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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> ALMANDOZ ERVITI v. FRANCE - 45077/10 - Committee Judgment (French text) [2013] ECHR 885 (26 September 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/885.html
Cite as: [2013] ECHR 885

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    CINQUIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE ALMANDOZ ERVITI c. FRANCE

     

    (Requête no 45077/10)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

    STRASBOURG

     

    26 septembre 2013

     

     

     

    Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

     


    En l’affaire Almandoz Erviti c. France,

    La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en un comité composé de :

              Boštjan M. Zupančič, président,
              Ann Power-Forde,
              Helena Jäderblom, juges,
    et de Stephen Phillips, greffier adjoint de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3 septembre 2013,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE


  1. .  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 45077/10) dirigée contre la République française et dont un ressortissant espagnol, M. Jose Miguel Almandoz Erviti (« le requérant »), a saisi la Cour le 30 juillet 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  2. .  Le requérant a été représenté par Me A. Recarte, avocat à Saint-Jean-de-Luz. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme E. Belliard, directrice des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.

  3. .  Le requérant allègue une violation de l’article 5 § 3 de la Convention.
  4. 4.  Le 30 mai 2011, la requête a été communiquée au Gouvernement.

    EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE


  5. .  Le requérant est né en 1971. Depuis le mois d’août 2010, il est détenu au centre de détention de Tarascon.

  6. .  Le requérant, membre de l’ETA (Euskadi Ta Askatasuna), fut interpellé le 9 décembre 2003 par la police dans un logement de Lons, dans le département des Pyrénées-Atlantiques, avec trois autres membres de l’organisation. Dans ce logement, furent saisis plusieurs pistolets automatiques, des munitions, des composants électriques et électroniques, quatre détonateurs pyrotechniques, quatre amorces pyrotechniques, trois sachets de poudre noire et deux systèmes de mise à feu par ampoule flash, de la documentation opérationnelle de l’ETA, 20 000 euros (EUR) et deux véhicules volés et faussement immatriculés.

  7. .  Le 11 décembre 2003, le requérant fut placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention (JLD) du tribunal de grande instance de Paris pour une durée d’un an à la suite de sa mise en examen pour des faits d’association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme et plusieurs infractions en relation, à titre principal ou connexe avec une entreprise terroriste :
  8. « (...) Attendu que ces éléments sont autant d’indices graves et concordants rendant vraisemblable l’implication du mis en examen dans les faits qui lui sont reprochés ;

    Attendu que l’instruction ne fait que débuter, que des investigations sont nécessaires afin d’identifier et interpeller les co-auteurs et complices membres de la même organisation, hors de toutes concertations frauduleuses et pressions ;

    Attendu en outre que l’intéressé, vivant en clandestinité sous couvert de faux documents, n’offre aucune garantie de représentation, et pourrait être tenté de fuir l’action de la justice en retournant vivre en clandestinité ;

    Attendu enfin que l’ordre public a été exceptionnellement et durablement troublé par des agissements commis dans le cadre d’une organisation terroriste particulièrement dangereuse ;

    Attendu que les obligations du contrôle judiciaire sont insuffisantes au regard des fonctions définies à l’article 137 du Code de Procédure Pénale ;

    Attendu que la détention de la personne mise en examen est l’unique moyen :

    -  de conserver les preuves ou indices matériels.

    -  d’empêcher une pression sur les témoins.

    -  d’empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses complices.

    -  de mettre fin à l’infraction ou de prévenir son renouvellement.

    -  de garantir le maintien de la personne concernée à la disposition de la justice.

