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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> BALCA v. TURKEY - 41843/07 - HEJUD (French text) [2013] ECHR 76 (22 January 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/76.html
Cite as: [2013] ECHR 76

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    DEUXIÈME SECTION

     

     

     

     

     

    AFFAIRE BALCA c. TURQUIE

     

    (Requête no 41843/07)

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

    STRASBOURG

     

    22 janvier 2013

     

     

    Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Balca c. Turquie,

    La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en un comité composé de :

              Dragoljub Popović, président,
              Paulo Pinto de Albuquerque,
              Helen Keller, juges,
    et de Françoise Elens-Passos, greffière adjointe de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 11 décembre 2012,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE


  1. .  A l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 41843/07) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet État, M. Fuat Balca (« le requérant »), a saisi la Cour le 7 septembre 2007 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  2. .  Le requérant est représenté par Me M. Özbekli, avocat à Diyarbakır. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») est représenté par son agent.

  3. .  Le 11 décembre 2009, la Requête a été communiquée au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond de l’affaire.
  4. EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE


  5. .  Le requérant est né en 1972 et réside à Diyarbakır.

  6. .  Le 1er février 2000, il fut arrêté dans le cadre d’une opération menée contre l’organisation illégale Hizbullah. Il était soupçonné d’y être membre et d’avoir commis plusieurs crimes au nom de cette organisation. Il fut placé en détention provisoire le 10 février 2000.

  7. .  Le 24 mai 2000, il fut inculpé de tentative d’atteinte à l’ordre constitutionnel et son procès commença devant la cour de sûreté de l’État de Diyarbakır. Après la suppression des cours de sûreté de l’État en 2004, le procès du requérant se poursuivit devant la cour d’assises spéciale de cette ville (« la cour d’assises spéciale »).

  8. .  Le 30 décembre 2009, la cour d’assises spéciale reconnut le requérant coupable des faits qui lui étaient reprochés et le condamna à la peine d’emprisonnement à vie.

  9. .  Tout au long de la procédure, au terme des audiences tenues devant elle, la cour de sûreté de l’État et la cour d’assises spéciale ordonnèrent le maintien en détention provisoire du requérant compte tenu de la nature de l’infraction reprochée ainsi que de l’état des preuves. A partir de l’entrée en vigueur du nouveau code de procédure pénale, la cour d’assises spéciale se fonda aussi sur l’existence de forts soupçons quant à la commission de l’infraction reprochée et sur le fait qu’il s’agissait d’une infraction prévue par l’article 100 § 3 du code de procédure pénale.

  10. .  Le 26 janvier 2011, la Cour de cassation confirma la condamnation du requérant.
  11. II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS


  12. .  En droit turc, la détention provisoire est régie par les articles 100 et suivants du code de procédure pénale (« CPP »), entré en vigueur le 1er juin 2005.
  13. Selon l’article 100 de ce code, la mise en détention provisoire d’une personne n’est possible que s’il existe de forts soupçons que la personne concernée ait commis l’infraction reprochée et s’il existe un motif de détention, à savoir un risque de fuite ou bien un risque d’altération des preuves ou de pression sur les témoins et victimes. Cela étant, pour certains délits particulièrement graves parmi lesquels figure celui reproché au requérant, l’article 100 § 3 de ce code indique que l’on peut présumer l’existence des motifs de détention susmentionnés lorsqu’il existe des raisons plausibles de soupçonner l’intéressé d’avoir commis l’infraction.


  14. .  L’article 141 du code de procédure pénale prévoit la possibilité pour un justiciable de demander réparation du préjudice découlant de l’application d’une mesure préventive à son égard. Cette disposition a repris celle de la loi no 466 du 7 mai 1964 (abrogée) sur l’octroi d’indemnités aux personnes illégalement arrêtées ou détenues. L’article 141 § 1 d) du code de procédure pénale ajoute une nouveauté par rapport à la loi no 466 : la possibilité pour les personnes jugées en détention provisoire et n’ayant pas obtenu un jugement dans un délai raisonnable de demander la réparation de leur préjudice.

