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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> MANSO ROGEIRO v. PORTUGAL - 39607/10 - HEJUD (French text) [2013] ECHR 210 (12 March 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/210.html
Cite as: [2013] ECHR 210

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    DEUXIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE MANSO ROGEIRO c. PORTUGAL

     

    (Requête no 39607/10)

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

     

    STRASBOURG

     

    12 mars 2013

     

     

     

    Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

     


    En l’affaire Manso Rogeiro c. Portugal,

    La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en un Comité composé de :

              Dragoljub Popović, président,
              Paulo Pinto de Albuquerque,
              Helen Keller, juges,
    et de Françoise Elens-Passos, greffière adjointe de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 19 février 2013,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE


  1. .  A l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 39607/10) dirigée contre la République portugaise et dont une ressortissante de cet Etat, Mme Isabel Maria Manso Rogeiro (« la requérante »), a saisi la Cour le 7 juillet 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  2. .  Le gouvernement portugais (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme M. F. Carvalho, procureur général adjoint.

  3. .  Le 14 décembre 2011, la Requête a été communiquée au Gouvernement.
  4. EN FAIT

    LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE


  5. .  La requérante est née en 1965 et réside à Covilhã (Portugal).
  6. A.  La procédure civile devant le tribunal de Covilhã


  7. .  Le 25 septembre 2003, une procédure d’inventaire fut ouverte devant le tribunal de Covilhã, suite au décès de la mère de la requérante (affaire interne no 2035/03.2TBCVL).

  8. .  Par une ordonnance du 16 juin 2005, le tribunal suspendit l’instance dans l’attente de la conclusion d’une autre procédure d’inventaire. La suspension fut levée le 7 novembre 2008.

  9. .  Aux dernières informations reçues, lesquelles remontent au 17 décembre 2012, la procédure était toujours pendante.
  10. B.  Les autres procédures


  11. .  Le 27 mai 2004, la requérante porta plainte pour insulte, devant le parquet près le tribunal de Fundão, contre le gestionnaire du syndic de sa copropriété (affaire interne no 203/2004.9TAFND). A une date non précisée, elle demanda à intervenir en qualité d’assistente (auxiliaire du ministère public) dans le cadre de la procédure. Le 29 juin 2005, le parquet rendit une ordonnance de classement sans suite au motif que la requérante avait omis de présenter son accusation privée (acusação particular).

  12. .  Le 23 mars 2006, la requérante porta plainte pour coups et blessures, devant le parquet près le tribunal de Covilhã, contre une voisine (affaire interne no 118/2006.6PBCVL). L’affaire fut renvoyée devant le tribunal de Covilhã. Par un jugement du 30 mai 2007, le tribunal acquitta la voisine de la requérante. Cette dernière interjeta appel de la décision. A une date non précisée, le tribunal déclara le recours irrecevable au motif que la requérante ne s’était pas constituée en qualité d’assistente dans le cadre de la procédure.

  13. .  Le 2 décembre 2007, la requérante saisit le parquet près le tribunal de Covilhã d’une plainte, contre un voisin, pour coups et blessures (affaire interne no 314/2007.9PBCVL). Par une ordonnance du 26 février 2008, le parquet classa l’affaire sans suite. La requérante n’indique pas avoir fait appel de cette ordonnance.

  14. .  Le 17 février 2009, la requérante porta plainte devant le parquet près le tribunal de Covilhã contre un de ses professeurs, à l’université, pour coups et blessures affaire interne no 58/2009.7PBCVL). Par une ordonnance du 3 février 2011, le parquet prononça une ordonnance de classement sans suite. La requérante n’indique pas avoir fait appel de cette ordonnance.