    De mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public qu’a provoqué l’infraction en raison : de sa gravité, des circonstances de sa commission, de l’importance du préjudice qu’elle a causé. (...) »


  9. .  Durant l’instruction, la détention provisoire du requérant fut prolongée à six reprises en vertu d’ordonnances successives d’une durée de six mois chacune. Ces ordonnances sont datées des 2 décembre 2004, 6 juin 2005, 7 décembre 2005, 2 juin 2006, 29 novembre 2006 et 31 mai 2007. Les motifs de prolongation furent plus ou moins les mêmes tout au long de l’instruction : nombreuses investigations, d’autant plus longues que le mis en examen ne souhaite pas s’exprimer sur les faits qui lui sont reprochés ; garanties de représentation inexistantes sur le territoire national ; trouble exceptionnel à l’ordre public et persistance de celui-ci malgré l’ancienneté des faits. L’ordonnance du 31 mai 2007, faisant suite à un interrogatoire du requérant, fut ainsi motivée :
  10. « (...) Attendu que la nature même des faits reprochés, leur multiplicité, le nombre de personnes mises en cause, leur silence, l’existence des jonctions de procédures, le nombre de scellés à exploiter, plus généralement la complexité des investigations justifient à l’issue d’une période de détention de 42 mois déjà effectuée une nouvelle prolongation de la détention [du requérant]. (...). Le délai prévisible d’achèvement de la procédure peut être fixé à 4 mois. (...) »


  11. .  Par une ordonnance du 6 décembre 2007 rendue par le juge d’instruction du TGI de Paris, le requérant fut mis en accusation et renvoyé avec six coaccusés devant la cour d’assises de Paris spécialement composée, pour tentatives d’extorsions de fonds en bande organisée et en lien avec une entreprise terroriste.

  12. .  L’encombrement du rôle de la cour d’assises spéciale de Paris n’ayant pas permis de faire comparaître le requérant dans le délai d’un an fixé par l’article 181 alinéa 8 du code de procédure pénale (CPP), le procureur général près la cour d’appel de Paris saisit la chambre d’instruction le 14 octobre 2008 d’une requête afin de prolonger à titre exceptionnel la détention provisoire du requérant pour une durée de six mois.

  13. .  Par un arrêt du 14 novembre 2008, la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris accueillit la requête du procureur en prolongeant la détention provisoire pour une durée de six mois à compter du 11 décembre 2008 en application de l’article 181 alinéa 9 du CPP.

  14. .  Par une requête du 14 mars 2009, le procureur général près la cour d’appel de Paris saisit la chambre de l’instruction afin de voir ordonner la prolongation des effets du mandat de dépôt pour une durée de six mois. Dans un mémoire adressé à cette chambre, le requérant sollicita sa mise en liberté assortie d’un contrôle judiciaire.

  15. .  Par un arrêt du 22 mai 2009, la cour d’appel de Paris ordonna la prolongation de la détention provisoire du requérant pour une durée de six mois à compter du 11 juin 2009 :
  16. « (...) Considérant que la Cour d’assises de Paris spécialement composée étant la seule compétente pour le jugement de crimes terroristes commis sur tout le territoire français, sa charge de travail a pour conséquence l’utilisation, dans certaines affaires, du délai maximal prévu par le code de procédure pénale ; que ce délai demeure dans les limites raisonnables prévues par les articles 5 et 6 de la CEDH (...) ».


  17. .  Par un arrêt du 2 septembre 2009, rendu sur pourvoi du requérant, la chambre criminelle de la Cour de cassation annula l’arrêt du 22 mai 2009 au motif que la chambre de l’instruction ne pouvait justifier la mesure de prolongation de la détention à titre exceptionnel par les difficultés récurrentes de fonctionnement de la juridiction appelée à statuer au fond mais devait rechercher si les autorités compétentes avaient apporté une diligence particulière à la poursuite de la procédure. Elle renvoya l’affaire devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris autrement composée.

  18. .  Par un courrier daté du 29 septembre 2009, le greffe de la cour d’assises informa l’avocat du requérant que ce dernier serait appelé à comparaître devant la cour d’assises du 16 au 27 novembre 2009.

  19. .  Les 1er et 5 octobre 2009, le requérant saisit la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris de deux demandes de mise en liberté.

