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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> Turgut and Others v. Turkey (dec.) - 4860/09 - Chamber Judgment (French Text) [2013] ECHR 511 (26 March 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/511.html
Cite as: [2013] ECHR 511

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DEUXIÈME SECTION

DÉCISION

Requête no 4860/09
Müdür TURGUT et autres
contre la Turquie

 La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant le 26 mars 2013 en une Chambre composée de :

          Guido Raimondi, président,
          Danutė Jočienė,
          Peer Lorenzen,
          András Sajó,
          Işıl Karakaş,
          Nebojša Vučinić,
          Helen Keller, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 7 janvier 2009,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

1.  La liste des requérants figure en annexe.

A.  Les circonstances de l’espèce

2.  Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.

1.  La procédure pénale engagée contre Müdür Turgut et Nihat Kasun

3.  Le 26 décembre 1999, Müdür Turgut et Nihat Kasun furent arrêtés à Istanbul en raison de leurs liens présumés avec une organisation terroriste.

4.  Le 30 décembre 1999, un juge assesseur près la cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul (« la CSEI ») ordonna le placement en détention des requérants.

5.  Le même jour, le procureur de la République près la CSEI inculpa les requérants des chefs d’aide et d’appartenance à une organisation terroriste et d’extorsion d’argent au profit de celle-ci.

6.  Le 18 avril 2001, la CSEI acquitta les requérants du chef d’extorsion d’argent mais les condamna à douze ans et six mois de réclusion criminelle pour aide et appartenance à une organisation terroriste.

7.  Par un arrêt du 28 septembre 2001, la Cour de cassation infirma cet arrêt.

2.  La procédure pénale engagée contre Mahmut Han et Cemal Kılıklı

8.  Le 16 février 2000, Mahmut Han fut appréhendé par la police.

9.  Le 17 février 2000, Cemal Kılıklı fut, lui aussi, arrêté.

10.  Le 19 février 2000, un juge assesseur près la CSEI ordonna le placement en détention de Mahmut Han et la mise en liberté de Cemal Kılıklı.

11.  Le 22 février 2000, le procureur de la République près la CSEI inculpa les requérants des chefs d’aide et d’appartenance à une organisation terroriste et d’extorsion d’argent au profit de celle-ci.

3.  La jonction des procédures pénales

12.  Le 14 novembre 2001, les deux procédures susmentionnées engagées contre les requérants furent jointes.

13.  Le 14 juin 2002, cette procédure fut à son tour jointe à celle engagée contre un certain K.Ç.

14.  A partir du 22 janvier 2003, la CSEI commença à émettre des avis de recherche contre K.Ç.

15.  Par un arrêt du 26 décembre 2008, la CSEI décida de mettre un terme à la procédure pénale engagée contre Cemal Kılıklı en raison de la prescription des faits. Elle condamna les trois autres requérants à des peines d’emprisonnement fermes.

16.  Eu égard aux motifs de prescription, Cemal Kılıklı décida de ne pas se pourvoir en cassation, considérant que le constat relatif à la prescription ne pouvait être infirmé par la Cour de cassation.

17.  En revanche, les trois autres requérants formèrent un pourvoi.

18.  Ainsi qu’il ressort de la consultation du site officiel de la Cour de cassation de Turquie, l’examen du pourvoi est toujours pendant à ce jour.

B.  Le droit interne pertinent

La loi no 6384

19.  La loi no 6384 relative au règlement, par l’octroi d’une indemnité, de certaines requêtes introduites devant la Cour européenne des droits de l’homme (Avrupa İnsan Hakları Mahkemesine yapılmış bazı başvuruların tazminat ödenmek suretiyle çözümüne dair kanun – ci-après « la loi d’indemnisation ») fut adoptée par la Grande Assemblée nationale le 9 janvier 2013 et entra en vigueur le 19 janvier 2013.

20.  L’article 2 a) dispose notamment que cette loi s’applique aux affaires de droit pénal, de droit privé et de droit administratif non terminées dans un délai raisonnable ainsi qu’à celles relatives à l’exécution tardive ou partielle ou bien à la non-exécution de décisions de justice.

21.  L’article 4 prévoit la création d’une commission d’indemnisation (ci‑après « la commission ») composée de quatre magistrats et d’un fonctionnaire du ministère des Finances.

22.  Aux termes de l’article 7, premier alinéa, la commission doit se prononcer sur toute demande dont elle est saisie dans un délai de neuf mois.

23.  L’article 7, deuxième alinéa, énonce que les décisions rendues par la commission doivent être motivées, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

24.  L’article 7, alinéa 3, dispose notamment que les décisions rendues par la commission sont susceptibles de recours devant le tribunal administratif régional d’Ankara dans un délai de quinze jours après la notification de la décision concernée. Le tribunal administratif régional doit statuer sur le bien-fondé de ce recours dans un délai de trois mois. L’indemnité accordée par la commission doit être payée par le ministère de la Justice dans un délai de trois mois à compter du jour où la décision de la commission sera devenu définitive, augmentée de tout montant pouvant être dû aux titres des taxes et frais y relatifs.

