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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> SAMPAIO E PAIVA DE MELO v. PORTUGAL - 33287/10 - Chamber Judgment (French Text) [2013] ECHR 726 (23 July 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/726.html
Cite as: [2013] ECHR 726

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    DEUXIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE SAMPAIO E PAIVA DE MELO c. PORTUGAL

     

    (Requête no 33287/10)

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

    STRASBOURG

     

    23 juillet 2013

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

     


    En l’affaire Sampaio e Paiva de Melo c. Portugal,

    La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

              Guido Raimondi, président,
              Peer Lorenzen,
              Dragoljub Popović,
              András Sajó,
              Nebojša Vučinić,
              Paulo Pinto de Albuquerque,
              Helen Keller, juges,     
    et de Stanley Naismith, greffier de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 2 juillet 2013,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE


  1. .  A l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 33287/10) dirigée contre la République portugaise et dont un ressortissant de cet Etat, M. Afonso Joaquim Sampaio e Paiva de Melo (« le requérant »), a saisi la Cour le 9 juin 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  2. .  Le requérant a été représenté par Me J.M. Mesquita, avocat à Lisbonne. Le gouvernement portugais (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme M. F. Carvalho, procureur général adjoint.

  3. .  Le requérant allègue en particulier que sa condamnation pénale pour diffamation a porté atteinte à son droit à la liberté d’expression garantie par l’article 10 de la Convention.

  4.   Le 28 novembre 2011, la Requête a été communiquée au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.
  5. EN FAIT


  6. .  Le requérant est né en 1964 et réside à Lisbonne. Il est journaliste et ancien attaché de presse de l’équipe nationale portugaise de football professionnel.
  7. I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE


  8. .  En août 2006, le requérant publia un livre intitulé A Pátria fomos nós (« Nous fûmes la Patrie »). Dans cet ouvrage, tiré à 4 500 exemplaires, l’auteur donna ses impressions, sous forme de journal quotidien, sur le parcours de l’équipe nationale de football lors de la Coupe du Monde de 2006. Dans certains passages de ce livre, le requérant émit, sans jamais mentionner son nom, des considérations sur la personne de M.P.C., président d’un club de football professionnel très connu. Il décrivait notamment ce dernier comme étant un « ennemi juré » (inimigo figadal) de l’équipe nationale, envers laquelle il aurait éprouvé de la « haine ». Le requérant qualifiait également M.P.C. comme le « champion national des mis en examen (arguidos) du football portugais », se référant à des procédures pénales dans lesquelles M.P.C. aurait été impliqué.

  9. .  A une date non précisée, M.P.C. déposa une plainte pénale avec constitution d’assistente (auxiliaire du ministère public) devant le parquet de Vila Nova de Gaia. Il accusa le requérant de diffamation et demanda des dommages et intérêts.

  10. .  Par un jugement du 16 juillet 2009, le tribunal de Vila Nova de Gaia jugea le requérant coupable de diffamation et le condamna à une peine de 200 jours-amende au taux journalier de 13 euros (EUR) ainsi qu’au versement de 5 000 EUR à M.P.C. au titre de dommages et intérêts et au paiement des frais de justice. Le tribunal estima notamment que les propos du requérant qualifiant l’assistente d’« ennemi juré » de l’équipe nationale de football et de « champion national des mis en examen » étaient objectivement diffamatoires.

  11. .  Le requérant fit appel devant la Cour d’appel de Porto, invoquant notamment l’article 10 de la Convention.

  12. .  Par un arrêt du 17 février 2010, la cour d’appel confirma la peine et la décision en matière de dommages et intérêts. Se référant à la jurisprudence de la Cour en la matière, la cour d’appel reconnut que les expressions en cause étaient des jugements de valeur. Pour la cour d’appel, les propos du requérant qualifiant M.P.C. d’« ennemi juré » de l’équipe nationale de football ne pouvaient pas être considérés comme attentatoires de la réputation de ce dernier. Toutefois, le fait de désigner M.P.C. en tant que « champion national des mis en examen » revêtait un caractère diffamatoire. La cour d’appel s’exprima ainsi à cet égard :
  13. « Le sujet de l’ouvrage [du requérant] n’avait aucun rapport avec les procédures pendantes à l’encontre de l’assistente ; le [requérant] n’avait d’ailleurs nullement l’intention d’informer le public à cet égard : il fut établi que [le requérant] ne savait même pas dans combien de procédures l’assistente avait été mis en examen, l’expression champion des mis en examen ayant été utilisée hors contexte afin de qualifier de manière péjorative la situation vécue par lui à l’époque, dans le seul but de le dénigrer et de l’accabler. »

