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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> H.A. v. GREECE - 58424/11 (Judgment (Merits and Just Satisfaction) : Court (First Section)) French Text [2016] ECHR 108 (21 January 2016)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2016/108.html
Cite as: [2016] ECHR 108

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    PREMIÈRE SECTION

     

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE H.A. c. GRÈCE

     

    (Requête no 58424/11)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

    STRASBOURG

     

    21 janvier 2016

     

     

     

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

     


    En l’affaire H.A. c. Grèce,

    La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

              Mirjana Lazarova Trajkovska, présidente,
              Päivi Hirvelä,
              Kristina Pardalos,
              Linos-Alexandre Sicilianos,
              Paul Mahoney,
              Aleš Pejchal,
              Robert Spano, juges,

    et de André Wampach, greffier adjoint de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 15 décembre 2015,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 58424/11) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant iranien, M. H.A. (« le requérant »), a saisi la Cour le 5 juillet 2011 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). La présidente de la section a accédé à la demande de non-divulgation de son identité formulée par le requérant (article 47 § 4 du règlement).

    2.  Le requérant a été représenté par Mes I.-M. Tzeferakou et A. Tsapopoulou, avocates au barreau d’Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par le délégué de son agent, M. I. Bakopoulos, assesseur au Conseil juridique de l’État.

    3.  Le requérant allègue en particulier une violation des articles 3, 13 et 5 de la Convention.

    4.  Le 10 juin 2013, la requête a été communiquée au Gouvernement.

    EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

    5.  Le requérant est né en 1974.

    A.  La procédure relative à l’expulsion et la détention du requérant

    6.  Le 9 août 2010, le requérant arriva en Grèce et fut arrêté par la police dans la région de Soufli, à Evros.

    7.  Le 12 août 2010, le procureur d’Alexandroupoli décida de ne pas engager de poursuites contre le requérant afin qu’il soit renvoyé dans son pays d’origine via la Turquie.

    8.  Le même jour, le directeur de la Direction de la police des frontières de Soufli ordonna son renvoi vers la Turquie. Ce renvoi fut finalement reporté en raison du refus d’admission des autorités turques.

    9.  Le 13 août 2010, le directeur de la Direction de police d’Alexandroupoli ordonna la mise en détention provisoire du requérant pour une période maximale de trois jours, jusqu’à la reddition de la décision de son expulsion (décision no 9760/20-3240/1-α’). Le requérant prétend que pendant sa détention, il n’avait reçu aucune information sur son statut, sur les raisons de sa détention ou sur les recours disponibles. Il se vit notifier la décision de détention mais sans aucune explication sur son contenu. La décision d’expulsion ne lui avait jamais été notifiée et il avait été obligé de signer des documents en grec dont il ne comprenait pas le contenu. Le centre de Soufli, où il fut détenu en vue de son expulsion, ne disposait d’aucun interprète.

    10.  Le 17 août 2010, le directeur de la Direction de police d’Alexandroupoli ordonna l’expulsion du requérant, ainsi que son maintien en détention pour une période ne pouvant pas aller au-delà de six mois maximum à partir de sa mise en détention (décision no 9760/20-3240/1-β’). La décision constatait que le requérant n’avait pas déposé d’objections contre la décision d’expulsion dans un délai de quarante-huit heures. Elle réitérait qu’il risquait de fuir. Enfin, elle prévoyait que l’expulsion pouvait être suspendue au cas où le requérant introduirait un recours.

    11.  À des dates non précisées en novembre et décembre 2010, les avocates du requérant lui rendirent visite à deux reprises au centre de rétention de Soufli afin de lui offrir une assistance judiciaire.

    12.  Le 13 décembre 2010, par l’intermédiaire de ses avocates, le requérant formula des objections contre sa détention devant le tribunal administratif d’Alexandroupoli. Se prévalant de la jurisprudence de la Cour, il invoquait notamment l’impossibilité de procéder à son expulsion, ainsi que les conditions inacceptables de sa détention à Soufli, à savoir le surpeuplement, le manque d’hygiène et d’accès à la lumière naturelle. Il invoquait également la lettre du représentant en Grèce du Haut Commissariat des Nations-Unies pour les Réfugiés faisant état des constats lors d’une visite au poste frontière de Soufli, effectuée du 29 septembre au 1er octobre 2010.