25.  D’après l’article 8, premier alinéa, une copie de la décision de la commission devenue définitive doit être notifiée à l’autorité judiciaire ou administrative concernée.

L’article 8, deuxième alinéa, énonce que l’autorité judiciaire ou administrative concernée doit terminer rapidement (ivedilikle) les procédures qui seraient encore pendantes devant elle.

26.  D’après l’article 9, cette loi s’applique à toutes les requêtes introduites devant la Cour européenne des droits de l’homme avant le 23 septembre 2012.

C.  Les textes du Conseil de l’Europe

27.  Les textes pertinents adoptés par le Conseil de l’Europe quant aux mesures à prendre pour faire face aux problèmes structurels au sein des ordres juridiques internes sont cités dans l’arrêt Yuriy Nikolayevich Ivanov c. Ukraine (no 40450/04, §§ 35-37, CEDH 2009).

1.  Recommandations du Comité des Ministres

28.  La Recommandation Rec(2004)6 du Comité des Ministres aux Etats membres sur l’amélioration des recours internes, adoptée le 12 mai 2004, se lit ainsi :

« Le Comité des Ministres, en vertu de l’article 15.b du Statut du Conseil de l’Europe,

Considérant que le but du Conseil de l’Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres, et que l’un des moyens les plus importants pour atteindre ce but est la sauvegarde et le développement des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Réaffirmant sa conviction que la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (ci-après dénommée « la Convention ») doit demeurer le point de référence essentiel dans le domaine de la protection des droits de l’homme en Europe et rappelant son engagement à prendre des mesures visant à garantir l’efficacité à long terme du système de contrôle institué par la Convention ;

Rappelant le caractère subsidiaire du mécanisme de contrôle institué par la Convention, qui présuppose, conformément à son article 1er, que les droits et libertés garantis par la Convention soient protégés tout d’abord par le droit interne et appliqués par les autorités nationales ;

Se félicitant à cet égard de ce que la Convention fait aujourd’hui partie intégrante de l’ordre juridique interne de l’ensemble des Etats parties ;

Soulignant que, ainsi que l’article 13 de la Convention l’exige, les Etats membres se sont engagés à ce que toute personne pouvant alléguer de manière défendable une violation de ses droits et libertés reconnus dans la Convention ait droit à un recours effectif devant une instance national ;

Rappelant que, au-delà de l’obligation de s’assurer de l’existence de tels recours effectifs au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme (ci-après dénommée « la Cour »), les Etats ont l’obligation générale de remédier aux problèmes sous-jacents aux violations constatées ;

Soulignant qu’il appartient aux Etats membres d’assurer que les recours internes soient effectifs en droit et en pratique, et qu’ils puissent aboutir à une décision sur le bien-fondé du grief et à un remède approprié de toute violation constatée ;

Notant que la nature et le nombre des requêtes portées devant la Cour et les arrêts qu’elle rend démontrent plus que jamais le besoin, pour les Etats membres, de s’assurer de manière efficace et régulière que de tels recours existent en toute circonstance en particulier dans le cas de durée excessive de procédures juridictionnelles ;

Estimant que la disponibilité de recours internes effectifs pour toutes les allégations défendables de violations de la Convention devrait permettre de réduire la charge de travail de la Cour, en raison, d’une part, de la réduction du nombre des affaires qui lui parviennent et, d’autre part, du fait que le traitement circonstancié des affaires au plan national est de nature à faciliter leur examen ultérieur par la Cour ;

Soulignant que l’amélioration des recours au niveau national, tout particulièrement en matière d’affaires répétitives, devrait également contribuer à réduire la charge de travail de la Cour ;

Recommande aux Etats membres, en tenant compte des exemples de bonnes pratiques figurant en annexe :

I.  de s’assurer par un suivi constant, à la lumière de la jurisprudence de la Cour, que des recours internes existent pour toute personne alléguant d’une façon défendable une violation de la Convention et que ces recours sont effectifs, dans la mesure où ils permettent d’aboutir à une décision sur le bien-fondé du grief et à un remède approprié de toute violation constatée ;

II.  de réexaminer, à la suite d’arrêts de la Cour qui révèlent des défaillances structurelles ou générales dans le droit ou la pratique de l’Etat, l’effectivité des recours internes existants et, le cas échéant, mettre en place des recours effectifs afin d’éviter que des affaires répétitives ne soient portées devant la Cour ;

