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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> OKITALOSHIMA OKONDA OSUNGU v. FRANCE AND SELPA LOKONGO v. FRANCE - 76860/11 51354/13 (Decision : Court (Fifth Section)) French Text [2015] ECHR 834 (08 September 2015)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2015/833.html
Cite as: [2015] ECHR 834

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    See also English Press Release (01 October 2015)

    CINQUIÈME SECTION

    DÉCISION

    Requêtes nos 76860/11 et 51354/13
    Jean-Michel OKITALOSHIMA OKONDA OSUNGU et
    Anita OKITALOSHIMA OKONDA OSUNGU contre la France
    et Elisabeth SELPA LOKONGO contre la France

    La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant le 8 septembre 2015 en une chambre composée de :

              Josep Casadevall, président,
              Angelika Nußberger,
              Boštjan M. Zupančič,
              Ganna Yudkivska,
              Vincent A. De Gaetano,
              André Potocki,
              Aleš Pejchal, juges,

    et de Claudia Westerdiek, greffière de section,

    Vu les requêtes susmentionnées introduites le 2 décembre 2011 et le 7 août 2013,

    Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur, celles présentées en réponse par les requérants et celles des tiers intervenants,

    Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

    EN FAIT

    1.  Les requérants de la première requête (no 76860/11), M. Jean-Michel Okitaloshima Okonda Osungu et Mme Anita Okitaloshima Okonda Osungu, sont des ressortissants congolais nés respectivement en 1968 et en 1976 et résidant à Chantepie. Ils ont été représentés devant la Cour par Me S. Stadler puis par Me H. Gacon, avocates à Paris.

    2.  La requérante de la deuxième requête (no 51354/13), Mme Elisabeth Selpa Lokongo, est une ressortissante congolaise née en 1975 et résidant à Tournefeuille. Elle est représentée devant la Cour par Me F. Tercero, avocate à Toulouse.

    3.  Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. F. Alabrune, directeur des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.

    A.  Les circonstances de l’espèce

    4.  Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

    5.  Les requérants sont des ressortissants congolais résidant régulièrement en France. Ils ont chacun des enfants les ayant rejoints postérieurement à leur arrivée dans ce pays, sans respecter la procédure du regroupement familial.

    6.  Les requérants se virent refuser le bénéfice des prestations familiales pour ces enfants, compte tenu de l’impossibilité pour eux de produire l’un des documents énumérés aux articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale. En l’espèce, celui correspondant à leur situation était le certificat de contrôle médical délivré, pour chaque enfant, par l’office français de l’immigration et de l’intégration (OFII, anciennement agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations - ANAEM), au terme de la procédure de regroupement familial.

    7.  Les requérants contestèrent ce refus devant les juridictions nationales, qui les déboutèrent à différents stades de la procédure.

    1. Requête no 76860/11

    8.  Les requérants résident régulièrement en France depuis le 9 octobre 2000. Leurs enfants C. et J., nés respectivement en 1994 et 1997, les rejoignirent en mai 2002. Ils sont titulaires d’un document de circulation pour enfant mineur (DCEM). Deux autres enfants naquirent sur le territoire français, pour lesquels les requérants perçurent des allocations familiales.

    9.  Les requérants demandèrent à la caisse d’allocations familiales (CAF) d’Ille et Vilaine le bénéfice des prestations familiales pour C. et J. à compter du mois de juin 2002.

    10.  Faute de réponse positive, le premier requérant saisit la commission de recours amiable le 27 février 2006. Celle-ci rejeta sa demande. Les requérants contestèrent cette décision devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Rennes.

    11.  Par un jugement du 22 mars 2007, ce dernier considéra que les requérants ne pouvaient prétendre au versement des prestations familiales en faveur de C. et J., en l’absence de justification de la régularité de la situation de ces derniers par production d’un des documents énumérés aux articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale dans leur version en vigueur depuis le 20 décembre 2005. Les requérants interjetèrent appel.

