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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> ALEXEY PETROV v. BULGARIA - 30336/10 (Judgment (Merits and Just Satisfaction) : Court (Fifth Section)) French Text [2016] ECHR 323 (31 March 2016)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2016/323.html
Cite as: [2016] ECHR 323

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    CINQUIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE ALEXEY PETROV c. BULGARIE

     

    (Requête no 30336/10)

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

     

     

    STRASBOURG

     

    31 mars 2016

     

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Alexey Petrov c. Bulgarie,

    La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :

              Angelika Nußberger, présidente,
              Ganna Yudkivska,
              Khanlar Hajiyev,
              André Potocki,
              Yonko Grozev,
              Síofra O’Leary,
              Mārtiņš Mits, juges,
    et de Claudia Westerdiek, greffière de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 1er mars 2016,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 30336/10) dirigée contre la République de Bulgarie et dont un ressortissant de cet État, M. Alexey Iliev Petrov (« le requérant »), a saisi la Cour le 5 mai 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  Le requérant a été représenté par Mes I. Lulcheva et V. Vasilev, avocats à Sofia. Le gouvernement bulgare (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme A. Panova, du ministère de la Justice.

    3.  Le requérant allègue qu’il a été soumis à un traitement inhumain et dégradant au cours de l’opération policière menée à son domicile le 10 février 2010, que les propos de divers magistrats et responsables politiques ont porté atteinte à sa présomption d’innocence et que son droit au respect de sa vie privée a été atteint en raison de l’enregistrement de son arrestation par les policiers et de la transmission de cet enregistrement aux médias.

    4.  Le 20 mars 2014, la requête a été communiquée au Gouvernement.

    EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

    5.  Le requérant est né en 1962 et réside à Sofia.

    A.  Les activités professionnelles du requérant

    6.  Dans les années 1980, le requérant débuta sa carrière professionnelle au sein du ministère de l’Intérieur. Jusqu’en 1989, il fut membre du groupe d’intervention antiterroriste du ministère. En 1990, il obtint le grade d’officier au ministère et un diplôme universitaire d’économie.

    7.  En 1992, il démissionna de son poste. Puis, dans les années 1990, il exerça plusieurs activités dans le milieu des affaires, du sport, de l’enseignement supérieur et de la vie associative : entrepreneur, enseignant universitaire, membre actif d’une association d’entrepreneurs.

    8.  En 2001, il fut recruté par l’Agence nationale de sécurité en tant qu’agent d’infiltration et, plus tard, en tant qu’expert. Il mit fin à ses engagements avec les services de sécurité de l’État bulgare en 2009.

    B.  L’opération « Pieuvre », l’arrestation du requérant et les poursuites pénales menées à son encontre

    9.  Au petit matin du 10 février 2010, les forces spéciales du ministère de l’Intérieur lancèrent une opération d’envergure visant à l’arrestation des membres d’un groupe de type mafieux soupçonnés d’avoir organisé et dirigé un vaste réseau de prostitution et d’être mêlés à différentes affaires d’extorsion, d’appropriation de fonds publics, de racket, de fraude fiscale et de blanchiment d’argent. L’opération fut baptisée « Pieuvre » et reçut une large couverture médiatique. Certains groupes d’intervention du ministère furent accompagnés de caméramans et de photographes lors de l’arrestation des différentes personnes soupçonnées d’appartenir à cette organisation. Plusieurs photographies des personnes arrêtées furent publiées dans la presse écrite et parurent sur des sites Internet.

    10.  Le requérant fut arrêté à son domicile, dans le cadre de cette opération policière, le 10 février 2010. Son arrestation fut filmée et l’enregistrement fut transmis aux médias. Cet enregistrement fut largement utilisé par les chaînes de télévision et les sites d’information en ligne.

    11.  Le requérant a présenté une copie de l’enregistrement vidéo de son arrestation. Celui-ci est composé de plusieurs séquences filmées sur les différents lieux des arrestations et perquisitions effectuées au cours de l’opération « Pieuvre ». Le visage et la tête du requérant n’ayant pas été floutés, il est reconnaissable sur les séquences suivantes. Dans la première séquence, filmée à l’intérieur de la maison du requérant, on aperçoit trois agents spéciaux cagoulés qui pointent leurs armes en direction d’un escalier intérieur. L’un des agents crie « Haut les mains ! Recule ! ». Le requérant apparaît sur l’escalier en reculant. Il porte un jean et un tee-shirt à manches courtes et tient ses mains levées. La séquence suivante montre le requérant, allongé par terre, face contre le sol, et entouré de plusieurs agents spéciaux. L’un des agents l’interpelle à haute voix, tandis qu’un autre agent lui menotte les poignets derrière le dos. La troisième séquence montre le requérant menotté et allongé face contre le sol.

    12.  Le 10 février 2010, le requérant fut inculpé pour avoir organisé et dirigé un groupe criminel armé ayant pour activités principales le recel de biens volés, la fraude fiscale, le proxénétisme et le racket. Par la suite, il fut inculpé de plusieurs autres infractions pénales : le 22 mars 2010, d’un chef d’extorsion par violence ; les 22 mars et 9 août 2010, de deux chefs d’extorsion par menace ; le 30 mars 2010, d’un chef de divulgation d’informations classifiées obtenues dans le cadre de ses fonctions d’expert à l’Agence nationale de sécurité.

