En l’affaire Ventura c. Italie,
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième
section), siégeant en un comité composé de :
Dragoljub Popović, président,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Helen Keller, juges,
et de Françoise Elens-Passos, greffière adjointe de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 11
décembre 2012,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette
date :
PROCÉDURE
. A l’origine de
l’affaire se trouve une Requête (no 24814/03) dirigée contre la
République italienne et dont un ressortissant de cet État, M. Ferdinando
Ventura (« le requérant »), a saisi la Cour le 20 mai 1999 en vertu
de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales (« la Convention »).
. Le requérant a
été représenté par Me S. Ferrara, avocat à Bénévent. Le
gouvernement italien (« le Gouvernement ») a été représenté par son
agent, Mme E. Spatafora et son coagent M. N. Lettieri.
. Le 24 mai 2006,
la Requête a été communiquée au Gouvernement.
. En application
du Protocole no 14, la Requête a été attribuée à un comité.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
. Le requérant
est né en 1936 et réside à Bénévent.
. Les faits de
la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer
comme suit.
. Le requérant
était propriétaire d’un terrain sis à Bénévent et enregistré au cadastre,
feuille 33, parcelle 149.
. Par un arrêté
du 24 août 1987, l’administration provinciale de Bénévent approuva le projet de
construction d’un ouvrage public sur le terrain du requérant.
. Par un arrêté
du 12 janvier 1989, le maire de Bénévent autorisa les sociétés A.
et P. à occuper d’urgence une partie de ce terrain, à savoir 3 104
mètres carrés, pour une période maximale de cinq ans en vue de son
expropriation, afin de procéder à la construction de l’ouvrage public.
. Le 20 février
1989, le terrain fut matériellement occupé.
1. La procédure
principale
. Par un acte d’assignation du 18 octobre 1994, notifié
le 21 octobre 1994, le requérant introduisit une action en
dommages-intérêts à l’encontre des sociétés A. et P. devant le tribunal de
Bénévent. Il faisait valoir que l’occupation du terrain était illégale au motif que
celle-ci s’était poursuivie au-delà de la période autorisée, sans qu’il fût
procédé à l’expropriation formelle et au paiement d’une indemnité. A la lumière
de ces considérations, il demandait
à titre principal la restitution du
terrain et à titre subsidiaire un dédommagement pour la perte de celui-ci,
ainsi qu’une indemnité d’occupation.
. Au cours du procès, une expertise fut déposée
au greffe. Selon l’expert, la partie du terrain effectivement occupée avait une
surface globale de 3 582 mètres carrés et sa valeur marchande en 1989
était de 38 864,70 EUR.
. Par un jugement notifié les 12 et 13 octobre
2004, le tribunal de Bénévent déclara que le requérant avait été privé de son
terrain en raison de la transformation irréversible de celui-ci, en vertu du
principe de l’expropriation indirecte. A la lumière de ces considérations, le
tribunal condamna les sociétés A. et P. à verser au requérant un dédommagement
de 38 864,70 EUR, égal à la valeur marchande en 1989 de la partie du
terrain occupée, plus réévaluation et intérêts. En outre, le tribunal rejeta la
demande d’indemnité d’occupation, au motif que seule la cour d’appel était
compétente à cet égard.
. Par un acte notifié au requérant le 5 novembre
2004, la société A. interjeta appel de ce jugement devant la cour d’appel de
Naples.
. Par un arrêt du 10 novembre 2006, la cour d’appel
de Naples confirma le jugement de première instance quant au dédommagement et
accorda au requérant 38 864,70 EUR, plus réévaluation et intérêts à partir
du 12 janvier 1996, date de la fin de l’occupation légitime.
2. La procédure
« Pinto »
. Par un recours déposé au greffe le 5 avril
2002, le requérant saisit la cour d’appel de Rome au sens de la loi no 89
du 24 mars 2001, dite « loi Pinto », afin de se
plaindre de la durée de la procédure devant le tribunal de Bénévent décrite
ci-dessus. Il demanda à la cour d’appel de dire qu’il y avait eu une violation
de l’article 6 § 1 de la Convention et de condamner l’État italien au versement
de 6 584 EUR à titre de dédommagement des préjudices matériels et moraux subis.
