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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> ZELENEVY v. RUSSIA - 59913/11 - Chamber Judgment (French text) [2013] ECHR 922 (03 October 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/922.html
Cite as: [2013] ECHR 922

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    PREMIÈRE SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE ZELENEVY c. RUSSIE

     

    (Requête no 59913/11)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

     

    STRASBOURG

     

    3 octobre 2013

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Zelenevy c. Russie,

    La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

              Isabelle Berro-Lefèvre, présidente,
              Mirjana Lazarova Trajkovska,
              Julia Laffranque,
              Linos-Alexandre Sicilianos,
              Erik Møse,
              Ksenija Turković,
              Dmitry Dedov, juges,
    et de Søren Nielsen, greffier de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 10 septembre 2013,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE


  1. .  À l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 59913/11) dirigée contre la Fédération de Russie et dont deux ressortissants de cet État, Mme Yelena Valeryevna Zeleneva et M. Nikolay Andreyevich Zelenev (« les requérants »), ont saisi la Cour le 31 août 2011 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  2. .  Les requérants ont été représentés par Me P.A. Finogenov, avocat à Moscou. Le gouvernement russe (« le Gouvernement ») a été représenté par M. G. Matiouchkine, représentant de la Fédération de Russie auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.

  3. .  La requérante et son fils, le requérant, allèguent en particulier que les autorités nationales ont manqué à leur obligation de faciliter l’exécution des jugements fixant la résidence du second au domicile de la première.

  4. .  Le 9 mai 2012, la Requête a été communiquée au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et sur le fond. En outre, il a également été décidé de réserver à cette Requête un traitement prioritaire en vertu de l’article 41 du règlement.
  5. EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE


  6. .  Les requérants sont nés respectivement en 1976 et en 2010 et résident respectivement à Moscou et à Osseyevo (région de Moscou).

  7. .  En février 2010, la requérante contracta un mariage avec A.Z. De cette union naquit, le 7 juin 2010, le requérant.

  8. .  Les relations entre les époux se dégradèrent et, le 14 juillet 2010, A.Z. chassa la requérante hors de sa maison. A.Z. garda le nourrisson en interdisant à la requérante tous contacts avec celui-ci.

  9. .  Le 2 août 2010, la requérante intenta une action judiciaire par laquelle elle réclamait le divorce et la fixation de la résidence de l’enfant à son domicile.

  10. .  Le 30 novembre 2010, le tribunal du district de Shchelkovo, dans la région de Moscou (« le tribunal de Shchelkovo »), prononça la dissolution du mariage et fixa la résidence du requérant au domicile de la requérante.
  11. Il motiva son jugement en ces termes :

    « Considérant que le choix du lieu de résidence de l’enfant doit être dicté par les intérêts de l’enfant, prenant en compte qu’il s’agit d’un enfant en bas âge pour le développement duquel les soins et l’affection maternels ont une importance fondamentale, et considérant que A.Z. fait obstacle à la mise en œuvre des droits parentaux de Mme Zeleneva, le tribunal conclut en faveur de la requérante (...) »


  12. .  Le 10 mars 2011, la cour régionale de Moscou confirma, en cassation, la décision du 30 novembre 2010.
  13. A.  La première tentative d’exécution


  14. .  Confrontée au refus d’A.Z. d’exécuter la décision de son plein gré, la requérante demanda au tribunal le 11 avril 2011 de lui délivrer un titre exécutoire. Une fois le titre obtenu, elle le transmit au service des huissiers de justice du district de Shchelkovo.

  15. .  Par une décision du 21 avril 2011, l’huissier, Mme L., refusa l’ouverture de la procédure d’exécution au motif que le dispositif du jugement ne renfermait aucune obligation pour A.Z. d’accomplir un quelconque acte au profit de la requérante.

  16. .  De ce fait, la requérante déposa un recours judiciaire visant à la clarification de la décision du 30 novembre 2010. Le 26 avril 2011, le tribunal de Shchelkovo rejeta sa demande au motif que la décision contestée était suffisamment claire.

  17. .  Le 28 avril 2011, la requérante intenta un recours judiciaire en contestation de la décision de l’huissier du 21 avril 2011. Ce recours demeura sans examen pendant cinq mois et, le 12 septembre 2011, le tribunal de Shchelkovo le déclara irrecevable sans fournir de motivation.
  18. 15.  Le 24 janvier 2012, la cour régionale de Moscou annula la décision du 12 septembre 2011 et renvoya l’affaire devant le même tribunal qui, par une décision du 22 mars 2012, fit droit à la demande de la requérante. Le tribunal jugea que la décision du 30 novembre 2010 n’avait pas reçu exécution en raison de l’inertie de l’huissier. Aux yeux du tribunal, l’huissier n’avait aucune raison légale de refuser l’ouverture de la procédure d’exécution, le titre exécutoire étant conforme aux lois en vigueur. Le tribunal reprocha à l’huissier de ne pas avoir utilisé son pouvoir de former un recours judiciaire afin de clarifier les modalités d’exécution du jugement en question. Partant, il annula la décision contestée de l’huissier.