    13.  Le 12 février 2010, le requérant fut placé en détention provisoire et, le 13 octobre 2010, il fut assigné à son domicile.

    14.  Il ressort des documents du dossier que les charges retenues à l’encontre du requérant ont fait l’objet de deux procédures pénales distinctes. La première procédure, concernant les charges d’organisation d’un groupe ayant pour activité principale l’évasion fiscale, fut clôturée le 27 février 2014. D’après les dernières informations reçues des parties, en date du 11 septembre 2014, la deuxième procédure pénale, qui regroupait plusieurs charges d’organisation d’un groupe criminel, d’extorsion et de divulgation d’informations classifiées, était pendante en première instance.

    C.  Les propos des responsables politiques et des magistrats relatifs aux poursuites pénales dirigées contre le requérant

    1.  Les propos du ministre de l’Intérieur

    15.  En février 2010, le ministre de l’Intérieur, Ts. Ts. donna plusieurs interviews pour la presse écrite et les médias électroniques concernant l’opération « Pieuvre ».

    16.  Le 11 février 2010, le quotidien national Standart publia l’interview suivante avec le ministre que celui-ci avait donné la veille :

    « Question : Est-ce que Alexey Petrov est parmi les personnes arrêtées ?

    Réponse : Je ne confirmerai pas et je ne démentirai pas la détention d’Alexey Petrov. Je peux tout de même vous dire que les détenus faisaient partie d’un groupe criminel bien hiérarchisé qui commettait des crimes depuis plus de dix ans. (...)

    Q. : De quoi s’agit-il exactement ?

    R. : Il s’agit d’un groupe criminel extrêmement bien organisé, [agissant] sur le territoire du pays, qui a réussi à créer dans les dix dernières années « la pieuvre », dont on parle aujourd’hui (...), par fraude à la TVA, blanchiment d’argent, trafic d’influence et tout ce qui est lié à cette partie du code pénal. (...)

    Q. : Qui est au sommet de cette pyramide ?

    R. : Je ne dirai pas, pour l’instant, qui se trouve au sommet de la pyramide. Je peux dire que tous les [individus] arrêtés hier soir et aujourd’hui sont des personnes qui se trouvent aux niveaux élevés de cette organisation criminelle hiérarchisée. Vous savez que ce matin ont été arrêtés les frères Dambov qui étaient à l’entrée et à la sortie de [l’usine] « Kremikovtsi » ces dernières années, mais aussi le « Tracteur », « Marcello » (...) »

    17.  Le 12 février 2010, dans les couloirs de l’Assemblée nationale, le ministre répondit aux questions de journalistes à propos de l’opération « Pieuvre ». Plus tard dans la journée, lors d’un déplacement en province, il s’exprima également devant les médias sur le même sujet. Le 13 février 2010, le quotidien national 24 chasa publia un article sur les propos du ministre, dont la partie pertinente en l’espèce se lisait ainsi :

    « Ts. a conclu que « la force de Petrov est extrêmement grande » et que sans l’opération en cause « la pieuvre aurait beaucoup plus grandi ». Le ministre n’a pas confirmé le lien entre cette opération et l’opération nommée « Les effrontés ». Cependant, il a affirmé que : « Le simple fait qu’au cours des derniers jours on ne parle pas des autres membres du groupe, mais uniquement de Alexey Petrov, indique qu’il est placé beaucoup plus haut. »

    18.  Le 15 février 2010, le quotidien 24 chasa publia une interview avec le ministre, dont la partie pertinente en l’espèce se lisait ainsi :

    « Journaliste : Monsieur le ministre Ts., qui est à la tête de « la pieuvre », Alexey Petrov ou quelqu’un d’autre ?

    Ministre : Il est la figure respectée dans le processus de mise en place de ce groupe criminel hautement hiérarchisé et il a joué un rôle essentiel partout. L’enquête déterminera s’il y avait quelqu’un au-dessus de lui. (...) »

    19.  Le même jour, le quotidien Standart publia les propos suivants tenus par le ministre :

    « Dans les deux opérations « Les effrontés » et « Pieuvre », on retrouve les mêmes personnes. Un exemple typique est H. Tout le monde sait qui est la personne qui contrôle la plupart des gens dans les milieux de l’assurance et des vols de voitures. Mais les agissements de H. ne sont pas [faits] à l’insu de celui qui se trouve au niveau supérieur, et c’est notamment Alexey Petrov, alias « le Tracteur ». (...) Le fait qu’Alexey Petrov a été agent d’infiltration n’est que de la poudre aux yeux. On peut affirmer sans hésitation que la mafia a fait infiltrer l’un de ses hommes dans l’État. (...) »

    2.  Les propos des autres responsables politiques

    20.  Le 18 février 2010, le quotidien Standart publia les propos suivants du secrétaire du ministère de l’Intérieur :

    « Nos petits films (sur les opérations policières « Les effrontés » et « Pieuvre ») sont parmi les plus vus sur YouTube. Nous avons battu les compagnies cinématographiques. »

    21.  Le 19 février 2010, le site d’information en ligne www.vsekiden.com publia des propos tenus par le Premier ministre sur la décision de la cour d’appel de Sofia de libérer une partie des personnes arrêtées au cours de l’opération « Pieuvre ». La partie pertinente en l’espèce de l’article se lisait ainsi :