. Par une décision du 24 mars 2003, déposée au
greffe le 10 avril 2003, la cour d’appel constata
le dépassement d’une durée raisonnable. Elle rejeta la demande relative au
dommage matériel au motif que celle-ci n’était pas étayée, accorda 1 000 EUR
comme réparation du dommage moral et 700 EUR pour frais et dépens. Cette
décision fut notifiée à l’administration le 22 mai 2003 et acquit l’autorité de
la chose jugée le 21 juillet 2003.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES
PERTINENTS
. Le droit
interne pertinent relatif à l’expropriation indirecte se trouve décrit dans l’arrêt
Guiso-Gallisay c. Italie (satisfaction équitable) [GC], no 58858/00,
22 décembre 2009.
. Le droit et
la pratique internes pertinents relatifs à la loi no 89 du
24 mars 2001, dite « loi Pinto » sont décrits dans l’arrêt Cocchiarella c. Italie
([GC], no 64886/01, §§ 23-31).
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE
1 DU PROTOCOLE No 1 DE LA CONVENTION
. Le requérant allègue
avoir été privé de son terrain de manière incompatible avec l’article 1 du
Protocole no 1, ainsi libellé :
« Toute personne physique ou morale a droit
au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause
d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes
généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas
atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils
jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt
général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des
amendes. »
. Le
Gouvernement s’oppose à cette thèse.
A. Sur la recevabilité
. Le
Gouvernement avance que le requérant n’est plus « victime » de la
violation alléguée puisqu’il a obtenu du tribunal de Bénévent un dédommagement
correspondant à la valeur vénale du terrain exproprié.
. Le requérant
demande le rejet de cette exception.
. La Cour
rappelle que l’existence d’un manquement aux exigences de la Convention se
conçoit même en l’absence de préjudice ; celui-ci ne joue un rôle que sur le
terrain de l’article 41. Partant, une décision ou une mesure favorable au
requérant ne suffit en principe à lui retirer la qualité de «victime » que si
les autorités nationales ont reconnu, explicitement ou en substance, puis
réparé la violation de la Convention (voir Guerrera et
Fusco c. Italie, no 40601/98, § 53,
3 avril 2003 ; Amuur c. France du 25 juin 1996, Recueil 1996-III, p. 846, § 36). Il s’ensuit que
cette exception ne saurait être retenue.
. La Cour
constate que ce grief n’est pas manifestement mal
fondée au sens de l’article 35 § 3 (a) de la Convention. La Cour relève par
ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient
donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
. Le requérant rappelle
qu’il a été privé de son bien en vertu du principe de l’expropriation
indirecte, un mécanisme qui permet à l’autorité publique d’acquérir un bien en
toute illégalité, ce qui n’est pas admissible dans un État de droit.
. Selon le
Gouvernement, en dépit de l’absence d’un arrêté légitime d’expropriation et de
la transformation du terrain de manière irréversible par la construction d’un
ouvrage d’utilité publique, rendant sa restitution impossible, l’occupation
litigieuse a été faite dans le cadre d’une procédure administrative reposant
sur une déclaration d’utilité publique. En l’espèce, le Gouvernement fait
valoir que le requérant a obtenu du tribunal un
dédommagement égal à la valeur vénale du terrain au moment de sa transformation
irréversible.
. La Cour note
tout d’abord que les parties s’accordent pour dire qu’il y a eu
« privation de la propriété ».
. La Cour
renvoie à sa jurisprudence en matière d’expropriation indirecte
(voir, parmi d’autres, Belvedere Alberghiera
S.r.l. c. Italie, no 31524/96, CEDH 2000-VI ; Scordino c. Italie (no 3), no
43662/98, 17 mai 2005 ; Velocci c. Italie, no 1717/03, 18 mars 2008) pour la
récapitulation des principes pertinents et pour un aperçu de sa jurisprudence
dans la matière.
