arbitraire de la loi, et de garantir que le droit civil apporte une protection effective de la dignité de la personne affectée par la diffamation ;
(...)
17.6. à bannir de leur législation relative à la diffamation toute protection renforcée des personnalités publiques, conformément à la jurisprudence de la Cour (...) ;
17.7. à garantir dans leur législation des moyens de défense appropriés aux personnes poursuivies pour diffamation, en particulier des moyens reposant sur l’exceptio veritatis et l’intérêt général, (...) ;
17.8. à instaurer des plafonds raisonnables et proportionnés en matière de montants de dommages et intérêts dans les affaires de diffamation, de sorte qu’ils ne soient pas susceptibles de mettre en péril la viabilité même du média poursuivi ;
17.9. à prévoir des garanties législatives adéquates contre des montants de dommages et intérêts disproportionnés par rapport au préjudice réel subi ;
(...) »
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 10 DE LA CONVENTION
14. La requérante se plaint du fait que les juridictions grecques l’ont condamnée en prétendant avoir « détecté dans son article des allusions, des sous-entendus et des allégations diffamatoires contre certaines personnes dont le maire de Nigrita ». Elle allègue une violation de l’article 10 de la Convention, ainsi libellé :
« 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.
2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »
A. Sur la recevabilité
15. Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes par la requérante car son grief devant les juridictions nationales se limitait à l’application de la disposition relative à la diffamation calomnieuse. Il prétend que la requérante n’a pas invoqué devant la Cour de cassation, même en substance, l’atteinte à son droit à la liberté d’expression. Les deux moyens de cassation de la requérante concernaient le manque de motivation de l’arrêt de la cour d’appel et le rejet de sa contestation du caractère « préjudiciable » – au sens de l’article 367 du code pénal – de l’acte qui lui était reproché. La requérante n’a pas soulevé de moyen relatif à la violation de la loi, dans le cadre duquel elle aurait pu se plaindre de la violation de son droit à la liberté d’expression.
16. La requérante précise que comme le procès devant les juridictions internes concernait directement l’accusation de diffamation calomnieuse et indirectement seulement le droit à la liberté d’expression, sa défense s’est focalisée sur cette accusation tout en soulignant que l’article litigieux exprimait des idées et des points de vue. Par ailleurs, une fois condamnée pour diffamation, elle ne pouvait plus invoquer la violation du droit à la liberté d’expression comme moyen de cassation autonome.
17. La Cour rappelle que le fondement de la règle de l’épuisement des voies de recours internes énoncée à l’article 35 § 1 de la Convention consiste en ce qu’avant de saisir la Cour, le requérant doit avoir donné à l’Etat défendeur la faculté de remédier aux violations alléguées par des moyens internes, en utilisant les ressources judiciaires offertes par la législation nationale, pourvu qu’elles se révèlent efficaces et suffisantes (voir, entre autres, Fressoz et Roire c. France [GC], no 29183/95, § 37, CEDH 1999-I). Par ailleurs, la règle de l’épuisement des voies de recours internes doit s’appliquer « avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif » ; en même temps, elle n’exige pas seulement la saisine des juridictions nationales compétentes et l’exercice de recours destinés à combattre une décision déjà rendue, mais comprend aussi l’obligation d’avoir soulevé devant les juridictions nationales appropriées, au moins en substance, dans les formes et délais prescrits par le droit interne, les griefs que l’on entend formuler par la suite au niveau international (voir, parmi beaucoup d’autres, Sejdovic c. Italie [GC], no 56581/00, § 44, CEDH 2006‑...).
18. En l’occurrence, la Cour note que la procédure litigieuse portait sur la responsabilité pénale de la requérante quant au délit de diffamation et, a fortiori, à la manière dont celle-ci avait exercé sa liberté d’expression. Dans son pourvoi en cassation, la requérante soulevait deux moyens : d’une part, l’insuffisance de la motivation de l’arrêt de la cour d’appel et, d’autre part, le rejet non motivé de sa contestation du caractère préjudiciable de l’acte qui lui était reproché au sens de l’article 367 du code pénal sans égard à la question de savoir si elle avait un intérêt justifié à dénoncer la situation décrite dans son article. La Cour note de surcroît que dans le cadre de ce deuxième moyen, la requérante affirmait que l’arrêt de la cour d’appel « méconnaissait ouvertement le droit à la liberté d’exprimer une opinion (...), bâillonnait la parole politique et (...) punissait la pensée politique même lorsque celle-ci n’était pas exprimée et directement rendue publique (...). »
19. Sans s’appuyer en termes exprès sur l’article 10 de la Convention ou sur l’article 14 de la Constitution, il est évident que la requérante a présenté des arguments qui équivalaient à dénoncer, en substance, une atteinte au droit garanti par l’article 10. Ce faisant, elle a donné à la Cour de cassation l’occasion d’éviter ou de redresser les violations alléguées, conformément à la finalité de l’article 35. Il convient donc de rejeter l’exception de non-épuisement soulevée par le Gouvernement.
20. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
1. Thèse des parties
21. La requérante soutient que la manière dont les juridictions grecques ont interprété et appliqué dans son cas les articles 362 et 363 du code pénal et leur approche ayant consisté à exagérer les intentions d’une personne qui exerce sa liberté d’expression risquent de tenir en échec tout discours politique. Elle souligne que l’article litigieux était un article décent par lequel un candidat à une fonction élective exprimait ses idées et ses positions sans viser ou accuser nommément une personne particulière. Or, cet article a été qualifié de diffamatoire par le biais d’une interprétation spéculative des positions exprimées par son auteur.
22. Le Gouvernement soutient, de manière générale, que la protection que l’article 10 offre aux journalistes en ce qui concerne les comptes rendus sur des questions d’intérêt général est subordonnée à la condition que les intéressés agissent de bonne foi de manière à fournir des informations exactes et dignes de crédit dans le respect de la déontologie journalistique. Le Gouvernement souligne qu’en l’espèce, l’article litigieux a été utilisé à des fins purement politiques et non à des fins d’information. La requérante n’était pas une journaliste mais une personnalité politique, son article était paru au début de la campagne électorale. En outre, les tribunaux internes ont, d’une part, bien constaté que la matérialité des faits allégués par l’article n’était pas prouvée et n’ont, d’autre part, imposé qu’une sanction d’une gravité pratiquement insignifiante.
2. Appréciation de la Cour
23. La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence bien établie, la liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels de toute société démocratique, l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun. Sous réserve du paragraphe 2 de l’article 10, elle vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture, sans lesquels il n’est pas de « société démocratique ». Telle qu’elle se trouve consacrée par l’article 10 de la Convention, cette liberté est soumise à des exceptions, qu’il convient toutefois d’interpréter strictement, la nécessité de toute restriction devant être établie de manière convaincante.
24. La Cour considère que la condamnation litigieuse s’analyse en une « ingérence » dans l’exercice par la requérante de son droit à la liberté d’expression, ce que reconnaît le Gouvernement. Pareille immixtion enfreint l’article 10 de la Convention, sauf si elle est « prévue par la loi », dirigée vers un ou plusieurs des buts légitimes énumérés au paragraphe 2 de l’article 10 et « nécessaire » dans une société démocratique afin d’atteindre le ou lesdits buts.
a) Restriction prévue par la loi
25. La Cour constate que la condamnation de la requérante pour diffamation calomnieuse était prévue par l’article 363 du code pénal.
b) But légitime
26. La Cour relève en outre que cette ingérence poursuivait le but légitime de protéger la réputation d’autrui, en l’occurrence celle du plaignant. Même si ce dernier n’était pas nommément visé, il était clair que c’était lui qui était mis en cause dans l’article litigieux.
c) Nécessité de l’ingérence
i. Principes généraux
27. La question qui se pose en l’espèce est donc de savoir si l’ingérence était nécessaire. La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence (Janowski c. Pologne [GC], no 25716/94, §§ 30 et 33, CEDH 1999‑I ; Nikula c. Finlande, no 31611/96, § 44, CEDH 2002-II), l’adjectif « nécessaire », au sens de l’article 10 § 2, implique l’existence d’un « besoin social impérieux ». Les Etats contractants jouissent d’une certaine marge d’appréciation pour juger de l’existence d’un tel besoin, mais cette marge va de pair avec un contrôle européen portant à la fois sur la loi et sur les décisions appliquant celle-ci, même quand elles émanent d’une juridiction indépendante. La Cour a donc compétence pour statuer en dernier lieu sur le point de savoir si une « restriction » se concilie avec la liberté d’expression que protège l’article 10.