    13.  Le 17 décembre 2010, le président du tribunal administratif d’Alexandroupoli rejeta les objections. Il releva notamment que le requérant présentait un risque de fuite, compte tenu de la manière dont il était entré sur le territoire, des conditions de son arrestation, ainsi que du manque d’éléments permettant d’établir son identité. Quant aux doléances du requérant relatives aux conditions de sa détention, ledit tribunal considéra qu’elles étaient soulevées sans preuves et, en tout état de cause, de manière irrecevable (αλυσιτελώς) (décision P202/2010).

    14.  Le 27 décembre 2010, le requérant sollicita la révocation de la décision P202/2010. Il releva notamment que sa détention n’était pas nécessaire car il pouvait être hébergé à Athènes par une organisation non-gouvernementale et que ses conditions de détention se dégradaient.

    15.  Le 4 janvier 2011, le président du tribunal administratif d’Alexandroupoli fit droit à sa demande. Il considéra que la continuation de la détention du requérant n’était pas légale, compte tenu du fait qu’il pouvait être accueilli par une organisation non-gouvernementale (décision P16/2011).

    16.  Le 5 janvier 2011, le requérant fut remis en liberté.

    B.  Les conditions de détention du requérant

    1.  La version du requérant

    17.  Le requérant fut détenu pendant cinq mois environ au centre de rétention de Soufli. Il prétend que pendant toute la durée de sa détention, il ne put jamais sortir à l’extérieur du bâtiment, ne fit aucun exercice physique et ne vit jamais le soleil ou le ciel. La surpopulation était telle qu’il dormait assis à même le sol sur des cartons, à côté de détritus ou d’eaux usées. L’espace de détention, prévu pour 45 personnes, en accueillait entre 150 et 200. Il n’y avait ni table, ni chaises, ni armoires. Les matelas et les couvertures étaient crasseux. Le dortoir n’était pas chauffé et ne fut jamais nettoyé pendant les cinq mois où le requérant y séjourna. Le requérant n’eut ni brosse à dent et dentifrice, ni savon, ni shampoing, ni papier toilette.

    2.  La version du Gouvernement

    18.  Le Gouvernement décrit le centre de rétention de Soufli, dans lequel le requérant a séjourné, comme suit.

    19.  La capacité du poste-frontière de Soufli s’élevait, à l’époque des faits, à 25 personnes. La nourriture des détenus était fournie trois fois par jour par la préfecture d’Evros qui recourait aux services d’une société privée de restauration. Cette société prenait soin d’éviter d’y intégrer des aliments dont la consommation était contraire aux convictions religieuses de certains détenus.

    20.  En ce qui concerne les soins médicaux, deux unités médicales mobiles étaient actives dans le secteur. Dans les lieux de détention, il y avait une présence quotidienne de personnel médical de la région de l’Évros. Les détenus qui ne pouvaient être traités sur place étaient transférés dans les centres de santé régionaux ou à l’hôpital universitaire d’Alexandroupoli. Le nettoyage des cellules était assuré quotidiennement par des sociétés privées. À des intervalles réguliers, tant les autorités que l’organisation « Médecins sans frontières » fournissaient aux détenus des articles de toilette et d’hygiène personnelle.

    II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

    21.  Le droit et la pratique internes pertinents en l’espèce sont décrits dans les arrêts Bygylashvili c. Grèce (no 58164/10, 25 septembre 2012), Barjamaj c. Grèce (no 36657/11, 2 mai 2013), A.F. c. Grèce (no 53709/11, 13 juin 2013), Horshill c. Grèce (no 70427/11, 1er août 2013), Khuroshvili c. Grèce (no 58165/10, 12 décembre 2013) et B.M. c. Grèce (no 53608/11, 19 décembre 2013).

    III.  LES RAPPORTS DES INSTANCES INTERNATIONALES ET NATIONALES

    A.  Les constats du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), dans le rapport du 10 janvier 2012, établi suite à la visite du 19 au 27 janvier 2011

    22.  Le commissariat de police et le poste frontière de Soufli consistaient en un bâtiment d’un étage destiné à la détention. Le bâtiment incluait deux dortoirs étroits séparés par un paravent ; chacun d’eux avait une plateforme surélevée sur laquelle les détenus dormaient. Il y avait aussi un espace commun donnant accès à une salle de douche et une toilette. La superficie totale de l’espace de détention était de 110 m². Le jour de la visite de la délégation du CPT, 146 hommes y étaient détenus. Pour accéder aux dortoirs, il fallait enjamber des corps car chaque centimètre carré du sol était occupé. Certains détenus dormaient même dans l’espace situé entre le plafond de la douche et le toit. L’odeur des corps était accablante. Une seule toilette fonctionnait, ainsi qu’une douche à l’eau froide. Plusieurs personnes ont rapporté à la délégation qu’elles urinaient le matin dans des bouteilles ou des sacs en plastique. L’éclairage et la ventilation étaient insuffisants. Il n’y avait pas de possibilité d’exercice physique à l’extérieur. La nourriture était aussi insuffisante et il y avait des plaintes que les plus forts parmi les détenus empêchaient d’autres de manger leur ration. Environ 65 personnes avaient été détenues dans le centre pour plus de quatre semaines et 13 pour plus de trois mois et demi.

