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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> VACULÍK v. THE CZECH REPUBLIC - 40280/12 - Committee Judgment (French Text) [2013] ECHR 1338 (19 December 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/1338.html
Cite as: [2013] ECHR 1338

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CINQUIÈME SECTION

 

 

 

 

 

 

 

AFFAIRE VACULÍK c. RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

 

(Requête no 40280/12)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ARRÊT

 

 

 

 

 

STRASBOURG

 

19 décembre 2013

 

 

 

 

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme

 

 


En l’affaire Vaculík c. République tchèque,

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en un comité composé de :

Angelika Nußberger, présidente,
André Potocki,
Aleš Pejchal, juges,
et de Stephen Phillips, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 26 novembre 2013,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  A l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 40280/12) dirigée contre la République tchèque et dont un ressortissant de cet Etat, M. Jan Vaculík (« le requérant »), a saisi la Cour le 22 juin 2012 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le requérant a été représenté par Me J. Vítek, avocat au barreau tchèque. Le gouvernement tchèque (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. V.A. Schorm.

3.  Le 2 avril 2013, le grief tiré du droit d’accès à la Cour constitutionnelle a été communiqué au Gouvernement.

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

4.  Le requérant est né en 1946 et réside à Prague.

5.  Par les décisions judiciaires datées du 11 mars 2005 et du 24 janvier 2006, le requérant se vit enjoindre de payer une pension alimentaire au profit de sa fille. Par la suite, une procédure d’exécution fut intentée à son encontre pour le paiement de la pension due.

6.  Par une décision du tribunal d’arrondissement de Prague 5 datée du 1er avril 2008, la procédure d’exécution fut éteinte ; aucune partie n’eut droit au remboursement des frais de la procédure relative à l’extinction. Sur appel du requérant contestant la décision relative aux frais parce qu’elle ne se rapportait pas aux frais de la procédure d’exécution elle-même, celle-ci fut confirmée par le tribunal municipal de Prague en date du 13 octobre 2008.

7.  Par la suite, le requérant se pourvut en cassation contre cette dernière décision, se prévalant de l’article 237 § 1 c) du CPC, et forma un recours constitutionnel contre les décisions du 1er avril 2008 et du 13 octobre 2008.

8.  Le 7 mars 2011, la Cour constitutionnelle rejeta le recours constitutionnel comme prématuré, relevant que le requérant avait formé un pourvoi en cassation qui devait être considéré comme le dernier moyen offert par la loi pour la protection de ses droits ; partant, le recours constitutionnel était à introduire après la décision sur le pourvoi en cassation.

9.  Le 27 avril 2011, la Cour suprême rejeta le pourvoi en cassation du requérant, relevant que n’était pas admissible un pourvoi visant une décision sur les frais de procédure ou d’exécution.

10.  Le 19 septembre 2011, le requérant introduisit un second recours constitutionnel, invoquant ses droits à un procès équitable et au respect des biens.

11.  Le 29 décembre 2011, la Cour constitutionnelle rejeta ce recours pour défaut manifeste de fondement à l’égard de la décision de la Cour suprême et pour tardiveté quant aux décisions des tribunaux inférieurs. Sur ce dernier point, la Cour constitutionnelle considéra que le pourvoi en cassation n’avait pas été en l’espèce rejeté pour des motifs dépendant du pouvoir discrétionnaire de la Cour suprême et que le délai de soixante jours ouvert pour l’introduction du recours constitutionnel ne courait donc pas à compter de la notification de la décision de la Cour suprême, comme prévu par l’article 72 § 4 de la loi no 182/1993.

II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

12.  Le droit et la pratique internes pertinents sont résumés dans l’arrêt Tieze et Semeráková (nos 26908/09 et 30809/10, §§ 23-27, 13 octobre 2011).

