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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> AKMANSOY v. TURKEY - 14787/07 - Committee Judgment (French Text) [2013] ECHR 466 (28 May 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/466.html
Cite as: [2013] ECHR 466

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    DEUXIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE AKMANSOY c. TURQUIE

     

    (Requête no 14787/07)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

    STRASBOURG

     

    28 mai 2013

     

     

    Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Akmansoy c. Turquie,

    La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en un Comité composé de :

              Peer Lorenzen, président,
              András Sajó,
              Nebojša Vučinić, juges,
    et de Françoise Elens-Passos, greffière adjointe de section f.f.,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 7 mai 2013,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE


  1. .  A l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 14787/07) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Fazlı Cemil Akmansoy (« le requérant »), a saisi la Cour le 30 mars 2007 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  2. .  Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.

  3. .  Le 17 mai 2011, la Cour a communiqué la Requête au Gouvernement et elle a indiqué qu’elle n’avait pas besoin d’observations sur le fond mais le Gouvernement pourrait, s’il le souhaitait, soumettre ses observations. Le Gouvernement ne les a pas soumis.
  4. EN FAIT

    LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE


  5. .  Le requérant est né en 1931 et réside à Istanbul.
  6. A.  La procédure devant le tribunal de grande instance


  7. .  En 1998, une société de construction commença à remblayer la mer pour le compte de la mairie de Pendik afin de construire des bâtiments industriels, lesquels rendaient très difficile l’accès du requérant à son immeuble.

  8. .  Le 1er octobre 1999, la mairie de Pendik démolit les murs du jardin et les dépendances relevant de l’immeuble appartenant au requérant.

  9. .  Le 18 décembre 2000, le requérant introduisit une action en indemnisation contre l’administration en raison de l’expropriation de facto, devant le tribunal de grande instance de Pendik.

  10. .  Par un jugement du 6 novembre 2001, le tribunal de grande instance de Pendik donna partiellement gain de cause au requérant.

  11. .  Par un arrêt du 30 avril 2002, la Cour de cassation confirma ce jugement (2002/9807 K.).
  12. B.  La procédure devant le tribunal administratif d’Istanbul


  13. .  En 2001 et 2002, le requérant introduisit contre l’administration devant le tribunal administratif d’Istanbul (« le tribunal administratif ») deux actions en annulation des contrats relatifs à la location des endroits créés à la fin du remblayage de la mer.

  14. .  Par deux jugements du 31 mars 2003, le tribunal administratif donna gain de cause au requérant et annula lesdits contrats.

  15. .  Par deux arrêts rendus le 29 avril 2005, le Conseil d’État infirma ces jugements.

  16. .  Le 14 février 2006 et le 22 septembre 2006, il rejeta les recours en rectification formés par le requérant.

  17. .  Par un jugement du 13 décembre 2006, le tribunal administratif refusa de se conformer aux arrêts du Conseil d’Etat et donna, à nouveau, gain de cause au requérant.

  18. .  Par deux arrêts rendus les 26 avril et 28 avril 2011, le Conseil d’Etat infirma ces jugements.

  19. .  D’après les éléments du dossier, les affaires sont toujours en cours devant le tribunal administratif.
  20. C.  L’action d’annulation de vente et la plainte portée par le requérant


  21. .  Le requérant affirme qu’entre-temps, une partie de son immeuble fut vendue à la société de construction en cause par une tierce personne au moyen d’une fausse procuration.

  22. .  Le 6 mai 2006, le requérant introduisit une action en annulation de la vente devant le tribunal de grande instance de Pendik.

  23. .  D’après les pièces figurant au dossier, à la date de l’adoption de l’arrêt, l’affaire était toujours pendante devant le tribunal de grande instance de Pendik.

  24. .  Par ailleurs, le requérant porta plainte devant le procureur de la République de Kadıköy, contre plusieurs personnes qu’il tenait responsables de cette vente frauduleuse.

