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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> BALAN v. ROMANIA - 24398/04 - Committee Judgment (French Text) [2013] ECHR 664 (09 July 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/664.html
Cite as: [2013] ECHR 664

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    TROISIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE BĂLAN c. ROUMANIE

     

    (Requête no 24398/04)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

     

    STRASBOURG

     

    9 juillet 2013

     

     

    Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Bălan c. Roumanie,

    La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en un comité composé de :

                Alvina Gyulumyan, présidente,
                Kristina Pardalos,
                Johannes Silvis, juges,
    et de
    Marialena Tsirli, greffière adjointe de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 18 juin 2013,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

    PROCÉDURE


  1. .  A l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 24398/04) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet État, M. Virgil Bălan (« le requérant »), a saisi la Cour le 31 mars 2004 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  2. .  Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. Răzvan-Horaţiu Radu, du ministère des Affaires étrangères.

  3. .  Le 29 avril 2008, la Cour a décidé de communiquer au Gouvernement le grief tiré de l’article 1 du Protocole no 1, seul et combiné avec l’article 14 de la Convention.
  4. EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE


  5. .  Le requérant est né en 1953 et réside à Brăila.

  6. .  Le 1er août 2000, il fut affecté à l’armée de réserve et il se vit accorder une allocation dont le montant était de 123 418 026 lei roumains (ROL), en application de l’article 31 de la loi no 138 du 20 juillet 1999 (« la loi no 138/1999 ») sur les salaires et les autres droits des militaires.

  7. .  Au moment du versement de cette allocation, le ministère de l’Intérieur en déduisit le montant de l’impôt sur le revenu, calculé selon les dispositions de l’ordonnance no 73 du 27 août 1999 relative à l’impôt sur le revenu (« l’ordonnance no 73/1999 »), privant ainsi le requérant de 48 442 470 ROL.
  8. 7.  Par une action dirigée contre le ministère de l’Intérieur (« le ministère »), le requérant demanda le remboursement de l’impôt perçu en faisant valoir que les lois nos 138/1999 et 56/1992 exonéraient d’impôt l’allocation à laquelle il avait droit. Le ministère contesta cette demande en arguant que les impositions en question étaient conformes à l’ordonnance
    no 73/1999. Par un jugement du 11 juin 2003, confirmé par un arrêt définitif de la cour d’appel de Bucarest du 9 octobre 2003, le tribunal départemental de Bucarest rejeta l’action du requérant contre le ministère de l’Intérieur, au motif qu’en vertu de l’article 6 f) de l’ordonnance n73/1999 et du principe général selon lequel tout revenu est imposable, l’indemnité perçue par le requérant avait été correctement soumise à l’impôt.

    II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS


  9. .  Les dispositions légales et la jurisprudence interne pertinentes sont décrites dans l’arrêt Driha c. Roumanie (no 29556/02, §§ 10-17, 21 février 2008).
  10. EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1, SEUL ET COMBINÉ AVEC L’ARTICLE 14 DE LA CONVENTION


  11. .  Le requérant allègue que l’allocation reçue à son départ à la retraite a été illégalement soumise à l’impôt, en méconnaissance de l’article 1 du Protocole no 1. Il se plaint de surcroît de ce que, compte tenu du fait que d’autres militaires se trouvant dans la même situation que lui ont bénéficié d’une allocation non soumise à l’impôt, il a subi une discrimination contraire à l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 1 du Protocole no 1.

  12. .  L’article 1 du Protocole no 1 se lit ainsi :
  13. « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

    Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

    11.  L’article 14 de la Convention prévoit :

    « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (...) Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »


  14. .  Le Gouvernement conteste cette thèse en faisant valoir que le requérant n’avait pas un bien au sens de l’article 1 du Protocole no 1. Il considère également que dans la grande majorité des cas similaires à celui du requérant, les juridictions internes ont retenu le bien-fondé de l’imposition et que de toute manière le requérant n’indique pas quel serait le fondement de la discrimination alléguée.
  15. A.  Sur la recevabilité

    13.  La Cour constate que ces griefs ne sont pas manifestement mal fondés au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs que ceux-ci ne se heurtent à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de les déclarer recevables.

