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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> FERNANDEZ KERR v. BELGIUM - 19328/09 - Chamber Judgment (French text) [2013] ECHR 882 (26 September 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/882.html
Cite as: [2013] ECHR 882

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    CINQUIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE FERNANDEZ KERR c. BELGIQUE

     

    (Requête no 19328/09)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

     

    STRASBOURG

     

    26 septembre 2013

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

     


    En l’affaire Fernandez Kerr c. Belgique,

    La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :

              Mark Villiger, président,
              Angelika Nußberger,
              Boštjan M. Zupančič,
              Ann Power-Forde,
              André Potocki,
              Paul Lemmens,
              Helena Jäderblom, juges,
    et de Claudia Westerdiek, greffière de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3 septembre 2013,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE


  1. .  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 19328/09) dirigée contre le Royaume de Belgique et dont un ressortissant de cet Etat, M. Pedro Casimiro Fernandez Kerr (« le requérant »), a saisi la Cour le 7 avril 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  2. .  Le requérant a été représenté par Mes Christophe Marchand et Dounia Aamat, avocats à Bruxelles. Le gouvernement belge (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Marc Tysebaert, conseiller général, service public fédéral de la Justice.

  3. .  Le 25 février 2012, la requête a été communiquée au Gouvernement.
  4. EN FAIT


  5. .  Le requérant est né à Cuba en 1966 et réside à Bruxelles.
  6. A.  Les évènements du 19 décembre 2003


  7. .  Le requérant travaillait pour l’association sans but lucratif (« asbl ») « Les Petits Riens », dont l’objectif est d’aider les personnes démunies. Elle gère notamment des magasins de seconde main et une maison d’accueil de cent-vingt places.

  8. .  Le 19 décembre 2003, l’asbl organisa comme chaque année un réveillon de Noël réunissant son personnel et les résidents de la maison d’accueil. Une rixe impliquant plusieurs individus se déclencha au cours de la soirée. Un peu avant minuit, M. L.C., directeur de la filière textile de l’association, sollicita l’intervention de la police. Environ cent-cinquante personnes, dont le requérant, étaient alors présentes.

  9. .  Une première équipe composée de l’inspecteur D.V.B. et de l’inspectrice I.D. arriva rapidement sur place. D.V.B. reçut un coup de poing sur le nez de la part d’un certain L.B. Débordés par les évènements, D.V.B. et I.D. demandèrent du renfort. Les inspecteurs N.P. [Philippi], P.H. et F.F. furent sur les lieux vers minuit. Sept autres patrouilles arrivèrent ensuite, si bien que vingt policiers furent finalement sur place. L.B. fut interpellé.

  10. .  Un certain G.L., résident de la maison d’accueil, se présenta aux agents de police comme étant membre du service de sécurité et désigna le requérant comme étant l’un des principaux trouble-fêtes.

  11. .  Le requérant soutient qu’alors qu’il s’approchait des policiers pour comprendre ce qui se passait, l’un des policiers lui donna un coup au plexus, lui fit une clé à bras, lui donna un « coup de genou » et le fit tomber à terre. S’étant libéré en bousculant l’agent, il se trouva entouré de plusieurs policiers qui le frappèrent jusqu’à ce que ses collègues eussent informé ces derniers qu’il était un employé de l’association. Il se rendit alors dans une salle annexe, suivi par des agents de police, qui le mirent à terre et le frappèrent - à l’aide en particulier d’un bâton télescopique -, firent usage sur lui de gaz poivré et proférèrent des insultes racistes à son égard.
  12. Le requérant poursuit en indiquant que les menottes lui furent ensuite passées et qu’il fut conduit en ambulance à l’hôpital avant d’être emmené au commissariat. Il précise que les menottes étaient à ce point serrées qu’elles le blessèrent aux poignets - il en garderait des cicatrices -, et qu’elles ne lui furent retirées qu’au moment de son placement en cachot au commissariat.

    Le requérant souligne que des témoins ont déclaré avoir entendu ses cris lorsqu’il se trouvait dans la salle annexe et attesté qu’il avait des plaies importantes lorsqu’il en est ressorti. Il ajoute qu’il a entendu un coup de feu et que deux autres personnes ont fait une déclaration dans ce sens.


  13. .  Le Gouvernement donne une autre version des faits. Il indique qu’alors que l’inspecteur D.V.B. s’approchait de lui pour lui demander de quitter les lieux, le requérant l’a violemment poussé, le faisant chuter. Le requérant a alors été isolé dans une salle annexe, où quatre ou cinq autres agents sont intervenus afin de le maîtriser. Il continuait à se débattre en donnant des coups de poing et de pied et mordit l’inspecteur D.V.B. à l’index jusqu’à effusion de sang (ce qui nécessitera cinq points de sutures et entraînera un arrêt de travail de treize jours). Vu la carrure et la force physique du requérant, les policiers n’ont eu d’autre choix que de faire usage de gaz poivré alors qu’il était déjà au sol. Etant finalement parvenus à le menotter, ils ont attendu que le calme revienne pour le faire transporter à l’hôpital en ambulance.
  14. Le Gouvernement admet qu’il a été fait usage du bâton télescopique, mais souligne que cela avait été « rendu obligatoire » par la réaction violente du requérant à son arrestation. Il ne décrit pas les modalités de cet usage en l’espèce, mais indique que « généralement, cette arme est employée, en complément du balayage, pour faire plier les jambes de l’interpellé, l’amener au sol et, enfin, le stabiliser à l’aide de menottes ».


  15. .  Une fois interpellé, le requérant fut conduit en ambulance au service des urgences du centre hospitalier d’Ixelles. Le médecin qui l’examina signa un formulaire attestant - sans plus de détail - que son état ne justifiait pas une hospitalisation. Le requérant fut ensuite placé en garde à vue. Il soutient qu’il fut encore malmené lors de son transport vers le commissariat : les policiers l’auraient fait tomber à plusieurs reprises et l’auraient trainé au sol, tant et si bien que ses blue-jeans et son caleçon auraient été totalement déchirés au niveau des genoux, lesquels auraient été en sang.
  16. B.  La situation médicale du requérant


  17. .  Le requérant indique que, les juridictions d’instruction n’ayant pas fait droit à ses demandes d’expertise médicale, il ne lui est pas possible de présenter un bilan détaillé des effets du traitement qu’il a subi sur son intégrité physique et sur sa santé. Il produit cependant divers documents - médicaux notamment - y relatifs. Il met en particulier l’accent sur deux certificats établis, l’un le 20 décembre 2003 par un médecin du service des urgences de la clinique de l’Europe à Bruxelles, et l’autre, le 22 décembre 2003, par un médecin généraliste.