  15. .  L’article 141 § 1 d) se traduit comme suit :
  16. « 1) Dans le cadre d’une enquête ou d’un procès relatifs à une infraction, les personnes qui :

    (...)

    d)  même régulièrement placées en détention provisoire au cours de l’enquête ou du procès, ne sont pas traduites dans un délai raisonnable devant l’autorité de jugement et concernant lesquelles une décision sur le fond n’est pas rendue dans ce même délai,

    (...)

    peuvent demander à l’État l’indemnisation de tous leurs préjudices matériels et moraux. »


  17. .  L’article 142 § 1 du code de procédure pénale relatif aux conditions de la demande d’indemnisation se lit comme suit :
  18. « La demande d’indemnisation peut être demandée dans les trois mois suivant la notification à l’intéressé que la décision ou le jugement est devenu définitif et dans tous les cas de figure dans l’année suivant la date à laquelle la décision ou jugement est devenu définitif. »

    EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 3 DE LA CONVENTION


  19. .  Le requérant allègue que la durée de sa détention provisoire a enfreint l’article 5 § 3 de la Convention, ainsi libellé :
  20. « Toute personne arrêtée ou détenue dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article (...) a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l’intéressé à l’audience. »


  21. .  Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes. D’après lui, le requérant aurait dû introduire un recours en indemnisation sur le fondement des articles 141 et suivants du code de procédure pénale.

  22. .  Le requérant ne se prononce pas sur l’exception du Gouvernement.

  23. .  La Cour rappelle qu’elle s’est déjà prononcée sur cette question dans le cadre de l’affaire Demir c. Turquie ((déc.), no 51770/07, 16 octobre 2012) portant sur des faits et griefs similaires ; elle a accueilli l’exception du Gouvernement et rejeté le grief tiré de l’article 5 § 3 de la Convention pour non-épuisement des voies de recours internes. Elle estime que l’examen de la présente l’affaire ne révèle aucune circonstance pouvant conduire à une conclusion différente.

  24. .  En effet, elle rappelle qu’au terme de l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes. La finalité de cette règle est de ménager aux Etats contractants l’occasion de prévenir ou de redresser les violations alléguées contre eux avant que la Cour n’en soit saisie (voir, parmi d’autres, Mifsud c. France (déc.) [GC], no 57220/00, § 15, CEDH 2002-VIII et plus récemment, Simons c. Belgique (déc.), no 71407/10, § 23, 28 août 2012).

  25. .  L’article 35 § 1 de la Convention ne prescrit cependant que l’épuisement des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Un recours est effectif lorsqu’il est disponible tant en théorie qu’en pratique à l’époque des faits, c’est-à-dire lorsqu’il est accessible, susceptible d’offrir au requérant le redressement de ses griefs et présente des perspectives raisonnables de succès. A cet égard, le simple fait de nourrir des doutes quant aux perspectives de succès d’un recours donné qui n’est pas de toute évidence voué à l’échec ne constitue pas une raison valable pour justifier la non-utilisation de recours internes (Sejdovic c. Italie [GC], no 56581/00, § 46, CEDH 2006-II, Sardinas Albo c. Italie (déc.), no 56271/00, CEDH 2004-I (extraits), Brusco c. Italie (déc.), no 69789/01, CEDH 2001-IX, et plus récemment Alberto Eugénio da Conceicao c. Portugal (déc.), no 74044/11, 29 mai 2012).

  26. .  La Cour rappelle qu’un recours visant la durée d’une détention provisoire au sens de l’article 5 § 3 de la Convention doit, pour être effectif, offrir à son auteur une perspective de cessation de la privation de liberté contestée (Knebl c. République tchèque, no 20157/05, § 55, 28 octobre 2010, et Gavril Yossifov c. Bulgarie, no 74012/01, § 40, 6 novembre 2008).

  27. .  Elle estime cependant qu’il peut en aller différemment lorsque la détention provisoire est terminée.
  28. A cet égard, la Cour rappelle qu’en matière de privation de liberté, elle a déjà considéré que lorsqu’un requérant affirme avoir été détenu en méconnaissance du droit interne - donc en violation de l’article 5 § 1 de la Convention - et que la détention litigieuse a déjà pris fin, une action en réparation, capable d’aboutir à une reconnaissance de la violation alléguée et à l’attribution d’une indemnisation, est en principe un recours effectif qui doit être épuisé si son efficacité en pratique a été dûment établie (Rahmani et Dineva c. Bulgarie, no 20116/08, § 66, 10 mai 2012, et Gavril Yossifov, précité, § 41 et les références y citées).


  29. .  La Cour estime qu’il en est de même s’agissant d’un grief tiré de l’article 5 § 3 de la Convention. En effet, lorsque la détention provisoire a pris fin, il convient de vérifier si l’intéressé dispose d’un recours pouvant conduire d’une part à la reconnaissance du caractère déraisonnable de la durée de la détention provisoire et d’autre part à l’allocation d’une indemnité liée à ce constat. Si tel est le cas, alors ce recours doit en principe être utilisé. Affirmer le contraire reviendrait à doubler la procédure interne d’une instance devant la Cour, ce qui paraît peu compatible avec le caractère subsidiaire du mécanisme de sauvegarde instauré par la Convention (voir, en ce sens, Gavril Yossifov, précité, § 38, et Rahmani et Dineva, précité, § 64).