  19. .  D’après le Gouvernement, cette décision a par la suite été annulée en appel. Une copie de la décision du 22 mars 2012 présentée par le Gouvernement portait une écriture du tribunal de Shchelkovo, selon laquelle cette décision était devenue définitive le 24 avril 2012.
  20. B.  La deuxième tentative d’exécution


  21. .  Entre-temps, confrontée au défaut d’exécution du jugement du 30 novembre 2010, la requérante avait intenté, le 12 mai 2011, une action judiciaire visant à enjoindre à A.Z. de lui remettre l’enfant dans un délai d’une semaine.

  22. .  L’examen de ce recours fut reporté plusieurs fois pour non-comparution d’A.Z. Finalement, le 17 août 2011, le tribunal de Shchelkovo fit droit à la demande de la requérante et ordonna que A.Z. remît dans un délai de dix jours l’enfant à la requérante à une adresse qu’il précisa dans le jugement. Il ordonna en outre l’exécution immédiate de la décision.
  23. Le même jour, un titre d’exécution fut délivré à la requérante.


  24. .  Le 18 août 2011, l’huissier L. ordonna l’ouverture de la procédure d’exécution. Le même jour, L., son collègue, M. N., et la requérante se rendirent au domicile d’A.Z. aux fins de l’exécution de la décision. Ils n’y trouvèrent personne. L. laissa un avis de passage et une copie de sa décision du 18 août.

  25. .  Le 18 août 2011, A.Z. se présenta au service des huissiers, signa les documents requis et expliqua qu’il avait l’intention de saisir la justice d’une action visant à l’obtention de la fixation de la résidence de son fils à son domicile et qu’il ne remettrait pas son fils à son ex-épouse avant que la justice eût statué sur son action.

  26. .  Le 19 août 2011, l’huissier rendit une décision ordonnant à A.Z. le paiement de la taxe d’exécution (исполнительский сбор) due en raison de son refus de se conformer au jugement.

  27. .  Selon le Gouvernement, le même jour A.Z. s’était présenté spontanément avec l’enfant au domicile de la requérante à l’adresse indiquée dans le jugement. Il n’y aurait pas trouvé la requérante, mais la famille de celle-ci (son père, sa mère, sa fille, sa sœur et son neveu). Les membres de la famille de la requérante auraient affirmé que l’intéressée n’habitait plus à cette adresse depuis 1998. A.Z. aurait vainement attendu la requérante pendant trois jours et, après avoir dressé un acte de tentative de remise de l’enfant, il aurait quitté l’appartement.

  28. .  Le 29 août 2011, l’huissier verbalisa A.Z. pour défaut d’exécution du jugement.

  29. .  Le 30 septembre 2011, l’huissier se rendit au domicile d’A.Z. Celui-ci lui présenta l’attestation d’exécution volontaire, datée du 19 août 2011 et portant la signature de la mère de la plaignante.

  30. .  La requérante affirme n’avoir appris cette information que le 20 octobre 2011, lors de sa visite à l’huissier. À cette occasion, elle confirma avoir résidé pendant six mois dans un autre endroit et laissa ses nouvelles coordonnées.

  31. .  La requérante intenta un recours judiciaire pour se plaindre de l’inertie du service des huissiers. Par un jugement du 17 janvier 2012, le tribunal de Shchelkovo, statuant en l’absence de la requérante, des huissiers et d’A.Z., rejeta le recours comme dénué de tout fondement. Il établit que l’intéressée ne résidait plus depuis 1998 à l’adresse indiquée dans le jugement du 17 août 2011, mais qu’elle habitait dans un cabanon à la campagne. Il constata que l’absence de la requérante au domicile indiqué dans le jugement avait rendu l’exécution impossible. Il observa qu’au demeurant ni les autorités compétentes ni la justice n’avaient examiné si les conditions sanitaires offertes par le cabanon étaient satisfaisantes pour l’enfant.
  32. Le dossier ne contient pas d’information relative à la date de remise de ce jugement à la requérante ou à un éventuel appel contre ce jugement.


  33. .  L’huissier S. saisit la justice d’un recours visant à suspendre la procédure d’exécution du jugement du 17 août 2011 au motif que A.Z. avait introduit un nouveau recours par lequel il demandait que l’enfant résidât avec lui.