    B.  Les constats de la Commission nationale pour les droits de l’homme et du Médiateur de la République

    23.  Du 18 au 20 mars 2011, la Commission nationale pour les droits de l’homme et le Médiateur de la République ont visité les centres de rétention des départements d’Evros et de Rodopi afin d’examiner les conditions de détention des étrangers et l’application de la législation relative à l’asile.

    24.  Selon le directeur du centre de rétention de Soufli, sa capacité maximale était de 36 personnes et à condition que la détention ne dure que quelques jours, le centre ne se prêtant pas pour des détentions de longue durée. À la date de la visite de la Commission, le centre en accueillait 56, dont la plupart étaient détenus pendant trois ou quatre mois. Dans un passé récent, le nombre avoisinait les 150 personnes. Les conditions de détention étaient « inadmissibles ». Le plus grand nombre de détenus dormait par terre dans les dortoirs mais aussi dans le hall qui servait pour la promenade de détenus. L’une des deux installations sanitaires (comprenant des toilettes et douches) était en panne. Ainsi, l’ensemble des détenus utilisait l’autre installation, avec toutes les conséquences que cela pouvait entraîner d’un point de vue hygiénique. La promenade dans la cour extérieure du centre dépendait du nombre des détenus, car celui des gardiens ne suffisait pas pour assurer la sécurité et empêcher les évasions. La Commission et le Médiateur concluaient que la présence d’un médecin, d’un psychologue et d’une infirmière ne pouvait pas compenser les conditions de détentions inhumaines et dégradantes.

    EN DROIT

    I.  SUR L’EXCEPTION PRÉLIMINAIRE DU GOUVERNEMENT TIRÉ DU NON-ÉPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS INTERNES

    25.  Le Gouvernement soulève deux exceptions de non-épuisement des voies de recours internes, l’une générale, l’autre visant le grief relatif aux conditions de détention.

    26.  Le Gouvernement soutient, d’une part, que le requérant n’a pas introduit ses objections contre la décision du 13 août 2010, ordonnant sa détention provisoire, ou une demande de sursis à exécution de la mesure d’expulsion. Il ajoute que le requérant, en formulant ses objections contre sa détention devant le tribunal administratif d’Alexandroupoli, le 13 décembre 2010, n’a pas soumis de preuves concernant son identité et les mauvaises conditions de sa détention. Dès lors, par sa décision P202/2010, ledit tribunal a rejeté ses objections. Il note que lorsque le requérant sollicita, le 4 janvier 2011, la révocation de cette décision avec une motivation suffisante, le tribunal administratif, par sa décision no 16/2011, a fait droit à sa demande et a ordonné sa mise en liberté. Le Gouvernement en déduit que le requérant n’a pas satisfait à l’exigence de l’épuisement des voies de recours internes en ce qui concerne l’ensemble de la requête.

    27.  Le requérant rétorque que dans les circonstances de la cause, il a fait tout ce qu’il pouvait raisonnablement faire pour épuiser les voies de recours internes existantes qui lui étaient accessibles. Il affirme que les objections contre la décision du directeur de la Direction de police d’Alexandroupoli n’étaient pas un recours accessible, étant donné qu’il n’a pas été informé de ses droits et qu’il ne bénéficiait pas, à l’époque, de l’assistance d’un avocat. Selon le requérant, la pratique administrative consiste à rejeter ce recours d’une façon stéréotypée sans examiner son contenu. Quant à la demande de sursis à exécution de la mesure d’expulsion, il souligne notamment que le chef hiérarchique de la police n’est pas une autorité qui remplit les conditions d’impartialité et d’objectivité nécessaires à l’efficacité du recours. En ce qui concerne les objections devant le tribunal administratif, le requérant soutient qu’il avait soumis toutes les informations concernant ses conditions de détention, ainsi que la lettre du représentant en Grèce du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés faisant état des constats d’une visite au poste frontière de Soufli effectuée du 29 septembre au 1er octobre 2010 (voir l’affaire B.M. c. Grèce, no 53608/11, §§ 46-50, 19 décembre 2013). Il allègue, en outre, qu’il n’avait pas les moyens d’engager un avocat et, qu’à l’époque des faits, les programmes d’assistance juridique dans la région d’Evros n’étaient pas encore opérationnels.