    II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT


  14. .  L’article 180 du Code pénal, qui réprime la diffamation, dispose notamment que :
  15. « 1.  Celui qui, s’adressant à des tiers, accuse une autre personne d’un fait, même sous forme de soupçon, ou qui formule, à l’égard de cette personne, une opinion portant atteinte à son honneur et à sa considération, ou qui reproduit une telle accusation ou opinion, sera puni d’une peine d’emprisonnement jusqu’à six mois et d’une peine jusqu’à 240 jours-amende.

    2.  La conduite n’est pas punissable :

    a)  lorsque l’accusation est formulée en vue d’un intérêt légitime ; et

    b)  si l’auteur prouve la véracité d’une telle accusation ou s’il a des raisons sérieuses de la croire vraie de bonne foi.

    (...)

    4.  La bonne foi mentionnée à l’alinéa b) du paragraphe 2 est exclue lorsque l’auteur n’a pas respecté son obligation imposée par les circonstances de l’espèce de s’informer sur la véracité de l’accusation. »


  16. .  Aux termes de l’article 183 § 2 de ce même Code, lorsque l’infraction est commise par l’intermédiaire d’un organe de presse, la peine encourue peut atteindre deux ans d’emprisonnement ou une sanction non inférieure à 120 jours-amende.
  17. EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 10 DE LA CONVENTION


  18. .  Le requérant considère que la condamnation pour diffamation, dont il a fait l’objet, porte atteinte à son droit à la liberté d’expression, garanti par l’article 10 de la Convention, qui dispose :
  19. « 1.  Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. (...)

    2.  L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique (...), à la protection de la réputation ou des droits d’autrui (...). »

     


  20. .  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse considérant que la condamnation était justifiée dans la mesure où elle visait à protéger les droits d’un tiers.
  21. A.  Sur la recevabilité


  22. .  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
  23. B.  Sur le fond

    1.  Thèses des parties


  24. .  Le requérant soutient que sa condamnation au pénal ne saurait être considérée comme nécessaire dans une société démocratique. Selon lui, d’une part, le livre contenant l’expression litigieuse s’inscrivait dans un débat public sur un sujet d’actualité, d’autre part, l’utilisation des termes « champion national des mis en examens » faisait une référence ironique à des faits réels, c’est-à-dire la mise en examen de M.P.C. dans un certain nombre d’affaires, circonstance qui état de domaine public et qui n’était pas offensante en soi. Sa condamnation doit par conséquent s’analyser en une ingérence disproportionnée et inacceptable dans son droit à la liberté d’expression et en une tentative d’intimidation servant à dissuader les journalistes d’écrire sur le monde du football et notamment sur le club présidé par M.P.C.

  25. .  Le Gouvernement admet qu’il y a eu, en l’espèce, une ingérence dans le droit à la liberté d’expression du requérant mais il estime que cette ingérence était nécessaire, dans une société démocratique, au sens du paragraphe 2 de l’article 10, afin de préserver les droits constitutionnels de M.P.C. à la protection de son bon nom et de sa réputation. Il souligne que la marge d’appréciation reconnue à l’Etat en ce domaine lui donne le choix de sanctionner pénalement ou pas les atteintes à l’honneur et à la réputation des personnes. Se référant à la motivation des décisions des juridictions internes, en particulier à l’arrêt rendu par la cour d’appel de Porto le 17 février 2010, le Gouvernement considère qu’il ne fait aucun doute qu’en qualifiant M.P.C de « champion national des mises en examens » le requérant avait tenu à l’encontre de ce dernier des propos diffamatoires, dont l’objectif n’était pas d’informer le public, par ailleurs sur des faits étrangers au contexte du livre, mais uniquement d’offenser la personne visée. Le Gouvernement ajoute que ces propos furent amplifiés par la couverture médiatique dont fut objet le livre du requérant. Il conclut à l’absence de violation de l’article 10 de la Convention.
  26. 2.  Appréciation de la Cour