  20. .  Par une requête du 6 octobre 2009, le procureur général demanda la prolongation de la détention provisoire. Il fit valoir que, aux obstacles structurels et matériels inhérents au fonctionnement de la juridiction, des facteurs non maîtrisables par la cour d’appel de Paris s’étaient ajoutés, ce qui n’avait pas permis la comparution du requérant devant la cour d’assises.

  21. .  Par un arrêt du 19 octobre 2009 (2009/06830-2009/06890), la cour d’appel de Paris rejeta les demandes de mise en liberté au motif que les faits troublaient de manière exceptionnelle l’ordre public, que les garanties de représentation n’étaient pas assurées et que les risques de réitération étaient considérables. Les 29 octobre et 10 novembre 2009, le requérant forma deux pourvois contre l’arrêt de cour d’appel de Paris du 19 octobre 2009 et invoqua dans ses moyens de cassation les articles 5 et 6 de la Convention.

  22. .  Entre-temps, également par un arrêt du 19 octobre 2009 (2009/01761), statuant sur renvoi consécutivement à l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 2 septembre 2009 et sur la requête du procureur du 6 octobre 2009, la cour d’appel de Paris prolongea celle-ci pour une durée de six mois à compter du 11 juin 2009. Elle releva qu’il résultait amplement des termes de la requête du procureur un réel encombrement devenu structurel du rôle de la Cour d’assises spéciale de Paris et rejeta la demande de mise en liberté du requérant pour les motifs déjà indiqués dans les décisions précédentes.

  23. .  Par un arrêt rendu le 26 novembre 2009, la cour d’assises spécialement composée condamna le requérant à douze ans de réclusion criminelle.

  24. .  Par un arrêt du 3 février 2010, la cour de cassation, statuant sur les pourvois des 29 octobre et 10 novembre 2009, déclara irrecevable l’un et rejeta l’autre au motif « que faute d’avoir été proposé devant le juges du fond, le moyen est nouveau et comme tel irrecevable ».
  25. II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT


  26. .  Le droit interne pertinent est relaté dans les arrêts Guimon Esparza c. France, no 29116/09, § 22, 26 janvier 2012 et Sagarzazu c. France, n29109/09, § 21, 26 janvier 2012.
  27. EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 3 DE LA CONVENTION


  28. .  Le requérant se plaint de la durée de sa détention provisoire qu’il juge excessive. Il allègue une violation de l’article 5 § 3 de la Convention, ainsi libellé :
  29. « Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article (...) a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l’intéressé à l’audience. »

    A.  Sur la recevabilité


  30. .  La Cour constate que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.
  31. B.  Sur le fond

    1.  Sur la période à prendre en considération


  32. .  La période à considérer a débuté le 9 décembre 2003, jour de l’interpellation de l’intéressé, pour s’achever le 26 novembre 2009, jour du prononcé de l’arrêt de la cour d’assises de Paris. Elle s’étend donc sur cinq ans, onze mois et dix-huit jours.
  33. 2.  Sur le caractère raisonnable de la durée de la détention

    a)  Thèses des parties


  34. .  Le requérant se plaint du manque de diligence et de célérité apportée par les autorités judiciaires à la poursuite de la procédure et, en particulier, du délai de deux ans entre l’ordonnance de mise en accusation et l’arrêt de la cour d’assises spécialement composée. Cette période de latence, due à l’encombrement du rôle de cette cour d’assises, constitue selon lui une violation manifeste de l’article 5 § 3 de la Convention.