    28.  La Cour rappelle que la finalité de l’article 35 § 1 de la Convention est de ménager aux États contractants l’occasion de prévenir ou de redresser les violations alléguées contre eux avant que ces allégations ne soient soumises à la Cour. Les États n’ont donc pas à répondre de leurs actes devant un organisme international avant d’avoir eu la possibilité de redresser la situation dans leur ordre juridique interne. Dans le cadre de cet article, un requérant doit se prévaloir des recours normalement disponibles et suffisants pour lui permettre d’obtenir réparation des violations qu’il allègue (Tanase c. Moldova [GC], no 7/08, § 120, CEDH 2010). Le requérant doit avoir fait un usage normal des recours internes vraisemblablement efficaces et suffisants et, lorsqu’une voie de recours a été utilisée, l’usage d’une autre voie dont le but est pratiquement le même n’est pas exigé (Kozacıoğlu c. Turquie [GC], no 2334/03, § 40, 19 février 2009, et Micallef c. Malte [GC], no 17056/06, § 58, CEDH 2009).

    29.  La Cour note que le requérant n’a été représenté par un avocat qu’à partir d’une date non précisée en novembre 2010. Par la suite, il a introduit deux recours par lesquels il sollicitait sa mise en liberté : le premier, le 13 décembre 2010, devant le président du tribunal administratif d’Alexandroupoli, dans lequel il invoquait notamment l’impossibilité pour les autorités de procéder à son expulsion, ainsi que les conditions inacceptables de sa détention à Soufli ; le second, le 27 décembre 2010, devant le président du tribunal administratif d’Alexandroupoli, dans lequel il sollicitait la révocation de la décision rejetant ses premières objections. Elle observe que ces recours permettaient au requérant de contester la légalité de sa détention et au président du tribunal administratif de le mettre en liberté s’il estimait que celui-ci n’était pas dangereux pour l’ordre public ou n’était pas susceptible de fuir. Depuis le 1er janvier 2011, cette compétence a été étendue à tout autre motif ayant trait à la légalité admis par les tribunaux administratifs dans leur jurisprudence relative à la mise en œuvre de l’article 76 de la loi n3386/2005. C’est sur cette base que le président du tribunal administratif a décidé de mettre en liberté le requérant, le 4 janvier 2011.

    30.  Dans ces conditions, la Cour estime que le Gouvernement ne saurait prétendre que le requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes. Il convient donc de rejeter l’exception dont il s’agit.

    31Dans ses observations sur les demandes de satisfaction équitable formulées par le requérant, le Gouvernement soutient, d’autre part, que le requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes en ce qui concerne son grief relatif aux conditions de détention, car il a omis d’introduire une action en dommages-intérêts sur le fondement de l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil.

    32.  La Cour rappelle qu’elle a déjà constaté qu’un recours indemnitaire sur le fondement de l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil pour cause de conditions de détention inhumaines et dégradantes dans les centres de rétention pour étrangers ne présente pas une chance raisonnable de succès et n’offrait pas aux personnes détenues dans ces centres un redressement approprié (A.F. c. Grèce, précité, § 62). Elle rappelle aussi avoir déjà conclu que, nonobstant le fait qu’un requérant n’a pas fait usage de la voie suggérée par le gouvernement défendeur, en l’état actuel de la jurisprudence nationale, le grief de l’intéressé ne saurait être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes (de los Santos et de la Cruz c. Grèce, nos 2134/12 et 2161/12, § 37, 26 juin 2014, § 37). Le Gouvernement n’a présenté aucun élément de nature à renverser cette opinion. La Cour rejette donc l’exception du Gouvernement sur ce point.

    II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION DU FAIT DES CONDITIONS DE dÉtention DU REQUÉRANT

    33.  Le requérant se plaint des conditions de détention dans le centre de rétention de Soufli. Il invoque l’article 3 de la Convention, disposition ainsi libellée :

    Article 3

    « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

    A.  Sur la recevabilité

    34.  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

    B.  Sur le fond

    1.  Arguments des parties

    35.  Le Gouvernement renvoie à sa version concernant les conditions de détention dans le centre de rétention en cause (voir paragraphes 18-20 ci-dessus). Il admet qu’à l’époque des faits l’accomplissement des formalités d’identification des détenus, leur renvoi vers d’autres centres de rétention, ou leur expulsion, nécessitaient du temps. Qui plus est, les autorités devaient faire face à un problème objectif, à savoir l’affluence d’étrangers en Grèce. Or le Gouvernement affirme que les conditions de détention dans le centre de rétention de Soufli étaient certes « difficiles » mais ni inhumaines ni dégradantes.