    12.  Par arrêt du 28 janvier 2009, la cour d’appel de Rennes condamna la caisse d’allocations familiales d’Ille et Vilaine à leur verser les prestations familiales dues au titre de C. et J., du mois de juin 2002 au 19 décembre 2005, outre les intérêts légaux et mille euros au titre des frais irrépétibles. En revanche, elle confirma le jugement du 22 mars 2007 pour la période postérieure au 19 décembre 2005. Les juges estimèrent qu’il résultait des textes antérieurs à la loi de finance du 19 décembre 2005 ayant restreint les conditions d’attribution des prestations familiales, de la jurisprudence de la Cour de cassation et des articles 8 et 14 de la Convention, que les étrangers résidant régulièrement en France avec leurs enfants mineurs bénéficiaient de plein droit des prestations familiales et que les requérants pouvaient donc en bénéficier pour la période antérieure à l’entrée en vigueur du nouveau texte, sans qu’il puisse être exigé pour C. et J. un certificat médical. En revanche, ils ajoutèrent que la loi du 19 décembre 2005 et son décret d’application du 27 février 2006 n’ayant pas été déclarés inconstitutionnels par le Conseil constitutionnel ni censurés par la Cour, leurs dispositions étaient applicables pour la période postérieure au 19 décembre 2005. Les requérants se pourvurent en cassation, invoquant notamment les articles 8 et 14 de la Convention, ainsi que les articles 3, 24-1 et 26 de la convention internationale des droits de l’enfant. La CAF forma pourvoi incident.

    13.  Par délibération du 7 septembre 2009, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), saisie par le premier requérant, estima que le refus de la CAF de verser des prestations familiales pour C. et J., au motif que les certificats médicaux demandés n’étaient pas produits, constituait une discrimination fondée sur la nationalité contraire, notamment, à l’article 1 du Protocole no 1 et à l’article 8 de la Convention, combinés avec son article 14, ainsi qu’avec l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant.

    14.  Le 9 décembre 2010, la HALDE présenta des observations en ce sens devant la Cour de cassation.

    15.  Par un arrêt du 3 juin 2011, l’assemblée plénière de la Cour de cassation rejeta les pourvois des requérants et de la CAF. Elle estima que les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, subordonnant le versement des prestations familiales à la production d’un document attestant d’une entrée régulière des enfants étrangers en France et, en particulier pour les enfants entrés au titre du regroupement familial, du certificat médical délivré par l’OFII, revêtaient un caractère objectif justifié par la nécessité dans un état démocratique d’exercer un contrôle des conditions d’accueil des enfants et ne portaient pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les article 8 et 14 de la Convention ni ne méconnaissaient les dispositions de l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant.

    2. Requête no 51354/13

    16.  La requérante réside régulièrement en France depuis janvier 2005. Sa fille T.D. la rejoignit le 28 septembre 2008. La requérante sollicita le versement de prestations familiales, qui lui furent refusées par la CAF de la Haute-Garonne le 30 novembre 2009 et par la commission des recours amiables le 3 mars 2010.

    17.  Par une décision du 20 juillet 2011, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Garonne accorda à la requérante le bénéfice des prestations familiales pour sa fille à compter du mois d’octobre 2008, sous réserve qu’elle remplisse les conditions de droit de tout allocataire, abstraction faite des documents exigés par l’article D. 512-2 du code de la sécurité sociale, avec exécution provisoire et intérêts légaux. Les juges estimèrent que cet article devait être écarté dès lors qu’il introduisait une discrimination entre les enfants étrangers, non pas pour une considération raisonnable d’intérêt public, mais en raison de conditions administratives formelles, étrangères à l’intérêt supérieur de l’enfant. Ils écartèrent l’argument de la CAF selon lequel cette discrimination était fondée sur un souci d’intérêt public et de santé publique, observant que si tel était le cas, la fourniture du certificat médical de l’ANAEM devrait être exigée pour tout enfant étranger. La CAF interjeta appel.

    18.  Par un arrêt du 7 février 2013, la cour d’appel de Toulouse infirma le jugement du 20 juillet 2011 et dit que la requérante ne pouvait prétendre au bénéfice des prestations familiales au titre de sa fille. Elle estima que les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale revêtaient un caractère objectif justifié par la nécessité dans un état démocratique d’exercer un contrôle des conditions d’accueil des enfants et ne portaient pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la Convention ni ne méconnaissaient les dispositions de l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant. Elle ajouta qu’ils ne portaient pas non plus une atteinte disproportionnée au principe d’égalité de traitement des résidents de longue durée avec les citoyens de tout État membre de l’Union européenne.

    19.  Le 25 juin 2013, l’époux de la requérante sollicita le regroupement familial sur place au bénéfice de sa fille T.D., auprès du préfet de la Haute-Garonne. Par courrier en date du 9 août 2013, ce dernier rappela qu’en vertu de l’article L. 411-6 3o du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), le principe de base du regroupement familial posait comme condition préalable la résidence hors de France du bénéficiaire potentiel de la procédure, l’admission sur place ne pouvant être envisagée que dans une situation exceptionnelle constituant un cas d’espèce. Il observa également que l’enfant bénéficiait d’un DCEM, lui permettant de résider sur le territoire français et de voyager. Il invita toutefois l’intéressé à se rapprocher des services de l’OFII s’il souhaitait appliquer la procédure d’introduction en France par regroupement familial.