28. La Cour n’a point pour tâche, lorsqu’elle exerce son contrôle, de se substituer aux juridictions internes compétentes, mais de vérifier sous l’angle de l’article 10 les décisions qu’elles ont rendues en vertu de leur pouvoir d’appréciation. Il ne s’ensuit pas qu’elle doive se borner à rechercher si l’Etat défendeur a usé de ce pouvoir de bonne foi, avec soin et de façon raisonnable : il lui faut considérer l’ingérence litigieuse à la lumière de l’ensemble de l’affaire – y compris la teneur des propos reprochés au requérant et le contexte dans lequel celui-ci les a tenus – pour déterminer si les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier apparaissent « pertinents et suffisants » et si elle était « proportionnée au but légitime poursuivi ». Ce faisant, la Cour doit se convaincre que les autorités nationales ont appliqué des règles conformes aux principes consacrés à l’article 10 et ce, de surcroît, en se fondant sur une appréciation acceptable des faits pertinents (voir, entre autres, Lindon, Otchakovsky-Laurens et July c. France [GC], nos 21279/02 et 36448/02, § 45, CEDH 2007‑XI)
29. Par ailleurs, l’article 10 § 2 ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d’expression dans le domaine du discours et du débat politique – dans lequel la liberté d’expression revêt la plus haute importance – ou des questions d’intérêt général. Les limites de la critique admissible sont plus larges à l’égard d’un homme politique, visé en cette qualité, que d’un simple particulier : à la différence du second, le premier s’expose inévitablement et consciemment à un contrôle attentif de ses faits et gestes tant par les journalistes que par la masse des citoyens ; il doit, par conséquent, montrer une plus grande tolérance (Lingens c. Autriche, 8 juillet 1986, § 42, série A no 103 ; Vides Aizsardzības Klubs c. Lettonie, no 57829/00, § 40, 27 mai 2004 ; Lopes Gomes da Silva c. Portugal, no 37698/97, § 30, CEDH 2000‑X ; Eon c. France, no 26118/10, § 59, 14 mars 2013).
30. Si le droit de communiquer des informations sur des questions d’intérêt général est protégé par la Convention, celui-ci ne vaut que s’il est exercé de bonne foi, sur la base de faits exacts, et en apportant des informations « fiables et précises » (Fressoz et Roire précité, § 54 ; Sgarbi c. Italie (déc.), no 37115/06, 21 octobre 2008).
31. En outre, la Cour rappelle qu’afin d’évaluer la justification d’une déclaration contestée, il y a lieu de faire la distinction entre déclarations factuelles et jugements de valeur. Si la matérialité des faits peut se prouver, les seconds ne se prêtent pas à une démonstration de leur exactitude ; l’exigence voulant que soit établie la vérité de jugements de valeur est irréalisable et porte atteinte à la liberté d’opinion elle-même, élément fondamental du droit garanti par l’article 10. La qualification d’une déclaration en tant que fait ou jugement de valeur relève cependant en premier lieu de la marge d’appréciation des autorités nationales, notamment des juridictions internes. Par ailleurs, même lorsqu’une déclaration équivaut à un jugement de valeur, elle doit se fonder sur une base factuelle suffisante, faute de quoi elle serait excessive (voir, par exemple, Lindon, Otchakovsky-Laurens et July, précité, § 55 et Pedersen et Baadsgaard c. Danemark [GC], no 49017/99, § 76, CEDH 2004‑XI).
32. La nature et la lourdeur des peines infligées sont aussi des éléments à prendre en considération lorsqu’il s’agit de mesurer la proportionnalité de l’ingérence (voir, par exemple, les arrêts Ceylan c. Turquie [GC], no 23556/94, § 37, CEDH 1999-IV ; Tammer c. Estonie, no 41205/98, § 69, CEDH 2001-I et Perna c. Italie [GC], no 48898/99, § 39, CEDH 2003-V).
33. Enfin, la Cour a déjà considéré à plusieurs reprises qu’une peine de prison infligée dans des cas de diffamation n’est compatible avec la liberté d’expression garantie par l’article 10 que dans des circonstances exceptionnelles, notamment lorsque d’autres droits fondamentaux ont été gravement atteints, comme dans l’hypothèse, par exemple, de la diffusion d’un discours de haine ou d’incitation à la violence (Mariapori c. Finlande, no 37751/07, § 67, 6 juillet 2010 ; Cumpǎnǎ et Mazǎre c. Roumanie [GC], no 33348/96, § 115, CEDH 2004-XI, et mutatis mutandis, Feridun Yazar c. Turquie, no 42713/98, § 27, 23 septembre 2004, et Sürek et Özdemir c. Turquie [GC], no 23927/94 et 24277/94, § 63, 8 juillet 1999).
ii. Application des principes au cas d’espèce
34. Pour en venir aux faits de la cause, la Cour a pour tâche de déterminer, eu égard à l’ensemble des circonstances, si les motifs avancés par les tribunaux internes pour la justifier étaient « pertinents et suffisants » et si la restriction qui a touché la liberté d’expression de la requérante répondait à un « besoin social impérieux » et était « proportionnée au but légitime visé ».