  18. .  Le premier constate des douleurs au bras droit et aux genoux, des plaies aux genoux et une ecchymose brachiale droite, diagnostique des « polycontusions », prescrit des examens des genoux et du bras et fixe une incapacité de travail du 20 au 23 décembre 2003 (l’incapacité de travail sera ensuite prolongée jusqu’au 8 janvier 2004).
  19. Le deuxième indique notamment que le requérant présente des « signes compatibles avec des violences qu’il aurait subies le 19 décembre 2003 ». Il fait état d’ecchymoses à la face postérieure de l’épaule droite et au bras droit, de lésions plus discrètes à la jambe droite, d’une abrasion cutanée sensible aux deux genoux pré-rotuliens, d’une lésion cutanée superficielle de type abrasion à la lèvre inférieure (notant que l’intérieur de cette lèvre est également blessé), de traces de liens aux poignets, d’une petite cicatrice à l’avant-bras droit à hauteur du poignet qui « aurait été provoquée par une clé » et d’une plaie superficielle sensible au niveau du cuir chevelu en pariétal droit. Il indique en outre qu’une « perte de sensibilité est signalée par le patient à la face postérieure de la main au niveau des ... [la suite est illisible] » et que les coudes sont sensibles à la palpation.


  20. .  Le requérant signale que depuis les faits, il a dû consulter des médecins à de multiples reprises à cause de douleurs aux genoux. Il précise qu’il a souffert d’une récidive de gonalgies bilatérales en 2005 ; il a une nouvelle fois été mis en incapacité de travail et sous traitement médicamenteux antidouleur et, après une série d’examen, il a dû subir une méniscectomie par voie « artroscopique » sous anesthésie générale. Au début de l’année 2006, il a à nouveau subi des périodes d’incapacité de travail, et a dû recevoir des soins infirmiers et prendre des antidouleurs.
  21. Il souligne que sa santé s’est très nettement dégradée à la suite des évènements du 19 décembre 2003, à tel point qu’il a été reconnu inapte au travail le 18 avril 2005 et invalide à plus de 66 % du 18 avril 2006 au 29 octobre 2007.

    C.  La condamnation du requérant des chefs de coups et blessures et de rébellion


  22. .  Le 20 décembre 2003 au matin, S.P., inspecteur principal de la police locale de « Bruxelles capitale Ixelles », entendit L.B. et le requérant sur les évènements de la veille. Le premier déclara qu’il était « saoul » et qu’il ne se souvenait de rien ; le second nia avoir agressé des policiers, affirmant avoir été lui-même agressé par un policier et s’être défendu.

  23. .  Le même jour, un procès-verbal initial fut dressé par le commissaire de police I.S.A. à charge du requérant et de L.B., du chef de rébellion non armée et coups et blessures envers un agent ou un officier de police judiciaire pendant ou à l’occasion de ses fonctions - désigné comme étant D.V.B. -, ayant entraîné une incapacité de travail de 13 jours. Le procès-verbal indique notamment que, lorsque les policiers sont arrivés sur les lieux, le requérant « a été désigné par le « responsable sécurité », L.G., comme étant l’un des principaux trouble-fête, et des plus agressifs, et de surcroît non résident dans le Home », et que ledit L.G. avait requis son expulsion. Il précise en particulier que D.V.B. et ses collègues de la brigade anti-agression se sont portés à la hauteur du requérant pour tenter de le convaincre de quitter les lieux, et que ce dernier a refusé et s’est violemment rebellé, repoussant D.V.B. de ses mains, appelant ainsi une riposte de la brigade. Il souligne que cette dernière a « fait usage de la force strictement nécessaire en vue de le maîtriser » et l’a mis au sol aux fins de le menotter, avec difficulté en raison de la « force physique non négligeable » de l’intéressé. Il ajoute qu’en tentant de s’emparer d’un des bras du suspect, [D.V.B.] s’est vu « mordre violemment » l’index de la main droite, jusqu’à effusion de sang, ce qui nécessitera cinq points de suture, et entraînera treize jours d’incapacité de travail, et que l’usage de gaz au poivre avait été nécessaire par la résistance du requérant.
  24. Des rapports d’intervention établis par l’inspecteur D.V.B. et l’inspecteur N.P. et annexés au procès-verbal donnent une version similaire des faits.

    Le procès-verbal indique également que le requérant « exhal[ait] de forts effluves d’alcool, titub[ait], a[vait] les yeux injectés de sang, et [avait] des difficultés à se situer dans le temps et l’espace[, et] a[vait] notamment les pupilles dilatées, et présent[ait] des symptômes qui donn[aient] à penser qu’il [avait] pu altérer sa conscience à l’aide de substances psychotropes ou apparentées, en combinaison avec l’alcool ».


  25. .  Toujours le 20 décembre 2003, le requérant fut inculpé de « rébellion » et « coups et blessures à agents avec effusion de sang et incapacité de travail ». Le même jour, le juge d’instruction prit une ordonnance de mise en liberté sous conditions, laquelle fut renouvelée à plusieurs reprises.

  26. .  Entre le 15 janvier et le 9 février 2004, B.D., inspecteur principal, officier de police judiciaire, entendit plusieurs personnes présentes lors des évènements :
  27. - J .C., directeur général de l’association « Les Petits Riens », qui, le 15 janvier, déclara notamment ceci : « [le requérant] était durant toute la soirée d’un calme. Je suis tout étonné qu’il avait mordu l’agent de police. Je n’ai pas vu entièrement la scène. J’ai remarqué à mon arrivée qu’il était par terre avec plusieurs agents lesquels essayaient de le maîtriser. Je pense que les renforts de vos services sont arrivés par la suite. [G.L.] s’est autoproclamé comme responsable ce qui n’était en réalité pas le cas. [Il] signalait que Fernandez était le trouble des faits, ce que je peux confirmer que c’était faux. Il était très calme. (...) ».

    - M.S., bénévole durant la soirée, qui mentionna un individu avec casquette qui avait frappé un agent de police et que les agents avaient eu du mal à maîtriser, et qui faisait tout ce qu’il pouvait pour se « défaire », notamment frapper et mordre.

    - L.C., directeur de la filière textile de l’association, qui décrivit ainsi l’attitude du requérant : « (...) Il est un fait que Pedro a durant l’intervention de la police, repoussé un des policiers ; je précise que Pedro a été interpellé par moi-même pour donner des explications. Ce n’est que dans la deuxième phase que Pedro a repoussé l’agent. Il n’a jamais frappé. Dû au fait que le policier est tombé, il se serait blessé à la main. (...) Malgré que Pedro était bien maintenu, la police utilisait plus de force que nécessaire. (...) ».

    - M.G., employé de l’association, qui ne dit rien à propos du requérant.

    - P.H., employé de l’association, qui déclara notamment avoir vu la police immobiliser une personne en utilisant la force.

    - G.L., qui indiqua se rappeler d’une « personne type latino » qui avait cherché des problèmes avec la police et qui avait « tout fait » pour résister à son interpellation, mais ne pouvoir dire si elle avait mordu un des agents.