  27. .  La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence bien établie, la liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels de toute société démocratique, l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun. Sous réserve du paragraphe 2 de l’article 10, elle vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture, sans lesquels il n’est pas de « société démocratique ». Telle qu’elle se trouve consacrée par l’article 10 de la Convention, cette liberté est soumise à des exceptions, qu’il convient toutefois d’interpréter strictement, la nécessité de toute restriction devant être établie de manière convaincante. La condition de « nécessité dans une société démocratique » commande à la Cour de déterminer si l’ingérence litigieuse correspondait à un « besoin social impérieux ». Les Etats contractants jouissent d’une certaine marge d’appréciation pour juger de l’existence d’un tel besoin, mais cette marge va de pair avec un contrôle européen portant à la fois sur la loi et sur les décisions qui l’appliquent, même quand elles émanent d’une juridiction indépendante (voir, parmi beaucoup d’autres Lopes Gomes da Silva c. Portugal, no 37698/97, § 30, CEDH 2000-X ; Colaço Mestre et SIC - Sociedade Independente de Comunicação, S.A. c. Portugal, nos 11182/03 et 11319/03, § 20, 26 avril 2007).

  28. .  Par ailleurs, il convient de souligner que la presse joue un rôle éminent dans une société démocratique : si elle ne doit pas franchir certaines limites, tenant notamment à la protection des droits d’autrui, il lui incombe néanmoins de communiquer, dans le respect de ses devoirs et de ses responsabilités, des informations et des idées sur toutes les questions d’intérêt général. A sa fonction qui consiste à diffuser de telles idées et informations, s’ajoute le droit, pour le public, d’en recevoir. S’il en allait autrement, la presse ne pourrait jouer son rôle indispensable de « chien de garde » (Thoma c. Luxembourg, no 38432/97, § 45, CEDH 2001-III).

  29. .  La Cour rappelle en outre que l’article 10 § 2 ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d’expression dans le domaine du discours et du débat politique - dans lequel la liberté d’expression revêt la plus haute importance - ou des questions d’intérêt général. Les limites de la critique admissible sont plus larges à l’égard d’un homme politique, visé en cette qualité, que d’un simple particulier : à la différence du second, le premier s’expose inévitablement et consciemment à un contrôle attentif de ses faits et gestes tant par les journalistes que par la masse des citoyens ; il doit, par conséquent, montrer une plus grande tolérance (Lingens c. Autriche, 8 juillet 1986, § 42, série A nº 103 ; Vides Aizsardzības Klubs c. Lettonie, nº 57829/00, § 40, 27 mai 2004 ; Lopes Gomes da Silva c. Portugal, nº 37698/97, § 30, CEDH 2000-X et Eon v. France, nº 26118/10, § 59, 14 March 2013).

  30. .  Par ailleurs, dans l’exercice de son pouvoir de contrôle, la Cour doit examiner l’ingérence litigieuse à la lumière de l’ensemble de l’affaire, y compris la teneur des propos reprochés au requérant et le contexte dans lequel celui-ci les a tenus. En particulier, il lui incombe de déterminer si la restriction apportée à la liberté d’expression du requérant était « proportionnée au but légitime poursuivi » et si les motifs invoqués par les juridictions nationales pour la justifier étaient « pertinents et suffisants » (voir, parmi beaucoup d’autres, Perna c. Italie [GC], no 48898/99, § 39, CEDH 2003-V et Cumpǎnǎ et Mazǎre c. Roumanie [GC], no 33348/96, §§ 89-90, CEDH 2004-XI).