  35. .  Le Gouvernement considère que la durée de la détention provisoire n’était pas déraisonnable compte tenu des circonstances de l’espèce. Il fait valoir qu’il existait « des indices graves et concordants sur la culpabilité du requérant », qui se sont d’ailleurs accumulés et aggravés à mesure que progressait l’instruction en 2006 et 2007. Il estime que les autorités nationales ont justifié le maintien en détention du requérant par des motifs pertinents, suffisants et circonstanciés, en raison « d’intérêts publics impérieux et persistants ». En particulier, le risque de fuite était tout à fait avéré compte tenu de la clandestinité dans laquelle le requérant vivait avant son arrestation et de sa nationalité étrangère. Le Gouvernement relève également la persistance des risques, d’une part, de réitération de l’infraction par le requérant au vu de son profil et de son rôle actif dans le fonctionnement de l’appareil logistique de l’ETA et, d’autre part, d’altération des preuves et de concertation frauduleuse avec les co-auteurs de l’infraction. Enfin, il soutient que le trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public n’a pas cessé au jour du placement en détention provisoire du requérant.

  36. .  Le Gouvernement estime qu’en dépit de circonstances difficiles résultant pour une partie de l’attitude du requérant, qui a souhaité garder le silence, les juridictions nationales ont accompli des diligences importantes réelles afin de concilier la qualité et la diligence de la procédure. Quant à la célérité de l’instruction, il rappelle la gravité et la complexité de l’affaire, démontrées par le nombre et la nature des actes auxquels il a été procédé. Le Gouvernement communique un bordereau d’inventaire des pièces de fond correspondant à tous les actes de procédure effectués pendant l’instruction, soit trois mille cent soixante pièces. Quant au délai d’audiencement devant la cour d’assises spécialement composée, le Gouvernement reconnaît qu’il fut très important mais l’explique par la lourde charge de cette juridiction d’exception qui a vocation à connaître toutes les affaires criminelles à caractère terroriste, commises sur l’ensemble du territoire. Le Gouvernement précise que les autorités françaises s’efforcent constamment de respecter l’exigence du délai raisonnable alors que le jugement des affaires de terrorisme mobilise fortement les ressources humaines et que le nombre de jours consacrés au jugement de ces affaires a constamment crû depuis le début des années 2000 (vingt-deux jours en 2000, cent dix-huit en 2008, cent trente-neuf en 2009).
  37. b)  Appréciation de la Cour

    i.  Principes généraux


  38. .  La Cour renvoie aux principes ressortant de sa jurisprudence tels que récemment rappelés dans les arrêts Guimon Esparza c. France, no 29116/09, §§ 33 et 34, 26 janvier 2012 et Sagarzazu c. France, no 29109/09, §§ 33 et 34, 26 janvier 2012.
  39. ii.  Application au cas d’espèce


  40. .  D’emblée, la Cour relève qu’une durée de détention de presque six ans apparaît prima facie déraisonnable et doit être accompagnée de justifications particulièrement fortes.

  41. .  La Cour constate que le requérant ne remet pas en cause devant elle les motifs du maintien en détention. En tout état de cause, elle reconnaît, eu égard au contexte de la présente affaire, que ces motifs, en particulier le risque de fuite, sont restés à la fois « pertinents » et suffisants tout au long de l’instruction.

  42. .  Il convient donc d’examiner si les autorités judiciaires ont apporté « une diligence particulière » à la conduite de la procédure. A cet égard, la complexité de l’affaire, dans un contexte de lutte contre le terrorisme (Debboub alias Husseini Ali c. France, no 37786/97, 9 novembre 1999 ; Chraidi, précité ; Herri Batasuna et Batasuna c. Espagne, nos 25803/04 et 25817/04, § 89, 30 juin 2009 ; Leroy c. France, no 36109/03, § 45, 2 octobre 2008), peut expliquer en grande partie la longueur de la détention. La Cour rappelle que la célérité à laquelle un accusé a le droit dans l’examen de son cas ne doit pas nuire aux efforts des magistrats pour accomplir leur tâche avec le soin voulu (Pecheur c. Luxembourg, no 16308/02, § 62, 11 décembre 2007 ; Tinner c. Suisse, nos 59301/08 et 8439/09, § 62, 26 avril 2011). En l’espèce, la Cour ne discerne aucune période pendant laquelle les autorités n’ont pas procédé aux recherches ou à des actes d’instruction comme l’atteste l’inventaire des pièces de fond communiqué par le Gouvernement. La longueur de la détention incriminée se révèle imputable, pour l’essentiel, à la complexité de l’affaire. Celle-ci concernait des accusations graves portées contre le requérant et la poursuite des investigations confirma son rôle clé dans les faits reprochés. Elle impliquait plusieurs acteurs et nécessitait de nombreuses mesures d’instruction, ce dont témoigne le nombre important d’expertises réalisées (paragraphe 8 ci-dessus).