    36.  Le requérant se réfère à sa version concernant les conditions de détention, ainsi qu’aux rapports des instances internationales et nationales (voir paragraphes 22-24 ci-dessus).

    2.  Appréciation de la Cour

    37.  En ce qui concerne les principes généraux concernant l’application de l’article 3 de la Convention dans des affaires soulevant des questions similaires à celles posées par la présente, la Cour renvoie à sa jurisprudence pertinente en la matière (voir notamment, Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, §§ 90-94, CEDH 2000-XI ; Peers c. Grèce, no 28524/95, §§ 67-68, CEDH 2001-III ; Kalachnikov c. Russie, no 47095/99, § 95, CEDH 2002-VI ; Riad et Idiab c. Belgique, nos 29787/03 et 29810/03, § 97, 24 janvier 2008 ; Tabesh, no 8256/07, §§ 34-37 26 novembre 2009 ; Rahimi c. Grèce, no 8687/08, §§ 59-62, 5 avril 2011 ; R.U. c. Grèce, no 2237/08, §§ 54-56, 7 juin 2011 ; A.F. c. Grèce, précité ; de los Santos et de la Cruz c. Grèce, précité, § 43).

    38.  La Cour rappelle de même qu’elle a déjà conclu à la violation de l’article 3 de la Convention, à plusieurs reprises, dans des affaires contre la Grèce relatives aux conditions de détention d’étrangers dans le centre de rétention de Soufli (S.D. c. Grèce, no 53541/07, 11 juin 2009, R.U. c. Grèce, précité, B.M. c. Grèce, précité et F.H. c. Grèce, no 78456/11, 31 juillet 2014).

    39.  En l’espèce, la Cour note que le requérant a été détenu du 9 août 2010 au 5 janvier 2011 dans le centre de rétention de Soufli, soit pendant une période de cinq mois.

    40.  Compte tenu des constats auxquels elle est parvenue dans les arrêts précités et de ceux contenus dans les rapports des différentes institutions nationales et internationales qui se sont rendues dans ce centre au cours de la période en cause (paragraphes 22-24 ci-dessus), la Cour note que dans le cas présent il n’y existe aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente. Elle considère que le requérant a été détenu dans des conditions de surpopulation et d’hygiène déplorables, incompatibles avec l’article 3 de la Convention et qui ont constitué à son endroit un traitement dégradant.

    41.  Il y a donc eu violation de l’article 3 de la Convention à cet égard.

    III.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 5 §§ 1 ET 4 AINSI QUE 13 DE LA CONVENTION

    42.  Invoquant l’article 5 § 1 de la Convention, le requérant se plaint également que sa détention était illégale car effectuée dans des conditions contraires à l’article 3 de la Convention et maintenue en dépit du fait que l’expulsion n’était pas immédiatement exécutoire. Le requérant se plaint également qu’en raison de ses conditions de détention et du manque d’assistance judiciaire suffisante, il n’a pu formuler ses objections que le 13 décembre 2010 et que le tribunal administratif les a rejetées par sa décision P202/2010 sans même examiner la question des conditions de détention. Invoquant l’article 3 de la Convention combiné avec l’article 13 de la Convention, le requérant dénonce l’absence d’un recours effectif pour se plaindre de ses conditions de détention.

    A.  Sur la recevabilité

    43.  Dans ses observations sur les demandes de satisfaction équitable formées par le requérant, le Gouvernement excipe du non-respect du délai de six mois, car la requête a été introduite le 5 juillet 2011, soit plus de six mois après le début de la détention du requérant, le 9 août 2010, ainsi que la première décision du tribunal administratif d’Alexandroupoli, le 13 décembre 2010.

    44.  La Cour rappelle que la période de six mois commence à courir à la date à laquelle le requérant et/ou son avocat a eu une connaissance suffisante de la décision interne définitive (Koç et Tosun c. Turquie (déc.) no 23852/04, 13 novembre 2008).