  34. .  Par une décision du 28 décembre 2011, le tribunal de Shchelkovo rejeta ce recours, indiquant qu’aux termes de la loi l’introduction d’une nouvelle action n’avait pas d’effet suspensif sur l’exécution du jugement du 17 août 2011.
  35. 1.  Procédure d’infraction administrative dirigée contre A.Z. pour son refus de se conformer au jugement


  36. .  Auparavant, le 10 novembre 2011, la commission chargée de la protection des mineurs (комиссия по делам несовершеннолетних) de l’administration de Shchelkovo (« la commission »), se fondant sur l’article 5.35 du code des infractions administratives, avait dressé contre A.Z. un procès-verbal d’infraction administrative pour son refus d’exécuter le jugement ordonnant la remise de l’enfant à la mère ainsi que pour son opposition à toute visite de la requérante à l’enfant.

  37. .  A.Z. s’exprima contre cette inculpation. Il argua que, malgré son désaccord avec les jugements du 30 novembre 2010 et du 17 août 2011, il avait tenté de les exécuter et qu’il s’était présenté au domicile de la requérante. Il dit pour conclure que sa volonté d’exécution avait échoué par la faute de son ex-épouse.

  38. .  Le 7 décembre 2011, la commission se réunit, en l’absence de la requérante, pour entendre A.Z. ainsi que la mère et la sœur de la requérante. Elle prit bonne note des explications données par A.Z. et par deux témoins, selon lesquelles la requérante ne se trouvait pas à l’adresse indiquée dans le jugement au moment de la venue d’A.Z. et que, au demeurant, elle n’habitait plus à cette adresse depuis dix ans. La commission conclut à l’absence d’infraction administrative et mit fin à la procédure dirigée contre A.Z.
  39. 2.  Décision de l’autorité de tutelle


  40. .  Le 28 décembre 2011, la requérante intenta un recours administratif auprès du département de tutelle, organe de l’administration de Shchelkovo, (« l’autorité de tutelle »). Se fondant sur l’article 77 du code de la famille, elle demandait que l’enfant fût retiré à son père.

  41. .  Le 30 décembre 2011, le chef de l’autorité de tutelle, après avoir visité le domicile d’A.Z., répondit à la requérante que les conditions de vie de l’enfant étaient satisfaisantes et qu’il n’y avait pas lieu de retirer l’enfant à son père.
  42. 3.  Refus de poursuivre A.Z. au pénal


  43. .  Entre-temps, le 30 juin 2011, la requérante avait demandé à la police la mise en examen d’A.Z. pour enlèvement de l’enfant.
  44. 35.  Le 9 juillet 2011, le bureau de police du district Lossino-Petrovski, district de Shchelkovo, rejeta cette demande et conclut à l’absence de délit. Il indiqua que, interrogé par les policiers dans le cadre de l’enquête préliminaire, A.Z. avait expliqué que, après la naissance de l’enfant, la requérante les avait délaissés, lui-même et leur fils, qu’elle s’était installée dans son cabanon à la campagne, dans la région de Moscou. Pour A.Z., il ne faisait aucun doute que la requérante résidait toujours dans ce cabanon et non dans son appartement moscovite, car elle avait, selon lui, des relations difficiles avec sa mère.


  45. .  Par une décision du 2 novembre 2011, l’officier de police du district Lossino-Petrovski refusa de poursuivre A.Z. au pénal. Par la suite, le procureur annula cette décision et ordonna un complément d’enquête. La procédure est toujours pendante à ce jour.
  46. C.  La troisième tentative d’exécution


  47. .  Par des lettres du 1er novembre 2011, du 16 février 2011, du 14 mars 2012 et du 28 mai 2012, l’huissier L. rappela à A.Z. son obligation d’exécuter le jugement du 17 août 2011 et l’informa qu’en cas de défaut d’exécution des poursuites administratives seraient engagées. A.Z. accusa réception de ces lettres.

  48. .  Le 29 août 2011, le 14 mars 2012 et le 30 mars 2012, L. inculpa A.Z. de l’infraction administrative prévue par l’article 17.15 du code des infractions administratives pour son refus de se conformer au jugement et le condamna chaque fois au paiement d’une amende. A.Z. ne recourut pas contre ces décisions de l’huissier et acquitta les amendes en question.

  49. .  Par une décision du 4 avril 2012, L. délivra une commission rogatoire au service des huissiers de Moscou aux fins de l’établissement du lieu de résidence de la requérante. En attendant le résultat de la commission rogatoire, elle suspendit la procédure d’exécution.