  15. .  A une date non précisée, la requérante fut condamnée pour coups et blessures par le tribunal de Covilhã, lequel lui ordonna de verser 400 euros de dommages et intérêts à la victime (affaire interne no 16/2009.1PBCVL). Elle n’indique pas avoir appel de ce jugement.
  16. EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION


  17. .  La requérante allègue que la durée de la procédure d’inventaire devant le tribunal de Covilhã a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
  18. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »


  19. .  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

  20. .  La période à considérer a débuté le 25 septembre 2003 et n’avait pas encore pris fin au 17 décembre 2012. A la date de l’adoption de l’arrêt, elle avait duré 9 années, 4 mois et 28 jours pour une instance.
  21. A.  Sur la recevabilité


  22. .  Le Gouvernement soulève une exception tirée du non-épuisement des voies de recours internes en faisant valoir que la requérante a omis d’introduire au niveau interne une action en responsabilité civile extracontractuelle pour se plaindre de la violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

  23. .  La Cour rappelle la jurisprudence établie dans l’arrêt Martins Castro et Alves Correia de Castro c. Portugal, no 33729/06, 10 juin 2008 selon laquelle l’action en responsabilité extracontractuelle de l’Etat ne peut être considérée comme un recours « effectif » au sens de l’article 13 de la Convention, aussi longtemps que la jurisprudence qui se dégage de l’arrêt de la Cour suprême administrative du 28 novembre 2007 n’aura pas été consolidée dans l’ordre juridique portugais, à travers une harmonisation des divergences jurisprudentielles. L’exception soulevée par le Gouvernement ne peut donc être retenue.

  24. .  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 (a) de la Convention. Elle relève en outre qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
  25. B.  Sur le fond


  26. .  Le Gouvernement estime que la durée de la procédure n’a pas dépassé le « délai raisonnable » au sens de l’article 6 de la Convention, attribuant les retards de la procédure à la complexité de l’affaire et à l’attitude litigieuse des parties. Il affirme, en outre, que l’on ne peut tenir compte, en l’espèce, de la période pendant laquelle la procédure a été suspendue, dans l’attente de la conclusion de la deuxième procédure d’inventaire.

  27. .  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement de la requérante et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).

  28. .  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Frydlender précité).

  29. .  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

  30. .  Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
  31. II.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES


  32. .  Sans invoquer aucune disposition de la Convention, la requérante dénonce l’iniquité des diverses procédures pénales. Elle se plaint aussi de ne pas avoir pu faire appel du jugement du 30 mai 2007 (affaire interne no 118/2006.6PBCVL).

  33. .  En ce qui concerne la procédure interne no 118/2006.6PBCVL, la Cour constate que la requérante n’a pas demandé à intervenir en qualité d’assistente. Quant à la procédure no 203/2004.9TAFND, elle relève que la requérante n’a pas présenté son accusation privée. Partant, s’agissant de ces deux procédures, la requérante n’a pas épuisé les voies de recours internes comme l’exige l’article 35 § 1 de la Convention, les griefs portant sur ces procédures doivent donc être rejetés en application de l’article 35 § 4 de la Convention.

  34. .  Pour ce qui est des restantes procédures pénales, la requérante n’indique pas avoir fait appel des décisions litigieuses. N’étant pas étayés, les griefs portant sur ces procédures doivent être rejetés pour défaut manifeste de fondement, conformément à l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
  35. III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION


  36. .  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
  37. « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »


  38. .  La requérante n’a pas présenté sa demande de satisfaction équitable dans le délai qui lui avait été imparti bien que dans la lettre qui lui a été adressée le 13 avril 2012, son attention fût attirée sur l’article 60 du règlement de la Cour qui dispose que toute demande de satisfaction équitable au titre de l’article 41 de la Convention doit être exposée dans le délai imparti à cet effet. Dès lors, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’octroyer de somme au titre de l’article 41 de la Convention (Willekens c. Belgique, no 50859/99, § 27, 24 avril 2003).
  39. PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la Requête recevable quant au grief tiré de la durée excessive de la procédure d’inventaire et irrecevable pour le surplus ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention concernant la procédure d’inventaire.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 12 mars 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Françoise Elens-Passos                                                       Dragoljub Popović
      Greffière adjointe                                                                    
    Président


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