    B.  Sur le fond


  16. .  La Cour constate que dans l’affaire Driha précitée, elle a traité les mêmes questions que celles soulevées dans le cas présent. Dans cette affaire, elle a conclu à la violation de l’article 1 du Protocole no 1 pris isolément et combiné avec l’article 14 de la Convention.

  17. .  La Cour considère que le Gouvernement n’a fourni en l’espèce aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente. Comme dans l’affaire en question, elle considère que le requérant était titulaire d’un bien protégé par l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention et que l’impôt auquel il a été soumis constitue une ingérence qui relève de la réglementation de l’usage des biens, au sens du second alinéa de l’article précité. Elle estime également que l’ingérence dénoncée est manifestement illégale sur le plan du droit interne et, par conséquent, incompatible avec le droit au respect des biens du requérant. Une telle conclusion la dispense de rechercher si les autres conditions prescrites par les dispositions de l’article 1 précité ont été respectées (Driha, précité, §§ 22-33). Par ailleurs, au regard de l’article 14 de la Convention, une discrimination consiste à traiter de manière différente, sauf justification objective et raisonnable, des personnes placées dans des situations comparables (Willis c. Royaume-Uni, no 36042/97, § 48, CEDH 2002-IV). En outre, la liste que renferme l’article 14 revêt un caractère indicatif et non limitatif (voir Engel et autres c. Pays-Bas, 28 juin 1976, § 7, série A no 22).

  18. .  La Cour relève sur ce point que, contrairement au requérant, d’autres militaires affectés à la réserve ont bénéficié de cette allocation sans qu’elle soit soumise à l’impôt. Or, elle ne trouve, en l’espèce, aucun motif de nature à justifier pareille discrimination.

  19. .  Dès lors, il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 seul et combiné avec l’article 14 de la Convention.
  20. II.  AUTRES GRIEFS


  21. .  Invoquant l’article 6 de la Convention, le requérant se plaint du caractère prétendument inéquitable de la procédure, eu égard à la jurisprudence contradictoire des juridictions nationales.

  22. .  La Cour rappelle que le contentieux fiscal échappe au champ des droits et obligations de caractère civil, en dépit des effets patrimoniaux qu’il a nécessairement quant à la situation des contribuables (Ferrazzini c. Italie [GC], no 44759/98, §§ 21-30, CEDH 2001-VII). Il s’ensuit que ce grief est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 et doit être rejeté en application de l’article 35 § 4.
  23. III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    20.  Aux termes de larticle 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »


  24. .  En l’espèce, la Cour note que le requérant a été invité par une lettre du 14 octobre 2008 à soumettre ses éventuelles demandes au titre de l’article 41 précité avant le 25 novembre 2008. Malgré les renseignements contenus dans cette lettre, le requérant a présenté tardivement sa demande au titre de l’article 41, le 6 janvier 2009.

  25. .  La Cour rappelle qu’elle n’octroie aucune somme à titre de satisfaction équitable dès lors que les prétentions chiffrées et les justificatifs nécessaires n’ont pas été soumis dans le délai imparti à cet effet par l’article 60 § 1 du règlement, même dans le cas où la partie requérante aurait indiqué ses prétentions à un stade antérieur de la procédure (Gourguenidze c. Georgie, no 71678/01, § 81, 17 octobre 2006). Il n’y a donc pas lieu de lui allouer une quelconque somme au titre de l’article 41 susmentionné.
  26. PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la Requête recevable, au regard des griefs tirés de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, seul et combiné avec l’article 14 de la Convention et irrecevable pour le surplus ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, seul et combiné avec l’article 14 de la Convention;

     

    3.  Rejette la demande de satisfaction équitable.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 9 juillet 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

      Marialena Tsirli                                                                 Alvina Gyulumyan
    Greffière adjointe                                                                      Présidente

     


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