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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> TKACHENKO v. UKRAINE - 1278/06 - HEJUD (French text) [2013] ECHR 273 (04 April 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/273.html
Cite as: [2013] ECHR 273

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    CINQUIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE TKACHENKO c. UKRAINE

     

    (Requête no 1278/06)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

    STRASBOURG

     

    4 avril 2013

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme


    En l’affaire Tkachenko c. Ukraine,

    La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en un Comité composé de :

              Angelika Nußberger, présidente,
              André Potocki,
              Aleš Pejchal, juges,
    et de Stephen Phillips, greffier adjoint de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 12 mars 2013,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE


  1. .  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 1278/06) dirigée contre l’Ukraine et dont une ressortissante de cet Etat, Mme Tetyana Vasylivna Tkachenko (« la requérante »), a saisi la Cour le 30 décembre 2005 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  2. .  Le gouvernement ukrainien (« le Gouvernement ») a été représenté en dernier lieu par son agent, M. N. Kultchytskyy, du ministère de la Justice.

  3. .  Le 4 janvier 2010, la requête a été communiquée au Gouvernement.
  4. EN FAIT

    LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE


  5. .  La requérante est née en 1958 et réside à Vinnytsya.

  6. .  A l’époque des faits, la requérante était employée en tant que professeur de musique dans une école secondaire à Vinnitsa. Le 10 juillet 2000 elle fut licenciée.

  7. .  Le 10 août 2000, la requérante introduisit auprès du tribunal d’arrondissement de Leninsky à Vinnitsa (ci-après « le tribunal », Ленінський районний суд м. Винниця) une demande visant à obtenir l’annulation de la décision de licenciement, ainsi qu’une indemnisation. Le 15 juin 2001, le tribunal rendit un jugement aux termes duquel il accueillit partiellement sa demande. Le 7 août 2001, la cour de la région de Vinnitsa (depuis juin 2001 - cour d’appel de la région de Vinnitsa) annula la décision du tribunal et renvoya l’affaire pour réexamen. Le 23 novembre 2001, la Cour Suprême rejeta l’appel contre la décision de la cour d’appel.

  8. .  Le 25 juin 2002, le tribunal annula la décision de licenciement et réintégra la requérante dans son ancien poste. Le 19 août 2003 la cour d’appel de la région de Vinnitsa (ci-après « la cour d’appel ») annula la décision du tribunal et renvoya l’affaire pour réexamen.

  9. .  Le 5 février 2004, le tribunal annula la décision de licenciement, réintégra la requérante à son ancien poste et accueillit partiellement sa demande d’indemnisation. Le 28 avril 2004 la cour d’appel annula le jugement de 5 février 2004 et rejeta la demande. Le 26 août 2005 la Cour Suprême confirma la décision de la cour d’appel.
  10. EN DROIT

    I.  SUR LA DURÉE DE LA PROCEDURE


  11. .  La requérante allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
  12. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »


  13. .  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

  14. .  La période à considérer a débuté le 10 août 2000 et s’est terminée le 26 août 2005. Elle a donc duré cinq ans et seize jours, pour trois instances.
  15. A.  Sur la recevabilité


  16. .  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 (a) de la Convention. Elle relève en outre qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
  17. B.  Sur le fond


  18. .  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement de la requérante et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII). La Cour rappelle qu’une diligence particulière s’impose pour le contentieux du travail (Ruotolo c. Italie, arrêt du 27 février 1992, série A no 230-D, p. 39, § 17).

  19. .  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Frydlender précité).

  20.   En l’espèce, elle estime que ni la complexité de l’affaire ni le comportement de la requérante n’expliquent la durée de la procédure. Par ailleurs, la Cour constate que l’affaire a été renvoyée deux fois devant le tribunal de première instance. Or, il n’est pas déraisonnable de penser que ces renvois successifs étaient dus, comme cela ressort des faits de l’espèce, aux erreurs commises par les juridictions inférieures, de sorte que les retards ne sauraient être imputés au requérant. Même si la Cour n’est pas en position d’apprécier le bien-fondé des jugements rendus par les tribunaux internes, elle est de l’avis que les renvois constants dans le cadre d’une même procédure peuvent dévoiler un dysfonctionnement sérieux du système juridique (voir, mutatis mutandis, Wierciszewska c. Pologne, no 41431/98, § 46, 25 novembre 2003 ; et Chuykina c. Ukraine, no 28924/04, § 42, 13 janvier 2011).

  21. .  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».
  22. Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.

    II.  SUR L’AUTRE VIOLATION ALLÉGUÉE


  23. .  La requérante se plaint également de l’iniquité de procédure en question, invoquant à cet égard l’article 6 § 1 de la Convention.

  24. .  La Cour, après avoir examiné l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, n’a décelé aucun indice d’iniquité dans la procédure. Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
  25. III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION


  26. .  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
  27. « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »


  28. . La requérante n’a présenté aucune demande de satisfaction équitable. Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de lui octroyer de somme à ce titre.
  29. PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la requête recevable quant au grief tiré de la durée excessive de la procédure et irrecevable pour le surplus ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 4 avril 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

      Stephen Phillips                                                               Angelika Nußberger
      Greffier adjoint                                                                       
    Présidente

     


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