  43. .  La longueur de la détention est par ailleurs en partie due au comportement du requérant. Celui-ci n’avait certes pas l’obligation de coopérer avec les autorités, mais il doit supporter les conséquences que son attitude a pu entraîner dans la marche de l’instruction (Gérard Bernard c. France, no 27678/02, § 42, 26 septembre 2006 ; Guimon Esparza, précité, § 39).

  44. .  Enfin, quant au délai d’audiencement devant la cour d’assises spécialement composée, imputable aux autorités judiciaires entre l’ordonnance de mise en accusation du 6 décembre 2007 et l’arrêt de cette cour du 26 novembre 2009, soit un intervalle de près de deux ans, la Cour rappelle qu’elle a déjà constaté qu’il n’était pas raisonnable. Dans les arrêts Guimon et Sagarzazu précités, elle a considéré qu’un tel délai ne pouvait être justifié par l’encombrement de la cour d’assises et qu’il appartenait aux Etats d’agencer leur système judiciaire de manière à permettre à leurs tribunaux de répondre aux exigences de l’article 5 de la Convention (Gosselin c. France, no 66224/01, § 34, 13 septembre 2005 ; Guimon Esparza, § 40 ; Sagarzazu, § 40 précités). Elle est parvenue au même constat dans les arrêts Esparza Luri c. France (no 29119/09, 26 janvier 2012), Soria Valderrama c. France (no 29101/09, 26 janvier 2012) et Berasategi c. France (no 29095/09, 26 janvier 2012). En l’absence d’argument avancé par le Gouvernement autre que celui de l’engorgement du rôle de la cour d’assises spécialement composée, la Cour n’aperçoit aucune raison de conclure différemment en l’espèce.

  45. .  Eu égard à ce qui précède, la Cour considère que les autorités judiciaires n’ont pas agi avec toute la promptitude nécessaire. Partant, elle conclut que, dans les circonstances particulières de la cause, par sa durée excessive, la détention du requérant a enfreint l’article 5 § 3 de la Convention.
  46. II.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    36.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage


  47. .  Le requérant réclame 40 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi du fait de l’attente de son procès, des extractions pour la présentation devant le juge d’instruction, des conditions de détention à Fleury-Merogis où il était détenu jusqu’en août 2010.

  48. .  Le Gouvernement considère que, si la Cour venait à constater une violation de l’article 5 § 3 de la Convention, il serait raisonnable d’allouer 3 000 EUR au requérant.

  49. .  La Cour estime que le requérant a subi un dommage moral certain du fait de la durée déraisonnable de sa détention provisoire. Statuant en équité, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 5 000 EUR au titre du préjudice moral (Guimon Esparza, précité, § 47).
  50. B.  Frais et dépens


  51. .  Le requérant demande également 2 000 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour.

  52. .  Le Gouvernement s’accorde avec la demande du requérant dans le cas où la Cour venait à constater une violation de l’article 5 § 3 de la Convention.

  53. .  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, et compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 2 000 EUR et l’accorde au requérant.
  54. C.  Intérêts moratoires


  55. .  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
  56. PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la requête recevable ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 3 de la Convention ;

     

    3.  Dit

    a)  que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, 5 000 EUR (cinq mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral et 2 000 EUR (deux mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 26 septembre 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

      Stephen Phillips                                                               Boštjan M. Zupančič
      Greffier adjoint                                                                        Président


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