    « Je ne veux pas commenter les décisions du tribunal, c’est ainsi qu’ils ont raisonné, c’est ainsi qu’ils ont décidé », c’était le commentaire du Premier ministre B.B. concernant la décision de la cour d’appel de Sofia de libérer cinq des personnes arrêtées au cours de l’opération policière « Pieuvre ». Les seuls qui demeurent derrière les barreaux sont l’ex-agent de l’Agence nationale de sécurité Alexey Petrov, présumé être le fondateur et le dirigeant du groupe criminel, et l’homme d’affaires M.D. D’après B., le fait qu’il y ait des personnes maintenues en détention signifie que les preuves rassemblées à l’heure actuelle sont suffisantes. »

    22.  Le même article citait également les propos suivants de V.S., leader du parti politique Ataka, député à l’Assemblée nationale et membre de la commission parlementaire pour le contrôle des activités de l’Agence nationale de sécurité :

    « L’opération « Pieuvre » doit être menée jusqu’au bout », a insisté le leader d’Ataka. « Ce que Alexey Petrov a affirmé hier ne correspond pas à la réalité. (...) Cet homme adore l’exagération et s’attribue un rôle qui est plus légendaire que le sien. Ce sont des spéculations. Il ne fait que spéculer en affirmant que c’est une affaire politique. C’est une véritable affaire criminelle, de banditisme et de gangsters. »

    23.  Le 27 mai 2010, le site d’information en ligne www.news.bg publia les propos suivants de I.K., président du parti politique DSB, également député à l’Assemblée nationale et membre de la commission parlementaire pour le contrôle des activités de l’Agence nationale de sécurité :

    « Alexey Petrov est devenu dangereux après son entrée à l’Agence nationale de sécurité ». Ceci a été affirmé par I.K. après la réunion de la commission parlementaire pour le contrôle de l’Agence. (...) « Alexey Petrov reçoit l’accès aux informations classifiées et c’est à [partir de] ce moment-là qu’il accède au pouvoir. C’est alors qu’il est capable de porter préjudice (...) à l’État. »

    3.  Les propos des magistrats du parquet

    a)  Les propos du procureur général B.V.

    24.  Le 18 février 2010, le quotidien national Trud a publié une interview avec le procureur général B.V., dont la partie pertinente en l’espèce se lisait comme suit :

    « Question : Donc, il n’est pas vrai que, d’abord, vous arrêtez les gens et que c’est seulement après que vous rassemblez des preuves ?

    Réponse : Au cours des derniers jours, on a recueilli énormément de dépositions, de documents, d’autres indices qui ont confirmé que notre pronostic initial concernant la commission d’actes criminels était justifié. Celui-ci s’est même révélé assez minimaliste. (...) Il est important que des gens nous aient rencontrés et qu’ils nous aient révélé (...) un même schéma de racket et de violence. (...) Il y a également des preuves suffisamment révélatrices d’une activité économique et financière de grande envergure (...).

    Q. : Et tout cela a pour héros principal Alexey Petrov ?

    R. : Les héros principaux sont Alexey Petrov et tous les autres membres du groupe criminel organisé. Vous me demanderez probablement si ce sont toutes les personnes impliquées. Je vous répondrai que je ne crois pas que ce soient tous les participants. Mon pronostic est que le cercle de ces personnes s’élargira.

    Q. : Est-il vrai que Alexey Petrov a emporté des documents classifiés de l’Agence nationale de sécurité ?

    R. : Je ne suis pas sûr de la manière dont je dois interpréter les agissements de Alexey Petrov à l’Agence nationale de sécurité à la lumière du fait qu’on a retrouvé à son bureau beaucoup de documents classifiés (...). À mon avis, c’est suffisant pour sortir du champ des suspicions et des spéculations et de parler de faits avérés. (...) Nous allons méticuleusement chercher à établir [pourquoi] des documents classifiés des services secrets se trouv[ai]ent dans le bureau de Petrov. (...) »

    25.  Le 10 mars 2010, le site d’information en ligne www.focus-news.net publia les propos suivants du procureur général concernant l’arrestation et la détention de Alexey Petrov :

    « C’est la pratique dans le système judiciaire, les suspects sont détenus jusqu’au rassemblement de suffisamment de preuves sur une activité criminelle. C’est difficile de travailler contre les organisations criminelles. »

    26.  Le 23 avril 2010, le quotidien 24 chasa publia une interview avec le procureur général dont la partie pertinente en l’espèce se lisait comme suit :

    « Question : Alexey Petrov est à la tête d’une seule des pieuvres ?

    Réponse : Figurativement parlant, chaque pieuvre (...) a son propre Alexey Petrov. Ne personnifions pas ! »

    b)  Les propos du procureur général adjoint B.N.

    27.  Le 17 mars 2010, le site d’information en ligne www.focus-news.net avait publié une interview avec le procureur général adjoint B.N. La partie pertinente en l’espèce de l’interview se lisait comme suit :

    « Journaliste : (...) L’opération « Pieuvre » - quand est-ce qu’il y aura un acte d’accusation et contre qui ?

    Procureur général adjoint : Les actes d’accusation (...) ne seront pas prêts dans les deux ou trois mois à venir (...).