    20.  La requérante soutient qu’à la suite de ce courrier, elle s’est elle-même rendue à l’OFII, au mois de septembre 2013, pour déposer un dossier de regroupement familial pour T.D. Elle affirme avoir été contactée quelques temps plus tard par un membre de cette institution lui indiquant que son dossier ne serait pas traité, l’enfant étant entrée irrégulièrement en France et disposant d’un DCEM. Elle déclare enfin que l’OFII aurait refusé de lui fournir une décision écrite.

    B.  Le droit et la pratique internes pertinents

    1. Le code de la sécurité sociale

    21.  Les dispositions pertinentes du code de la sécurité sociale, telles qu’elles résultent de la loi du 19 décembre 2005 et du décret du 27 février 2006, sont les suivantes :

    Article L. 512-2

    « Bénéficient de plein droit des prestations familiales dans les conditions fixées par le présent livre les ressortissants des États membres de la Communauté européenne, des autres États parties à l’accord sur l’Espace économique européen et de la Confédération suisse qui remplissent les conditions exigées pour résider régulièrement en France, la résidence étant appréciée dans les conditions fixées pour l’application de l’article L. 512-1.

    Bénéficient également de plein droit des prestations familiales dans les conditions fixées par le présent livre les étrangers non ressortissants d’un État membre de la Communauté européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, titulaires d’un titre exigé d’eux en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France.

    Ces étrangers bénéficient des prestations familiales sous réserve qu’il soit justifié, pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, de l’une des situations suivantes :

    - leur naissance en France ;

    - leur entrée régulière dans le cadre de la procédure de regroupement familial visée au livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

    - leur qualité de membre de famille de réfugié ;

    - leur qualité d’enfant d’étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée au 10o de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

    - leur qualité d’enfant d’étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée à l’article L. 313-13 du même code ;

    - leur qualité d’enfant d’étranger titulaire de l’une des cartes de séjour mentionnées à l’article L. 313-8 du même code ;

    - leur qualité d’enfant d’étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée au 7o de l’article L. 313-11 du même code à la condition que le ou les enfants en cause soient entrés en France au plus tard en même temps que l’un de leurs parents titulaires de la carte susmentionnée.

    Un décret fixe la liste des titres et justifications attestant de la régularité de l’entrée et du séjour des bénéficiaires étrangers. Il détermine également la nature des documents exigés pour justifier que les enfants que ces étrangers ont à charge et au titre desquels des prestations familiales sont demandées remplissent les conditions prévues aux alinéas précédents. »

    Article D. 512-2

    « La régularité de l’entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à charge et au titre desquels il demande des prestations familiales est justifiée par la production de l’un des documents suivants :

    1o Extrait d’acte de naissance en France ;

    2o Certificat de contrôle médical de l’enfant, délivré par l’Office français de l’immigration et de l’intégration à l’issue de la procédure d’introduction ou d’admission au séjour au titre du regroupement familial ;

    3o Livret de famille délivré par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, à défaut, un acte de naissance établi, le cas échéant, par cet office, lorsque l’enfant est membre de famille d’un réfugié, d’un apatride ou d’un bénéficiaire de la protection subsidiaire. Lorsque l’enfant n’est pas l’enfant du réfugié, de l’apatride ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire, cet acte de naissance est accompagné d’un jugement confiant la tutelle de cet enfant à l’étranger qui demande à bénéficier des prestations familiales ;

    4o Visa délivré par l’autorité consulaire et comportant le nom de l’enfant d’un étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée à l’article L. 313-8 (...) ;

    5o Attestation délivrée par l’autorité préfectorale, précisant que l’enfant est entré en France au plus tard en même temps que l’un de ses parents admis au séjour sur le fondement du 7o de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ou du 5o de l’article 6 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

    6o Titre de séjour délivré à l’étranger âgé de seize à dix-huit ans dans les conditions fixées par l’article L. 311-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

    Elle est également justifiée, pour les enfants majeurs ouvrant droit aux prestations familiales, par l’un des titres mentionnés à l’article D. 512-1. »