    45.  Elle note qu’en l’espèce, après le rejet des premières objections du requérant, l’article 76 § 5 de la loi no 3386/2005 lui offrait la possibilité d’introduire une demande de révocation de cette décision. Elle observe que, comme il ressort du dossier, le requérant, comme ses avocates résidant à Athènes, n’ont pris connaissance de la décision du tribunal administratif statuant sur cette demande que le 5 janvier 2011, date à laquelle il a été mis en liberté, et a saisi la Cour le 5 juillet 2011. Partant, il convient d’écarter cette exception préliminaire.

    46.  La Cour constate en outre que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

    B.  Sur le fond

    1.  Sur le grief tiré de l’article 5 § 1 de la Convention relatif à la régularité de la mise en détention

    a) Arguments des parties

    47.  Le Gouvernement soutient, en premier lieu, qu’après l’arrestation du requérant le directeur du centre de rétention de Soufli a ordonné son expulsion vers la Turquie. Cependant, celle-ci n’a pas pu être effectuée en raison du refus d’admission des autorités turques. En second lieu, il affirme que le requérant aurait dû formuler des objections contre sa détention plus rapidement. Le Gouvernement souligne en outre que le tribunal administratif a ordonné la remise en liberté du requérant, qui a eu lieu dans le délai de six mois fixé par l’article 76 § 3 de la loi no 3386/2005.

    48.  Le requérant rétorque qu’après le refus initial des autorités turques de l’admettre, les autorités grecques n’ont entrepris aucune démarche afin de l’expulser et sont restées inactives pendant cinq mois. Il affirme que la décision de lui imposer la mesure de détention avait été prise automatiquement et non pas comme mesure de dernier ressort et qu’il n’a pas été informé des raisons et de la durée de sa détention. Le requérant soutient enfin que sa détention était arbitraire en raison de sa durée, combinée avec les conditions de celle-ci.

    b) Appréciation de la Cour

    49.  En ce qui concerne les principes généraux régissant l’application de l’article 5 § 1 de la Convention dans des affaires soulevant des questions similaires à celles posées par la présente, la Cour renvoie à sa jurisprudence pertinente en la matière (voir notamment, Saadi c. Royaume-Uni [GC], no 13229/03, §§ 64 et 74, CEDH 2008, CEDH 2009, Chahal c. Royaume-Uni, 15 novembre 1996, § 73, Recueil 1996-V, Baranowski c. Pologne, no 28358/95, §§ 50-52, CEDH 2000-III, Barjamaj, précité, et Khuroshvili, précité).

    50.  En l’occurrence la Cour note, en premier lieu, que la privation de liberté du requérant était fondée sur l’article 76 de la loi n3386/2005. Partant, la Cour estime que la situation litigieuse tombe sous le coup de l’alinéa f) de l’article 5 § 1 de la Convention et trouve un fondement en droit interne. La Cour rappelle sur ce point que l’article 5 § 1 f) n’exige pas que la détention d’une personne contre laquelle une procédure d’expulsion est en cours soit considérée comme raisonnablement nécessaire, par exemple pour l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir (Chahal, précité, § 112). Au vu de ce qui précède, la Cour considère que la détention du requérant servait à l’empêcher de rester irrégulièrement sur le territoire grec et à garantir son éventuelle expulsion. Par conséquent, elle estime que la bonne foi des autorités compétentes ne peut pas être mise en question en l’espèce.

    51.  En deuxième lieu, ayant conclu à une violation de l’article 3 en raison des conditions de détention dans le centre de rétention de Soufli, la Cour n’estime pas nécessaire de se placer séparément une fois de plus sur ce terrain sous l’angle de l’article 5 § 1 f) (voir Horshill, précité).

    52.  En troisième lieu, s’agissant de la durée de la détention, la Cour rappelle que, dans le contexte de l’article 5 § 1 f), seul le déroulement de la procédure d’expulsion justifie la privation de liberté fondée sur cette disposition et que, si la procédure n’est pas menée avec la diligence requise, la détention cesse d’être justifiée (Chahal, précité, § 113). En l’espèce, la Cour note que la détention du requérant, ordonnée en vue de son expulsion, n’était pas possible dans l’immédiat en raison des démarches administratives nécessaires pour assurer son expulsion.

    53.  La Cour note cependant que le requérant est resté en détention pour une période de cinq mois, à savoir du 9 août 2010 au 5 janvier 2011, sans introduire une demande d’asile. La Cour prend note, sur ce point, du fait que le 12 août 2010, le directeur de la Direction de la police des frontières de Soufli a ordonné son renvoi vers la Turquie et que ce renvoi a finalement été reporté en raison du refus d’admission des autorités turques. Or, dans les cinq mois environ qui se sont écoulés après ladite décision, il apparait que les autorités internes n’ont entrepris aucune démarche pour matérialiser l’expulsion, tel que le contact avec les autorités iraniennes afin de lui faire délivrer des documents de voyage pour procéder à son expulsion vers l’Iran.