    - T.J., employé de l’association, qui indiqua ne pas avoir vu grand-chose de l’intervention de la police, si ce n’est qu’un « latino » avait été emmené menotté.


  28. .  Le 16 février 2004, le juge d’instruction prit une ordonnance de soit-communiqué, clôturant ainsi son instruction. Le 15 juin 2004, la chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruxelles ordonna le renvoi du requérant et de L.B. devant le tribunal correctionnel.

  29. .  Le 30 juin 2004, le procureur du Roi près le tribunal de première instance de Bruxelles cita le requérant et L.B. à comparaître en correctionnel le 23 septembre 2004 devant cette juridiction. Tous deux étaient prévenus de coups à agent dépositaire de la force public (l’inspecteur D.V.B.) - avec la circonstance s’agissant du requérant que les coups avaient été la « cause d’effusion de sang, de blessure ou de maladie » - et de rébellion.

  30. .  Rien ne se passa durant des années. Il semble que les autorités judiciaires ont attendu le résultat de la procédure dirigée contre les policiers, suite à la plainte et la constitution de partie civile du requérant (paragraphes 25-44 ci-dessous). L’audience devant le tribunal eut finalement lieu le 27 février 2009.

  31. .  Par un jugement prononcé à cette date, le tribunal de première instance de Bruxelles acquitta les prévenus des premiers chefs. Il les déclara en revanche coupables de rébellion (tout en ordonnant pendant trois ans la suspension simple du prononcé de la condamnation). Précisant que cette prévention résultait implicitement des divers témoignages recueillis, le jugement relève notamment que l’arrivée des forces de police en fin de soirée n’avait pas été bien accueillie par les « turbulents participants » à la fête et que, si le requérant n’était pas à l’origine des faits mais était au contraire « très calme », il n’avait pas obtempéré spontanément aux injonctions des agents de sorte qu’il avait fallu « faire usage de la force dite nécessaire ».

  32. .  Par un arrêt du 13 novembre 2009, la cour d’appel de Bruxelles, saisie par le requérant et le ministère public, confirma le jugement sur ce dernier point. Le réformant pour le reste, elle déclara le requérant coupable également de coups sur l’inspecteur D.V.B. (tout en ordonnant pendant un an la suspension simple du prononcé de la condamnation du chef des deux préventions). L’arrêt est à cet égard libellé comme il suit :
  33. « (...) Alors [que les policiers] tentaient de persuader le prévenu de quitter les lieux, celui-ci se rebella, repoussant violemment le policier [D.V.B.]. Ils le mirent dès lors au sol afin de le menotter. Alors que ledit policier tentait de s’emparer et de maintenir un des bras du prévenu, celui-ci le mordit à l’index droit. Le prévenu fut enfin maîtrisé après qu’un policer eut utilisé une bonbonne de gaz au poivre. Selon les policiers, le prévenu était manifestement en état d’ivresse.

    La plaie saignante ainsi occasionnée au policier [D.V.B.] fit l’objet de cinq points de suture.

    Ces déclarations des policiers sont confortées par celles de plusieurs personnes : celles de [M.S.], barman lors de cette fête[, qui] exposa, en effet, que deux individus agressèrent les policiers et, parlant de l’un d’eux qui est manifestement le prévenu, il expliqua : « ils (les policiers) ont eu très dur à le maîtriser. Il a tout fait pour se défaire (frapper, mordre etc...) » ; celle de [L.C.], directeur de la filière textile de l’asbl, qui déclara que durant l’intervention des policier, le prévenu repoussa l’un de ceux-ci mais sans jamais avoir porté de coups ; celles de [G.L.] : « je me rappelle qu’une personne de type latino a commencé à chercher des problèmes avec la police. Lorsque la police a voulu l’intercepter, il a tout fait pour se défaire. Je ne sais pas vous dire si ce dernier a mordu l’agent de police » ; celles de [E.L.] qui déclara : « la police nous a demandé nos papiers mais ils n’ont pas eu le temps de tous nous contrôler parce que [le requérant] en sortant de la salle à manger a été retenu par un policier qui, à ses dires, l’aurait empoigné et ne sachant pour quelles raisons le policier lui a fait ça, il s’est débattu en bousculant violemment le policier (...) ».

    Certes, le directeur général de l’absl, [J .C.], déclara le 15 janvier 2004 que le prévenu avait été calme toute la soirée et qu’il était donc étonné que celui-ci ait mordu un policier. Il reconnaîtra cependant qu’il n’avait pas entièrement vu la scène et n’était en réalité arrivé qu’alors que le prévenu était déjà à terre avec plusieurs agents qui essayaient de le maîtriser. Il est ainsi vraisemblable qu’il soit arrivé après que le prévenu ait mordu le policier [D.V.B.]. C’est ce qu’il confirmera effectivement le 19 mai. Par ailleurs, rien ne permet de retenir la thèse d’une blessure occasionnée par des débris de verre lors de la chute qu’aurait faite l’agent de police [D.V.B.] à la suite de la poussée exercée par le prévenu. Cette version n’est accréditée que par le témoin [E.L.] précité. Elle est infirmée par celle du témoin [M.S.] relevée ci-dessus et par les déclarations de la victime qui n’avait d’ailleurs aucun intérêt quelconque à accuser le prévenu de l’avoir mordu, la blessure qu’elle a encourue étant de toute manière due à la rébellion de ce dernier.

    Aucun élément du dossier pénal ne permet de croire que les policiers « agressèrent » illégitimement le prévenu qui ne se serait alors débattu qu’en vue de se défendre contre ceux-ci.

    Il convient, enfin, de relever que le prévenu était en état d’ivresse manifeste lorsqu’il fut interpellé par les policiers. Ses déclarations et ses souvenirs sont donc sujets à caution, et ce d’autant plus qu’alors qu’il avait reconnu avoir été dans cet état lors de son audition du 20 décembre 2003, il le nia formellement devant le juge d’instruction quelques heures plus tard. (...) ».


  34. .  Par un arrêt du 17 mars 2010, la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé par le requérant.
  35. D.  La plainte et la constitution de partie civile du requérant


  36. .  Le 29 décembre 2003, le requérant déposa plainte devant le comité permanent de contrôle des services de police (« comité P ») contre « cinq policiers de la police locale d’Ixelles » pour coups et blessures. Il fut entendu par l’officier de police judiciaire G.V.L., auquel il exposa en détail sa version des évènements et du traitement qu’il avait subi. Il lui remit des photographies de ses blessures et de ses habits qui avaient été déchirés lors de son interpellation. Il lui remit également des déclarations écrites de trois témoins (MM. N.B. et E.L., et Mme S.D.M.) - établies les 22 et 23 décembre 2003, elles viennent à l’appui de la version des évènements exposée par le requérant - et requit l’audition de l’un des responsables des « Petits Riens », la vice-directrice, Mme V.S.