III.  de porter une attention particulière, dans le cadre des points I et II ci-dessus, à l’existence de recours effectifs en cas d’allégation défendable de durée excessive des procédures juridictionnelles ;

Charge le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe de déployer les moyens nécessaires pour octroyer une assistance appropriée aux Etats membres qui le demanderaient, afin de les aider à mettre en œuvre la présente recommandation. »

29.  La recommandation du Comités des ministres CM/Rec(2008)2 sur des moyens efficaces à mettre en œuvre au niveau interne pour l’exécution rapide des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, adoptée le 6 février 2008, se lit ainsi dans sa partie pertinente en l’espèce :

« Le Comité des Ministres, en vertu de l’article 15.b du Statut du Conseil de l’Europe,

a.  Soulignant l’obligation juridique des Hautes Parties contractantes au regard de l’article 46 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (ci-après « la Convention ») de se conformer à tous les arrêts définitifs de la Cour européenne des Droits de l’Homme (ci-après « la Cour ») dans les litiges auxquels elles sont parties ;

b.  Réitérant le fait que les arrêts dans lesquels la Cour a constaté une violation imposent aux Hautes Parties contractantes une obligation de :

–  verser toute somme octroyée par la Cour au titre de la satisfaction équitable ;

–  adopter, le cas échéant, des mesures de caractère individuel pour mettre un terme à la violation constatée par la Cour et pour, autant que faire se peut, en réparer les effets ;

–  adopter, le cas échéant, les mesures de caractère général nécessaires pour mettre un terme aux violations similaires ou les prévenir.

c.  Rappelant également que, sous la surveillance du Comité des Ministres, l’Etat défendeur demeure libre de choisir les moyens par lesquels il s’acquittera de son obligation juridique au titre de l’article 46 de la Convention afin de se conformer aux arrêts définitifs de la Cour ; (...) »

2.  Conférences sur l’avenir de la Cour européenne des droits de l’homme

30.  Le 19 février 2010, à l’issue de la Conférence de haut niveau sur l’avenir de la Cour européenne des droits de l’homme, qui s’est tenue à Interlaken, fut adoptée une déclaration dont les parties pertinentes sont libellées ainsi :

« D.  Requêtes répétitives

7.  La Conférence :

a)  appelle les Etats parties à :

i.  favoriser, lorsque cela est approprié, dans le cadre des garanties fournies par la Cour et, au besoin, avec l’aide de celle-ci, la conclusion de règlements amiables et l’adoption de déclarations unilatérales ;

ii.  coopérer avec le Comité des Ministres, après un arrêt pilote définitif, afin de procéder à l’adoption et à la mise en œuvre effective des mesures générales, aptes à remédier efficacement aux problèmes structurels à l’origine des affaires répétitives ;

b)  souligne la nécessité pour la Cour de mettre en place des standards clairs et prévisibles pour la procédure dite d’« arrêts pilotes » concernant la sélection des requêtes, la procédure à suivre et le traitement des affaires suspendues, et d’évaluer les effets de l’application de cette procédure et des procédures similaires ;

(...)

F.  Surveillance de l’exécution des arrêts

11.  La Conférence souligne qu’il est urgent que le Comité des Ministres :

a)  développe les moyens permettant de rendre sa surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour plus efficace et transparente. Elle l’invite, à cet égard, à renforcer cette surveillance en donnant une priorité et une visibilité accrues non seulement aux affaires nécessitant des mesures individuelles urgentes, mais aussi aux affaires révélant d’importants problèmes structurels, en accordant une attention particulière à la nécessité de garantir des recours internes effectifs ;

(...) »

31.  Les 26 et 27 avril 2011, à l’issue de la Conférence de haut niveau sur l’avenir de la Cour européenne des droits de l’homme, qui s’est tenue à İzmir, fut adoptée une déclaration dont les parties pertinentes énoncent :

« B.  Mise en œuvre de la Convention au niveau national

La Conférence :

1.  Réitère les appels figurant sous ce volet dans la Déclaration d’Interlaken et invite les Etats Parties plus particulièrement à :

a.  Veiller à ce que des voies de recours internes efficaces, qu’elles soient de nature spécifique ou qu’elles constituent une voie de recours général en droit interne, permettent de se prononcer sur une violation alléguée de la Convention et, le cas échéant, d’y remédier ;

b.  Coopérer pleinement avec le Comité des Ministres dans le cadre des nouvelles méthodes de surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour ;

c.  Veiller à ce que les curricula de formation professionnelle des juges, des procureurs, et des autres agents chargés de pourvoir à l’application de la loi, ainsi que des membres des forces de sécurité contiennent des informations adéquates sur la jurisprudence bien établie de la Cour dans leurs domaines professionnels respectifs ;

d.  Envisager de contribuer à la traduction dans leur langue nationale du guide pratique sur la recevabilité élaboré par le greffe de la Cour ;

e.  Envisager de contribuer au Fonds fiduciaire pour les droits de l’homme.