  31. .  En l’espèce, le requérant a été condamné en raison d’un propos jugé diffamatoire contenu dans un ouvrage, dont il était l’auteur, consacré à la Coupe du Monde de football de 2006 et plus largement au monde du football portugais.

  32. .  La Cour relève qu’il n’est pas contesté que la condamnation en cause s’analyse en une ingérence dans le droit à la liberté d’expression du requérant, qu’elle était prévue par la loi et visait un but légitime, à savoir la protection de la réputation d’autrui, au sens de l’article 10 § 2 de la Convention. En revanche, les parties ne s’accordent pas sur le point de savoir si cette ingérence était « nécessaire dans une société démocratique ».

  33. .  La Cour note d’emblée que la présente affaire présente des similitudes avec l’affaire Colaço Mestre et SIC - Sociedade Independente de Comunicação, S.A. c. Portugal, précitée, dans laquelle elle avait jugé que la condamnation pour diffamation d’un journaliste et de la société anonyme propriétaire de la chaîne de télévision qui l’employait avait violé l’article 10 de la Convention.

  34. .  En premier lieu, l’ouvrage publié par le requérant s’inscrivait dans un débat public, la Coupe du Monde de 2006 et les polémiques ayant visé l’équipe nationale portugaise, relevant manifestement de l’intérêt général (voir, mutatis mutandis, Colaço Mestre et SIC - Sociedade Independente de Comunicação, S.A. c. Portugal, précité).

  35. .  Ensuite, il convient de relever que la personne qui porta plainte contre le requérant, M.P.C., est la même qui avait porté plainte dans l’affaire précitée et que la Cour a reconnu comme étant une personnalité bien connue du public, exerçant un rôle important dans la vie publique de la Nation (Colaço Mestre et SIC - Sociedade Independente de Comunicação, S.A. c. Portugal, précité, § 28) et à ce titre pouvant être assimilée à un homme politique aux fins de l’article 10 de la Convention.

  36. .  Par ailleurs, tout comme dans l’affaire précitée, les propos en cause dans la présente affaire ne visaient pas la vie privée de M.P.C. mais bien ses activités publiques en tant que président d’un grand club de football.

  37. .  La marge d’appréciation de l’Etat dans la restriction du droit à la liberté d’expression du requérant s’en trouvait par conséquent réduite (voir paragraphe 19 ci-dessus).

  38. .  Au surplus, il convient de noter que l’ouvrage publié par le requérant était destiné à un public que l’on peut supposer intéressé aux questions qui agitaient le monde du football portugais à l’époque des faits et bien informé en la matière (voir, mutatis mutandis, Jersild c. Danemark, 23 septembre 1994, § 34, série A no 298).

  39. .  Enfin, la Cour rappelle que, lorsqu’une déclaration s’analyse en un jugement de valeur, la proportionnalité de l’ingérence peut être fonction de l’existence d’une base factuelle suffisante car, faute d’une telle base, un jugement de valeur peut lui aussi se révéler excessif (De Haes et Gijsels c. Belgique, arrêt du 24 février 1997, Recueil 1997-I, p. 236, § 47). En l’espèce, la Cour note qu’il n’est pas contesté que M.P.C. faisait l’objet, à l’époque des faits, de plusieurs procédures pénales. En le qualifiant de « champion national des mis en examens », le requérant exprimait par conséquent un jugement de valeur, certes péjoratif mais fondé sur des circonstances de notoriété publique.

  40. .  Compte tenu de ce qui précède, la Cour considère que la condamnation du requérant a rompu le juste équilibre entre la protection du droit du requérant à la liberté d’expression et de celui de M.P.C. à la protection de sa réputation. De surcroît, elle considère qu’indépendamment de la sévérité de la condamnation infligée, l’existence même d’une sanction pénale dans le cadre de cette affaire est de nature à provoquer un effet dissuasif sur la contribution de la presse aux débats d’intérêt général et ne saurait se concevoir sans raisons particulièrement sérieuses (Colaço Mestre et SIC - Sociedade Independente de Comunicação, S.A. c. Portugal, précité, § 31).