  37. .  Le 30 décembre 2003, l’officier G.V.L. établit à destination du procureur du Roi, un procès-verbal attestant de la saisie des photographies susmentionnées, d’un « caleçon long, blanc (...) présentant des trous au niveau des genoux, des traces de sang et de frottement », et d’un « pantalon (...) présentant des trous et des traces de frottement au niveau des genoux ». Le procès-verbal précise que « les traces des menottes, bien que pas très visibles sur les photographies (...) sont toutefois encore présentes le 29 décembre 2003 » ; il souligne de plus l’utilité d’identifier et d’entendre les témoins cités par le requérant, les policiers intervenus sur les lieux et le personnel ambulancier qui l’avait pris en charge, et de consulter le dossier relatif à l’instruction conduite contre lui.

  38. .  Le 29 avril 2004, le conseil du requérant écrivit au comité P afin de s’enquérir de l’avancement de l’enquête. Il joignit à son courrier une nouvelle copie des témoignages écrits de N.B., E.L. et S.D.M., une copie de la déclaration faite le 15 janvier 2004 par J .C., directeur général de l’asbl, dans le cadre de l’instruction conduite contre le requérant, ainsi que des déclarations écrites de trois autres témoins, A.S., S.P. et A.K.

  39. .  Le 19 mai 2004, S.E., membre du service d’enquêtes du comité P., entendit J.C. Il déclara notamment que, si lors de l’intervention, les agents de police avaient agi avec beaucoup de psychologie, il était surpris qu’ils s’en soient pris au requérant, « quelqu’un de très calme » selon lui. Il jugeait crédible que ce dernier se soit débattu, mais estimait que les policiers « y [avaient] peut-être été un peu fort ». Notant par ailleurs « la pression des autres sans-abris derrière », il supposait que le requérant avait empêché un des policiers d’intervenir et que c’est de là que tout était parti.

  40. .  Le 25 mai 2004, la même agente entendit E.L. Il déclara penser que le requérant ne s’était pas laissé faire parce qu’il n’était pas responsable de la rixe et trouvait l’attitude des policiers à son égard injuste. Il ajouta qu’il n’avait pas vu les échanges de coups entre le requérant et les agents, mais observé qu’une dizaine de ces derniers étaient sur lui pour le maîtriser alors qu’il était au sol. Il précisa que lorsque les policiers ont emmené le requérant pour l’embarquer dans une ambulance en « le traînaient au sol », que l’intéressé avait le visage en sang, que son pantalon était déchiré, qu’il avait une blessure à la jambe  et qu’il pleurait, et que les policiers l’avaient mis sur la civière « vraiment comme si c’était le fautif ».

  41. .  S.E. entendit aussi V.S., qui fit des déclarations similaires, soulignant l’agressivité des policiers à l’encontre du requérant.

  42. .  S.E. entendit également les inspecteurs F.F., P.H. et N.P. le 3 juin 2004, et E.T., le 11 juin. Ils indiquèrent notamment que l’atmosphère de la soirée était très tendue lorsqu’ils sont arrivés sur les lieux et que le requérant s’était montré agressif à l’égard des agents de police, démentirent les allégations de ce dernier et donnèrent une version des faits similaire à celle figurant dans le procès-verbal initial du commissaire I.S.A. et dans le rapport d’intervention de l’inspecteur N.P. établis le 20 décembre 2003.

  43. .  La plainte du requérant ayant été transmise au procureur du Roi près le tribunal de première instance de Bruxelles, celui-ci, le 14 juin 2004, demanda au comité P de poursuivre son enquête.

  44. .  Le 17 juin 2004, le requérant se constitua partie civile contre X entre les mains d’un juge d’instruction du tribunal de première instance de Bruxelles, du chef de « coups et blessures volontaires, atteintes arbitraires aux libertés fondamentales et abus d’autorité ». Il produisait notamment le procès-verbal de son audition par le comité P, des certificats médicaux ainsi que des déclarations écrites de six témoins : E.L., N.B., S.D.M., A.K., A.S. et S.

  45. .  L’instruction se poursuivant dorénavant sous la direction du juge d’instruction, celui-ci demanda au comité P de procéder à des devoirs complémentaires.

  46. .  Le 30 septembre 2004, S.E. entendit l’inspecteur D.V.B., lequel donna une version des faits similaire à celle figurant dans le procès-verbal initial du 20 décembre 2003 (paragraphe 16 ci-dessus) et démentit les allégations du requérant.

  47. .  Les 16, 24 et 29 novembre 2004, P.J., un autre membre du service d’enquêtes du comité P, entendit les inspecteurs B.B., T.V. et I.D., qui déposèrent dans le même sens.

  48. .  A une date non précisée, six des policiers qui étaient intervenus le 19 décembre 2003 (D.V.B., I.D., N.P., P.H., F.F., et E.T.) furent inculpés d’avoir « fait des blessures ou porté des coups qui ont causé une maladie ou une incapacité de travail personnel [au requérant] » et, « étant fonctionnaire ou officier public, dépositaire ou agent de l’autorité ou de la force publique, en l’espèce fonctionnaire de police, avoir ordonné ou exécuté un acte arbitraire ou attentatoire aux libertés et aux droits garantis par la constitution (...) au préjudice [du requérant] ».

  49. .  Le 30 décembre 2004, le juge d’instruction prit une ordonnance de soit-communiqué.

  50. .  Le 7 février 2006, l’avocat du requérant s’enquit des résultats de l’enquête auprès du juge d’instruction. Ce dernier lui répondit le lendemain que le dossier avait été « communiqué à toutes fins » au procureur du Roi le 11 février 2005.

  51. .  Le 27 avril 2007, le parquet dressa un réquisitoire de non-lieu.

  52. .  Le 12 novembre 2007, la chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruxelles prit une ordonnance disant n’y avoir lieu à poursuivre.

  53. .  Le requérant interjeta appel devant la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Bruxelles. Il demanda à titre principal que des devoirs complémentaires soient effectués : l’audition des cinq témoins parmi les six cités dans sa constitution de partie civile qui n’avaient pas été entendus lors de l’instruction (N.B., S.D.M., A.K., A.S. et S.), une expertise médicale du policier qu’il était supposé avoir mordu, une expertise médicale le concernant, une enquête visant à vérifier si un coup de feu avait été tiré et des confrontations entre lui et les deux agents qu’il avait identifiés comme étant ses agresseurs. A titre subsidiaire, il demandait le renvoi des inculpés devant le tribunal correctionnel.