    J. : Pourquoi ces gens ont-ils été arrêtés avant même le recueil de preuves (...) ?

    P. : Nous avons recueilli suffisamment de preuves pour demander le placement en détention provisoire.

    J. : Actuellement il n’y a que deux détenus !

    P. : L’enquête avance ; elle concerne les crimes les plus graves ; il s’agit de racket, d’extorsions (...).

    J. : Alexey Petrov, comment a-t-il eu ses millions ?

    P. : Il y a plusieurs manières d’accumuler de l’argent - certaines sont légales, la plupart ne le sont pas.

    J. : Quelles sont les voies illégales qu’il a utilisées ?

    P. : (...) appropriation d’entreprises par utilisation de la violence, appropriation des activités de certaines personnes (...) c’est ce que nous avons comme informations pour l’instant. (...)

    J. : Est-ce qu’il est sûr qu’il y a eu des personnes au-dessus de Alexey Petrov qui l’ont protégé ?

    P. : À mon avis, il n’est pas possible que cela soit autrement.

    J. : Ministres adjoints, ministres, des personnes placées plus haut ?

    P. : (...) il y a eu une activité criminelle pendant des années (...) qui était visible (...), il y a eu plusieurs plaintes adressées au ministère de l’Intérieur, au parquet et rien n’a été fait. Tout cela fait l’objet de notre analyse à l’heure actuelle. »

    28.  Le 18 mars 2010, le quotidien 24 Chasa publia les propos suivants du procureur général adjoint :

    « Journaliste : Est-ce que Alexey Petrov est intouchable ?

    Procureur général adjoint : Comme vous le savez bien, Alexey Petrov était expert dans une des organisations étatiques les plus puissantes, il a participé à une des plus grandes compagnies d’assurance. Le fait que les forces de l’ordre ont trouvé suffisamment de données sur la commission de crimes, [qu’elles] les ont étayées par des preuves et [qu’elles] ont continué l’enquête est suffisamment révélateur. Il ne faut pas qu’il y ait des gens qui se considèrent comme étant intouchables (...) On peut participer à la vie économique et politique du pays, mais cela doit être fait dans les règles. »

    c)  Les propos du chef du parquet de la ville de Sofia

    29.  Le 18 février 2010, le quotidien Sega avait publié les propos suivants du chef du parquet de la ville de Sofia, N.K. :

    « Dix nouveaux témoins ont fait des dépositions en faveur de l’accusation pour organisation d’un groupe criminel, racket, extorsion, évasion fiscale (...) contre l’ex-conseiller de l’Agence nationale de sécurité Alexey Petrov et six de ses acolytes. Quand le leader d’un groupe criminel est détenu, les témoins deviennent plus courageux. »

    d)  Les propos du procureur S.K.

    30.  L’un des procureurs chargés de l’instruction criminelle ouverte à la suite de l’opération « Pieuvre », S.K., fut également sollicité par différents médias. L’extrait pertinent en l’espèce d’une interview avec ce procureur, publiée le 12 juillet 2010 sur le site Internet du quotidien 24 chasa, se lisait comme suit :

    « Question : (...) Votre carrière, dépend-elle de l’issue de cette affaire ?

    Réponse : (...) Je n’ai pas de soucis de point de vue professionnel. Les preuves sont nombreuses. (...) Il y a huit inculpés. Alexey Petrov et M.D. sont actuellement placés en détention. Les accusations portées à leur encontre concernent une participation à une organisation criminelle, ayant commis un large éventail de crimes : blanchiment d’argent, extorsions, proxénétisme (...)

    Q. : Est-ce qu’il y a des preuves pour évasion fiscale, pour des caisses noires (...) ?

    R. : Les témoins révèlent des [scénarios] d’accumulation de capitaux illégaux. L’un de ces [scénarios était mis en œuvre] dans [le cadre des] compagnies de taxi que l’on peut mettre en relation avec Alexey Petrov. (...) Une autre partie [des capitaux] était accumulée par le racket (...).

    Q. : Combien y-a-t-il de cas de racket prouvés ?

    R. : Il y a deux chefs d’accusation pour extorsion contre Petrov. (...)

    Q. : On vous reproche [le fait] que la plupart de vos témoins sont des ex-associés ou des ex-employés de Petrov (...).

    R. : C’est vrai (...) Certains témoins affirment qu’ils ont été battus par Petrov.

    Q. : Par lui, en personne ?

    R. : Oui, dans son bureau, le plus souvent en privé. (...) Petrov est sportif et karatéka. Dans certains cas de figure, il a utilisé ce savoir-faire pour maltraiter ses victimes. (...)

    Q. : Alexey Petrov est accusé d’être l’organisateur du groupe, quel est le rôle des autres accusés ?

    R. : En Italie, on connaît des groupes criminels familiaux. (...) Ailleurs, en Russie, en Chine et au Japon, il existe des groupes paramilitaires qui sont plus disciplinés. Les gangs en Bulgarie sont proches du modèle russe (...). En ce qui concerne Alexey Petrov et les autres, les preuves révèlent un groupe criminel complexe, à plusieurs niveaux (...)

    Q. : Quels sont les capitaux dont disposait Petrov ?

    R. : Nous avons découvert vingt-sept comptes bancaires à son nom en Bulgarie. (...) Il est riche et ce n’est pas un secret (...).