. Dans la
présente affaire, la Cour relève qu’en appliquant le principe de l’expropriation indirecte, les juridictions
internes ont considéré le requérant privé de son bien à
compter de la date de la réalisation de l’ouvrage public.
Or, en l’absence d’un acte formel d’expropriation, la Cour estime que cette
situation ne saurait être considérée comme « prévisible », puisque ce
n’est que par la décision judiciaire définitive que l’on peut considérer le
principe de l’expropriation indirecte comme
ayant effectivement été appliqué et que l’acquisition du terrain par les
pouvoirs publics a été consacrée. Par conséquent, le requérant n’a eu la
« sécurité juridique » concernant la privation du terrain qu’au plus
tôt le 23 janvier 2007, date à laquelle l’arrêt de la cour d’appel de Naples
est devenu définitif.
. La Cour
estime que l’ingérence litigieuse n’est pas compatible avec le principe de
légalité et qu’elle a donc enfreint le droit au respect des biens du requérant
entraînant la violation de l’article 1 du Protocole no 1.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE
6 DE LA CONVENTION
. Le requérant
se plaint de la durée de la procédure civile ainsi que de l’insuffisance du
redressement obtenu dans le cadre du recours Pinto.
. Les
dispositions pertinentes de l’article 6 § 1 sont ainsi libellés :
« Toute personne a droit à ce que sa cause
soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui
décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère
civil (...) »
. Le
Gouvernement s’oppose à cette thèse.
A. Sur
la recevabilité
. Le
Gouvernement avance que le requérant n’est plus « victime » de la
violation allégué de l’article 6 § 1 puisqu’il a obtenu de la cour d’appel de
Rome un constat de violation ainsi qu’un redressement approprié et suffisant au
regard de l’enjeu du litige.
. Le requérant
s’oppose à l’exception du Gouvernement et fait valoir que le montant accordé
par la cour d’appel ne permet pas de considérer le redressement offert en l’occurrence
comme suffisant à réparer la violation alléguée.
. La Cour rappelle
sa jurisprudence dans l’affaire Cocchiarella c. Italie ([GC],
no 64886/01, § 84) selon laquelle, dans ce genre d’affaires, il
appartient à la Cour de vérifier, d’une part, s’il y a eu reconnaissance par
les autorités, au moins en substance, d’une violation d’un droit protégé par la
Convention et, d’autre part, si le redressement peut être considéré comme
approprié et suffisant.
. La première
condition, à savoir le constat de violation par les autorités nationales, ne
prête pas à controverse puisque la cour d’appel de Rome l’a expressément
constaté.
. Quant à la
seconde condition, la Cour rappelle les caractéristiques que doit avoir un
recours interne pour apporter un redressement approprié et suffisant; il s’agit
tout particulièrement du fait que pour évaluer le montant de l’indemnisation
allouée par la cour d’appel, la Cour examine, sur la base des éléments dont
elle dispose, ce qu’elle aurait accordé dans la même situation pour la période
prise en considération par la juridiction interne (Cocchiarella c. Italie,
précité, §§ 86-107).
. La Cour
estime que, en se bornant à octroyer une somme de 1 000 EUR pour dommage
moral, la cour d’appel de Rome n’a pas réparé la violation en cause de manière
appropriée et suffisante. Se référant aux principes qui se dégagent de sa
jurisprudence (voir, entre autres Cocchiarella c. Italie, précité,
§§ 69-98), la Cour relève en effet que la somme en question ne représente guère
plus de 9% du montant qu’elle octroie généralement dans les affaires similaires
dirigés contre l’Italie.
. Au vu de ce
qui précède et eu égard aux insuffisances du redressement opéré, la Cour
considère que le requérant peut toujours se prétendre « victime » au
sens de l’article 34 de la Convention.
. La Cour
constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35
§ 3 de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité.
Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur
le fond
. La Cour
constate que la procédure principale a débuté le 21 octobre 1994 et qu’elle
était encore pendante en première instance le 24 mars 2003, date à laquelle la
cour d’appel « Pinto » s’est prononcée.