    2. Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

    22.  Les dispositions pertinentes du CESEDA sont les suivantes :

    Article L. 411-6

    « Peut être exclu du regroupement familial :

    1o Un membre de la famille dont la présence en France constituerait une menace pour l’ordre public ;

    2o Un membre de la famille atteint d’une maladie inscrite au règlement sanitaire international ;

    3o Un membre de la famille résidant en France. »

    Article L. 431-3

    « Le titre de séjour d’un étranger qui n’entre pas dans les catégories mentionnées aux articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4 peut faire l’objet d’un retrait lorsque son titulaire a fait venir son conjoint ou ses enfants en dehors de la procédure du regroupement familial. La décision de retrait du titre de séjour est prise après avis de la commission du titre de séjour mentionnée à l’article L. 312-1. »

    Article L. 521-2

    « Ne peuvent faire l’objet d’une mesure d’expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l’article L. 521-3 n’y fassent pas obstacle :

    1o L’étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d’un enfant français mineur résidant en France, à condition qu’il établisse contribuer effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant dans les conditions prévues par l’article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ;

    (...)

    4o L’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s’il a été, pendant toute cette période, titulaire d’une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". »

    3. L’évolution de la jurisprudence

    23.  Par un arrêt du 6 décembre 2006, la Cour de cassation, appliquant le code de la sécurité sociale dans sa version antérieure à loi du 19 décembre 2005, a jugé que le fait de subordonner à la production d’un justificatif de la régularité du séjour des enfants mineurs le bénéfice des prestations familiales portait une atteinte disproportionnée au principe de non-discrimination et au droit à la protection de la vie familiale.

    24.  Par décision du 15 décembre 2005, le Conseil constitutionnel a validé la disposition concernée de la loi du 19 décembre 2005, pour les motifs suivants :

    « 15. Considérant, en premier lieu, que la procédure de regroupement familial établie par le livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est une garantie légale du droit des étrangers établis de manière stable et régulière en France à y mener une vie familiale normale ; que cette procédure ne méconnaît ni le dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, ni le principe d’égalité, dès lors qu’elle fixe à cet égard des règles adéquates et proportionnées ; qu’en particulier, elle n’interdit pas de déroger à la règle selon laquelle le regroupement familial ne peut être demandé que pour des enfants résidant hors de France à la date de la demande ;

    16. Considérant, en deuxième lieu, qu’en adoptant la disposition contestée, le législateur a entendu éviter que l’attribution de prestations familiales au titre d’enfants entrés en France en méconnaissance des règles du regroupement familial ne prive celles-ci d’effectivité et n’incite un ressortissant étranger à faire venir ses enfants sans que soit vérifiée sa capacité à leur offrir des conditions de vie et de logement décentes, qui sont celles qui prévalent en France, pays d’accueil ; qu’en portant une telle appréciation, le législateur n’a pas opéré, entre les exigences constitutionnelles en cause, une conciliation manifestement déséquilibrée ;

    17. Considérant, en troisième lieu, que la différence établie par le législateur entre les enfants entrés en France dans le cadre de la procédure de regroupement familial et ceux qui y sont entrés en méconnaissance de cette procédure est en rapport avec l’objectif qu’il s’est fixé ; que doit être dès lors rejeté le moyen tiré d’une rupture d’égalité ;

    18. Considérant, toutefois, que, lorsqu’il sera procédé, dans le cadre de la procédure de regroupement familial, à la régularisation de la situation d’un enfant déjà entré en France, cet enfant devra ouvrir droit aux prestations familiales ; ».

    25.  Par deux arrêts d’assemblée plénière du 3 juin 2011 (dont celui donnant lieu à la requête no 76860/11), la Cour de cassation a estimé que les nouveaux articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale revêtaient un caractère objectif justifié par la nécessité, dans un État démocratique, d’exercer un contrôle des conditions d’accueil des enfants et ne portaient pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les article 8 et 14 de la Convention ni ne méconnaissaient les dispositions de l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant.

    26.  Néanmoins, par deux arrêts d’assemblée plénière du 5 avril 2013, la Cour de cassation a jugé que ces textes ne pouvaient s’appliquer lorsque les intéressés étaient ressortissants d’un pays lié à la Communauté européenne (devenue Union européenne) par un accord interdisant toute discrimination fondée sur la nationalité dans le domaine des prestations familiales, à l’instar de la Turquie et de l’Algérie dans les cas d’espèce.