    Q. : Pourquoi alors avait-il besoin de s’approprier les entreprises et les biens des autres ?

    R. : Il affirme que c’étaient les autres qui l’approchaient pour lui demander ses services. Il est intéressant d’observer que les premières offres de collaboration dans les affaires sont pour une participation paritaire - 50/50. Voici un exemple. À la suite d’une entente préalable de collaboration avec Petrov, le témoin reçoit un contrat prévoyant une participation 30/70, en sa défaveur. Il signe (...) [Lui et Petrov] créent ensemble une société. Celle-ci lie ses activités avec une autre société contrôlée par Petrov. Les biens produits [par la première société] sont livrés à la deuxième société, mais l’argent n’est pas transféré dans le sens inverse. La société accumule les dettes (...). L’histoire se termine toujours par un entretien dans les bureaux près de la piscine « Spartacus ». »

    II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

    31.  Le droit et la jurisprudence internes pertinents en matière de responsabilité de l’État pour dommages et de protection de la bonne réputation de l’individu se trouvent résumés dans l’arrêt Gutsanovi c. Bulgarie, no 34529/10, §§ 67 et 70-74, CEDH 2013).

    32.  Les articles 240 et 241 du code de procédure pénale prévoient la possibilité de procéder à des enregistrements vidéo des interrogatoires et des autres mesures d’instruction (действия по разследването) effectuées au stade de l’instruction préliminaire. En vertu de l’article 198, alinéa 1 du même code, les pièces du dossier de l’instruction ne peuvent pas être divulguées sans l’autorisation du procureur.

    33.  En vertu de l’article 150з du règlement d’application de la loi de 2006 sur le ministère de l’Intérieur, en vigueur à l’époque des faits pertinents, la direction « Service de presse et relations publiques » du ministère était chargée d’informer le public du fonctionnement du ministère et d’assurer la publicité et la transparence de ses activités.

    EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

    34.  Le requérant allègue qu’il a été soumis à un traitement inhumain et dégradant lors de l’opération policière du 10 février 2010. Il invoque l’article 3 de la Convention, ainsi libellé :

    « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

    A.  Sur la recevabilité

    1.  Positions des parties

    a)  Le Gouvernement

    35.  Le Gouvernement indique d’abord que le requérant n’a pas introduit une action en dommages et intérêts fondée sur l’article 1, alinéa 1 de la loi sur la responsabilité de l’État et des communes pour dommages pour se plaindre des agissements des agents au cours de son arrestation. En se référant à quatre arrêts et décisions de la Cour administrative suprême, datant de 2012, 2013 et 2014, il affirme que les juridictions internes ont opéré un revirement de leur jurisprudence en estimant que les agissements des agents de police au cours d’arrestations, de perquisitions domiciliaires et de saisies relevaient du domaine de la fonction administrative et étaient ainsi susceptibles d’engager la responsabilité de l’État sur le fondement de l’article 1 de ladite loi. Or, le requérant ne se serait pas prévalu de la possibilité d’intenter une telle action.

    36.  Le Gouvernement indique ensuite qu’une des procédures pénales menées contre le requérant est encore pendante devant les juridictions internes, et il en conclut que le grief tiré de l’article 3 de la Convention a été prématurément introduit.

    37.  Le Gouvernement soutient enfin que le requérant ne saurait valablement prétendre être victime d’une violation de son droit garanti par l’article 3 de la Convention.

    b)  Le requérant

    38.  Le requérant conteste la position du Gouvernement selon laquelle il a omis d’épuiser les voies de recours internes effectives. Il combat la thèse du Gouvernement selon laquelle les juridictions administratives auraient opéré un revirement de leur jurisprudence constante et soutient qu’une action en dommages et intérêts en vertu de l’article 1, alinéa 1 la loi sur la responsabilité de l’État et des communes pour dommages n’aurait eu aucune chance raisonnable de succès.

    39.  Concernant l’exception du Gouvernement tirée du caractère prématuré du grief, le requérant estime que l’issue des poursuites pénales menées à son encontre et encore pendantes ne pourrait avoir aucune incidence sur le bien-fondé de ses allégations selon lesquelles il a subi des mauvais traitements aux mains des policiers qui l’avaient arrêté.

    40.  Le requérant soutient enfin que son grief n’est pas manifestement mal fondé et qu’il peut valablement alléguer être victime d’un traitement incompatible avec l’article 3 de la Convention.

    2.  Appréciation de la Cour

    41.  S’agissant de la première exception d’irrecevabilité soulevée par le Gouvernement (paragraphe 35 ci-dessus), la Cour rappelle que l’épuisement des voies de recours internes s’apprécie, en règle générale, à la date d’introduction de la requête devant elle (Baumann c. France, no 33592/96, § 47, CEDH 2001-V (extraits)). Elle observe à cet égard que les arrêts et décisions auxquels se réfère le Gouvernement font apparaître que le revirement de la jurisprudence interne en cause s’est opéré progressivement entre 2012 et 2014 (paragraphe 35 ci-dessus), alors que l’opération policière litigieuse s’est déroulée le 10 février 2010 (paragraphe 10 ci-dessus) et que le requérant a introduit la présente requête le 5 mai 2010 (paragraphe 1 ci-dessus). Compte tenu de ces circonstances, la Cour ne saurait reprocher au requérant de ne pas avoir intenté la voie de recours suggérée par le Gouvernement puisque celle-ci n’était pas établie à l’époque des faits pertinents. Par ailleurs, le Gouvernement n’a mis en avant aucun argument susceptible de justifier en l’espèce une exception à la règle selon laquelle l’effectivité des voies de recours internes s’apprécie au moment de l’introduction de la requête et il n’a invoqué aucune autre voie de recours de nature à remédier à la violation alléguée par le requérant. Dès lors, la Cour estime qu’il y a lieu de rejeter cette première exception d’irrecevabilité soulevée par le Gouvernement.