2.  Invite les Etats Parties à consacrer toute l’attention nécessaire à la préparation des rapports nationaux qu’ils doivent présenter d’ici à la fin de 2011, en y décrivant les mesures prises pour mettre en œuvre les parties pertinentes de la Déclaration d’Interlaken et la façon dont elles ont l’intention de traiter d’éventuelles lacunes, afin que ces rapports fournissent une base solide pour des améliorations ultérieures au niveau national.

(...)

E.  Requêtes répétitives

La Conférence, tout en réitérant les appels du Plan d’Action d’Interlaken à l’égard des requêtes répétitives et prenant note avec satisfaction des premiers résultats encourageants des nouvelles compétences des comités de trois juges :

1.  Invite les Etats Parties à privilégier la conclusion des affaires répétitives par des règlements amiables ou des déclarations unilatérales, le cas échéant ;

2.  Souligne l’importance de l’assistance active de la Cour aux Etats Parties dans leurs efforts pour parvenir à des règlements amiables et faire des déclarations unilatérales le cas échéant, et encourage le rôle joué par la Cour à cet égard, ainsi que la nécessité de sensibiliser au fait que les règlements amiables font partie intégrante de la Convention pour le règlement des différends entre parties aux instances pendantes devant la Cour ;

3.  Estime que la Cour, lorsqu’elle se réfère à sa « jurisprudence bien établie », doit tenir compte des circonstances et de l’évolution législative et factuelle intervenue dans l’Etat défendeur ;

4.  Salue les travaux en cours au sein du Comité des Ministres concernant l’élaboration de propositions spécifiques, qui nécessiteraient d’amender la Convention, afin d’accroître la capacité de traitement des affaires par la Cour, et considère que les propositions faites devraient également permettre à la Cour de se prononcer sur des affaires répétitives dans un délai raisonnable ;

5.  Se félicite du nouvel Article 61 du Règlement de la Cour adopté par la Cour sur la procédure des arrêts pilotes. »

32.  La Conférence à haut niveau réunie à Brighton les 19 et 20 avril 2012 à l’initiative de la présidence britannique du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe (« Conférence sur l’avenir de la Cour européenne des droits de l’homme ») a déclaré notamment ce qui suit :

« A.  Mise en œuvre de la Convention au niveau national

7.  La pleine mise en œuvre de la Convention au niveau national suppose que les Etats parties prennent des mesures effectives pour prévenir les violations. Toutes les lois et politiques devraient être conçues et tous les agents publics devraient exercer leurs responsabilités d’une manière qui donne plein effet à la Convention. Les Etats parties doivent aussi prévoir des voies de recours pour les violations alléguées de la Convention. Les juridictions et instances nationales devraient prendre en compte la Convention et la jurisprudence de la Cour. La combinaison de toutes ces mesures devrait permettre de réduire le nombre de violations de la Convention. Elle devrait aussi permettre de réduire le nombre de requêtes bien fondées présentées à la Cour, ce qui contribuerait à alléger sa charge de travail.

(...)

D.  Traitement des requêtes

(...)

18.  Les requêtes répétitives ont le plus souvent pour origine des problèmes systémiques ou structurels au niveau national. Il incombe aux Etats parties concernés, sous la surveillance du Comité des Ministres, de faire en sorte que ces problèmes et les violations qui en découlent soient réglés dans le cadre de l’exécution effective des arrêts de la Cour.

(...)

20.  En conséquence, la Conférence :

(...)

c)  reste préoccupée par le grand nombre de requêtes répétitives en instance devant la Cour ; se félicite que celle-ci continue d’appliquer des mesures proactives, en particulier la procédure de l’arrêt pilote, pour traiter les violations répétitives avec efficacité ; et encourage les Etats parties, le Comité des Ministres et la Cour à travailler de concert pour trouver les moyens de régler le grand nombre de requêtes résultant de problèmes systémiques identifiés par la Cour, en examinant les différentes idées qui ont été avancées, y compris leurs implications juridiques, pratiques et financières, et en tenant compte du principe d’égalité de traitement de tous les Etats parties ;

(...)

F.  Exécution des arrêts de la Cour

26.  Chaque Etat partie s’est engagé à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans toute affaire dans laquelle il est partie. Par sa surveillance, le Comité des Ministres veille à ce qu’il soit donné suite de manière appropriée aux arrêts de la Cour, y compris par la mise en œuvre de mesures générales destinées à résoudre des problèmes systémiques plus larges.