    54.  Faute pour les autorités internes d’avoir agi avec la diligence requise pour mener l’expulsion du requérant, la Cour constate que la détention a cessé d’être justifiée au regard de l’article 5 § 1 f). La Cour conclut qu’il y a eu violation de cette disposition.

    2.  Sur les griefs tirés des articles 5 § 4 et 13 de la Convention relatifs à l’ineffectivité du contrôle juridictionnel de la détention

    a) Thèses des parties

    55.  Le Gouvernement allègue qu’en vertu de la loi no 3900/2010, l’article 76 de la loi no 3386/2005 a été modifié et le juge administratif a dorénavant expressément le pouvoir de contrôler la légalité de la détention des personnes qui se trouvent sous écrou en vue de leur expulsion. Il affirme que le moyen de droit prévu par l’article 76 de la loi no 3386/2005 est effectif et que le tribunal administratif a examiné les conditions de détention du requérant à deux reprises, par ses décisions P202/2010 et P16/2011, suite à laquelle il a été libéré. Il soutient que le requérant aurait dû formuler ses objections devant le tribunal administratif plus rapidement. Il ajoute que le Conseil grec pour les réfugiés aurait eu la possibilité d’assister le requérant, dans le cadre d’un programme du Fonds européen pour les réfugiés.

    56. Le requérant rétorque que, même après l’amendement de la loi no 3900/2010, le tribunal administratif d’Alexandroupoli a continué à fonder ses décisions sur la résidence connue des intéressés, sur leurs problèmes de santé et leurs liens avec la Grèce, et qu’il n’a jamais pris en considération d’autres motifs tel que la notion d’arbitraire au sens de l’article 5 § 1 de la Convention. Il soutient en outre que ce voie de recours ne permet pas à un étranger détenu de se plaindre de ses conditions de détention, que le juge administratif n’est pas en mesure d’ordonner leur amélioration et que les jugements mentionnés par le Gouvernement ont tous été pris par le même juge. À cet égard, il cite d’autres décisions de la même juridiction qui établiraient que le recours par voie d’objections est dépourvu d’effectivité, car il existe - à ses dires - une pratique claire consistant à ne pas examiner les conditions de détention. Le requérant affirme, en outre, que lors de l’examen du recours en cause, le juge administratif n’est pas en mesure d’octroyer un redressement approprié pour le dommage subi à cause des conditions de détention. Il affirme qu’en l’espèce, le tribunal administratif d’Alexandroupoli a uniquement examiné s’il présentait un risque de fuite et s’il disposait d’un domicile fixe, sans pour autant statuer sur la légalité de sa détention. Il soutient que le recours prévu par l’article 76 de la loi no 3386/2005 ne lui a pas été accessible, en raison de l’absence d’assistance judiciaire et ajoute que les programmes du Fonds européen pour les réfugiés s’adressent uniquement aux demandeurs d’asile, ce qui n’a pas été son cas.

    b)  Appréciation de la Cour

    57.  En ce qui concerne les principes généraux régissant l’application de l’article 5 § 4 de la Convention dans des affaires soulevant des questions similaires à celles posées par la présente, la Cour renvoie à sa jurisprudence pertinente en la matière (voir notamment, Dougoz c. Grèce, no 40907/98, § 61, CEDH 2001-II, S.D. c. Grèce, précité, A.A. c. Grèce, précité, et Herman et Serazadishvili c. Grèce, no 26418/11 et 45884/11, § 71, 24 avril 2014).

    58.  En l’espèce la Cour note, tout d’abord, qu’en ce qui concerne les objections qu’un étranger peut formuler à l’encontre de la décision ordonnant sa détention en vue de son expulsion, le quatrième paragraphe de l’article 76 de la loi no 3386/2005 prévoyait, jusqu’au 1er janvier 2011, soit à l’époque des premières objections du requérant, que ledit organe judiciaire pouvait examiner la décision de la détention uniquement sur le terrain du risque de fuite ou de danger pour l’ordre public. La Cour a, à plusieurs reprises, considéré que cette formulation était empreinte d’ambiguïté dans la mesure où, tel qu’il était rédigé, l’article 76 § 4 n’accordait pas expressément au juge le pouvoir d’examiner la légalité du renvoi qui constituait, selon le droit grec, le fondement juridique de la détention (R.U. c. Grèce, précité, § 103 ; A.A. c. Grèce, précité, § 73 ; Tabesh, précité, § 62 ; S.D. c. Grèce, précité, § 73).