  54. .  Le 2 avril 2008, la chambre des mises en accusation rejeta les demandes de devoirs complémentaires présentées par le requérant, considérant que l’instruction était complète et lui permettait de juger utilement, et observant que le requérant s’était abstenu, tant au cours de l’instruction que devant la chambre du conseil, de formuler pareille demande par le dépôt d’une requête sur le fondement de l’article 61 quinquies du code d’instruction criminelle. Elle dit l’appel non fondé et confirma l’ordonnance entreprise, retenant qu’il n’existait aucune charge de nature à justifier le renvoi des inculpés devant une juridiction de jugement. Elle releva à cet égard que tous les policiers qui étaient intervenus sur les lieux des faits ou qui avaient été témoins de ces faits, avaient été entendus de manière circonstanciée par le service d’enquête du comité P et que leurs déclarations étaient « tout à fait cohérentes et concordantes ». Elle estima en outre que le requérant n’avait pas démontré que le recours à la force n’avait pas été raisonnable dans les circonstances de l’espèce, soulignant qu’il était « un peu éméché » et qu’il avait notamment commis des violences qui avaient rendu nécessaires les mesures prises par les policiers en cause, et qu’il était lui-même poursuivi pour coups et blessures à l’égard d’un agent dépositaire de l’autorité et pour rébellion.

  55. .  Le requérant se pourvut en cassation ; invoquant notamment les articles 6 et 13 de la Convention, il reprochait aux juges d’appel d’avoir refusé d’ordonner des devoirs d’instruction complémentaires.

  56. .  La haute juridiction rejeta le pourvoi par un arrêt du 8 octobre 2008. Elle jugea notamment que les articles 6 et 13 de la Convention ne s’appliquaient pas aux juridictions d’instruction statuant sur le règlement de la procédure. Elle constata en outre que la chambre des mises en accusation avait régulièrement motivé et légalement justifié sa décision en retenant que les déclarations circonstanciées de tous les policiers intervenus sur les lieux ou témoins des faits étaient cohérentes et concordantes, que le demandeur n’avait pas sollicité de devoirs complémentaires jusqu’au moment du règlement de la procédure et que l’exécution des devoirs sollicités ne présentaient pas de pertinence pour la découverte de la vérité.
  57. EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION


  58. .  Le requérant se plaint du traitement qui lui a été infligé par la police lors de son arrestation ; il estime que l’usage de la force physique qu’elle a fait à son encontre n’était pas rendu strictement nécessaire par son comportement. Il se plaint également du fait que les autorités ont manqué à leur obligation de conduire une enquête approfondie, effective et diligente, propre à permettre l’établissement des faits ainsi que l’identification et la punition des responsables. Il invoque les articles 3, 6 § 1 et 13 de la Convention. La Cour, maîtresse de la qualification juridique des faits, constate que ces griefs se confondent et juge dès lors approprié d’examiner les allégations du requérant uniquement sous l’angle de l’article 3 de la Convention, lequel est ainsi libellé :
  59. « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »


  60. .  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.
  61. A.  Sur la recevabilité


  62. .  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention, et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
  63. B.  Sur le fond

    1.  Thèses des parties

    a.  Le requérant


  64. .  Se référant aux arrêts Turan Cakir c. Belgique (no 44256/06, 10 mars 2009) et Iordan Petrov c. Bulgarie (no 22926/04, 24 janvier 2012), le requérant renvoie aux mêmes principes jurisprudentiels que le Gouvernement (paragraphe 52 ci-dessous). Il souligne ensuite que son comportement ne justifiait pas une intervention policière à son égard : la volonté de l’interpeler était illégitime et les agents s’en sont pris de manière disproportionnée à lui alors qu’il n’avait rien fait ; ils ont procédé à son arrestation parce qu’ils ont cru sur parole et sans vérification un prétendu responsable de la sécurité qui le désignait mensongèrement comme fauteur de trouble, sans lui donner aucune explication, le privant de toute opportunité de lever le quiproquo, et sans interroger ses collègues. Malgré les lacunes de l’enquête, le dossier répressif accréditerait cette version. Il ajoute qu’il a été fait un usage disproportionné de la force à son encontre : alors qu’il était calme, quatre ou cinq agents s’en sont pris à lui, usant de gaz poivré et d’un bâton télescopique avant de lui passer les menottes ; le traitement qui lui a été infligé a provoqué d’importantes blessures ; la version donnée par les policiers n’explique pas comment son pantalon et son caleçon long ont été déchirés au niveau des genoux ; le fait que les marques des menottes étaient visibles dix jours après les événements démontre qu’il y a eu usage abusif de ce moyen de coercition.

  65. .  Le requérant estime que le Gouvernement n’apporte aucune preuve de nature à contredire son récit, soulignant qu’il ne suffit pas d’affirmer qu’il se débattait pour justifier que quatre ou cinq policiers aient fait usage d’une matraque télescopique et de gaz poivré, et que l’utilisation de ces armes n’explique pas l’état de ses vêtements. Selon lui, les seuls éléments objectifs du dossier sont les certificats médicaux, les photographies de ses lésions, les constats du comité P et le fait que les résultats d’analyse de ses urines montrent qu’il n’était sous l’influence d’aucune substance psychotrope au moment de son arrestation. A cela s’ajouteraient les déclarations des témoins civils, dont il ressortirait qu’il était calme tout au long de la soirée et n’était impliqué dans aucun bagarre, et qu’il avait seulement réagi à l’agressivité des policiers. Il procède par ailleurs à une étude détaillée des procès-verbaux d’interrogatoires, dont il ressort selon lui que, contrairement à ce que soutient le Gouvernement, les déclarations des policiers sont contradictoires quant aux motifs de l’interpellation, quant à la manière dont il s’est retrouvé dans la pièce annexe et quant au traitement qui lui a été infligé. Le requérant estime en outre qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir informé le juge d’instruction qui l’a entendu le 20 décembre 2003 des traitements dont il a été victime dès lors que ce magistrat était chargé de l’instruction ouverte contre lui pour rébellion et coups et blessures, et qu’il était approprié qu’il dénonce ceux-ci dans une plainte devant le comité P.

  66. .  Sur le plan procédural, le requérant dénonce l’insuffisance des mesures d’instruction : certes, les policiers ont été entendus, mais ils n’ont été confrontés ni à leurs propres contradictions ni aux déclarations antinomiques de leurs collègues, et lui-même n’a eu la possibilité ni de les identifier ni d’être confronté à eux ; les témoins qu’il a cités n’ont pas tous été entendus, ce qui le conduit à s’interroger sur l’indépendance et l’impartialité du juge d’instruction ; aucun test n’a été ordonné pour vérifier s’il était sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants le soir des faits. Il constate en outre que le comité P avait souligné l’utilité d’entendre notamment les témoins qu’il citait ainsi que le personnel ambulancier qui l’avait transféré à l’hôpital, mais que le juge d’instruction n’avait pas donné suite. Il ajoute que l’on ne saurait déduire qu’il est responsable des lacunes de l’instruction du fait qu’il n’a pas sollicité des devoirs complémentaires avant l’audience en chambre du conseil, soulignant qu’il revient au premier chef au juge d’instruction puis au ministère public de s’assurer que l’enquête est complète avant de faire fixer le dossier en règlement de procédure. Il s’insurge contre la conclusion de la chambre des mises en accusation selon laquelle il était inutile de recueillir les déclarations complètes des témoins qu’il citait parce que les policiers avaient fait des déclarations cohérentes et concordantes. Cela reviendrait à écarter des témoignages à décharge au motif que les suspects se déclarent innocents. Enfin, il observe que le Gouvernement ne donne aucune explication au fait que presque trois ans se sont écoulés entre l’ordonnance de soit-communiqué du juge d’instruction et la fixation en règlement de la procédure.
  67. b.  Le Gouvernement


