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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> ZHELEV v. BULGARIA - 39143/06 - HEJUD (French text) [2013] ECHR 48 (15 January 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/48.html
Cite as: [2013] ECHR 48

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    QUATRIÈME SECTION

     

     

     

     

     

    AFFAIRE ZHELEV c. BULGARIE

     

    (Requête no 39143/06)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

    STRASBOURG

     

    15 janvier 2013

     

     

    Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Zhelev c. Bulgarie,

    La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en un Comité composé de :

              George Nicolaou, président,
              Zdravka Kalaydjieva,
              Faris Vehabović, juges,
    et de Fatoş Aracı, greffière adjointe de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 11 décembre 2012,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE


  1. .  A l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 39143/06) dirigée contre la République de Bulgarie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Atanas Georgiev Zhelev (« le requérant »), a saisi la Cour le 21 septembre 2006 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  2. .  Le requérant a été représenté par Me D.K. Rouseva, avocate à Shumen. Le gouvernement bulgare (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent Mme N. Nikolova, remplacée par la suite par Mme M. Kotseva, du ministère de la Justice.

  3. .  Le 24 novembre 2010, le président de l’ancienne cinquième section a décidé de communiquer la Requête au Gouvernement.

  4. .  Le 1er février 2011, la Cour a modifié la composition de ses sections. L’affaire a été attribuée à la quatrième section ainsi remaniée.
  5. EN FAIT

    LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE


  6. .  Le requérant est né en 1951 et réside à Silistra.

  7. .  Le 15 avril 1995, un accident de la circulation se produisit avec la voiture du requérant sur la route reliant Silistra à Ruse. L’intéressé et une autre personne, une dénommée S.V., furent retrouvés inconscients sur les lieux de l’accident par deux autres automobilistes.

  8. .  Une enquête pénale contre X fut ouverte le 17 avril 1995. Le 7 août 1995, le requérant fut inculpé d’avoir causé à S.V. des lésions corporelles lors de l’accident de circulation du 15 avril 1995 qu’il avait provoqué sous l’emprise de l’alcool.

  9. .  Par la suite, l’affaire fut renvoyée au service de l’instruction par le procureur régional à deux reprises pour des compléments d’enquête : le 17 juillet 1998 et le 26 avril 1999. Au cours de l’instruction préliminaire, les organes de l’enquête effectuèrent une inspection des lieux de l’accident, ordonnèrent plusieurs expertises, mirent en œuvre deux reconstitutions et interrogèrent quatorze témoins.

  10. .  En mai 2000, le requérant fut renvoyé en jugement devant le tribunal de district de Silistra pour avoir causé des lésions corporelles graves à S.V. lors de l’accident de circulation qu’il avait provoqué sous l’emprise de l’alcool.

  11. .  Par un jugement du 6 juin 2000, le tribunal de district de Silistra acquitta le requérant des charges soulevées à son encontre au motif qu’il n’était pas prouvé que c’était lui qui conduisait la voiture accidentée. S.V. interjeta appel devant le tribunal régional de Silistra.

  12. .  A la suite d’une publication dans la presse écrite en date du 15 octobre 2001 au sujet des poursuites pénales intentées à l’encontre du requérant, tous les juges du tribunal régional de Silistra se déportèrent de l’affaire. Le 19 novembre 2001, la Cour suprême de cassation décida de confier l’examen de l’affaire pénale au tribunal régional de Ruse.

  13. .  Le tribunal régional de Ruse examina l’affaire pénale entre le 24 janvier 2002 et le 26 janvier 2004. Deux audiences furent reportées pour absence de la partie civile et une autre audience fut ajournée à cause de l’absence du requérant. Les experts désignés par le tribunal régional en novembre 2002 rendirent leur rapport en juin 2003.

  14. .  Par un jugement du 26 janvier 2004, le tribunal régional de Ruse confirma l’acquittement du requérant. S.V. se pourvut en cassation.

  15. .  Par un arrêt du 9 décembre 2004, la Cour suprême de cassation infirma le jugement du tribunal régional et lui renvoya l’affaire pour réexamen. La haute juridiction enjoignit au tribunal inférieur d’ordonner une nouvelle expertise pour répondre à la question de savoir qui était le conducteur de la voiture accidentée.

  16. .  Le 13 janvier 2005, le tribunal régional de Ruse ordonna la nouvelle expertise aux mêmes experts qui avaient déjà formulé leurs conclusions lors de l’examen précédent de l’affaire. Les experts présentèrent leurs conclusions à l’audience du 17 mars 2005. Sur la base des données du dossier, des dépositions des témoins des événements, des blessures constatées sur les corps du requérant et de S.V. et compte tenu de leur positionnement au moment de leur découverte par les témoins, les experts estimèrent que c’était le requérant qui conduisait le véhicule au moment de l’accident et que S.V. se trouvait sur le siège avant droit.

  17. .  La défense du requérant demanda au tribunal d’ordonner aux experts un complément d’expertise afin de déterminer quelles auraient été les lésions corporelles sur le requérant si l’on supposait qu’il se trouvait sur le siège avant droit ou à l’arrière du véhicule. Le tribunal régional refusa d’ordonner le complément d’expertise demandé pour le motif que les experts avaient déjà répondu aux questions de savoir comment étaient causés les différentes lésions corporelles du requérant et de S.V. et quels étaient les sièges qu’ils occupaient au moment de l’accident.

