BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?

No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!



BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback]

European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> FERGADIOTI-RIZAKI v. GREECE - 27353/09 - Chamber Judgment (French Text) [2013] ECHR 344 (18 April 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/344.html
Cite as: [2013] ECHR 344

[New search] [Contents list] [Printable RTF version] [Help]


     

     

     

    PREMIÈRE SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE FERGADIOTI-RIZAKI c. GRÈCE

     

    (Requête no 27353/09)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

    STRASBOURG

     

    18 avril 2013

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Fergadioti-Rizaki c. Grèce,

    La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

              Isabelle Berro-Lefèvre, présidente,
              Elisabeth Steiner,
              Khanlar Hajiyev,
              Mirjana Lazarova Trajkovska,
              Julia Laffranque,
              Linos-Alexandre Sicilianos,
              Erik Møse, juges,
    et de Søren Nielsen, greffier de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 26 mars 2013,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE


  1. .  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 27353/09) dirigée contre la République hellénique et dont une ressortissante de cet Etat, Mme Konstantina Fergadioti-Rizaki (« la requérante »), a saisi la Cour le 27 avril 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  2. .  La requérante est représentée par Me V. Chirdaris, avocat au barreau d’Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») est représenté par les délégués de son agent, Mmes K. Paraskevopoulou, assesseure auprès du Conseil juridique de l’Etat, et Z. Chatzipavlou, auditrice auprès du Conseil juridique de l’Etat et M. M. Apessos, conseiller auprès du Conseil juridique de l’Etat.

  3. .  Le 29 avril 2010, la requête a été communiquée au Gouvernement.
  4. EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE


  5. .  La requérante est née en 1946 et réside à Athènes.

  6. .  Le 20 juin 1990, six personnes, dont le père de la requérante, saisirent le tribunal administratif d’Athènes d’une action en dommages-intérêts contre l’Etat. Ils réclamaient la somme de 963 166 drachmes (l’équivalent de 2 826,61 euros) chacun pour la réparation des dommages causés par la municipalité d’Aigaleo à leur terrain. Le 21 décembre 1990, le père de la requérante décéda. Cette dernière lui succéda dans la procédure, de même que certains des héritiers.

  7. .  Le 30 septembre 1992, le tribunal ajourna l’examen de l’affaire jusqu’à l’issue de la procédure civile engagée par les demandeurs le 25 avril 1989 tendant à la reconnaissance de leurs droits de propriété sur le terrain litigieux (décision no 11323/1992).

  8. .  Le 31 mai 2006, le tribunal ajourna l’examen de l’affaire au motif que les demandeurs n’avaient pas produit tous les éléments de preuve invoqués dans leur recours (décision no 7164/2006).

  9. .  Le 30 novembre 2007, le tribunal fit droit au recours et ordonna à la municipalité de verser 395,65 euros à chacun des demandeurs (somme à partager entre les héritiers du père de la requérante autorisés par le tribunal à poursuivre la procédure). Cette décision (no 15569/2007) fut mise au net et certifiée conforme le 27 octobre 2008. La somme susmentionnée fut versée aux demandeurs.
  10. EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION


  11. .  La requérante allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
  12. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »


  13. .  La période à considérer a débuté le 20 juin 1990 avec la saisine du tribunal administratif d’Athènes par le père de la requérante et s’est terminée le 27 octobre 2008 avec la mise au net de sa décision no 15569/2007. Elle a donc duré dix-huit ans et plus de quatre mois pour une instance.
  14. A.  Sur la recevabilité


  15. .  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
  16. B.  Sur le fond


  17. .  Le Gouvernement affirme que les juridictions ont statué dans un délai qui ne saurait être qualifié de déraisonnable vu le nombre de stades de procédure. Il se réfère particulièrement à l’ajournement de l’examen de l’affaire dans l’attente de l’issue de la procédure civile engagée par les demandeurs tendant à la reconnaissance de leurs droits de propriété sur le terrain litigieux ainsi qu’à l’ajournement pour la production de pièces justificatives. Il soutient que ces délais ne devraient pas être imputés aux autorités. Il allègue en outre que l’enjeu du litige pour la requérante n’était pas important. A cet égard il note que la somme allouée par l’arrêt n15569/2007 du tribunal administratif d’Athènes au père de la requérante au titre des dommages-intérêts s’élevait à 395,65 euros, soit 66 euros pour la requérante, l’une des six héritiers.

  18. .  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).

  19. .  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir l’affaire Frydlender précitée).

  20. .  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Certes, la Cour ne perd pas de vue que le tribunal de première instance a dû ajourner l’examen de l’affaire une première fois dans l’attente de l’issue de la procédure civile engagée par les demandeurs tendant à la reconnaissance de leurs droits de propriété sur le terrain litigieux et une seconde fois au motif que les demandeurs n’avaient pas produit tous les éléments de preuve invoqués dans leur recours. Toutefois, elle réaffirme que l’article 6 § 1 de la Convention oblige les Etats contractants à organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs cours et tribunaux puissent remplir chacune de ses exigences (voir, parmi beaucoup d’autres, Duclos c. France, arrêt du 17 décembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI, p. 2181, § 55 et Comingersoll S.A. c. Portugal [GC], no 35382/97, § 24, CEDH 2000-IV) et, notamment, garantir à chacun le droit d’obtenir une décision définitive dans un délai raisonnable (Frydlender, précité, § 45). Dès lors, la Cour ne saurait estimer « raisonnable » la durée globale écoulée en l’espèce.