  68. .  Le Gouvernement invite la Cour à conclure au défaut manifeste de fondement de ce grief. S’agissant du volet matériel, il concède que, s’il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’un individu qui prétend être victime d’un traitement contraire à cette disposition doit en principe démontrer l’existence de celui-ci au-delà de tout doute raisonnable, il en ressort également que toute blessure survenue alors qu’une personne se trouve sous le contrôle de policiers donne lieu à cet égard à de fortes présomptions de fait : il appartient alors au gouvernement défendeur de fournir une explication plausible sur l’origine des blessure et de produire des preuves faisant peser un doute sur les allégations de l’intéressée. Il estime cependant que les autorités judiciaires confrontées à une telle situation se doivent de concilier ce principe avec la présomption d’innocence dont bénéficient les agents mis en cause. Il rappelle ensuite que la Cour a jugé, dans le cadre du contentieux spécifique des brutalités policières, qu’il y a violation de l’article 3 lorsque la force physique a été utilisée contre une personne privée de liberté alors qu’elle n’était pas rendue nécessaire par son propre comportement. La question qui se pose est donc celle de la proportionnalité entre les moyens de contraintes utilisés et la résistance opposée par la personne concernée.

  69. .  Le Gouvernement souligne qu’en l’espèce, l’intervention des policiers pour rétablir l’ordre dans le local des « Petits Riens » était non seulement légitime, vu le contexte, mais aussi proportionnée, et que, lorsqu’il a été entendu le lendemain des faits, le requérant n’a pas fait état de violences policières à son encontre et a reconnu avoir bu. Il ajoute que les déclarations du requérant relatives au traitement que lui auraient infligé les agents qui l’ont interpellé sont contredites par celles, unanimes, des policiers présents : tous s’accordent pour dire qu’il a, par son comportement agressif et violent, constitutif de rébellion, empêché une interpellation sans usage de la force. D’autres personnes présentes (M.S., L.C., J.C. et E.L.) auraient témoigné dans ce sens, et le requérant lui-même aurait reconnu le 20 décembre 2003 s’être débattu et « bagarré » avec la police.

  70. .  Le Gouvernement observe de plus que l’affirmation du requérant selon laquelle des insultes racistes auraient été proférées contre lui n’est pas crédible dès lors que les policiers ne pouvaient connaître ses origines cubaines, et que rien dans le dossier n’indique qu’un coup de feu ait été tiré. Selon lui, l’enquête a confirmé la version des policiers, dont il ressort que l’usage de la force contre le requérant était strictement nécessaire et proportionnel aux violences qu’il a exercées pour se débattre.

  71. .  Le Gouvernement constate par ailleurs qu’aucun élément ne vient étayer les allégations du requérant relatives au mauvais traitement qui lui aurait été infligé après son interpellation : lui-même ne s’en est pas plaint lors de sa première audition et ses déclarations sont démenties par celles des policiers ; le médecin qui l’a ausculté avant sa garde-à-vue n’a pas mentionné dans son rapport des lésions susceptibles d’avoir été causées dans ce contexte ; le cas échéant, le juge d’instruction qui l’a entendu le lendemain des faits n’aurait pas manqué d’en faire le constat ; il n’est pas anormal que, même mises selon les règles, des menottes laissent des traces aux poignets durant plusieurs jours. Le Gouvernement estime que, si certaines des lésions établies par les certificats médicaux produits par le requérant sont inhérentes au processus d’immobilisation rendu absolument nécessaire par son comportement agressif, les autres peuvent avoir pour cause un incident qui l’avait opposé à une autre personne avant l’intervention policière. Les blessures du requérant seraient de toute façon légères.

  72. .  S’agissant du volet procédural du grief, le Gouvernement rappelle que le requérant a déposé plainte devant le comité P le 29 décembre 2003, et que dès le 14 janvier 2004, le procureur du Roi a requis de ce dernier qu’il poursuive son enquête et, notamment, entende les policiers présents lors des événements ; le comité P a procédé à onze auditions et rédigé huit procès-verbaux de renseignements au cours de l’année 2004 ; quand, près de sept mois après les faits, le requérant s’est constitué partie civile, le juge d’instruction a sollicité des devoirs complémentaires que le comité P a réalisé rapidement, et l’instruction a été clôturée sept mois plus tard. Le Gouvernement ajoute que, durant l’instruction, le requérant n’a jamais ni demandé accès au dossier répressif, ni requis l’accomplissement de devoirs complémentaires ; il a attendu le stade de l’appel pour présenter une demande de ce type. S’agissant spécifiquement du fait que les juridictions d’instruction n’ont pas procédé à une confrontation entre les policiers mis en cause et le requérant, le Gouvernement indique que cela n’aurait pas été utile à la manifestation de la vérité, dans la mesure où les intéressés avaient déjà tous été entendus et où chacun serait vraisemblablement resté sur ses positions. Quant à la durée de l’enquête, il concède qu’un délai important de deux ans et deux mois s’est écoulé entre la communication du dossier au procureur (février 2005) et la prise du réquisitoire (avril 2007). Il observe toutefois que le requérant ne s’est pas inquiété du suivi de sa plainte auprès du ministère public ou du juge d’instruction et que ce délai n’a entraîné aucune déperdition des preuves.
  73. 2.  Appréciation de la Cour


  74. .  S’agissant du volet matériel du grief, la Cour rappelle, d’une part, que lorsqu’un individu est privé de sa liberté ou, plus généralement, se trouve confronté à des agents des forces de l’ordre, l’utilisation à son égard de la force physique alors qu’elle n’est pas rendue strictement nécessaire par son comportement porte atteinte à la dignité humaine et constitue, en principe, une violation du droit garanti par l’article 3 de la Convention (voir, notamment, Ribitsch c. Autriche, 4 décembre 1995, § 38, série A no 336, Mete et autres, précité, § 106, et El-Masri c. ex-République yougoslave de Macédoine [GC], no 39630/09, § 207, CEDH 2012). D’autre part, les allégations de mauvais traitements contraires à l’article 3 doivent être étayées par des éléments de preuve appropriés. Pour l’établissement des faits allégués, la Cour se sert du critère de la preuve « au-delà de tout doute raisonnable », une telle preuve pouvant néanmoins résulter d’un faisceau d’indices, ou de présomptions non réfutées, suffisamment graves, précis et concordants (voir, notamment, Irlande c. Royaume-Uni, 18 janvier 1978, § 161 in fine, série A no 25, Labita c. Italie [GC], n26772/95, § 121, CEDH 2000-IV, et Creanğa c. Roumanie [GC], n29226/03, § 88, 23 février 2012. Pour un exemple d’arrêt s’inscrivant dans le contexte d’une interpellation, voir Matko c. Slovénie, no 43393/98, §§ 98-99, 2 novembre 2006).