27.  Le Comité des Ministres doit par conséquent vérifier de manière effective et équitable si les mesures prises par un Etat partie ont mis un terme à une violation. Le Comité des Ministres devrait pouvoir prendre des mesures effectives à l’égard d’un Etat partie qui manque à ses obligations au titre de l’article 46 de la Convention. Le Comité des Ministres devrait accorder une attention particulière aux violations révélatrices d’un problème systémique au plan national, et veiller à ce que les Etats parties exécutent rapidement et effectivement les arrêts pilotes.

(...)

29.  En conséquence, la Conférence :

(...)

b) réitère l’invitation adressée au Comité des Ministres par les Conférences d’Interlaken et d’Izmir à appliquer pleinement le principe de subsidiarité, selon lequel les Etats parties peuvent choisir de quelle manière ils entendent satisfaire à leurs obligations en vertu de la Convention ; (...) »

GRIEFS

33.  Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants allèguent que les procédures pénales engagées contre eux ont méconnu le principe du « délai raisonnable ».

34.  Sur le terrain de l’article 13 de la Convention, ils dénoncent en outre l’inexistence en Turquie d’une instance susceptible de connaître de plaintes relatives à la durée excessive d’une procédure.

EN DROIT

35.  Les requérants allèguent que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » énoncé à l’article 6 § 1 de la Convention, dont les dispositions pertinentes en l’espèce se lisent ainsi :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

36.  Les requérants se plaignent également de l’absence en Turquie d’une voie de droit permettant de dénoncer la durée excessive d’une procédure. Ils invoquent à cet égard l’article 13 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

A.  Application de la procédure de l’arrêt pilote

37.  La Cour rappelle que dans l’affaire Ümmühan Kaplan c. Turquie (no 24240/07, 20 mars 2012) elle a appliqué la procédure de l’arrêt pilote. Dans l’arrêt qu’elle a rendu dans cette affaire, elle a constaté d’abord que la répétition de violations de l’article 6 de la Convention perdurait depuis plusieurs années et constituait donc un problème tant structurel que systémique de l’ordre juridique interne incompatible avec l’article 6 § 1 de la Convention.

38.  Toujours dans cet arrêt, la Cour a conclu également à la violation de l’article 13 de la Convention à raison de l’absence en droit interne d’un recours qui eût permis à la requérante d’obtenir la sanction de son droit à voir sa cause entendue dans un délai raisonnable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.

39.  Au titre de l’article 46 de la Convention, la Cour a estimé dans l’arrêt Ümmühan Kaplan que l’Etat défendeur devait mettre en place dans son ordre juridique interne un recours effectif permettant d’offrir un redressement adéquat et suffisant en cas de dépassement du délai raisonnable, au sens des articles 6 § 1 et 13, au plus tard dans un délai d’un an à compter de la date à laquelle son arrêt serait devenu définitif. Elle a précisé que ce recours concernait les requêtes pendantes et celles qui auraient été introduites avant la date d’entrée en vigueur du recours constitutionnel, le but étant d’éviter l’encombrement du rôle de la Cour par des affaires similaires à celles dont elle était saisie.

40.  Enfin, sans préjuger de l’effectivité, dans ce domaine, dudit recours constitutionnel – qui en fait est fonctionnel depuis le 23 septembre 2012 –, la Cour a décidé dans l’affaire Ümmühan Kaplan d’ajourner l’examen des requêtes similaires non encore communiquées ainsi que celles qui seraient introduites avant la date précitée en attendant que l’Etat défendeur prenne les mesures adéquates propres à résoudre le problème structurel en question. En revanche, la Cour a décidé de poursuivre l’examen des requêtes de ce type déjà communiquées au gouvernement défendeur selon la procédure ordinaire.

B.  Création d’une nouvelle voie de recours interne à la suite de l’application de la procédure de l’arrêt pilote

41.  La Cour rappelle que, dans ses observations du 14 novembre 2011 dans l’affaire Ümmühan Kaplan, le gouvernement défendeur a pris l’engagement d’établir une voie de recours ad hoc pour remédier au problème structurel, objet de la procédure de l’arrêt pilote dans cette affaire, conformément à la jurisprudence de la Cour en la matière.

42.  Dans ce contexte, le 9 janvier 2013, la Grande Assemblée nationale a adopté la loi no 6384 relative au règlement, par l’octroi d’une indemnité, de certaines requêtes introduites devant la Cour européenne des droits de l’homme. Cette loi instaure une commission d’indemnisation et énonce les principes et la procédure à suivre relativement à l’indemnisation dans les affaires de durée de procédure ainsi que dans celles relatives à la non-exécution ou à l’exécution partielle ou tardive de décisions de justice. Cette loi s’applique à toutes les requêtes introduites devant la Cour européenne des droits de l’homme avant le 23 septembre 2012 (paragraphes 19-26 ci‑dessus).