    27.  Des autorités administratives telles que la HALDE et la Défenseure des enfants (notamment dans un avis du 9 juin 2004) ont estimé que la distinction réalisée pour l’attribution des prestations familiales était contraire au principe de non-discrimination posé par la Convention.

    GRIEFS

    28.  Invoquant l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 8, ainsi que l’article 14 combiné à l’article 1 du Protocole no 1 s’agissant de la requête no 76860/11, les requérants se plaignent de ce que le refus de leur accorder les prestations familiales a constitué une discrimination aux dépens des enfants entrés en France en dehors du cadre du regroupement familial.

    EN DROIT

    A.  Sur la jonction des requêtes

    29.  Compte tenu de la connexité des requêtes quant aux faits et aux questions de fond qu’elles soulèvent, la Cour juge approprié de les joindre et de les examiner conjointement dans une seule et même décision en application de l’article 42 de son règlement.

    B.  Sur le grief tiré des articles 8 et 14 combinés de la Convention

    30.  Les requérants estiment que le refus de leur accorder le bénéfice des prestations familiales au titre de leurs enfants les ayant rejoints en dehors du regroupement familial a constitué une discrimination illicite au regard des articles 8 et 14 combinés, dont les dispositions se lisent comme suit :

    Article 8

    « 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

    2.  Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

    Article 14

    « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (...) Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

    1.  Arguments des parties

    a)  Les requérants

    i)  Requête no 76860/11

    31.  Les requérants estiment qu’il existe une différence de traitement entre les enfants en fonction du statut migratoire de leurs parents, ce critère ne pouvant selon la jurisprudence fonder une telle disparité que pour des « prestations onéreuses ». Ils admettent que les ressortissants de l’Union européenne et de pays tiers à l’Union européenne, mais liés par des accords octroyant une égalité de traitement dans l’octroi des prestations familiales, se trouvent dans une situation objectivement différente des ressortissants des autres pays tiers. Cependant, ils considèrent que la jurisprudence de la Cour de cassation est incohérente en ce qu’elle constate le caractère discriminatoire de la législation interne à l’égard des premiers mais pas des seconds. Ils concèdent que les mesures litigieuses ne constituent pas une discrimination directe fondée sur la nationalité, mais estiment faire l’objet d’une différence de traitement indirectement fondée sur l’origine nationale et la naissance à l’étranger. De plus, ils font valoir que les objectifs invoqués par le Gouvernement ne sont pas ceux réellement poursuivis et ne peuvent être considérés comme légitimes puisqu’ils visent à sanctionner l’attitude des parents sans tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. Enfin, ils contestent le caractère proportionné des mesures en causes au regard des buts poursuivis.

    32.  À cet égard, ils considèrent que la procédure de regroupement familial est inadaptée en France, citant plusieurs arrêts de la Cour constatant une violation de l’article 8. Ils ajoutent que leurs enfants sont titulaires d’un DCEM et peuvent donc sortir de France et y entrer régulièrement. De plus, ils jugent ineffective la possibilité de demander un regroupement familial sur place, compte tenu de l’effet dissuasif de l’article L. 431-1 du CESEDA qui prévoit la possibilité de retirer un titre de séjour lorsque son titulaire a fait venir un membre de sa famille sans respecter la procédure. Les décisions produites par le Gouvernement démontrent selon eux qu’il est souvent nécessaire de saisir le juge administratif pour obtenir un tel regroupement sur place. Ils estiment que seuls quelques centaines d’enfants obtiennent ainsi un regroupement sur place chaque année et comparent ce chiffre aux 5 000 enfants admis selon la procédure de droit commun. Ils produisent leurs avis d’impôt sur le revenu constatant, pour leur foyer, un revenu fiscal de référence de 34 873 euros au titre de l’exercice 2012.

    ii)  Requête no 51354/13

    33.  La requérante conteste l’effectivité de la possibilité de demander un regroupement familial sur place. Elle atteste avoir elle-même essuyé un refus et produit plusieurs décisions démontrant selon elle que l’administration refuse massivement de faire droit à de telles requêtes. Elle considère que la situation de sa fille est comparable à celle des enfants de parents français ou de ressortissants de l’Union européenne. Elle estime donc être victime d’une différence de traitement fondée sur la nationalité de T. D., son lieu de naissance et la façon dont elle est entrée en France. À cet égard, elle rappelle qu’une série de parents sont dispensés de démontrer le respect de la procédure de regroupement pour obtenir les allocations familiales : ceux dont les enfants sont nés en France, les réfugiés, les apatrides, ceux qui bénéficient de la protection subsidiaire, les scientifiques et chercheurs, ainsi que ceux ayant été régularisés sur le fondement du respect de la vie privée et familiale à condition que leur enfant soit entré sur le territoire national au plus tard en même temps qu’eux.