  21. .  Par ailleurs, même si une partie de la durée de la procédure litigieuse pourrait techniquement s’expliquer par l’intervention de plusieurs instances, cela ne suffit pas à faire modifier la constatation que la procédure dans sa globalité a été particulièrement longue. Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.
  22. II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION


  23. .  La requérante se plaint également du fait qu’en Grèce il n’existe aucun recours effectif pour se plaindre de la durée excessive de la procédure. Elle invoque l’article 13 de la Convention, ainsi libellé :
  24. « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

    A.  Sur la recevabilité


  25. .  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
  26. B.  Sur le fond


  27. .  La Cour rappelle que l’article 13 garantit un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre d’une méconnaissance de l’obligation, imposée par l’article 6 § 1, d’entendre les causes dans un délai raisonnable (voir Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 156, CEDH 2000-XI).

  28. .  Par ailleurs, la Cour a déjà eu l’occasion de constater que l’ordre juridique hellénique n’offrait pas aux intéressés un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention leur permettant de se plaindre de la durée d’une procédure (Konti-Arvaniti c. Grèce, no 53401/99, §§ 29-30, 10 avril 2003 et Tsoukalas c. Grèce, no 12286/08, §§ 37-43, 22 juillet 2010).

  29. .  La Cour note que le 12 mars 2012 a été publiée la loi no 4055/2012 portant sur l’équité et la durée raisonnable de la procédure judiciaire, qui est entrée en vigueur le 2 avril 2012. En vertu des articles 53 et suivants de la loi précitée, un nouveau recours a été établi permettant aux intéressés de se plaindre de la durée de chaque instance d’une procédure administrative dans un délai de six mois à partir de la date de publication de la décision y relative. La Cour observe cependant que cette loi n’a pas d’effet rétroactif et ne prévoit pas que ce recours puisse être utilisé pour les affaires déjà terminées six mois avant son entrée en vigueur.

  30. .  En l’espèce, la procédure a pris fin le 27 octobre 2008, à savoir plus de six mois avant l’entrée en vigueur de la loi no 4055/2012. Dès lors, la Cour estime qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention en raison, à l’époque des faits, de l’absence en droit interne d’un recours qui aurait permis à la requérante d’obtenir la sanction de son droit à voir sa cause entendue dans un délai raisonnable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.
  31. III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    23.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage


  32. .  La requérante réclame 50 000 euros (EUR), plus intérêts, au titre du préjudice moral qu’elle aurait subi.

  33. .  Le Gouvernement affirme que la somme demandée est excessive et non justifiée compte tenu des circonstances en l’espèce et particulièrement l’enjeu peu important du litige pour la requérante. Le Gouvernement allègue à cet égard qu’afin d’apprécier l’enjeu pour la requérante, il faut vérifier, par analogie, si elle a subi un « préjudice important » à la lumière des conditions prévues par le nouveau critère de recevabilité introduit avec le Protocole n14. Le Gouvernement soutient enfin qu’un constat de violation constituerait en soi une satisfaction équitable suffisante.

  34. .  Dans ses observations en réponse, la requérante conteste la thèse du Gouvernement et allègue qu’en application des conditions prévues par le nouveau critère de recevabilité, il faudrait considérer qu’elle a subi un préjudice important.

  35. .  En l’espèce, la Cour note que la somme réclamée par la requérante devant la Cour au titre du dommage moral est hors de proportion avec la somme allouée par les tribunaux dans les procédures internes (voir, Jenik c. Autriche (déc.), nos 37794/07, 11568/08, 23036/08, 23044/08, 23047/08, 23053/08, 23054/08 et 48865/08, § 65, 20 novembre 2012). Partant, la Cour considère que le constat de la violation des articles 6 § 1 et 13 constitue en l’espèce une satisfaction équitable suffisante (Athanasiadis et autres c. Grèce, no 34339/02, § 27, 28 avril 2005).
  36. B.  Frais et dépens


  37. .  La requérante demande également, facture à l’appui, 1 500 EUR, plus intérêts, pour les frais et dépens engagés devant la Cour.

  38. .  Le Gouvernement affirme que la somme demandée n’est ni nécessaire ni raisonnable. Partant, la somme allouée le cas échéant à ce titre ne saurait dépasser 1 000 EUR.

  39. .  Selon la jurisprudence constante de la Cour, l’allocation de frais et dépens au titre de l’article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI).

  40. .  En l’espèce, compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour juge raisonnable d’allouer à la requérante 500 EUR à ce titre, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt.
  41. C.  Intérêts moratoires


  42. .  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
  43. PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la requête recevable;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

     

    3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention ;

     

    4.  Dit que le constat de la violation constitue en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral éventuellement subi par la requérante ;

     

    5.  Dit

    a)  que l’Etat défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois, 500 EUR (cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par la requérante, pour frais et dépens ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 18 avril 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Søren Nielsen                                                                Isabelle Berro-Lefèvre
       Greffier                                                                               
    Présidente


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/344.html