C.  Appréciation de la Cour concernant la nouvelle voie de recours

1.  Principes généraux pertinents

43.  La Cour rappelle que la règle de l’épuisement des voies de recours internes vise à ménager aux Etats contractants l’occasion de prévenir ou de redresser les violations alléguées contre eux avant que ces allégations ne lui soient soumises (voir, parmi beaucoup d’autres, Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 74, CEDH 1999‑V). Cette règle se fonde sur l’hypothèse, objet de l’article 13 de la Convention – et avec lequel elle présente d’étroites affinités – que l’ordre interne offre un recours effectif quant à la violation alléguée. De la sorte, elle constitue un aspect important du principe voulant que le mécanisme de sauvegarde instauré par la Convention revête un caractère subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux de garantie des droits de l’homme (Brusco c. Italie (déc.), no 69789/01, CEDH 2001‑IX, et Demopoulos et autres c. Turquie (déc.) [GC], nos 46113/99, 3843/02, 13751/02, 13466/03, 10200/04, 14163/04, 19993/04 et 21819/04, § 69, CEDH 2010).

44.  La règle de l’article 35 § 1 se fonde toutefois sur l’hypothèse que l’ordre interne offre un recours effectif quant à la violation alléguée (voir, par exemple, Kudła c. Pologne [GC], n30210/96, § 152, CEDH 2000‑XI, Charzyński c. Pologne (déc.), no 15212/03, CEDH 2005‑V, Tadeusz Michalak c. Pologne, (déc.), n24549/03, 1er mars 2005, et İçyer c. Turquie (déc.), no 18888/02, § 69, CEDH 2006‑I).

45.  Néanmoins, les dispositions de l’article 35 de la Convention ne prescrivent l’épuisement que des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Ils doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues (voir, notamment, Akdivar et autres c. Turquie, 16 septembre 1996, § 66, Recueil des arrêts et décisions 1996‑IV, et Dalia c. France, 19 février 1998, § 38, Recueil 1998‑I). De plus, selon les « principes de droit international généralement reconnus », certaines circonstances particulières peuvent dispenser le requérant de l’obligation d’épuiser les recours internes qui s’offrent à lui (Selmouni, précité, § 75). Cependant, la Cour souligne que le simple fait de nourrir des doutes quant aux perspectives de succès d’un recours donné qui n’est pas de toute évidence voué à l’échec ne constitue pas une raison valable pour justifier la non-utilisation de recours internes (Brusco, (déc.), précitée).

46.  L’épuisement des voies de recours internes s’apprécie normalement à la date d’introduction de la requête devant la Cour. Cependant, comme la Cour l’a indiqué maintes fois, cette règle ne va pas sans exceptions, qui peuvent être justifiées par les circonstances particulières de chaque cas d’espèce (Baumann c. France, no 33592/96, § 47, 22 mai 2001, et Brusco, (déc.) précitée). La Cour s’est en particulier écartée de cette règle générale dans des requêtes dirigées contre l’Italie, la Croatie, la Slovaquie, la Pologne, la Russie et l’Allemagne concernant des recours qui avaient pour objet la durée excessive d’une procédure (Brusco, (déc.), précitée, Nogolica c. Croatie (déc.), n77784/01, CEDH 2002‑VIII, Andrášik et autres c. Slovaquie (déc.), nos 57984/00, 60226/00, 60237/00, 60242/00, 60679/00, 60680/00 et 68563/01, CEDH 2002‑IX, Charzyński et Tadeusz Michalak, (déc.), précitées, Fakhretdinov et autres c. Russie (déc.), nos 26716/09, 67576/09 et 7698/10, 23 septembre 2010, et Reinhold Taron c. Allemagne (déc.), no 53126/07, 29 mai 2012).

2.  Application de ces principes à la présente affaire

47.  En l’espèce, la Cour relève d’abord qu’à la suite de la procédure de l’arrêt pilote, le 9 janvier 2013, la Grande Assemblée nationale a adopté la loi no 6384 relative au règlement, par l’octroi d’une indemnité, de certaines requêtes introduites devant la Cour européenne des droits de l’homme. Cette loi s’applique aux requêtes relatives à la « durée de la procédure » introduites devant la Cour avant le 23 septembre 2012. Elle a donc pour but de rendre effectif en droit national le principe du « délai raisonnable », conformément à la jurisprudence de la Cour en la matière.

48.  A la lumière de ce constat, la Cour doit en conséquence déterminer si les requérants sont en l’occurrence tenus d’exercer, conformément à l’article 35 § 1 de la Convention, la nouvelle voie de recours qui s’offre désormais à eux en droit interne.

49.  Elle note que la présente requête a été introduite devant elle avant l’entrée en vigueur de la loi no 6384, soit à une époque où les requérants ne disposaient pas en droit turc d’un recours effectif pour se plaindre de la durée de la procédure litigieuse (Daneshpayeh c. Turquie, n21086/04, §§ 37-38, 16 juillet 2009).