    42.  En outre, s’agissant de l’argument selon lequel le grief tiré de l’article 3 de la Convention a été introduit prématurément parce qu’une des procédures pénales contre le requérant est encore pendante devant les juridictions internes, la Cour n’aperçoit aucun lien direct entre la procédure pénale à laquelle se réfère le Gouvernement et le grief soulevé par le requérant : cette procédure a pour finalité non pas d’établir si les agents de l’État ont respecté l’intégrité physique ou la dignité du requérant, mais de rechercher si ce dernier est coupable des infractions pénales qui lui sont reprochées (paragraphes 12-14 ci-dessus). Il en ressort que le présent grief n’est pas prématuré et qu’il convient de rejeter l’exception du Gouvernement formulée à cet égard.

    43.  S’agissant enfin de la position du Gouvernement consistant à contester la qualité de victime du requérant en soutenant que ce dernier n’a pas été soumis à un traitement contraire à l’article 3 de la Convention, la Cour estime qu’il s’agit d’une objection relative à la substance même du grief tiré de cette disposition. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

    B.  Sur le fond

    1.  Positions des parties

    a)  Le requérant

    44.  Le requérant allègue qu’il a été soumis à des traitements inhumains et dégradants au cours de l’opération policière du 10 février 2010. Il se plaint d’avoir été arrêté à son domicile, très tôt le matin, par plusieurs policiers cagoulés et lourdement armés et d’avoir été immobilisé au sol et menotté.

    45.  Le requérant affirme qu’il n’était point nécessaire de déployer de tels moyens opérationnels pour procéder à son arrestation. En plus des agissements susmentionnés des policiers, le requérant déplore que son arrestation ait été filmée et que l’enregistrement en cause ait été transmis aux médias, selon lui par les services du ministère de l’Intérieur, et ce sans aucune raison valable. Il indique que ces images ont été largement utilisées par les médias dans leurs reportages et articles parus sur l’opération « Pieuvre ».

    46.  Le requérant soutient qu’il a été humilié et rabaissé à ses propres yeux et que sa réputation dans la société a été sérieusement atteinte. Ainsi, les effets psychologiques du traitement subi par lui seraient allés au-delà du seuil de gravité requis pour l’application de l’article 3 de la Convention.

    b)  Le Gouvernement

    47.  Le Gouvernement combat la thèse du requérant. Il fait d’abord remarquer qu’il s’agissait d’une opération policière visant au démantèlement d’un groupe criminel qui aurait été impliqué dans différentes affaires de proxénétisme, d’extorsion et d’évasion fiscale. Il affirme que les informations dont disposaient les autorités laissaient à penser que les membres présumés du groupe, y compris le requérant, étaient armés et dangereux. Il précise que, en application d’un plan préalablement élaboré, les agents du service de lutte contre le crime organisé et du groupe spécialisé d’intervention antiterroriste du ministère de l’Intérieur sont entrés dans le logement de l’intéressé le 10 février 2010 au matin et qu’ils ont procédé à l’arrestation du requérant. Les moyens opérationnels employés à cet effet auraient été strictement proportionnés au danger potentiel auquel auraient été exposés les agents du ministère de l’Intérieur.

    48.  Le Gouvernement soutient ensuite que les effets psychologiques de l’opération policière ne sont pas allés au-delà du seuil minimum de gravité pour que les agissements des policiers puissent être qualifiés de traitements incompatibles avec l’article 3 de la Convention.

    49.  À cet égard, le Gouvernement indique que le requérant n’a présenté aucune preuve démontrant qu’il avait été émotionnellement affecté par son arrestation. Les émotions négatives que ce dernier aurait pu ressentir pendant une période qualifiée de très brève par le Gouvernement auraient été limitées au strict minimum caractérisant ce type d’opérations. Compte tenu de toutes ces circonstances, le Gouvernement invite la Cour à rejeter le grief du requérant formulé sous l’angle de l’article 3 de la Convention.

    2.  Appréciation de la Cour

    50.  La Cour rappelle que, pour tomber sous le coup de l’article 3 de la Convention, un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité. L’appréciation de ce minimum est relative par essence ; elle dépend de l’ensemble des données de la cause et, notamment, de la durée du traitement, de ses effets physiques ou psychologiques ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge et de l’état de santé de la victime (Labita c. Italie [GC], no 26772/95 § 120, CEDH 2000-IV).

    51.  La Cour rappelle également que l’article 3 de la Convention ne prohibe pas le recours à la force par les agents de police lors d’une interpellation. Néanmoins, le recours à la force doit être proportionné et absolument nécessaire au vu des circonstances de l’espèce (voir, parmi beaucoup d’autres, Rehbock c. Slovénie, no 29462/95, § 76, CEDH 2000-XII, et Altay c. Turquie, no 22279/93, § 54, 22 mai 2001). À cet égard, il importe par exemple de savoir s’il y a lieu de penser que l’intéressé opposera une résistance à l’arrestation, ou tentera de fuir, de provoquer des blessures ou dommages, ou de supprimer des preuves (Raninen c. Finlande, 16 décembre 1997, § 56, Recueil 1997-VIII).

    52.  La Cour note qu’il ne prête pas à controverse entre les parties que l’intervention policière a été effectuée très tôt le matin, le 10 février 2010, par des agents spéciaux du ministère de l’Intérieur qui étaient masqués et armés. Ceux-ci ont immobilisé le requérant, face contre le sol, et l’ont menotté.