  41. .  Il résulte de ce qui précède que la condamnation du requérant n’était pas nécessaire dans une société démocratique et que, par conséquent, il y a eu violation de l’article 10 de la Convention.
  42. II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION


  43. .  Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de l’appréciation des preuves par la Cour d’appel de Porto, laquelle aurait eu pour effet de rendre la procédure à son encontre inéquitable. Cette disposition est ainsi libellée :
  44. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »


  45. .  La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 19 de la Convention elle a pour tâche uniquement d’assurer le respect des engagements des Parties contractantes. En principe, il ne lui appartient pas d’apprécier elle-même les éléments de fait ayant conduit une juridiction nationale à adopter telle décision plutôt que telle autre, ni de connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par ces juridictions, sauf si et dans la mesure où elles pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention. Sinon, elle s’érigerait en juge de troisième ou quatrième instance et elle méconnaîtrait les limites de sa mission (García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, §§ 28-29, CEDH 1999-I).

  46. .  En l’espèce, la Cour relève que le requérant a bénéficié d’une procédure contradictoire et a pu, aux différents stades de celle-ci, présenter les éléments qu’il jugeait pertinents pour la défense de sa cause. En outre, les décisions rendues en l’espèce sont amplement motivées, en fait comme en droit. La Cour ne dispose d’aucun élément lui permettant de critiquer la procédure interne ainsi menée ou de qualifier d’arbitraires les décisions rendues à l’issue de cette procédure.

  47. .  Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
  48. III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    37.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage


  49. .  Le requérant réclame la somme de 7 600 euros (EUR) plus des intérêts à un taux de 4 % calculés à compter du 7 mars 2009, au titre du préjudice matériel qu’il aurait subi. Cette somme se décompose en
    2 600 EUR correspondant au montant de l’amende pénale dont il s’est déjà acquitté, et 5 000 EUR correspondant au montant des dommages et intérêts qu’il a été condamné à payer à la partie civile et qu’il n’a pas encore versé.
  50. Il réclame également 5 000 EUR au titre du dommage moral.


  51. .  Le Gouvernement souligne que le requérant n’a pas encore payé les 5000 EUR de dommages intérêt qu’il a été condamné à payer à la partie civile et que par conséquent il serait illogique de lui verser cette somme et les intérêts qu’il réclame, au titre de la satisfaction équitable. Il ajoute qu’un éventuel constat de violation constituerait une réparation suffisante du préjudice moral.

  52. .  La Cour note qu’il n’est pas contesté que le requérant a subi un préjudice matériel du fait du paiement d’une amende pénale de 2 600 EUR. En revanche, elle considère que toute réclamation concernant la somme de 5 000 EUR, dont il ne s’est pas encore acquitté est prématurée. Elle conclut qu’il y a donc lieu de n’octroyer au requérant que 2 600 EUR au titre du préjudice matériel.

  53. .  Par ailleurs, la Cour accorde au requérant la somme de 3 250 EUR au titre du dommage moral.
  54. B.  Frais et dépens


  55. .  Le requérant demande également 1 620 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes, dont 396 EUR ont déjà été versés, et prie la Cour de fixer elle-même un montant raisonnable destiné à couvrir les frais engagés au titre de la procédure devant la Cour.

  56. .  Le Gouvernement se réfère à la jurisprudence de la Cour en la matière et considère que le requérant pourra demander la révision de sa condamnation en cas de constat de violation par la Cour.

  57. .  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce et compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour accorde au requérant la somme de 396 EUR au titre de la procédure interne et estime raisonnable la somme de 2 000 EUR pour la procédure devant la Cour.
  58. C.  Intérêts moratoires


  59. .  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
  60. PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la Requête recevable quant au grief tiré de l’article 10 et irrecevable pour le surplus ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 10 de la Convention ;

     

    3.  Dit,

    a)  que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

    i)  2 600 EUR (deux mille six cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage matériel ;

    ii) 3 250 EUR (trois mille deux cent cinquante euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

    iii) 2 396 EUR (deux mille trois cent quatre-vingt-seize euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 23 juillet 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Stanley Naismith                                                                 Guido Raimondi
            Greffier                                                                               Président


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