BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback]

European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> MARQUES JERONIMO BARATA v. PORTUGAL - 22851/11 - HEJUD (French text) [2013] ECHR 209 (12 March 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/209.html
Cite as: [2013] ECHR 209

[New search] [Contents list] [Printable RTF version] [Help]


     

     

     

    DEUXIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE MARQUES JERÓNIMO BARATA c. PORTUGAL

     

    (Requête no 22851/11)

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

    STRASBOURG

     

    12 mars 2013

     

     

     

    Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

     

     


    En l’affaire Marques Jerónimo Barata c. Portugal,

    La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en un Comité composé de :

              Dragoljub Popović, président,
              Paulo Pinto de Albuquerque,
              Helen Keller, juges,
    et de Françoise Elens-Passos, greffière adjointe de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 19 février 2013,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE


  1. .  A l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 22851/11) dirigée contre la République portugaise et dont un ressortissant de cet Etat, M. Luís Miguel Marques Jerónimo Barata (« le requérant »), a saisi la Cour le 31 mars 2011 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  2. .  Le requérant a été représenté par Me L. R. Ferreira, avocate à Lisbonne. Le gouvernement portugais (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme M. F. Carvalho, procureur général adjoint.

  3. .  Le 14 décembre 2011, la Requête a été communiquée au Gouvernement.
  4. EN FAIT

    LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE


  5. .  Le requérant est né en 1969 et réside à Lavradio (Portugal).

  6. .  Consécutivement à sa séparation de son épouse, le 28 avril 2008, le requérant saisit le tribunal aux affaires familiales de Cascais d’une action en vue de l’aménagement de l’exercice de l’autorité parentale (regulação do poder paternal) vis-à-vis de ses deux filles mineures (procédure interne no 3121/08.8TBCSC).

  7. .  Par un jugement du 26 juin 2008, le tribunal homologua un accord conclu entre les parents aux termes duquel la garde des enfants était attribuée à la mère, le requérant bénéficiant d’un droit de visite. Les parents n’étant pas parvenu à un arrangement quant au montant de la pension alimentaire, la procédure se poursuivit. Le tribunal ordonna néanmoins au requérant de verser à titre provisoire la somme mensuelle de 1 250 euros.

  8. .  Les parties contestèrent la pension alimentaire provisoire fixée. Ils présentèrent leurs mémoires respectifs à cet égard les 26 juin et 2 juillet 2008.

  9. .  Le 14 janvier 2009, le tribunal invita les parties à présenter leurs moyens de preuve. Des informations complémentaires furent demandées au requérant le 8 juillet 2009.

  10. .  Le tribunal tint une audience le 27 janvier 2010, les parties ne parvinrent toutefois pas à un accord.

  11. .  Le 16 juin 2010, le requérant demanda à nouveau que le montant de la pension alimentaire soit réduit.

  12. .  Par une ordonnance du 22 octobre 2010, le tribunal ramena la pension alimentaire provisoire à 1 080 euros. La mère attaqua cette ordonnance devant la cour d’appel de Lisbonne. Son recours fut toutefois radié du rôle au motif qu’elle n’avait pas présenté son mémoire en recours.

  13. .  Par un jugement du tribunal aux affaires familiales de Cascais du 11 juillet 2010, le montant de la pension alimentaire fut fixé à 900 euros par mois.

  14. .  La mère des enfants interjeta appel de cette décision devant la cour d’appel de Lisbonne. Aux dernières informations reçues, lesquelles remontent au 6 juillet 2012, la procédure était toujours pendante.
  15. EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION


  16. .  Le requérant allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
  17. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »


  18. .  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

  19. .  La période à considérer a débuté le 28 avril 2008 et était toujours pendante au 6 juillet 2012. A la date de l’adoption de l’arrêt, elle avait duré 4 années, 9 mois et 24 jours pour deux instances.
  20. A.  Sur la recevabilité


  21. .  Le Gouvernement soulève une exception tirée du non-épuisement des voies de recours internes en faisant valoir que le requérant a omis d’introduire au niveau interne une action en responsabilité civile extracontractuelle pour se plaindre de la violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

  22. .  La Cour rappelle la jurisprudence établie dans l’arrêt Martins Castro et Alves Correia de Castro c. Portugal, no 33729/06, 10 juin 2008 selon laquelle l’action en responsabilité extracontractuelle de l’Etat ne peut être considérée comme un recours « effectif » au sens de l’article 13 de la Convention, aussi longtemps que la jurisprudence qui se dégage de l’arrêt de la Cour suprême administrative du 28 novembre 2007 n’aura pas été consolidée dans l’ordre juridique portugais, à travers une harmonisation des divergences jurisprudentielles. L’exception soulevée par le Gouvernement ne peut donc être retenue.

  23. .  La Cour constate que la Requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 (a) de la Convention. Elle relève en outre qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.
  24. B.  Sur le fond


  25. .  Le Gouvernement estime que la durée de la procédure n’a pas dépassé le « délai raisonnable » au sens de l’article 6 de la Convention, attribuant les retards de la procédure à l’attitude litigieuse des parties.

  26. .  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII). Dans les affaires concernant l’état des personnes, l’enjeu du litige pour le requérant est aussi un critère pertinent et une diligence particulière s’impose en outre eu égard aux éventuelles conséquences qu’une lenteur excessive peut avoir notamment sur la jouissance du droit au respect de la vie familiale (Laino c. Italie [GC], no 33158/96, § 18, CEDH 1999-I ; Boca c. Belgique, n50615/99, § 24, CEDH 2002-IX).

  27. .  S’agissant du comportement des parties, la Cour estime qu’on ne saurait leur reprocher d’avoir fait usage des divers recours et autres possibilités procédurales que leur ouvrait le droit interne. Le comportement du requérant constitue toutefois un élément objectif, non imputable à l’Etat défendeur, qui entre en ligne de compte pour déterminer s’il y a eu ou non dépassement du délai raisonnable de l’article 6 § 1 (Wiesinger c. Autriche, arrêt du 30 octobre 1991, série A no 213, § 57; Erkner et Hofauer c. Autriche, arrêt du 23 avril 1987, série A no 117, § 68).

  28. .  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Frydlender précité).

  29. .  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce, la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

  30. .  Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
  31. II.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION


  32. .  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
  33. « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage


  34. .  Le requérant réclame 9 450 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi.

  35. .   Le Gouvernement conteste cette prétention.

  36. .  La Cour estime que le requérant a subi un tort moral certain. Statuant en équité, elle lui accorde 4 100 EUR à ce titre.
  37. B.  Frais et dépens


  38. .  Le requérant demande également 1 200 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour.

  39. .  Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Cour.

  40. .  Compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 1 000 EUR au titre des frais et dépens pour la procédure devant la Cour et l’accorde au requérant.
  41. C.  Intérêts moratoires


  42. .  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
  43. PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la Requête recevable ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

     

    3.  Dit

    a)  que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, les sommes suivantes :

    i)  4 100 EUR (quatre mille cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

    ii)  1 000 EUR (mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 12 mars 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Françoise Elens-Passos                                                       Dragoljub Popović
     Greffière adjointe                                                                     
    Président


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/209.html