  75. .  A cela il faut ajouter qu’il n’entre pas dans les attributions de la Cour de substituer sa propre vision des faits à celle des cours et tribunaux internes, auxquels il appartient en principe de peser les données qu’ils recueillent. En règle générale, seules des données convaincantes sont susceptibles de la conduire à s’écarter des constatations de fait des juridictions internes (Klaas c. Allemagne, 22 septembre 1993, §§ 29-30, série A no 269). Elle n’est cependant pas liée par leurs conclusions et elle se doit de faire preuve d’une vigilance particulière en cas d’allégations de violation de l’article 3 de la Convention (voir Ribitsch précité, § 32, et El-Masri précité, § 155 ; voir aussi, notamment, Matko précité, § 100).

  76. .  S’agissant en particulier de l’usage de la force au cours d’une arrestation, la Cour doit rechercher si la force utilisée était strictement nécessaire et proportionnée et si l’Etat doit être tenu pour responsable des blessures infligées. Pour répondre à cette question, elle doit prendre en compte les blessures occasionnées et les circonstances dans lesquelles elles l’ont été. De plus, il incombe normalement au Gouvernement d’apporter des preuves pertinentes démontrant que le recours à la force était à la fois proportionné et nécessaire (voir, notamment, Petyo Popov c. Bulgarie, n75022/01, § 54, 22 janvier 2009).

  77. .  En l’espèce, il n’est pas contesté que les policiers ont fait usage de la force à l’encontre du requérant et ont porté atteinte à son intégrité physique lors de son arrestation, lui causant diverses lésions. Cela ressort au demeurant de plusieurs témoignages, de la circonstance qu’à la demande de la police, il avait été conduit aux urgences hospitalières en ambulance après son arrestation, et des rapports médicaux figurant au dossier, qui attestent de douleurs et de contusions significatives ainsi que d’une incapacité de travail de plusieurs jours (paragraphes 12-13 ci-dessus).

  78. .  Se pose donc la question de savoir si, au vu notamment des constatations des juridictions internes, la force physique dont il a été fait usage à l’encontre du requérant était ou non rendue strictement nécessaire par son comportement.

  79. .  La Cour note en premier lieu que l’interpellation du requérant s’inscrit dans le contexte d’une intervention policière sollicitée par un responsable des « Petits Riens» pour mettre fin à une rixe qui s’était déclenchée lors d’une soirée organisée par cette association. Nul ne conteste qu’en intervenant ainsi dans le but de rétablir l’ordre, la police agissait légitimement et dans le cadre de l’exercice normal de ses fonctions.

  80. .  La Cour relève ensuite qu’il ressort notamment des déclarations faites par des agents de police et par le directeur général des « Petits Riens » dans le cadre des investigations conduites au plan interne, ainsi que des écrits du requérant, que son interpellation repose vraisemblablement sur un malentendu. Il apparaît en effet que l’un des participants à la soirée, qui s’était mensongèrement présenté aux policiers comme étant chargé de la sécurité, leur a désigné le requérant comme étant l’un des principaux fauteurs de troubles. Ceux-ci ont agi sur la foi de cette indication erronée, provocant l’incompréhension et la résistance du requérant. Il peut certes leur être reproché de ne pas avoir vérifié la crédibilité des allégations de cet individu. Il faut cependant tenir compte des circonstances dans lesquelles s’inscrivait leur intervention, caractérisées par la nécessité d’agir rapidement pour maîtriser une situation difficile et susceptible de dégénérer en raison notamment du grand nombre de personnes présentes. Ce qui importe, c’est qu’ils ont agi de bonne foi - ce que le requérant ne conteste pas -, sur le fondement d’une conviction honnête, considérée valable sur le moment.

  81. .  La Cour juge en outre établi que le requérant a opposé une résistance active aux agents des forces de l’ordre lors de son arrestation. Cela ressort non seulement des déclarations des policiers qui sont intervenus le 19 décembre 2003, mais aussi du témoignage d’autres personnes présentes ainsi que, dans une certaine mesure du moins, des dires du requérant lui-même (paragraphe 15 ci-dessus). La Cour attache à cet égard une importance particulière au fait que le requérant a été reconnu coupable de coups et blessures et de rébellion à raison précisément de son attitude lors de son interpellation (paragraphe 22-23 ci-dessus).

  82. .  Quant aux lésions subies par le requérant à la suite de son interpellation, il s’agit, d’après le rapport médical du 22 décembre 2003 produit par l’intéressé, d’ecchymoses sur la face postérieure de l’épaule droite et sur le bras droit, de lésions plus discrètes sur la jambe droite, d’une petite cicatrice sur l’avant-bras droit, d’une abrasion cutanée sensible sur les deux genoux, d’une lésion superficielle et d’une blessure interne de la lèvre inférieure, de traces de liens aux poignets, d’une perte de sensibilité d’une main, d’une sensibilité des coudes et d’une plaie superficielle sensible au niveau du cuir chevelu. Si elles ne sauraient nullement passer pour anodines, elles ne présentent pas pour autant un degré de gravité tel qu’elles puissent suffire à accréditer la thèse selon laquelle la police aurait usé de manière disproportionnée de la force alors qu’elle procédait à l’arrestation d’un individu qui lui opposait une résistance active.

  83. .  S’agissant des allégations du requérant selon lesquelles il aurait été malmené lors de son transport vers le commissariat (paragraphe 11 ci-dessus), la Cour observe qu’il n’a pas développé ce volet de sa plainte devant le juge interne. Elle note tout particulièrement que dans ses conclusions déposées devant le chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Bruxelles dans le cadre de la procédure relative à sa plainte avec constitution de partie civile, il s’est borné à affirmer, sans en tirer des conclusions spécifiques, qu’il avait été « malmené » au cours de ce déplacement et qu’on l’avait fait tomber à plusieurs reprises et traîné au sol. Elle constate par ailleurs qu’il n’y a dans le dossier aucun élément susceptible d’indiquer que l’état physique du requérant se serait dégradé entre le moment où il a été évacué du local où se déroulait le réveillon et sa présentation au juge d’instruction le 20 décembre 2003.