    34.  S’agissant des objectifs de protection de l’enfant et de la santé publique invoqués, la requérante les estime contraires à l’intérêt supérieur de l’enfant et verse plusieurs pièces démontrant que sa fille est en bonne santé et que la famille vit dans des conditions de logement et de ressources supérieures à celles exigées pour pouvoir bénéficier du regroupement familial (elle justifie notamment d’un revenu fiscal de référence de 24 152 euros au titre de l’exercice 2012 pour le foyer qu’elle forme avec son conjoint, ainsi que d’un logement d’une surface utile de 104,87 m2).

    b)  Le Gouvernement

    35.  Le Gouvernement admet que la contestation du refus d’octroi des allocations familiales tombe sous l’empire de l’article 8 de la Convention, dont l’article 14 trouve dès lors à s’appliquer. Cependant, il estime que la situation des requérants ne révèle aucune différence de traitement entre des personnes placées dans des situations comparables, les parents d’enfants entrés en France en dehors de la procédure de regroupement familial n’étant pas dans une situation analogue à ceux qui se sont conformés aux dispositions légales et les requérants n’étant par ailleurs pas ressortissants d’un pays lié à un État membre de l’Union européenne par un accord accordant une égalité de traitement dans l’octroi des allocations familiales, sans autre condition.

    36.  Le Gouvernement ajoute qu’à supposer que ces situations soient comparables, la différence de traitement devrait être considérée comme proportionnée aux buts légitimes qu’elle poursuit, à savoir la protection de la santé publique, la protection de l’enfant et le contrôle de l’immigration. À cet égard, il rappelle que les enfants des requérants sont entrés sur le territoire français de manière irrégulière, que le DCEM qui a pu leur être attribué ne constitue pas un titre de séjour et que leurs parents n’ont pas saisi les autorités administratives pour obtenir un regroupement familial sur place. Pour justifier de l’effectivité de cette possibilité, le Gouvernement explique que, selon la jurisprudence des juridictions administratives, un regroupement familial ne peut être refusé au seul motif qu’il a été demandé pour des membres de la famille se trouvant déjà sur le territoire national, le préfet devant examiner le dossier en tenant compte de l’atteinte disproportionnée qu’un refus pourrait porter à la vie privée et familiale du demandeur et des membres de sa famille, ainsi que de l’intérêt supérieur de l’enfant. À ce titre le Gouvernement produit dix arrêts de cours administratives d’appel annulant des décisions de refus émanant de différents préfets. Il estime dès lors qu’il ne saurait être soutenu qu’une régularisation supposerait le retour des enfants dans leur pays.

    c)  Les tiers intervenants

    37.  Le Défenseur des droits considère que le fait de soumettre l’obtention des allocations familiales à la présentation d’un certificat de l’OFII est contraire aux articles 8 et 14 de la Convention ainsi qu’à l’article 1 du Protocole no 1. Il fait ainsi valoir que les mesures en cause caractérisent une double différence de traitement entre les parents étrangers d’enfants nés à l’étranger et les parents français d’enfants nés à l’étranger, ainsi qu’entre parents étrangers, dont le seul objectif réel est la régulation des flux migratoires et qui n’est pas proportionnée aux buts invoqués. De plus, il fournit un certain nombre d’exemples de situations concrètes démontrant, selon lui, le caractère non pertinent du dispositif légal en vigueur.

    38.  Le groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) et le collectif des accidentés du travail, handicapés et retraités pour l’égalité des droits (CATRED) estiment que les règles internes applicables, tout comme leur interprétation par la Cour de cassation, conduisent à des situations absurdes fondées sur des distinctions injustifiées entre des enfants, parfois au sein d’une même fratrie, en fonction de leur seul lieu de naissance. Cela constitue selon eux une discrimination au sens de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 8. Ils indiquent que l’administration n’accepte qu’exceptionnellement les regroupements sur place.

    2.  Appréciation par la Cour

    a)  Les principes généraux

    39.  La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence constante, l’article 14 complète les autres clauses normatives de la Convention et des Protocoles. Il n’a pas d’existence indépendante puisqu’il vaut uniquement pour « la jouissance des droits et libertés » qu’elles garantissent. Certes, il peut entrer en jeu même sans un manquement à leurs exigences et, dans cette mesure, possède une portée autonome, mais il ne saurait trouver à s’appliquer si les faits du litige ne tombent pas sous l’empire de l’une au moins desdites clauses (Inze c. Autriche, 28 octobre 1987, § 36, série A no 126, et Thlimmenos c. Grèce [GC], no 34369/97, § 40, CEDH 2000-IV).