  50. .  Par une décision du 25 mai 2012, L., constatant le défaut d’exécution du jugement, décida d’appliquer des « mesures coercitives » et ordonna la reprise de la procédure d’exécution.
  51. D.  Le recours judiciaire d’A.Z. visant à la fixation de la résidence du requérant au domicile paternel


  52. .  À une date non précisée, A.Z. saisit le tribunal de Shchelkovo d’une demande visant à la fixation de la résidence du requérant au domicile paternel.

  53. .  Par une décision avant dire droit du 6 juin 2012, le tribunal prononça un non-lieu à examiner le recours au motif que le demandeur avait omis de se présenter aux audiences malgré deux convocations.

  54. .  Saisi d’un recours d’A.Z., le tribunal annula cette décision le 5 décembre 2012 et renvoya l’affaire pour examen au fond.
  55. II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT


  56. .  La loi fédérale no 229-FZ du 2 octobre 2007 relative aux procédures d’exécution dispose que l’huissier doit, dans un délai de trois jours à partir de la réception du titre exécutoire, ordonner ou refuser l’ouverture de la procédure d’exécution (article 30 § 8 de la loi).

  57. .  Le demandeur, le défendeur et l’huissier peuvent faire un recours devant le tribunal qui a émis le titre exécutoire aux fins de clarifier les termes de celui-ci ainsi que l’ordre et les modalités de l’exécution (article 32 § 1).

  58. .  Le tribunal met fin à la procédure d’exécution : a)  en cas de décès de l’une des parties de la procédure d’exécution ; b)  en cas d’impossibilité d’exécuter le titre exécutoire portant sur une obligation extrapatrimoniale ; c)  en cas de refus du demandeur d’accepter l’objet saisi du défendeur lorsque le titre exécutoire ordonne le transfert de cet objet au demandeur ; et d)  dans d’autres cas prévus par la loi (article 43 § 1).

  59. .  Lorsque la procédure d’exécution est clôturée, le titre exécutoire est conservé dans le dossier et ne peut être réintroduit aux fins d’exécution (article 44 § 5).
  60. 48.  Le titre exécutoire peut être retourné au demandeur si ce dernier entrave l’exécution (article 46 § 1 b)). Dans ce cas, l’huissier doit dresser un acte faisant état des entraves en question et prononcer une décision ordonnant la clôture de la procédure d’exécution (article 46 §§ 2 et 3). Si le titre est retourné au demandeur, celui-ci peut demander la réouverture de la procédure d’exécution.

    49.  L’huissier met fin à la procédure d’exécution lorsque l’acte ordonné par la justice et contenu dans le titre exécutoire a été exécuté (article 47 § 1 (1)).


  61. .  Si le défendeur ne se conforme pas de son plein gré à l’obligation contenue dans le titre exécutoire dans le délai fixé pour l’exécution volontaire ou dans un délai d’un jour dans le cas de l’exécution immédiate, l’huissier ordonne le paiement de la taxe d’exécution et fixe un nouveau délai pour l’exécution (article 105 § 1). Si le défendeur omet une nouvelle fois d’exécuter le titre exécutoire, l’huissier dresse un procès-verbal conformément au code des infractions administratives et fixe un nouveau délai d’exécution (article 105 § 2).
  62. 51.  Le code des infractions administratives du 30 décembre 2001 prévoit une responsabilité administrative pour violation par les parents des droits de mineurs (article 5.35). Cette violation prend, notamment, la forme d’un empêchement fait à un enfant mineur de communiquer avec ses parents ou d’une inexécution par l’un des parents d’un jugement relatif à la résidence de l’enfant. Cette infraction est passible d’une amende administrative pouvant aller jusqu’à 3 000 roubles russes (RUB).

    52.  Selon l’article 17.15 du même code, le défaut d’exécution du titre exécutoire portant sur une obligation extrapatrimoniale est passible d’une peine d’amende allant de RUB 1 000 à RUB 2 500 et de RUB 2 000 à RUB 2 500 en cas de récidive.

    53.  En cas de danger imminent pour la vie ou la santé de l’enfant, l’autorité de tutelle a compétence pour retirer l’enfant à ses parents. Ce faisant, elle est obligée d’en informer le procureur, d’assurer un hébergement temporaire de l’enfant et de saisir la justice d’un recours dirigé contre le(s) parent(s) visant à les déchoir de l’autorité parentale (article 77 du code de la famille).

    54.  La loi fédérale nº 68-FZ du 30 avril 2010 dispose qu’une partie au litige a droit à une compensation en cas de violation de son droit à un procès dans un délai raisonnable. Elle dispose que, pour obtenir cette compensation, la partie lésée doit introduire une demande par la voie prévue par le code de procédure civile.

    EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION


  63. .  Les requérants allèguent que les autorités nationales ont omis d’exécuter les jugements fixant la résidence du requérant au domicile de la requérante. Ils invoquent à cet égard les articles 3, 6, 8 et 13 de la Convention.
  64. La Cour estime que, dans les circonstances de la présente espèce, ce grief tel qu’il est formulé par les requérants appelle un examen sur le terrain du seul article 8 de la Convention. En statuant sur le problème principal soulevé au regard du droit au respect de la vie privée et familiale, elle considère qu’il ne s’impose pas d’examiner séparément les autres griefs formulés au regard des articles 3, 6 et 13 de la Convention (Y.U. c. Russie, no 41354/10, § 82, 13 novembre 2012, et Amanalachioai c. Roumanie, no 4023/04, § 63, 26 mai 2009). L’article 8 de la Convention est ainsi libellé :

    « 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

    2.  Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

    A.  Thèses des parties


  65. .  Le Gouvernement soutient, d’une part, que le jugement du 30 novembre 2010, par lequel le tribunal a prononcé le divorce et fixé la résidence de l’enfant au domicile de la requérante, ne comportait aucune obligation pour le père de remettre l’enfant à sa mère, raison, à ses yeux, de l’inexécution de ce jugement. Il soutient, d’autre part, que le défaut d’exécution du jugement du 17 août 2011 était imputable uniquement à la requérante, qui aurait entravé la procédure d’exécution en ne résidant pas à l’adresse indiquée dans le jugement. Faisant état de l’arsenal juridique dont disposeraient les huissiers pour exécuter les décisions de justice et citant l’arrêt Ignaccolo-Zenide c. Roumanie (no 31679/96, § 102, CEDH 2000-I) qui confirmerait son point de vue, le Gouvernement est d’avis que les autorités russes ont pris toutes les mesures aux fins de l’exécution du jugement et de la réunion des deux requérants.

  66. .  Les requérants combattent cette thèse. À titre principal, la requérante reproche aux autorités nationales de ne pas avoir pris toutes les mesures qui auraient, selon elle, permis d’exécuter les jugements ordonnant la réunion des requérants. Elle reproche aux autorités nationales plusieurs retards, qui auraient entraîné un allongement de la procédure. En particulier, elle expose que, en premier lieu, le refus de l’huissier de mettre à exécution le jugement du 30 novembre 2010 a eu un effet dilatoire et qu’il l’a obligée à entamer des recours judiciaires, superflus à ses yeux, pour relancer l’exécution. En second lieu, elle affirme que les huissiers sont restés oisifs entre le 18 août et le 30 septembre 2011. En troisième lieu, elle soutient qu’elle n’a pas été informée des actes d’exécution du 19 août et du 30 septembre 2011, qu’elle n’en a eu connaissance que tardivement, le 20 octobre 2011, et par hasard, lors de sa visite au service des huissiers ; elle en conclut qu’elle n’a pas été dûment impliquée dans la procédure d’exécution. En quatrième lieu, elle explique son absence du domicile le 19 août 2011 de la façon suivante : en attendant l’exécution du jugement, elle aurait résidé dans sa maison à la campagne qui était, selon elle, plus proche du domicile d’A.Z. que son appartement moscovite. Enfin, la requérante argue que les explications données par A.Z. montraient clairement l’absence d’intention de sa part d’exécuter le jugement de son plein gré et que les huissiers n’ont rien fait pour le contraindre à l’exécuter. À cet égard, elle critique notamment la durée de la procédure administrative devant la commission chargée de la protection des mineurs et déplore qu’elle n’ait pas abouti à la sanction d’A.Z.

  67. .  En outre, les requérants considèrent que, compte tenu du l’âge du requérant et de l’importance fondamentale qu’aurait eue pour lui l’affection maternelle, l’inertie dont les huissiers auraient fait preuve leur a causé de graves souffrances.
  68. B.  Appréciation de la Cour

    1.  Sur la recevabilité


  69. .  Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.
  70. 2.  Sur le fond