  84. .  Un examen scrupuleux du dossier conduit ainsi la Cour à constater qu’il n y a en l’espèce aucune donnée susceptible de la conduire à s’écarter des constatations des juridictions internes. En conséquence, bien que préoccupée par le fait que du gaz poivré a été employé pour maîtriser le requérant, elle conclut que la force physique dont la police a usé à son encontre alors qu’elle procédait à son interpellation peut être considérée comme ayant été rendue strictement nécessaire par le comportement de celui-ci et que ce recours à la force physique n’était pas disproportionné.

  85. .  S’agissant du volet procédural du grief, la Cour rappelle que lorsqu’un individu soutient de manière défendable avoir subi, aux mains de la police ou d’autres services comparables de l’Etat, un traitement contraire à l’article 3, cette disposition, combinée avec le devoir général imposé à l’Etat par l’article 1 de la Convention de « reconnaître à toute personne relevant de [sa] juridiction les droits et libertés définis (...) [dans la ] Convention », requiert, par implication, qu’il y ait une enquête officielle effective. Cette enquête doit pouvoir mener à l’identification et à la punition des responsables. Elle doit être à la fois rapide et approfondie, ce qui signifie que les autorités doivent toujours s’efforcer sérieusement de découvrir ce qui s’est passé et qu’elles ne doivent pas s’appuyer sur des conclusions hâtives ou mal fondées pour clore l’enquête ou fonder leur décisions. Les autorités doivent prendre toutes les mesures raisonnables à leur disposition pour obtenir les preuves relatives à l’incident en question, y compris, entre autres, les dépositions des témoins oculaires et les expertises criminalistiques. Toute carence de l’enquête affaiblissant sa capacité à établir les causes du dommage ou l’identité des responsables risque de faire conclure qu’elle ne répond pas à la norme d’effectivité requise. De plus, l’enquête doit être menée en toute indépendance par rapport au pouvoir exécutif, ce qui suppose non seulement l’absence de lien hiérarchique ou institutionnel, mais aussi une indépendance concrète. Enfin, la victime doit être en mesure de participer effectivement, d’une manière ou d’une autre, à l’enquête (voir, notamment, El Masri c. « l’ex-République yougoslave de Macédoine » [GC], no 39630/09, §§ 182-185, CEDH 2012).

  86. .  S’agissant spécialement l’indépendance des enquêteurs, il faut ajouter que, pour qu’une enquête sur des faits de torture ou mauvais traitements imputés à la police ou d’autres services comparables de l’Etat puisse passer pour effective, il faut, d’une manière générale, que les personnes responsables de l’enquête et celles effectuant les investigations soient indépendantes de celles impliquées dans les évènements (voir, par exemple, Oğur c. Turquie [GC], no 21594/93, § 91, CEDH 1999-III, et Dumitru Popescu c. Roumanie (no 1), no 49234/99, § 74, 26 avril 2007).

  87. .  Sur ce dernier point, la Cour constate qu’une enquête fut ouverte par la police et le parquet dès le lendemain des événements puis, suite à l’inculpation du requérant pour rébellion et coups et blessures, conduite sous l’égide d’un juge d’instruction, soit d’un magistrat indépendant. Parallèlement, consécutivement à la plainte du requérant pour coups et blessures puis à sa constitution de partie civile, des investigations furent menées par le comité P - dont le requérant ne met en cause ni l’indépendance ni l’impartialité - sous l’autorité du parquet puis sous celle d’un juge d’instruction.

  88. .  La Cour relève ensuite que les dépositions de la plupart des agents de police qui sont intervenus le 19 décembre 2003 ainsi que celles de plusieurs témoins furent recueillies. Vu leur nombre, elle juge compréhensible que toutes les personnes présentes n’aient pas été interrogées. Par ailleurs, elle ne décèle aucun élément susceptible d’indiquer que les investigations aient été menées à décharge des policiers impliqués dans l’arrestation du requérant. Au demeurant, si certaines des déclarations recueillies venaient à l’appui de leur version des faits, d’autres venaient à l’appui de celle du requérant.

  89. .  Quant à la circonstance que les juridictions d’instruction n’ont pas ordonné d’expertise médicolégale, elle n’est pas déterminante dans les circonstances de la cause, dès lors notamment que des certificats médicaux produits par le requérant ont été joints au dossier.

  90. .  La Cour observe par ailleurs que le requérant avait la possibilité d’accéder au dossier de l’instruction et de participer à celle-ci en demandant l’accomplissement de devoirs supplémentaires. Elle observe aussi que, comme l’a constaté la chambre des mises en accusations, il n’a demandé des devoirs supplémentaires qu’au stade de l’appel du règlement de la procédure.

  91. .  La Cour note ensuite que six des policiers qui étaient intervenus le 19 décembre 2003 ont été inculpés d’avoir « fait des blessures ou porté des coups qui ont causé une maladie ou une incapacité de travail personnel » et, « étant fonctionnaire ou officier public, dépositaire ou agent de l’autorité ou de la force publique, en l’espèce fonctionnaire de police, avoir ordonné ou exécuté un acte arbitraire ou attentatoire aux libertés et aux droits garantis par la constitution ». Par ailleurs, la décision de non-lieu prise à l’issue de l’instruction par la chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruxelles a fait l’objet d’un réexamen par la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Bruxelles, dont l’arrêt a ensuite été soumis au contrôle de la Cour de cassation dans le cadre du pourvoi exercé par le requérant.

  92. .  Cela étant, la Cour relève avec le requérant que l’enquête a manqué de célérité : presque trois ans se sont écoulés entre la constitution de partie civile du requérant (17 juin 2004) et le réquisitoire du parquet (27 avril 2007), lequel a été pris deux ans et deux mois après la communication du dossier au parquet. Elle voit une autre lacune dans l’absence de confrontation entre le requérant et les policiers qui ont procédé à son arrestation. Cela ne suffit toutefois pas, dans les circonstances de l’espèce et au vu des mesures prises, à mettre en cause l’effectivité de l’enquête.

  93. .  Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention.
  94. II.  SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION A RAISON DE LA DUREE DE LA PROCEDURE


  95. .  Le requérant se plaint de ce que sa cause n’a pas été examinée dans un délai raisonnable. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, aux termes duquel :
  96. « 1.  Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) ».


  97. .  Pour autant que ce grief ne se confond pas avec celui qu’elle a examiné sous l’angle de l’article 3, la Cour constate que le requérant n’a pas préalablement saisi les juridictions internes d’un recours fondé sur les articles 1382 et 1383 du code civil. Elle en déduit qu’il n’a pas épuisé les voies de recours internes (Depauw c. Belgique (déc.), no 2115/04, 15 mai 2007).

  98. .  Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
  99. PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l’article 3 de la Convention et irrecevable quant au grief tiré de l’article 6 § 1 et relatif à la durée de la procédure ;

     

    2.  Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 26 septembre 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Claudia Westerdiek                                                                Mark Villiger
           Greffière                                                                              Président


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