35. La Cour relève que l’article litigieux a été rédigé par une conseillère municipale à l’occasion d’une campagne électorale pour l’élection du maire de la commune de Nigrita. L’article s’inscrivait donc dans le cadre d’un débat d’intérêt général, notamment l’exercice d’un mandat public de gestion d’une collectivité publique, cas pour lequel l’article 10 exige un niveau élevé de protection de la liberté d’expression (voir, outre les arrêts cités au paragraphe 29 ci-dessus, Brasilier c. France, no 71343/01, § 41, 11 avril 2006). De surcroît, la Cour rappelle que dans ce domaine l’invective politique déborde souvent sur le plan personnel : ce sont là les aléas du jeu politique et du libre débat d’idées, garants d’une société démocratique (Renaud c. France, no 13290/07, § 39, 25 février 2010, Lopes Gomes da Silva c. Portugal, précité, § 34, et Almeida Azevedo c. Portugal, no 43924/02, § 30, 23 janvier 2007). Pour autant, il appartenait à la requérante de veiller à ce que ses propos s’inscrivent dans les limites de ce droit, et notamment dans l’intérêt de la « protection de la réputation et des droits d’autrui » (Nilsen et Johnsen c. Norvège [GC], no 23118/93, § 47, CEDH 1999-VIII). Il s’agit donc de déterminer si les limites de la critique admissible ont été franchies.
36. Saisies par le maire en exercice de la commune qui s’est estimé visé par cet article, les juridictions internes ont déclaré la requérante coupable du délit de diffamation calomnieuse et l’ont condamnée, en application de l’article 363 du code pénal, à une peine privative de liberté avec sursis. Elles ont conclu que les allégations de la requérante étaient mensongères et ne constituaient pas de simples jugements de valeur. Dans sa formation de première instance, à trois juges, la cour d’appel de Thessalonique a constaté : que le maire n’avait accordé aucune faveur à la banque et n’avait retiré aucun bénéfice personnel du prêt qu’il avait conclu ; que tant le maire, que son épouse, n’avaient pas besoin d’un soutien matériel par le biais de leur mandat municipal ; que leurs trois filles étaient mineures et n’avaient pas l’intention d’être embauchées comme fonctionnaires avec l’aide de leur père (paragraphe 7 ci-dessus). De même, la formation à cinq juges de la même cour d’appel, qui a connu de l’affaire en deuxième instance, a relevé qu’aucun élément du dossier ne prouvait que le maire avait placé ses proches, qu’aucun prêt frauduleux n’avait été conclu et que la mairie n’avait pas servi de « bouée » au maire pour résoudre ses problèmes personnels et économiques (paragraphe 9 ci-dessus).
37. De plus, la Cour de cassation a considéré que l’arrêt rendu en deuxième instance ne souffrait d’aucun manque de motivation, relevant que la juridiction d’appel avait cité les faits qui étaient mensongers, expliqué clairement le dol de la requérante et indiqué les faits qui démontraient que celle-ci avait connaissance de l’inexactitude de ses allégations. Ce faisant, elle a confirmé le considérant de la cour d’appel selon lequel la requérante n’était pas parvenue à établir la matérialité des faits qu’elle exposait dans son article.
38. La Cour ne saurait mettre en cause la conclusion des juridictions que les propos de la requérante étaient graves et insultants. Même s’ils avaient été présentés sous forme de questions, les passages litigieux s’analysent en des imputations de faits ou en des jugements de valeur de nature à faire croire à une possible corruption. Même si, vu sa qualité, la requérante n’était pas tenue de faire preuve de la même rigueur que celle exigée de journalistes (voir, mutatis mutandis, Vellutini et Michel c. France, no 32820/09, § 41, 6 octobre 2011), la protection offerte par l’article 10 est subordonnée à la condition que les intéressés agissent de bonne foi et une attaque fondée sur des jugements de valeur peut se révéler excessive en l’absence de toute base factuelle (voir, entre autres, Brasilier précité, § 36). A cet égard, la Cour note que les juridictions grecques ont considéré que les propos reprochés étaient mensongers et que la requérante en avait conscience. Mieux placés que la Cour pour apprécier l’ensemble des faits et évaluer l’incidence des propos en question, les tribunaux nationaux ont dûment examiné les conditions dans lesquelles les propos avaient été formulés. La Cour n’a donc aucune raison de penser que leur conclusion est contraire aux circonstances de l’espèce. La requérante n’a d’ailleurs pas essayé de prouver la réalité des comportements spécifiques imputés. Pour se défendre, elle a, au contraire, affirmé ne pas avoir exprimé les propos reprochés.