  30. .  La Cour note que l’article 141 § 1 d) du code de procédure pénale prévoit pour un détenu n’ayant pas obtenu un jugement dans un délai raisonnable la possibilité de demander une indemnisation. Elle observe toutefois que ce recours ne vise pas à mettre fin à une détention d’une durée excessive au sens de l’article 5 § 3 de la Convention (voir, parmi d’autres, Barış c. Turquie, no 26170/03, § 17, 31 mars 2009) mais qu’il a pour seule finalité l’octroi d’une indemnité. Le recours en question ne peut donc pas conduire à la libération de l’intéressé.

  31. .  Le recours prévu par l’article 141 § 1 d) du CPP ne peut donc être considéré comme effectif au regard de l’article 5 § 3 de la Convention aussi longtemps que la détention provisoire était en cours.

  32. .  De plus, la disposition en question - telle qu’appliquée à l’époque des faits - ne permettait pas au justiciable ayant subi une période de détention provisoire excessive d’intenter un recours au cours de la procédure engagée à son encontre puisqu’au niveau interne, l’introduction d’un tel recours supposait au préalable l’obtention d’une décision définitive sur le fond de l’affaire (Kürüm c. Turquie, no 56493/07, § 20, 26 janvier 2010).

  33. .  La Cour note toutefois que la détention provisoire du requérant au sens de l’article 5 § 3 de la Convention a pris fin avec sa condamnation en première instance le 30 décembre 2009 et que cette condamnation est devenue définitive le 26 janvier 2011. A partir de cette dernière date, le requérant aurait pu demander une indemnisation sur le fondement de l’article 141 du CPP.

  34. .  La Cour note qu’en droit turc la possibilité pour un détenu n’ayant pas obtenu un jugement dans un délai raisonnable de demander réparation est une nouveauté introduite dans le CPP en 2005. L’allocation d’une indemnité sur le fondement de l’article 141 § 1 d) du CPP suppose au préalable le constat que la durée de la détention provisoire n’a pas été raisonnable. Ce recours peut conduire, d’une part, à la reconnaissance du caractère déraisonnable de la mesure contestée et, d’autre part, à la réparation des préjudices subis par le requérant.

  35.   Il est vrai que le Gouvernement n’a pas produit d’exemples d’affaires où cette disposition aurait été invoquée avec succès dans une situation comparable à celle du requérant. Rien n’indique cependant que le contrôle qui sera exercé par les juridictions internes à cette occasion sera limité d’une quelconque manière, pour pouvoir douter d’emblée de l’efficacité d’un tel recours et affirmer qu’un tel recours serait de toute évidence voué à l’échec.

  36.   Rappelant ici son rôle subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux de garantie des droits de l’homme (Handyside c. Royaume-Uni, 7 décembre 1976, § 48, série A no 24), la Cour estime que le requérant avait à sa disposition une nouvelle norme légale qui lui aurait permis de donner aux juridictions internes l’occasion de remédier au niveau national à la prétendue violation de l’article 5 § 3 de la Convention (Ovidiu Trailescu c. Roumanie (déc.), nos 5666/04 et 14464/05, § 72). De surcroît, s’agissant d’une nouvelle disposition légale adoptée dans l’objectif spécifique de créer un recours susceptible de porter remède à ce type de grief, il y a intérêt à saisir les juridictions nationales, afin de leur permettre de faire application de cette disposition (Iambor c. Roumanie (no 1), no 64536/01, § 221, 24 juin 2008).

  37.   Aussi la Cour conclut que le recours prévu par l’article 141 du code de procédure pénale était accessible. Par ailleurs, elle ne dispose d’aucun élément qui lui permettrait de dire que le recours en question n’était pas susceptible d’apporter un redressement approprié au grief du requérant tiré de l’article 5 § 3 de la Convention et qu’il n’offrait pas des perspectives raisonnables de succès (voir, en ce sens, Taron c. Allemagne (déc.), no 53126/07, § 40, 29 mai 2012). Il convient de rappeler ici que lorsqu’il existe un doute sur l’efficacité et les chances de succès d’un recours interne, comme le soutient le requérant, celui-ci doit être tenté (Voisine c. France, n27362/95, décision de la Commission du 14 janvier 1998). Il s’agit là d’un point qui doit être soumis aux tribunaux (Roseiro Bento c. Portugal (déc.), no 29288/02, 30 novembre 2004, et Whiteside c. Royaume-Uni, n20357/92, décision de la Commission du 7 mars 1994).