    53.  Le but de l’intervention policière menée ce jour-là était d’appréhender le requérant, qui était soupçonné de participer à une organisation de type mafieux mêlée, entre autres, à différentes affaires d’extorsion et de racket (paragraphe 9 ci-dessus). La Cour constate de surcroît que le requérant avait servi pendant de longues années dans les forces de l’ordre, y compris dans le groupe d’intervention antiterroriste du ministère de l’Intérieur (paragraphe 6 ci-dessus) et que, de ce fait, il avait été entraîné au maniement des armes et aux arts martiaux. Ainsi, convient-il de distinguer la présente affaire de l’affaire Gutsanovi (précitée, §§ 128 et 129), où le requérant recherché par la police était soupçonné de crimes non-violents et où il n’y avait aucun indice laissant à penser que celui-ci aurait pu représenter un danger pour les agents de police amenés à intervenir à son domicile.

    54.  Compte tenu des éléments susmentionnés, la Cour ne saurait reprocher aux autorités le choix tactique d’impliquer dans l’opération en cause les forces spéciales d’intervention du ministère de l’Intérieur, ni le fait que celles-ci ont immobilisé et menotté le requérant.

    55.  Force est de constater également que le requérant n’a pas présenté d’autres éléments de preuve, par exemple des déclarations de témoins ou des certificats médicaux, pour étayer son allégation selon laquelle il aurait été très affecté par son arrestation.

    56.  La Cour estime par conséquent que la police n’a pas employé une force excessive en l’occurrence et qu’il n’a pas été prouvé que les émotions négatives causée au requérant du fait de son arrestation soient allées au-delà du seuil de gravité nécessaire pour rendre les traitements dénoncés incompatibles avec l’article 3 de la Convention.

    57.  La Cour ne perd pas de vue le fait que l’opération policière a été filmée et que le reportage en cause a été transmis aux médias qui l’ont largement utilisé par la suite (paragraphe 10 ci-dessus). Cependant, compte tenu des circonstances spécifiques de l’espèce, ce fait ne saurait à lui seul justifier le constat d’une violation de l’article 3 de la Convention en l’occurrence. La Cour examinera cet aspect de l’opération policière sous l’angle de l’article 8 de la Convention.

    58.  Il n’y a donc pas eu violation de l’article 3 de la Convention.

    II.  SUR LES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE L’ARTICLE 6 § 2 DE LA CONVENTION

    59.  Le requérant allègue que les propos d’un certain nombre de magistrats et responsables politiques, prononcés devant les médias à l’occasion des poursuites pénales menées à son encontre, ont constitué des atteintes injustifiées à sa présomption d’innocence. Il invoque l’article 6 § 2 de la Convention, libellé comme suit :

    « Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. »

    A.  Sur la recevabilité

    60.  Le Gouvernement fait observer, en premier lieu, que ce grief a été introduit prématurément au motif que les poursuites pénales contre l’intéressé étaient encore pendantes à la date de l’introduction de la requête. En deuxième lieu, il affirme que le requérant a omis d’épuiser les voies de recours internes disponibles : notamment, l’intéressé aurait omis de diligenter une procédure en diffamation sur le fondement des articles 147 et 148 du code pénal.

    61.  Le requérant répond qu’une plainte pénale pour diffamation n’aurait eu aucune chance raisonnable de succès. Il soutient de plus que son grief n’a pas été introduit de manière prématurée.

    62.  La Cour rappelle d’emblée que la garantie énoncée à l’article 6 § 2 de la Convention entre en jeu avant même la fin des poursuites pénales menées contre l’intéressé (Allenet de Ribemont c. France, 10 février 1995, §§ 32-37, série A no 308 ; Konstas c. Grèce, no 53466/07, §§ 36 et 38, 24 mai 2011) et peut s’étendre au-delà de la fin de la procédure pénale en cas d’acquittement ou d’abandon des poursuites (Allenet de Ribemont, précité, § 35).

    63.  La Cour a déjà eu l’occasion de se prononcer sur les mêmes exceptions d’irrecevabilité soulevées par le Gouvernement dans le cadre d’une affaire similaire contre la Bulgarie. En effet, dans son arrêt récent Gutsanovi (précité, §§ 172-180), elle a rejeté les exceptions d’irrecevabilité soulevées par le Gouvernement. Elle a d’abord considéré que le requérant n’était pas tenu d’attendre l’issue des poursuites pénales dirigées contre lui pour chercher une protection contre des propos d’un haut responsable politique mettant en cause sa présomption d’innocence (ibidem, § 176). Elle a ensuite constaté que l’effectivité de la plainte pénale pour diffamation dans des circonstances similaires à celles de la présente affaire n’était pas prouvée : il existait notamment une incertitude au niveau du droit interne concernant la répartition de la charge de la preuve dans ce type d’affaires (ibidem, § 179). La Cour estime que les mêmes considérations trouvent à s’appliquer à la présente cause et que le Gouvernement n’a apporté aucun élément nouveau lui permettant de conclure que la plainte pénale pour diffamation, telle qu’elle est réglementée en droit bulgare, aurait constitué une voie de recours interne effective en l’espèce. Il convient donc de rejeter les exceptions d’irrecevabilité du Gouvernement.