  25. .  Le 5 octobre 2006, le procureur de la République de Kadıköy rendit une ordonnance de non-lieu contre ces personnes.
  26. EN DROIT

    I.  SUR LA RECEVABILITÉ

    A.  Sur le droit de propriété


  27. .  Le requérant, invoquant l’article 1 du Protocole no 1, se plaint d’une atteinte à son droit au respect de ses biens dans la mesure où une partie de son immeuble fut frauduleusement vendue et que les personnes qu’il tenait responsables ne sont pas poursuivies.

  28. .  La Cour estime qu’en l’espèce, la voie de recours appropriée est la procédure civile concernant l’annulation de la vente introduite devant le tribunal de grande instance de Pendik. Elle relève qu’au jour de l’adoption de l’arrêt, ladite procédure est en cours devant les juridictions nationales.

  29. .  Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention pour non-épuisement des voies de recours internes.
  30. B.  Sur le défaut d’équité des procédures internes


  31. .  Le requérant soutient en outre que les procédures suivies devant les juridictions internes n’étaient pas équitable au sens de l’article 6 de la Convention. Il dénonce également une violation de l’article 13 de la Convention pour défaut de motivation des décisions rendues par les juridictions internes. La Cour estime opportun d’examiner ces griefs sous le seul angle de l’article 6 de la Convention.

  32. .  La Cour observe que les procédures en question sont pendantes devant les juridictions nationales et estime nécessaire de connaître l’issue de ces dernières en droit interne pour pouvoir statuer sur ce grief.

  33. .  Il s’ensuit que ce grief est prématuré et qu’il doit être déclaré irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes, conformément à l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
  34. C.  Sur l’article 14 de la Convention


  35. .  Invoquant l’article 14 combiné avec l’article 6 de la Convention, le requérant soutient avoir fait l’objet d’un traitement discriminatoire sur la base de sa revenu.
  36. 29.  La Cour relève qu’il ne ressort pas du dossier que le requérant ait soulevé ce grief, expressément ou en substance, devant les juridictions nationales.


  37. .  Par conséquent, la Cour déclare cette partie de la Requête irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 § 1 et 4 de la Convention.
  38. D.  Sur les griefs tirés des articles 1 et 17 de la Convention


  39. .  D’une manière générale, le requérant soutient ainsi que les articles 1 et 17 de la Convention ont été violés par le Gouvernement.
  40. 32.  Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, la Cour ne trouve aucune apparence de violation de ces articles.


  41. .  Il s’ensuit que cette partie de la Requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
  42. E.  Sur la durée de la procédure


  43. .  La Cour constate que le grief tiré de la durée de la procédure suivie devant les juridictions administratives n’est manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention ni ne se heurte par ailleurs à un quelconque autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
  44. II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION


  45. .  Le requérant allègue que la durée de la procédure civile, suivie devant les juridictions administratives, a méconnu le principe du « délai raisonnable », tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
  46. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »


  47. .  La Cour estime qu’en l’espèce, bien que deux actions indépendantes soient en jeu, il faut considérer être en présence d’une seule procédure car lesdites actions ont un but identique. Elle note que la période a débuté en 2001 à une date non communiquée et n’avait pas encore pris fin à la date de l’adoption de cet arrêt. A supposer que la procédure ait débuté à la fin de l’année 2001, elle a donc déjà duré plus de onze ans et trois mois, pour deux instances.

  48. .  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).

  49. .  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Frydlender précité, Daneshpayeh c. Turquie, n21086/04, 16 juillet 2009).

  50. .  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis et compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».
  51. Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.

    III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION


  52. .  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
  53. « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage, frais et dépens


  54. .  Le requérant réclame 720 000 euros (EUR) au titre du préjudice matériel et moral qu’il aurait subi et pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes. A titre de justificatifs des frais et dépens, il ne fournit aucun document.

  55. .  Le Gouvernement conteste ce montant.

  56. .  La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle estime qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 6 000 EUR au titre du préjudice moral.

  57. .  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. Compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens.
  58. B.  Intérêts moratoires


  59. .  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
  60. PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la Requête recevable quant au grief tiré de la durée excessive de la procédure et irrecevable pour le surplus ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

     

    3.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, 6 000 EUR (six mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 28 mai 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Françoise Elens-Passos                                                          Peer Lorenzen
      Greffière adjointe f.f.                                                               Président


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