. La Cour
relève que la cour d’appel de Rome a évalué la durée de la procédure à la date
de sa décision, à savoir le 24 mars 2003, la procédure s’étant achevée le 23
novembre 2006, une période d’environ trois ans et huit mois n’a pas pu être
prise en considération par la cour d’appel.
. La Cour
relève qu’en ce qui concerne la phase postérieure au 23 mars 2003, le requérant
aurait dû épuiser à nouveau les voies de recours internes en saisissant une
nouvelle fois la cour d’appel au sens de la loi « Pinto ». Au vu de
ce qui précède, l’examen de la Cour sera limité à la durée de la procédure
ayant fait l’objet d’un examen par la cour d’appel « Pinto » (Musci c. Italie [GC], no 64699/01, § 116, CEDH 2006-V (extraits) ;
Gattuso c. Italie (déc.), no 24715/04), soit une période d’environ
huit années et six mois.
. La Cour a traité à maintes reprises des Requêtes soulevant des
questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté une méconnaissance
de l’exigence du « délai raisonnable », compte tenu des critères
dégagés par sa jurisprudence bien établie en la matière (voir, en premier lieu,
Cocchiarella c. Italie, précité). N’apercevant rien qui puisse
mener à une conclusion différente dans la présente affaire, la Cour estime qu’il
y a également lieu de constater une violation de l’article 6 § 1.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE
13 DE LA CONVENTION
. Invoquant l’article
13, le requérant allègue l’insuffisance de l’indemnité reconnue par la cour d’appel
de Rome et se plaint de l’inefficacité du remède « Pinto ».
. La Cour
rappelle que, selon la jurisprudence Gagliano Giorgi (no 23563/07, § 79, 6 mars
2012) et Delle Cave et
Corrado (nº 14626/03, §§
43-46, 5 juin 2007), l’insuffisance de l’indemnisation « Pinto » ne
remet pas en cause, pour l’instant, l’efficacité de cette voie de recours.
. En l’espèce,
la cour d’appel de Rome avait bien compétence pour se
prononcer sur le grief du requérant et elle a effectivement procédé à son
examen. Aux yeux de la Cour, la simple insuffisance du montant de l’indemnisation
ne constitue pas en soi un élément suffisant pour remettre en cause l’effectivité
du recours « Pinto » (voir, mutatis mutandis, Zarb c. Malte, no 16631/04, §
51, 4 juillet 2006).
. Partant, il y
a lieu de déclarer ce grief irrecevable pour défaut manifeste de fondement au
sens de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE
41 DE LA CONVENTION
51. Aux termes de l’article 41 de la
Convention,
« Si la Cour
déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le
droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement
les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y
a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage matériel
. Le requérant
réclame un dédommagement correspondant à la valeur vénale du terrain à la date
de l’arrêt de la Cour, estimée sur la base de la plus-value apportée au terrain
par la construction de l’ouvrage d’utilité publique. Il chiffre ses prétentions
à 179 900,77 EUR.
. Le
Gouvernement s’y oppose et fait valoir que le requérant a obtenu un
dédommagement correspondant à la valeur vénale du terrain, en conformité aux
critères élaborés par la jurisprudence de la Cour.
. La Cour rappelle qu’un arrêt constatant une violation entraîne pour l’État
défendeur l’obligation de mettre un terme à la violation et d’en effacer les
conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation
antérieure à celle-ci (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC],
nº 31107/96, § 32, CEDH 2000-XI).
. Elle rappelle
que dans l’affaire Guiso-Gallisay c. Italie (satisfaction équitable)
[GC], nº 58858/00, 22 décembre 2009, la Grande Chambre a modifié la
jurisprudence de la Cour concernant les critères d’indemnisation dans les
affaires d’expropriation indirecte. En particulier, elle a décidé d’écarter les
prétentions des requérants dans la mesure où elles sont fondées sur la valeur
des terrains à la date de l’arrêt de la Cour et de ne plus tenir compte, pour évaluer le dommage matériel, du coût de construction des
immeubles bâtis par l’État sur les terrains.