50.  Toutefois, elle rappelle qu’elle s’est en particulier écartée du principe général selon lequel la condition de l’épuisement doit être appréciée au moment de l’introduction de la requête dans des affaires dirigées contre certains Etats membres concernant des recours qui avaient pour objet la durée excessive de procédures (paragraphe 46 ci-dessus). Elle a fait de même dans certaines affaires dirigées contre la Turquie qui soulevaient des questions liées au droit de propriété (İçyer (déc.), précitée, Demopoulos et autres, (déc.), précitée, Altunay c. Turquie (déc.), no 42936/07, 17 avril 2012, et Tahir Arıoğlu et autres c. Turquie (déc.), no 11166/05, 6 novembre 2012).

51.  Pour la Cour, l’instauration du nouveau recours interne par la loi no 6384 constitue une conséquence directe et concrète de la procédure de l’arrêt pilote ayant pour but de traiter les affaires répétitives de durée de procédure dirigées contre la Turquie face à la menace grandissante que faisaient peser sur le système de la Convention les quantités importantes d’affaires similaires résultant d’un même problème structurel ou systémique. Elle observe que les autorités nationales de l’Etat défendeur ont, conformément aux principes qui se dégagent de la jurisprudence de la Cour en la matière ainsi qu’aux constats établis dans l’arrêt pilote rendu au titre de l’article 46 de la Convention, instauré un recours interne. Elle note ainsi avec intérêt que l’Etat défendeur, en conformité avec les recommandations du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe et les déclarations des Conférences d’Interlaken, d’Izmir et de Brighton, a rempli le rôle qui est le sien dans le système de la Convention en résolvant ce genre de problèmes au niveau national, reconnaissant ainsi aux personnes concernées les droits et libertés définis dans la Convention, comme le veut l’article 1 de la Convention, en leur offrant un redressement plus rapide tout en allégeant la charge de la Cour qui, sinon, aurait à connaître de quantités de requêtes semblables en substance (Wolkenberg et autres c. Pologne (déc.), no 50003/99, 4 décembre 2007, et Broniowski c. Pologne [GC], no 31443/96, §§ 190-191, CEDH 2004‑V).

52.  La Cour constate que la loi no 6384 s’applique à toutes les requêtes pendantes devant elle, non encore communiquées au gouvernement défendeur, introduites avant le 23 septembre 2012. La loi s’étend à toutes les affaires de droit pénal, de droit privé et de droit administratif qui ont dépassé une « durée raisonnable ». Elle prévoit la création d’une commission d’indemnisation qui doit se prononcer sur toute demande dont elle est saisie dans un délai de neuf mois. Cette commission est composée majoritairement de magistrats. Lorsqu’elle constate que la procédure ne s’est pas terminée dans un délai raisonnable, elle doit rendre des décisions motivées et octroyer une indemnité pour chaque situation individuelle qu’elle aura examinée, conformément à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg. L’indemnité accordée par la commission doit être payée par le ministère de la Justice dans un délai de trois mois à compter du jour où la décision de la commission sera devenue définitive. L’indemnité ainsi octroyée est exempte de taxes et de frais. Les décisions rendues par cette commission sont susceptibles de recours devant le tribunal administratif régional qui doit statuer dans un délai de trois mois. Enfin, les décisions de la commission passée en force de chose jugée doivent être notifiées à l’autorité judiciaire ou administrative compétente pour que celle-ci puisse terminer rapidement la procédure qui serait encore pendante devant elle.

53.  La Cour note que toute personne peut contester les décisions rendues par le tribunal administratif régional devant la Cour constitutionnelle, conformément à la loi no 6216 ayant instauré un recours individuel devant la Cour constitutionnelle, lequel est entrée en vigueur le 23 septembre 2012 (Ümmühan Kaplan, précité, § 27). Elle relève également que, à la suite de la décision rendue par la juridiction constitutionnelle, toute personne peut saisir la Cour de Strasbourg d’un grief tiré de la Convention européenne des droits de l’homme.

54.  La Cour est d’avis que le recours instauré par la loi no 6384 a pour but de porter remède aux griefs tirés de la durée excessive de procédures, conformément aux principes qui se dégagent de la jurisprudence de la Cour en la matière. Elle estime qu’une importance particulière doit être attachée au fait que le recours prévu par la loi no 6384 s’inscrit dans le cadre des mesures prises à la suite de l’application de la procédure de l’arrêt pilote et des obligations de l’Etat défendeur au titre de l’article 46 de la Convention. La loi no 6384 a essentiellement pour buts, d’une part, de permettre à l’Etat défendeur de redresser les manquements à l’exigence du « délai raisonnable » et, d’autre part, de réduire voire de liquider le nombre de requêtes inscrites au rôle de la Cour concernant ce problème systémique ou structurel dont l’existence a été établie dans la procédure de l’arrêt pilote. La Cour rappelle qu’au 31 décembre 2012 plus de 3 800 requêtes introduites devant elle découlant de la même problématique n’avaient pas encore été communiquées au gouvernement défendeur (Ümmühan Kaplan, précité, § 64).