    a)  Principes généraux


  71. .  La Cour rappelle que si l’article 8 de la Convention tend pour l’essentiel à prémunir l’individu contre des ingérences arbitraires des pouvoirs publics, il engendre de surcroît des obligations positives inhérentes à un « respect » effectif de la vie familiale en tant que notion autonome au regard de la Convention. S’agissant de l’obligation pour l’État d’arrêter des mesures positives, l’article 8 implique le droit d’un parent à des mesures propres à le réunir à son enfant et l’obligation pour les autorités nationales de les prendre (voir, par exemple, Ignaccolo-Zenide, précité, § 94, et Maumousseau et Washington c. France, no 39388/05, § 83, 6 décembre 2007).
  72. 61.  Toutefois, cette obligation n’est pas absolue, car il arrive que la réunion d’un parent avec son enfant ne puisse avoir lieu immédiatement et requière des préparatifs. La nature et l’étendue de ceux-ci dépendent des circonstances de chaque espèce, mais la compréhension et la coopération de l’ensemble des personnes concernées constituent toujours un facteur important. Si les autorités nationales doivent s’évertuer à faciliter pareille collaboration, une obligation pour elles de recourir à la coercition en la matière ne saurait être que limitée : il leur faut tenir compte des intérêts et des droits et libertés de ces mêmes personnes, et notamment des intérêts supérieurs de l’enfant et des droits que lui reconnaît l’article 8 de la Convention (Ignaccolo-Zenide, précité, § 94, et Khanamirova c. Russie, no 21353/10, § 49, 14 juin 2011).

    62.  Enfin, la Cour rappelle que le caractère adéquat d’une mesure se juge à la rapidité de sa mise en œuvre : les procédures relatives à l’attribution de l’autorité parentale, y compris l’exécution de la décision rendue à leur issue, appellent un traitement urgent, car le passage du temps peut avoir des conséquences irrémédiables sur les relations entre l’enfant et le parent qui ne vit pas avec lui (Ignaccolo-Zenide, précité, § 102, Y.U. c. Russie, précité, § 94, et Maumousseau et Washington, précité, § 83).

    b)  Application des principes précités à la présente espèce


  73. .  La Cour note tout d’abord qu’il n’est pas contesté en l’espèce que le lien entre les requérants relève de la vie familiale au sens de l’article 8 de la Convention. Elle constate que le jugement du 30 novembre 2010 fixant la résidence du requérant au domicile de la requérante et celui du 17 août 2011 ordonnant la réunion des requérants ne sont toujours pas exécutés.
  74. La Cour doit donc déterminer si les autorités nationales ont pris les mesures nécessaires et adéquates que l’on pouvait attendre d’elles pour faciliter l’exécution de ces jugements.

    i.  En ce qui concerne l’exécution du jugement du 30 novembre 2010


  75. .  La Cour n’est pas convaincue par l’argument du Gouvernement selon lequel le jugement du 30 novembre 2010 (paragraphe 9 ci-dessus) ne renfermait aucune obligation pour le père de remettre l’enfant à la requérante et que, par conséquent, il était inexécutable. Elle relève à cet égard que, selon le tribunal interne compétent, le jugement en question ne nécessitait aucune clarification supplémentaire (paragraphe 13 ci-dessus).

  76. .  La Cour note en particulier que l’inertie des huissiers a été sanctionnée par la justice nationale. En effet, par un jugement du 22 mars 2012, le tribunal de Shchelkovo a annulé la décision contestée de l’huissier et a imputé la responsabilité du défaut d’exécution du jugement au service des huissiers (paragraphe 15 ci-dessus).

  77. .  La Cour constate que le service des huissiers n’a pas agi avec la célérité requise pour ce genre d’affaires. Un retard important a été causé par l’huissier L., qui a refusé l’ouverture de la procédure d’exécution du jugement du 30 novembre 2010. Cette décision de l’huissier, infirmée ensuite par la justice, a incité la requérante à entamer des recours superflus (paragraphes 13 et 17 ci-dessus) aux fins d’obtenir un jugement explicitant le dispositif du jugement initial.

  78. .  Le retard de presque neuf mois, à compter du premier jugement prononcé le 30 novembre 2010 au second jugement prononcé le 17 août 2011, qui en a résulté se concilient mal avec l’obligation positive de l’État dans les affaires de ce type qui appellent un traitement urgent (paragraphe 62 ci-dessus).
  79. ii.  En ce qui concerne l’exécution du jugement du 17 août 2011


  80. .  La Cour relève que le Gouvernement attache une grande importance au fait que la requérante ne résidait pas à l’adresse indiquée dans le jugement (paragraphes 18 et 22 ci-dessus). Il en déduit que l’intéressée avait renoncé à ce que ce jugement fût exécuté et que le défaut d’exécution lui est donc imputable.

