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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> MEHMET ERKEK v. TURKEY - 45070/05 - Committee Judgment (French Text) [2013] ECHR 530 (11 June 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/530.html
Cite as: [2013] ECHR 530

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    DEUXIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE MEHMET ERKEK c. TURQUIE

     

    (Requête no 45070/05)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

     

    STRASBOURG

     

    11 juin 2013

     

     

    Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

     


    En l’affaire Mehmet Erkek c. Turquie,

    La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en un Comité composé de :

              Peer Lorenzen, président,
              András Sajó,
              Nebojša Vučinić, juges,
    et de Françoise Elens-Passos, greffière adjointe de section f.f.,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 21 mai 2013,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE


  1. .  A l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 45070/05) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Mehmet Erkek (« le requérant »), a saisi la Cour le 1er décembre 2005 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  2. .  Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») est représenté par son agent.

  3. .  Le 4 novembre 2010, la Requête a été communiquée au Gouvernement.
  4. EN FAIT


  5. .  Le requérant est né en 1958 et réside à Istanbul.

  6. .  En 1956, à une date non précisée, le de cujus du requérant, M. Ahmet Erkek, devint « partie intervenante » dans une action en annulation d’une inscription cadastrale devant le tribunal de grande instance de Fethiye.

  7. .  Le 25 décembre 1982, il décéda. Son fils, M. Mehmet Erkek, le requérant, poursuivit l’affaire.

  8. .  A une date inconnue, le tribunal rendit une ordonnance d’incompétence et renvoya l’affaire devant le tribunal de cadastre de Fethiye.

  9. .  Le 22 avril 1994, le tribunal de cadastre ordonna l’inscription du terrain litigieux dans le registre foncier au nom de l’administration.

  10. .  Le 6 juin 1995 et le 14 novembre 1995, la Cour de cassation décida de renvoyer l’affaire devant le tribunal de cadastre au motif que le dossier de l’affaire n’était pas complet.

  11. .  Le 29 décembre 1998, la Cour de cassation infirma le jugement du tribunal de cadastre.

  12. .  Le 19 octobre 2000, la Cour de cassation rejeta le recours en rectification de l’arrêt formé par l’administration.

  13. .  Le 17 juin 2005, le tribunal de cadastre rejeta la demande du requérant.

  14. .  Le 20 septembre 2010, la Cour de cassation infirma encore le jugement du tribunal de cadastre.

  15. .  L’affaire est toujours pendante devant le tribunal de première instance.
  16. EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION


  17. .  Le requérant allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
  18. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »


  19. .  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

  20. .  La période à considérer n’a commencé qu’avec la prise d’effet, le 28 janvier 1987, de la reconnaissance du droit de recours individuel par la Turquie. Toutefois, pour apprécier le caractère raisonnable des délais écoulés à partir de cette date, il faut tenir compte de l’état où l’affaire se trouvait alors (Ümmühan Kaplan c. Turquie, no 24240/07, § 42, 20 mars 2012).
  21. D’après les informations fournies par les parties, la période à considérer n’a pas encore pris fin à ce jour. Au jour de l’adoption du présent jugement, elle a donc déjà duré plus de vingt-six ans pour deux instances.

    A.  Sur la recevabilité


  22. .  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 (a) de la Convention. Elle relève en outre qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
  23. B.  Sur le fond


  24. .  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII et Ümmühan Kaplan c. Turquie, précité, § 48).

  25. .  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».
  26. Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.

    II.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES


  27. .  Le requérant se plaint aussi du manque d’équité de la procédure dans la mesure où sa demande aurait été rejetée par le tribunal de cadastre sans motifs.

  28. .  La Cour rappelle que la Cour de cassation a infirmé le dernier jugement du tribunal de cadastre et l’affaire reste toujours pendante devant cette dernière juridiction. Il s’ensuit que ce grief est prématuré et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
  29. III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION


  30. .  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
  31. « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage


  32. .  Le requérant réclame 170 780 000 euros (EUR) au titre du préjudice matériel et 1 000 000 EUR pour le dommage moral qu’il aurait subi.

  33. .  Le Gouvernement conteste ces prétentions.

  34. .  La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle estime que le requérant a subi un tort moral certain. Statuant en équité, elle lui accorde 14 000 EUR à ce titre.
  35. B.  Frais et dépens


  36. .  Le requérant demande également 250 000 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes ainsi que pour les frais postaux et de traduction. Cependant, il ne présente aucun justificatif pertinent pour étayer ces prétentions.

  37. .  Le Gouvernement conteste ces prétentions.

  38. .  Compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens en l’absence de justificatif pertinent présenté par le requérant à ce titre.
  39. C.  Intérêts moratoires


  40. .  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
  41. PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la Requête recevable quant au grief tiré de la durée excessive de la procédure et irrecevable pour le surplus ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

     

    3.  Dit

    a)  que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, 14 000 EUR(quatorze mille euros), à convertir en livres turques au taux applicable à la date du règlement, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 11 juin 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Françoise Elens-Passos                                                           Peer Lorenzen
     Greffière adjointe f.f.                                                               
    Président


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