55.  Aussi, tenant compte de la nature de la loi no 6384 et du contexte dans lequel celle-ci est intervenue, la Cour estime qu’il est justifié de faire une exception au principe général selon lequel la condition de l’épuisement doit être appréciée au moment de l’introduction de la requête. En effet, à ce stade de la procédure, elle n’est pas en mesure d’affirmer que le recours ainsi créé ne serait pas effectif et accessible. Il faut également souligner que la loi no 6384 instaure un recours qui sera soumis d’abord au contrôle du tribunal régional d’Ankara puis, le cas échéant, à celui de la Cour constitutionnelle, et enfin à celui de la Cour de Strasbourg (Scordino c. Italie (no 1) [GC], no 36813/97, § 144, CEDH 2006‑V).

56.  En conséquence, les requérants soutenant que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » et eu égard à l’inexistence en Turquie d’une juridiction susceptible de connaître de plaintes relatives à la durée excessive d’une procédure, la Cour juge approprié qu’en l’espèce les intéressés doivent, conformément à l’article 35 § 1 de la Convention, saisir la commission d’indemnisation instaurée par la loi no 6384, dans la mesure où il s’agit, à priori, d’un recours accessible et susceptible de leur offrir des perspectives raisonnables de redressement de leurs griefs. Elle constate en effet que l’Etat défendeur a mis en place au niveau national, à la suite de la procédure de l’arrêt pilote, une solution aux nombreuses affaires individuelles nées du même problème structurel, donnant ainsi effet au principe de subsidiarité qui est à la base du système de la Convention (Bourdov c. Russie (no 2), no 33509/04, § 127, CEDH 2009). La Cour tient ainsi compte du fait que l’Etat défendeur a organisé son système judiciaire en créant une commission d’indemnisation chargée de traiter les litiges relatifs à la durée excessive de procédures en vue d’une bonne administration de la justice (Erol Soyuer et 46 autres requêtes c. Turquie (déc.), § 70, no 49445/07, 21 juin 2011). La Cour ne s’acquitte pas forcément au mieux de sa tâche, qui consiste selon l’article 19 de la Convention à « assurer le respect des engagements résultant pour les Hautes Parties contractantes de la (...) Convention et de ses Protocoles », en répétant les mêmes conclusions dans un grand nombre d’affaires (voir, mutatis mutandis, E.G. c. Pologne (déc.), no 50425/99, § 27, CEDH 2008, et Glykantzi c. Grèce, no 40150/09, § 64, 30 octobre 2012).

57.  Toutefois, cette conclusion ne préjuge en rien d’un éventuel réexamen de la question de l’effectivité et de la réalité du recours instauré par la loi no 6384 à la lumière de la pratique et des décisions rendues par la commission d’indemnisation et les juridictions nationales. En tout état de cause, la charge de la preuve concernant l’effectivité de ce recours pèsera alors sur l’Etat défendeur (Taron, (déc.), précitée, § 45, Fakhretdinov et autres, (déc.), précitée, § 33, et, mutatis mutandis, Tahir Arıoğlu et autres, (déc.), précitée, § 34).

58.  Il s’ensuit que le grief des requérants tiré du « délai raisonnable » doit être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

59.  La Cour a constaté que la commission d’indemnisation instaurée par la loi no 6384 offre bien aux requérants un recours à épuiser au sens de l’article 13 de la Convention leur permettant de se plaindre de la durée d’une procédure aux fins de l’article 6 § 1 de la Convention, concernant toutes les requêtes pendantes devant elle, non encore communiquées au gouvernement défendeur, introduites avant le 23 septembre 2012 (paragraphe 52 ci-dessus).

60.  Il s’ensuit que le grief des requérants tirés de l’article 13 de la Convention est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 (a) et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Stanley Naismith                                                                 Guido Raimondi
       
Greffier                                                                               Président



ANNEXE

 

 

No

Prénom NOM

Date de naissance

Année de naissance

Nationalité

Lieu de résidence

Représentant

1.                   

Müdür TURGUT

12/11/1977

1977

turque

İstanbul

M. ERBİL

2.                   

Nihat KASUN

01/07/1962

1962

turque

Tunceli

M. ERBİL

3.                   

Cemal KILIKLI

05/11/1970

1970

turque

İstanbul

M. ERBİL

4.                   

Mahmut HAN

06/05/1975

 

1975

turque

İstanbul

M. ERBİL

 


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