. L’indemnisation
doit donc correspondre à la valeur pleine et entière du terrain au moment de la
perte de la propriété, telle qu’établie par l’expertise ordonnée par la
juridiction compétente au cours de la procédure interne. Ensuite, une fois que
l’on aura déduit la somme éventuellement octroyée au niveau national, ce montant
doit être actualisé pour compenser les effets de l’inflation. Il convient aussi
de l’assortir d’intérêts susceptibles de compenser, au moins en partie, le long
laps de temps qui s’est écoulé depuis la dépossession des terrains.
. La Cour observe
que le requérant a reçu au niveau national une somme correspondant à la valeur
vénale du terrain, réévaluée et assortie d’intérêts, à compter de la date de la
fin de l’occupation légitime, à savoir le 12 janvier
1996. La Cour estime partant que l’intéressé a déjà obtenu une somme
suffisante à satisfaire les critères d’indemnisation suscités.
. Reste à
évaluer la perte de chances subie à la suite de l’expropriation litigieuse (Guiso-Gallisay
c. Italie, satisfaction équitable) [GC], précité, §
107). La Cour juge qu’il y a lieu de prendre en considération le préjudice
découlant de l’indisponibilité du terrain pendant la période allant du début de
l’occupation légitime (20 février 1989) jusqu’au moment de la perte de
propriété (12 janvier 1996). Statuant en équité, la Cour alloue au requérant
30 100 EUR.
B. Dommage moral
. Le requérant
demande 50 000 EUR à titre de préjudice moral.
. Le
Gouvernement s’oppose à cette prétention.
. La Cour
estime que le sentiment d’impuissance et de frustration face à la dépossession
illégale de son bien ainsi que la durée excessive de la procédure ont causé au
requérant un préjudice moral important qu’il y a lieu de réparer de manière
adéquate.
. Conformément à la jurisprudence Guiso-Gallisay
c. Italie (précité) et Cocchiarella c. Italie (précité, §§ 139-142
et 146) et statuant en équité, la Cour alloue au requérant 9 100 EUR.
C. Frais et dépens
. Notes d’honoraires
à l’appui, le requérant demande également le remboursement des frais et dépens
engagés devant la Cour, à hauteur de 53 585,53 EUR.
. Le
Gouvernement s’oppose et fait valoir que les sommes réclamées sont excessives.
. La Cour
rappelle que, selon sa jurisprudence, l’allocation des frais et dépens au titre
de l’article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité
et le caractère raisonnable de leur taux (Can
et autres c. Turquie, no 29189/02, du 24 janvier
2008, § 22).
. La Cour ne doute pas de la nécessité d’engager des frais, mais elle
trouve excessifs les honoraires totaux revendiqués à ce titre. Elle considère
dès lors qu’il y a lieu de les rembourser en partie seulement. Compte tenu des
circonstances de la cause, la Cour juge raisonnable d’allouer un montant de 15 000 EUR pour l’ensemble des frais exposés.
E. Intérêts moratoires
. La Cour juge
approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de
la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois
points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la Requête recevable
quant aux griefs tirés de l’article 1 du Protocole no 1 de la
Convention et de l’article 6 § 1 de la Convention et irrecevable pour le
surplus ;
3. Dit qu’il y a eu violation
de l’article 1 du Protocole no 1 de la Convention ;
4. Dit qu’il y a eu violation
de l’article 6 § 1 de la Convention ;
5. Dit
a) que l’État défendeur doit verser au
requérant, dans les trois mois, les sommes suivantes:
i) 30 100 EUR (trente mille cent
euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage
matériel ;
ii) 9 100 EUR (neuf mille cent
euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage
moral ;
iii) 15 000 EUR (quinze mille euros),
plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais
et dépens ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit
délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple
à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale
européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de
pourcentage ;
6. Rejette la demande de
satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit
le 22 janvier 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Françoise
Elens-Passos Dragoljub Popović
Greffière adjointe Président