    59.  Il est vrai qu’en vertu de la loi no 3900/2010 le paragraphe 4 de l’article 76 de la loi no 3386/2005 a été modifié et prévoit désormais que le juge compétent « se prononce aussi sur la légalité de la détention ou de sa prolongation », ce qui inclut aussi les conditions matérielles de détention. Or, la Cour note que la loi no 3900/2010 est entrée en vigueur le 1er janvier 2011, tandis qu’en l’occurrence le tribunal administratif a statué sur les premières objections du requérant le 17 décembre 2010. Partant, les conclusions auxquelles la Cour est déjà parvenue dans la jurisprudence précitée quant à l’effectivité des objections devant le président du tribunal administratif sont aussi valables dans la présente affaire (voir Herman et Serazadishvili, précité, § 72). En se penchant sur les circonstances particulières de l’espèce, la Cour observe que la décision no P202/2010 du président du tribunal administratif d’Alexandroupoli a rejeté les objections du requérant à l’égard de sa mise en détention sans examiner sa légalité dans son ensemble et en rejetant comme irrecevables les arguments concernant ses conditions de détention. En effet, ledit tribunal se contenta de constater que le requérant était susceptible de fuir. La seconde procédure ne peut pas remédier aux défauts de la première car elle a accepté les objections au seul motif que l’intéressé pouvait être pris en charge par une organisation non-gouvernementale, sans remettre en cause les conclusions auxquelles le président du tribunal administratif était parvenu le 17 décembre 2010.

    60.  La Cour considère que les insuffisances du droit interne à l’époque des faits quant à l’effectivité du contrôle juridictionnel de la mise en détention aux fins d’expulsion ne peuvent se concilier avec les exigences de l’article 5 § 4 de la Convention. Elle conclut donc qu’il y a eu violation de cette disposition.

    61. Enfin, eu égard aux faits de l’espèce, aux thèses des parties et aux conclusions formulées sous l’angle de l’article 5 § 4 de la Convention, la Cour estime qu’elle a examiné les principales questions juridiques soulevées par la présente requête quant à l’effectivité des recours internes disponibles et qu’il n’y a pas lieu de statuer séparément sur le grief tiré de l’article 13 de la Convention, l’article 5 § 4 constituant une lex specialis par rapport aux exigences plus générales de l’article 13 (Nikolova c. Bulgarie [GC], no 31195/96, § 69, CEDH 1999-II).

    IV.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 2 DE LA CONVENTION

    62.  Invoquant l’article 5 § 2 de la Convention, le requérant se plaint qu’il n’a pas été informé dans une langue qu’il comprenait des motifs de sa détention et des voies de recours disponibles à ceux qui sont détenus en vue de leur expulsion.

    63.  Eu égard au constat relatif à l’article 5 § 4 (paragraphe 60 ci-dessus), la Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner s’il y a eu, en l’espèce, violation de cette disposition (voir, entre autres, Rahimi, précité).

    V.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    64.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    65.  Le requérant réclame 7 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi.

    66.  Le Gouvernement estime que la somme réclamée est excessive et arbitraire et qu’en tout cas, si la Cour considère qu’il faut accorder une satisfaction pécuniaire, celle-ci doit être inférieure à 3 500 EUR.

    67.  La Cour considère que le requérant a souffert un préjudice moral, du fait de la violation de ses droits garantis par les articles 3, 5 §§ 1 et 4 de la Convention. Ce préjudice moral ne se trouve pas suffisamment compensé par les constats de violation. Statuant en équité, la Cour considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant la somme de 6 500 EUR pour préjudice moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt.

    B.  Frais et dépens

    68.  Le requérant n’a présenté aucune demande au titre de frais et dépens. Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de lui octroyer de somme à ce titre.

    C.  Intérêts moratoires

    69.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la requête recevable ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention en ce qui concerne les conditions de détention dans le centre de rétention de Soufli ;

     

    3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention ;

     

    4.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention ;

     

    5.  Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief tiré de l’article 5 § 2 de la Convention, ainsi que celui tiré de l’article 13, combiné avec l’article 3, visant l’effectivité du recours dénonçant les conditions de détention ;

     

    6.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, 6 500 EUR (six mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage.

     

    7.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 21 janvier 2016, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

    André Wampach                                                Mirjana Lazarova Trajkovska
      Greffier adjoint                                                                Présidente

     


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