  81. .  La Cour n’est pas convaincue par cet argument. Elle considère qu’il est réfuté par les circonstances de l’espèce. Elle note d’emblée qu’il est regrettable que la requérante n’ait pas communiqué en temps voulu sa nouvelle adresse. Toutefois, il ressort du dossier que ni les parties au litige ni le service des huissiers n’ont considéré cette circonstance comme donnant lieu à la clôture de la procédure d’exécution. En effet, la loi nationale autorise l’huissier à clore la procédure en cas d’exécution effective d’un jugement ou à retourner le titre exécutoire au demandeur si celui-ci entrave l’exécution. Or, dans la présente affaire, l’huissier n’a pas fait usage de ses pouvoirs. Tout en considérant que le jugement n’avait pas été exécuté, elle a continué la procédure d’exécution en fixant de nouveaux délais et en verbalisant A.Z. pour défaut d’exécution. Quant au défendeur, il a acquitté les amendes successives sans demander qu’il fût mis fin à la procédure d’exécution. La Cour note également qu’à aucun moment la requérante n’a renoncé à l’exécution du jugement et qu’elle a, au contraire, multiplié les recours et les Requêtes auprès de différentes autorités nationales pour obtenir le retour de l’enfant chez elle. En outre, il ressort du dossier que la procédure d’exécution est toujours officiellement pendante au niveau national et que des mesures d’exécution sont en cours.

  82. .  La Cour trouve particulièrement frappant que le service des huissiers est demeuré inactif même après le 20 octobre 2011, date à laquelle la requérante lui a communiqué sa nouvelle adresse (paragraphe 25 ci-dessus).

  83. .  La Cour ne perd pas de vue que le jugement ordonnait le retour de l’enfant à l’adresse qu’il indiquait. La question qui se pose est celle de savoir si l’absence de résidence de la requérante à l’adresse en question a pu avoir pour effet de la déchoir de son droit à l’exécution. Elle observe à cet égard que, bien que ni A.Z. ni l’huissier n’aient jamais soulevé cette question devant la justice dans le but de faire clore la procédure d’exécution ou de faire infirmer le jugement en cause, il semble que cet aspect n’a pas échappé à l’attention de la justice. En effet, saisi d’un recours relatif à l’inertie des huissiers, le tribunal de Shchelkovo l’a rejeté en se fondant sur le fait que la requérante ne résidait pas à l’adresse indiquée. Il a en outre noté dans son jugement du 17 janvier 2012 (paragraphe 26 ci-dessus) qu’aucune expertise quant aux conditions sanitaires de la nouvelle résidence de l’intéressée n’avait été menée. Toutefois, il ne ressort nullement de cette décision que le tribunal de Shchelkovo a déclaré la requérante déchue de son droit à l’exécution.
  84. Étant donné que ni les autorités nationales ni le défendeur n’ont attaché une importance décisive à ce fait, la Cour juge que le droit de la requérante à l’exécution du jugement en sa faveur n’est pas éteint à ce jour.


  85. .  Soumettant la cause au critère de célérité, la Cour souligne que, si une diligence particulière est exigée de la part des autorités lorsque la garde d’un enfant est en jeu, cette exigence de célérité est d’autant plus stricte dans les cas où, comme en l’espèce, l’enfant est un nourrisson. Le bien-être du requérant exigeait sa réunion immédiate avec sa mère. La Cour relève à cet égard que le tribunal interne qui a statué en faveur de la mère a souligné l’importance fondamentale que revêtent, pour un nouveau-né, les soins et l’affection maternels. Elle considère que toute inexécution prolongée du jugement et, partant, tout retard dans le retour de l’enfant auprès de sa mère ne peuvent manquer d’infliger à celui-ci un surcroît de souffrances et un plus grand traumatisme (voir Ignaccolo-Zenide, précité, et Fuşcă c. Roumanie, no 34630/07, § 42, 13 juillet 2010 ; dans ces affaires, le problème de l’inexécution résidait, dans une grande mesure, dans le refus d’adolescents d’être restitués à l’un de leurs parents ou de le rencontrer après une longue séparation).

  86. .  Le Gouvernement n’a pas présenté d’explications satisfaisantes quant à l’inertie du service des huissiers. Ceux-ci sont demeurés plutôt passifs. Ils ne se sont déplacés au domicile d’A.Z. que deux fois, le 18 août et le 30 septembre 2011, après le prononcé du jugement. À cette dernière date, l’huissier, bien qu’ayant trouvé A.Z. à son domicile avec l’enfant, n’a entrepris aucune tentative d’exécution du jugement. De même, la Cour s’étonne que, le 4 avril 2012, l’huissier ait délivré une commission rogatoire aux fins de l’établissement du nouveau domicile de la requérante, puisqu’il ressort du dossier que l’adresse de la requérante était connue tant de l’huissier que d’A.Z. (voir respectivement les paragraphes 25 et 35 ci-dessus). Cette commission rogatoire était donc sans aucune utilité et elle a de plus entraîné une suspension de la procédure de sept semaines.