  18. .  Le 17 mars 2005, le tribunal régional de Ruse prononça son jugement. Il reconnut le requérant coupable des faits reprochés et le condamna à un an et six mois d’emprisonnement avec sursis. Le tribunal admit que l’établissement des faits avait été rendu difficile par l’absence de témoins directs et par le fait que le requérant et S.V. n’avaient aucun souvenir de l’accident. Toutefois, les conclusions des experts sur la nature et l’origine des blessures du requérant et celles de S.V., ainsi que les dépositions des témoins qui étaient les premiers à retrouver la scène de l’accident, permettaient de conclure que c’était le requérant qui conduisait le véhicule et qui avait perdu son contrôle et que S.V. se trouvait sur le siège avant droit lorsque la voiture avait quitté la route. Les preuves médicales démontraient également que la concentration d’alcool dans le sang de l’intéressé allait au-delà des limites autorisées par la législation interne. Le requérant se pourvut en cassation.

  19. .  Par un arrêt du 7 avril 2006, la Cour suprême de cassation rejeta son pourvoi et souscrivit pleinement aux conclusions factuelles et juridiques du tribunal inférieur. La haute juridiction estima que le tribunal régional avait amplement motivé son jugement, qu’il avait pris en compte toutes les preuves pertinentes pour établir les faits et qu’il avait pleinement respecté les règles procédurales et matérielles du droit interne.
  20. EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION


  21. .  Le requérant allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
  22. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »


  23. .  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse. Il soutient que ce grief est irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes et qu’en tout état de cause la durée de la procédure pénale n’a pas été excessive.
  24. A.  Sur la recevabilité


  25. .  Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes. Il soutient en particulier que l’intéressé n’a pas introduit une action en dommages et intérêts en vertu de l’article 2 de la loi sur la responsabilité de l’État et des communes pour dommage ou en vertu de l’article 45 de la loi sur les obligations et des contrats. Il ne s’est pas plaint non plus de la lenteur de la procédure pénale devant le ministère de la Justice ou devant le Conseil suprême de la magistrature qui veillaient sur le bon fonctionnement du système judiciaire.

  26.   La Cour a eu l’occasion d’affirmer à plusieurs reprises que, hormis le recours prévu par l’article 239a de l’ancien CPP et les articles 368 et 369 du nouveau CPP, le droit bulgare ne prévoyait aucune voie de recours susceptible d’accélérer le cours d’une procédure pénale pendante (voir l’arrêt Dimitrov et Hamanov c. Bulgarie, nos 48059/06 et 2708/09, §§ 92-95, 10 mai 2011 avec les références). Or, le Gouvernement n’a pas invoqué ce recours spécifique et la Cour observe qu’en tout état de cause celui-ci n’était pas applicable dans la situation du requérant, étant donné qu’il ne pouvait accélérer que la phase de l’instruction du procès pénal (voir l’arrêt Dimitrov et Hamanov, précité, §§ 92 et 93 in fine) et qu’à l’époque de son introduction en droit interne, à savoir juin 2003, la procédure pénale en cause se trouvait déjà dans la phase judiciaire (voir paragraphe 12 ci-dessus). La Cour a aussi eu l’occasion d’affirmer à plusieurs reprises que le droit bulgare n’offrait aucune voie de recours compensatoire susceptible de remédier aux délais excessifs de la procédure pénale (voir Dimitrov et Hamanov, précité, §§ 96-98, avec les références). La Cour estime que ces mêmes motifs sont également valables dans le cas d’espèce et qu’il y a donc lieu de rejeter l’exception de non-épuisement du Gouvernement.

  27. .  La Cour constate encore que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 (a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
  28. B.  Sur le fond


  29. .  La période à considérer a débuté le 7 août 1995, avec l’inculpation du requérant, et s’est terminée le 7 avril 2006 quand la Cour suprême de cassation a prononcé son arrêt. Elle a donc duré dix ans et huit mois pour trois instances.

  30. .  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes (voir, parmi beaucoup d’autres, Pélissier et Sassi c. France [GC], no 25444/94, § 67, CEDH 1999-II)

  31. .  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention, y compris dans des affaires contre la Bulgarie (voir Pélissier et Sassi, précité, Dimitrov et Hamanov, précité, § 110 et Annexe 1, avec les références).

  32. .  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Elle constate que l’affaire en cause n’était pas particulièrement complexe, que le requérant a été à l’origine d’un seul report d’audience et que le retard principal de la procédure a été dû aux renvois répétés de l’affaire pour des compléments d’enquête et pour un réexamen devant le tribunal régional à cause de divers manquements des autorités des poursuites pénales (voir paragraphes 7-18 ci-dessus). Compte tenu de ces constants et de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

  33. .  Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
  34. II.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES


  35. .  Le requérant se plaint par ailleurs que sa culpabilité n’a pas été établie de manière convaincante et conformément à la loi, ainsi que du refus du tribunal régional de poser aux experts les questions supplémentaires qu’il avait proposées.

  36. .  La Cour a examiné ces autres griefs du requérant. Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle était compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles. Il s’ensuit que cette partie de la Requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 (a) et 4 de la Convention.
  37. III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION


  38. .  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
  39. « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »


  40. . Le requérant n’a présenté aucune demande de satisfaction équitable. Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de lui octroyer de somme à ce titre.
  41. PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,

    1.  Rejette l’exception de non-épuisement soulevée par le Gouvernement ;

     

    2.  Déclare la Requête recevable quant au grief tiré de la durée excessive de la procédure pénale et irrecevable pour le surplus ;

     

    3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 15 janvier 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

         Fatoş Aracı                                                                      George Nicolaou
    Greffière adjointe                                                                      
    Président


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