    40.  La Cour a déjà jugé que l’attribution des prestations familiales permettait à l’État de témoigner son respect pour la vie familiale au sens de l’article 8 de la Convention ; elle entre donc dans le champ d’application de ce dernier. Il s’ensuit que l’article 14, combiné avec l’article 8, est applicable aux situations d’espèce (voir, Okpisz c. Allemagne, no 59140/00, § 32, 25 octobre 2005).

    41.  Selon la jurisprudence constante de la Cour, pour qu’une question se pose au regard de l’article 14, il doit y avoir une différence dans le traitement de personnes placées dans des situations comparables. Une telle différence est discriminatoire seulement si elle est fondée sur une caractéristique personnelle identifiable (« situation » ; voir Carson et autres c. Royaume-Uni [GC], no 42184/05, §§ 61 et 70, CEDH 2010) et si elle ne repose pas sur une justification objective et raisonnable, c’est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s’il n’y a pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. Les États contractants jouissent d’une certaine marge d’appréciation pour déterminer si et dans quelle mesure des différences entre des situations à d’autres égards analogues justifient des distinctions de traitement (X et autres c. Autriche [GC], no 19010/07, § 98, CEDH 2013, Vallianatos et autres c. Grèce [GC], nos 29381/09 et 32684/09, § 76, CEDH 2013 (extraits), et Dhahbi c. Italie, no 17120/09, § 45, 8 avril 2014). L’étendue de cette marge d’appréciation varie selon les circonstances, les domaines et le contexte, mais il appartient à la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention.

    42.  Une ample latitude est d’ordinaire laissée à l’État pour prendre des mesures d’ordre général en matière économique ou sociale (Burden c. Royaume-Uni [GC], no 13378/05, § 60, CEDH 2008, Carson et autres c. Royaume-Uni, précitée, § 61, Şerife Yiğit c. Turquie [GC], no 3976/05, § 70, 2 novembre 2010, et Stummer c. Autriche [GC], no 37452/02, § 89, CEDH 2011). Toutefois, seules des considérations très fortes peuvent amener la Cour à estimer compatible avec la Convention une différence de traitement exclusivement fondée sur la nationalité (Gaygusuz c. Autriche, 16 septembre 1996, § 42, Recueil des arrêts et décisions 1996-IV, Koua Poirrez c. France, no 40892/98, § 46, CEDH 2003-X, Andrejeva c. Lettonie [GC], no 55707/00, § 87, CEDH 2009, et Ponomaryovi c. Bulgarie, no 5335/05, § 52, CEDH 2011).

    b)  L’application des principes susmentionnés au cas d’espèce

    43.  La Cour observe d’emblée que la différence de traitement invoquée par les requérants affecte leur droit à percevoir une prestation pécuniaire mais n’a pas d’influence en tant que telle sur le droit de leurs enfants à résider et circuler en France, ceux-ci étant titulaires d’un DCEM. Elle note que si ce document est destiné à faciliter la présence et les déplacements de ces derniers, il ne constitue pas un titre de séjour à part entière.

    44.  La Cour n’estime pas nécessaire de trancher la question de savoir si la situation des requérants est comparable, au sens de l’article 14 de la Convention, à celle d’autres personnes auxquelles le bénéfice des allocations familiales est accordé par les autorités nationales, compte tenu de son appréciation relative à l’existence d’une justification objective et raisonnable. Elle constate en effet une différence de traitement entre les requérants et les parents recevant ces prestations, fondée sur un critère lié à la nationalité et au respect par certains parents étrangers des dispositions légales applicables au regroupement familial. La Cour note que celle-ci intervient dans le domaine économique et social et qu’elle n’est pas exclusivement fondée sur la nationalité. Or, elle rappelle que selon sa jurisprudence, une ample marge d’appréciation doit être laissée à l’État dans pareille situation (paragraphe 42 ci-dessus).