  38.   La Cour souligne toutefois que cette conclusion ne préjuge en rien, le cas échéant, d’un éventuel réexamen de la question de l’effectivité du recours en question, et notamment de la capacité des juridictions nationales à établir, relativement à l’application de l’article 141 § 1 d) du CPP, une jurisprudence uniforme et compatible avec les exigences de la Convention (ibidem, § 45, et Korenjak c. Slovénie, no 463/03, § 73, 15 mai 2007).

  39.   A la lumière de ce qui précède, la Cour estime que le requérant était tenu de saisir les juridictions internes d’une demande d’indemnisation fondée sur l’article 141 § 1 d) du CPP. La Cour accueille donc l’exception du Gouvernement et rejette le grief tiré de l’article 5 § 3 pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention (voir l’affaire Demir, précitée).
  40. II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 DE LA CONVENTION

    A.  Équité de la procédure


  41. .  Le requérant allègue que sa cause n’a pas été entendue équitablement. Il se plaint à cet égard de l’appréciation des preuves par les juridictions internes et affirme que les arguments présentés pour sa défense n’ont pas été dûment pris en considération par les juges du fond. Selon lui, son cas n’a pas été sérieusement examiné.

  42. .  La Cour a examiné ce grief. Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, elle n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention. Il s’ensuit que cette partie de la Requête doit être rejetée, en application de l’article 35 § 4 de la Convention.
  43. B.  Durée de la procédure


  44. .  Le requérant se plaint de ce que sa cause n’a pas été entendue dans un délai raisonnable. Il invoque à ce titre l’article 6 de la Convention, ainsi libellé en sa partie pertinente :
  45. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »


  46. .  Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes au motif que le requérant a omis d’engager un recours de pleine juridiction contre le ministère de la Justice, puisque les tribunaux ont l’obligation de traiter les affaires dans les meilleurs délais.

  47. .  La Cour rappelle qu’elle a déjà constaté que l’ordre juridique turc n’offrait pas aux justiciables un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention leur permettant de se plaindre de la durée excessive des procédures pénales (Daneshpayeh c. Turquie, no 21086/04, §§ 35-38, 16 juillet 2009, et Tendik et autres c. Turquie, no 23188/02, § 36, 22 décembre 2005). Le Gouvernement ne soumet pas non plus, à l’appui de son allégation, de jurisprudence pertinente des juridictions nationales. Partant, elle rejette l’exception du Gouvernement.

  48. .  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

  49. .  La période à considérer a débuté le 1er février 2000 et s’est terminée le 26 janvier 2011 (paragraphes 5 et 9 ci-dessus). Elle a donc duré près de onze ans, pour deux degrés de juridiction.

  50. .  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence de la Cour, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes (voir, parmi beaucoup d’autres, Pélissier et Sassi c. France [GC], no 25444/94, § 67, CEDH 1999-II).

  51. .  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à la présente et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Pélissier et Sassi, précité). Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce, la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

  52. .  Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.
  53. III.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES


  54. .  Bien que les griefs tirés de l’article 5 §§ 4 et 5 de la Convention ont été initialement communiqués au Gouvernement, il ressort de l’examen du dossier que ces griefs n’ont pas été valablement soulevés.

  55. .  En effet, il n’a pas invoqué l’article 5 § 4, même en substance.

  56. .  Quant à l’article 5 § 5, si le requérant le mentionne dans le formulaire de Requête, ce n’est que dans le cadre de sa demande de satisfaction équitable et non pas pour l’invoquer en tant que tel.

  57. .  Il s’ensuit que cette partie de la Requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
  58. IV.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    47.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage


  59. .  Il réclame 80 000 euros (EUR) au titre des préjudices subis par lui.

  60. .  Le Gouvernement conteste ce montant.

  61. .  La Cour considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 6 000 EUR au titre du préjudice moral.
  62. B.  Frais et dépens


  63. .  Le requérant n’a pas soumis de demande pour les frais et dépens. Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de lui octroyer de somme à ce titre.
  64. C.  Intérêts moratoires


  65. .  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
  66. PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la Requête recevable quant au grief tiré de l’article 6 de la Convention (durée de la procédure pénale) et irrecevable pour le surplus ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 de la Convention ;

     

    3.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 6 000 EUR (six mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral, à convertir en livres turques au taux applicable à la date du règlement ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 22 janvier 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Françoise Elens-Passos                                                      Dragoljub Popović
         Greffière adjointe                                                                  Président


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