39. D’un autre côté, la Cour observe l’article litigieux s’inscrivait dans le domaine du débat politique (voir paragraphes 29 et 35 ci-dessus) et que le maire, bien qu’identifiable, n’y était pas nommément désigné. La requérante mettait essentiellement en cause l’exercice des fonctions municipales (voir, mutatis mutandis, Papaianopol c. Roumanie, no 17590/02, § 34, 16 mars 2010 et Sabou et Pircalab c. Roumanie, no 46572/99, § 39, 28 septembre 2004) même si l’une de ses imputations touchait aussi un aspect d’ordre privé.
40. Quant à la « proportionnalité » de la sanction, la Cour relève que la requérante a été déclarée coupable d’un délit et condamnée à une peine de sept mois d’emprisonnement avec sursis et à verser la somme de 50 EUR à la partie civile. Or, comme rappelé aux paragraphes 32 et 33 ci‑dessus, la nature et la lourdeur des peines infligées sont aussi des éléments à prendre en considération lorsqu’il s’agit de mesurer la proportionnalité de l’ingérence. Bien qu’il y ait eu sursis à l’exécution de la peine d’emprisonnement, celle-ci est d’une gravité certaine : l’existence même d’une peine privative de liberté dans le cadre de cette affaire est de nature à provoquer un effet dissuasif sur les débats d’intérêt général et ne saurait se concevoir sans raisons particulièrement sérieuses dans des circonstances exceptionnelles (Colaço Mestre et SIC – Sociedade Independente de Comunicação, S.A. c. Portugal, nos 11182/03 et 11319/03, § 31, 26 avril 2007), telles, par exemple, un discours de haine ou d’incitation à la violence.
40. La Cour estime, du fait de la nature et de la lourdeur de la sanction imposée à la requérante, que la sévérité de la sanction qui a frappé la requérante en l’espèce dépasse la simple restriction « nécessaire » à sa liberté d’expression et l’ingérence dans son droit à la liberté d’expression n’était pas proportionnée aux buts légitimes poursuivis (voir, mutatis mutandis, Koprivica c. Monténégro, no 41158/09, §§ 73-74, 22 novembre 2011). En dépit de la marge d’appréciation des Etats dans ce domaine, les juridictions nationales ont failli à leur devoir d’établir un équilibre entre les intérêts concurrents en jeu.
41. Il y a donc eu violation de l’article 10 de la Convention.
II. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES
42. Invoquant l’article 7 de la Convention, la requérante se plaint d’avoir été condamnée pour ses pensées plutôt que pour ses actes ou pour des faits.
43. Compte tenu des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître de cette allégation, la Cour ne relève aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention. La Cour conclut donc que cette partie de la Requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
44. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
45. La requérante affirme qu’en saisissant la Cour, elle ne cherche qu’à obtenir sa rédemption sur le plan moral, ce qui ne peut avoir lieu que par l’effacement du stigmate de calomniatrice. Pour cette raison, si la Cour constate une violation de l’article 10, ce constat constituerait une satisfaction équitable suffisante.
46. Le Gouvernement ne présente pas d’observations.
47. A la lumière de la demande de la requérante, la Cour estime que le préjudice moral subi par celle-ci en raison de la violation de l’article 10 est suffisamment réparé par le constat de violation de cet article.
B. Frais et dépens
48. La Cour note que la requérante ne présente aucune demande de remboursement des frais et dépens. Elle ne lui accorde donc aucune somme à ce titre.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la Requête recevable quant au grief tiré de l’article 10 de la Convention et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 10 de la Convention ;
3. Dit que le constat de la violation constitue en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral éventuellement subi par la requérante.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 19 décembre 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Søren Nielsen Isabelle Berro-Lefèvre
Greffier Présidente