    45.  S’agissant de la justification de cette différence de traitement, la Cour relève que les requérants se sont vus refuser les allocations familiales en raison du caractère irrégulier de l’entrée en France de leurs enfants. Elle en conclut que la mesure est la conséquence d’un comportement volontaire des requérants contraire à la loi. À ce titre, elle observe que ceux-ci ne soutiennent pas que les règles applicables au regroupement familial qu’ils se sont abstenus de respecter aient, en elles-mêmes, un caractère discriminatoire. Ils ne fournissent d’ailleurs pas d’explication sur les motifs qui les ont conduits à adopter cette attitude.

    46.  En l’espèce, la Cour accorde une grande importance à l’existence d’une faculté de régularisation effective permettant aux personnes s’étant vu refuser des prestations de les obtenir finalement. À cet égard, elle note que la décision du Conseil constitutionnel du 15 décembre 2005 (paragraphe 24 ci-dessus), accompagnée de la jurisprudence produite par le Gouvernement, ainsi que des décisions fournies par Mme Selpa Lokongo, attestent de la réalité de la possibilité d’obtenir le regroupement familial pour un enfant se trouvant déjà sur le territoire français. Or, d’une part, s’agissant de la requête no 76860/11, la Cour constate que M. et Mme Okitaloshima Okonda Osungu indiquent ne pas avoir présenté de demande à ce titre, notamment en raison des dispositions de l’article L. 431-3 du CESEDA qui prévoient une sanction en cas de non-respect de la procédure de regroupement familial. Elle relève toutefois que ce texte n’est pas applicable aux étrangers qui, comme les intéressés, résident régulièrement en France depuis plus de dix ans. D’autre part, s’agissant de la requête no 51354/13, elle observe que Mme Selpa Lokongo affirme, sans en justifier, avoir sollicité un regroupement familial sur place au bénéfice de sa fille, auprès de l’OFII, sans obtenir de réponse écrite. La Cour constate qu’en tout état de cause, la requérante ne démontre pas avoir effectué les démarches qui lui auraient permis d’obtenir une décision, même implicite, susceptible de recours devant les juridictions administratives.

    47.  La Cour en conclut qu’aucun des requérants ne justifie avoir entrepris des démarches sérieuses pour bénéficier de la jurisprudence relative au regroupement familial sur place, alors même que ceux-ci jouissent par ailleurs de ressources susceptibles de répondre aux critères fixés par l’administration. Ainsi, elle note que Mme Selpa Lokongo indique dans sa requête vivre dans des conditions de logement et de ressources supérieures à celles exigées pour pouvoir bénéficier du regroupement familial, la superficie de son appartement étant nettement plus vaste que le minimum prévu et le foyer qu’elle constitue avec son époux ayant bénéficié en 2012 d’un revenu fiscal de référence de 24 152 euros. De même, elle observe que M. et Mme Okitaloshima Okonda Osungu ont obtenu la même année, selon les pièces versées à l’appui de leurs observations, un revenu fiscal de référence de 34 873 euros. Dans ces conditions, la Cour estime que les requérants ne démontrent pas que la possibilité d’obtenir le regroupement familial sur place, invoquée par le Gouvernement, aient été ineffective dans les circonstances de l’espèce.

    48.  La Cour en conclut que le refus d’attribuer les allocations familiales aux requérants était dû, non pas à leur seule nationalité ou à tout autre critère couvert par l’article 14, mais au non-respect par eux des règles applicables au regroupement familial prévues par le livre IV du CESEDA, ces dernières constituant une différence de traitement reposant sur une justification objective et raisonnable.

    49.  Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

    C.  Sur le grief tiré de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 1 du Protocole no 1

    50.  Les requérants de la requête no 76860/11 allèguent également une violation de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 1 du Protocole no 1, du fait du refus de leur accorder le bénéfice des prestations familiales au titre de leurs enfants les ayant rejoints en dehors du regroupement familial.

    51.  Le Gouvernement oppose l’irrecevabilité de ce grief, faute pour les requérants d’avoir expressément invoqué l’article 1 du Protocole no 1 devant les juridictions internes.

    52.  La Cour ne juge pas nécessaire d’examiner l’exception soulevée par le Gouvernement portant sur l’épuisement des voies de recours internes, cette partie de la requête devant de toute manière être rejetée pour cause d’irrecevabilité, compte tenu des conclusions de la Cour s’agissant du grief tiré des articles 8 et 14 combinés (paragraphe 50 ci-dessus).

    53.  Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

    Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

    Décide de joindre les requêtes ;

    Déclare les requêtes irrecevables.

     

    Fait en français puis communiqué par écrit le 1er octobre 2015.

    Claudia Westerdiek                                                              Josep Casadevall
           Greffière                                                                              Président


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