  87. .  La Cour note que le service des huissiers s’est soustrait à son rôle consistant à diriger la procédure en veillant aux intérêts des parties. Elle observe en particulier qu’outre l’absence de déplacement au domicile d’A.Z, les huissiers ont omis d’informer la requérante des développements intervenus au cours de la procédure et de l’impliquer dans la procédure d’exécution. En effet, lors de leur déplacement, le 30 septembre 2011, au domicile d’A.Z., les huissiers n’ont pas averti la requérante malgré l’intérêt évident de celle-ci d’être associée à cette visite. De plus, ayant obtenu l’attestation d’exécution volontaire d’A.Z., les huissiers se sont bornés à classer ce document au dossier sans en informer la requérante. En outre, ils n’ont jamais cherché à emmener A.Z. chez la requérante avec l’enfant pour remettre celui-ci à sa mère.

  88. .  La Cour rappelle que la mère n’est pas demeurée inactive ; elle n’a cessé de solliciter différentes autorités publiques - la police, l’autorité de tutelle, le tribunal et la commission chargée de la protection des mineurs -, leur demandant d’appliquer des mesures coercitives en vue de l’exécution (Glaser c. Royaume-Uni, no 32346/96, § 70, 19 septembre 2000, et Fuşcă, précité, § 38).

  89. .  La Cour relève que, face au refus avéré (voir paragraphe 20 ci-dessus) et persistant du père de remettre l’enfant à la requérante, les autorités ont manqué à ordonner des mesures coercitives effectives et réalistes de nature à inciter le parent défaillant à exécuter les jugements (Hansen c. Turquie, no 36141/97, § 105, 23 septembre 2003). Bien que les amendes infligées à A.Z. et acquittées par lui se fussent révélées peu efficaces à cet égard, aucune autre mesure coercitive ne paraît avoir été envisagée.

  90. .  En ce qui concerne le descriptif de l’arsenal juridique fait par le Gouvernement, la Cour rappelle qu’elle n’est pas appelée à examiner dans l’abstrait si l’ordre juridique interne permettait l’adoption de sanctions effectives à l’encontre du père de l’enfant. En effet, il appartient à chaque État contractant de se doter d’un arsenal juridique adéquat et suffisant pour assurer le respect des obligations positives qui lui incombent en vertu de l’article 8 de la Convention. Force est de constater que les mécanismes existants décrits par le Gouvernement se sont avérés inefficaces pour prendre des mesures adéquates et suffisantes afin de réunir l’enfant et la mère dans les meilleurs délais conformément aux jugements internes.

  91. .  Pour le reste, la Cour observe qu’aucune autre mesure n’a été prise par les autorités pour créer les conditions nécessaires à l’exécution des jugements litigieux, qu’il s’agisse de mesures coercitives contre A.Z. ou de mesures préparatoires en vue du retour de l’enfant auprès de la requérante.

  92.   La Cour conclut que, nonobstant la marge d’appréciation dont dispose l’État défendeur en la matière, les autorités nationales n’ont pas pris toutes les mesures que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elles pour faciliter l’exécution des jugements du tribunal de Shchelkovo prononcés le 30 novembre 2010 et le 17 août 2011 en faveur de la requérante. Partant, il y a eu violation de l’article 8 de la Convention.
  93. II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION


  94. .  Les requérants se plaignent de la durée de la procédure civile menée devant les juridictions nationales. Ils invoquent à cet égard l’article 6 § 1 de la Convention, aux termes duquel :
  95. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »


  96. .  La Cour rappelle qu’un grief tiré de la durée d’une procédure judiciaire introduit devant elle sans avoir été préalablement soumis aux juridictions internes - en l’espèce dans le cadre d’un recours fondé sur la loi fédérale nº 68-FZ du 30 avril 2010 - est irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes (Fakhretdinov et autres c. Russie (déc.), nos 26716/09, 67576/09 et 7698/10, § 27, 23 septembre 2010). Par conséquent, pour autant qu’elle se rapporte à la durée de la procédure devant le tribunal de Shchelkovo, cette partie de la Requête doit être rejetée, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
  97. III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    82.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »


  98. .  Les requérants réclament 100 000 euros (EUR) pour préjudice moral.

  99.   Le Gouvernement soutient que le montant demandé excède les sommes que la Cour a accordées dans des affaires similaires.

  100.   La Cour juge équitable, dans les circonstances de la cause, d’octroyer conjointement aux requérants EUR 10 000 pour dommage moral.

  101. .  Elle juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
  102. PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la Requête recevable quant au grief tiré de l’article 8 de la Convention et irrecevable pour le surplus ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention ;

     

    3.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, EUR 10 000 (dix mille euros), à convertir en roubles russes au taux applicable à la date du règlement, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 3 octobre 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

       Søren Nielsen                                                               Isabelle Berro-Lefèvre
            Greffier                                                                              Présidente

     


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