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

13.  Le requérant se plaint du défaut d’accès à la Cour constitutionnelle, considérant comme inacceptable que son premier recours constitutionnel ait été rejeté comme prématuré et le second comme tardif. Bien que le requérant invoque à cet égard les articles 6 et 13 de la Convention et l’article 1 du Protocole no 1, la Cour estime qu’il convient d’examiner ce grief uniquement sur le terrain du droit à un tribunal tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) par un tribunal (...) qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

A.  Sur la recevabilité

14.  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B.  Sur le fond

15.  Les parties n’ont pas soumis d’observations sur le bien-fondé de ce grief.

16.  La Cour note que le présent grief porte sur une question analogue à celle soulevée par les affaires Vodárenská akciová společnost, S.A. c. République tchèque (no 73577/01, 24 février 2004) et Tieze et Semeráková (arrêt précité), dans lesquelles elle a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

17.  Après avoir examiné tous les éléments pertinents, la Cour ne voit pas de motif pour parvenir en l’espèce à une conclusion différente.

18.  Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention sur ce point.

II.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

19.  Sur le terrain des articles 6 § 1 et 13 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1, le requérant se plaint également des retards de la procédure d’exécution pendant laquelle il ne pouvait pas disposer de ses biens.

20.  La Cour rappelle avoir jugé que le recours compensatoire prévu par la loi no 82/1998 était une voie de recours dont les justiciables tchèques devaient user en matière de la durée d’une procédure, y compris une procédure d’exécution, pour les allégations concernant l’article 6 § 1 de la Convention mais aussi pour celles relatives à l’article 1 du Protocole no 1 (voir Petr c. République tchèque (déc.), no 16308/03, 26 février 2008).

21.  Il s’ensuit que le requérant disposait d’un recours considéré comme effectif mais dont il n’a pas tiré parti. Son grief doit donc être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

22.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

23.  Le requérant réclame 443 983 couronnes tchèques (CZK), à savoir environ 17 270 euros (EUR), au titre du préjudice matériel qu’il aurait subi du fait d’avoir eu à payer les frais d’exécution ainsi qu’une amende contractuelle et des frais exposés dans une autre procédure d’exécution intentée parce qu’il n’avait pas pu payer une autre dette. Il demande également 20 000 EUR au titre du préjudice moral dû au fait que cette autre procédure d’exécution est toujours en cours, ce qui l’empêche de disposer librement de ses biens et nuit à sa réputation.

24.  Le Gouvernement objecte qu’il n’y a aucun lien de causalité entre la conduite de la Cour constitutionnelle et les dommages matériel et moral allégués par le requérant. Il note également que, en cas d’un constat de violation par la Cour, le requérant aura la possibilité de demander la réouverture de la procédure devant la Cour constitutionnelle.

25.  La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et les dommages matériel et moral tels qu’allégués par le requérant, et rejette donc sa demande.

B.  Frais et dépens

26.  Le requérant demande également 165 984 CZK (environ 6 460 EUR) pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes et 50 880 CZK (environ 1 980 EUR), incluant la TVA, pour ceux engagés devant la Cour.

27.  Le Gouvernement rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, dans les affaires similaires concernant l’accès à la Cour constitutionnelle seuls les frais et dépens encourus devant la Cour peuvent être remboursés vu que la violation alléguée s’est produite devant la Cour constitutionnelle, et que la somme de 500 EUR a été considérée comme suffisante pour couvrir les frais exposés devant la Cour au regard dudit grief (voir Komunita Římské unie řádu sv. Voršily v Praze c. République tchèque (déc.), no 4807/09, 23 octobre 2012).

28.  Compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, ainsi que du fait que les parties n’ont pas présenté les observations sur le bien-fondé de la Requête, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens de la procédure nationale, estime raisonnable la somme de 500 EUR pour la procédure devant la Cour et l’accorde au requérant.

C.  Intérêts moratoires

29.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,

1.  Déclare la Requête recevable quant au grief tiré du droit d’accès à la Cour constitutionnelle et irrecevable pour le surplus ;

 

2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

 

3.  Dit

a)  que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, 500  EUR (cinq cents euros), à convertir en couronnes tchèques au taux applicable à la date du règlement, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens ;

b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

 

4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 19 décembre 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Stephen Phillips Angelika Nußberger
Greffier adjoint
Présidente


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