    64.  Constatant, par ailleurs, que le grief tiré de l’article 6 § 2 de la Convention n’est pas manifestement mal fondé, au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

    B.  Sur le fond

    65.  Le requérant allègue que les propos tenus par un certain nombre de magistrats et responsables politiques - à savoir le Premier ministre, le ministre de l’Intérieur, le secrétaire du ministère de l’Intérieur, le procureur général, le procureur général adjoint, le chef du parquet de la ville de Sofia, le procureur S.K. et deux députés à l’Assemblée nationale, V.S. et I.K - à l’occasion des poursuites pénales menées à son encontre ont constitué des atteintes à sa présomption d’innocence. Il critique la teneur de ces propos, en ce qu’il aurait été décrit comme le chef d’une puissante organisation de type mafieux, alors même qu’aucune condamnation n’aurait été prononcée à son encontre par un tribunal.

    66.  Le Gouvernement combat la thèse du requérant. Il indique que les propos contestés avaient pour seul but d’informer l’opinion publique sur les progrès des investigations dans une affaire pénale qui avait suscité l’intérêt des médias et qui concernait le crime organisé. Il ajoute que les magistrats et responsables politiques susmentionnés n’ont aucunement remis en cause l’innocence présumée du requérant et qu’ils se sont limités à des commentaires sur l’existence de soupçons raisonnables pesant sur ce dernier. Le Gouvernement indique également que les responsables politiques et les procureurs en question ne pouvaient influencer ni l’issue des poursuites pénales ni les décisions des magistrats appelés à se prononcer sur la culpabilité du requérant.

    67.  La Cour rappelle que si le principe de la présomption d’innocence consacrée par le paragraphe 2 de l’article 6 figure parmi les éléments du procès pénal équitable exigé par l’article 6 § 1, il ne se limite pas à une simple garantie procédurale en matière pénale : sa portée est plus étendue et exige qu’aucun représentant de l’État ne déclare qu’une personne est coupable d’une infraction avant que sa culpabilité ait été établie par un tribunal (voir Allenet de Ribemont, précité, §§ 35-36 ; Viorel Burzo c. Roumanie, nos 75109/01 et 12639/02, § 156, 30 juin 2009 ; Lizaso Azconobieta c. Espagne, no 28834/08, § 37, 28 juin 2011). L’atteinte à la présomption d’innocence peut émaner non seulement d’un juge, mais également d’autres autorités publiques : le président du parlement (Butkevičius c. Lituanie, no 48297/99, §§ 50 et 53, CEDH 2002-II), le procureur (Daktaras c. Lituanie, no 42095/98, § 44, CEDH 2000-X) ; le ministre de l’Intérieur ou les fonctionnaires de police (Allenet de Ribemont, précité, §§ 37 et 41). Selon la jurisprudence de la Cour, une distinction doit être faite entre les déclarations qui reflètent le sentiment que la personne concernée est coupable et celles qui se bornent à décrire un état de suspicion. Les premières violent la présomption d’innocence, tandis que les deuxièmes sont considérées comme conformes à l’esprit de l’article 6 de la Convention (voir, entre autres, Marziano c. Italie, no 45313/99, § 31, 28 novembre 2002). À cet égard, la Cour souligne l’importance du choix des termes par les agents de l’État dans les déclarations qu’ils formulent avant qu’une personne n’ait été jugée et reconnue coupable d’une infraction. Elle considère ainsi que ce qui importe aux fins d’application de la disposition précitée, c’est le sens réel des déclarations en question, et non leur forme littérale (Lavents c. Lettonie, no 58442/00, § 126, 28 novembre 2002). Toutefois, le point de savoir si la déclaration d’un agent public constitue une violation du principe de la présomption d’innocence doit être tranché dans le contexte des circonstances particulières dans lesquelles la déclaration litigieuse a été formulée (voir Adolf c. Autriche, 26 mars 1982, §§ 36-41, série A no 49). Certes, la Cour reconnaît que l’article 6 § 2 ne saurait empêcher, au regard de l’article 10 de la Convention, les autorités de renseigner le public sur des enquêtes pénales en cours, mais il requiert qu’elles le fassent avec toute la discrétion et toute la réserve que commande le respect de la présomption d’innocence (Allenet de Ribemont, précité, § 38, Lizaso Azconobieta, précité, § 39).

    68.  Se tournant vers les faits de l’espèce, la Cour observe d’abord que le ministre de l’Intérieur s’est exprimé devant les médias à plusieurs reprises entre le 10 et le 19 février 2010 au sujet de l’opération « Pieuvre » et que cette période coïncidait avec la phase initiale de la procédure pénale dirigée contre le requérant et ses complices présumés (paragraphes 10-13 ci-dessus). Dans ses propos, le ministre se référait au requérant en utilisant tantôt ses nom et prénom, tantôt le sobriquet « le Tracteur ».

    69.  La Cour tient à souligner la teneur des propos tenus par le ministre de l’Intérieur. Le jour même de l’arrestation du requérant, le ministre s’est exprimé ainsi : « Je peux tout de même vous dire que les détenus faisaient partie d’un groupe criminel bien hiérarchisé qui commettait des crimes depuis plus de dix ans. (...) Il s’agit d’un groupe criminel extrêmement bien organisé, [agissant] sur le territoire du pays, qui a réussi à créer dans les dix dernières années « la pieuvre », dont on parle aujourd’hui (...), par fraude à la TVA, blanchiment d’argent, trafic d’influence et tout ce qui est lié à cette partie du code pénal. (...) Je peux dire que tous les [individus] arrêtés hier soir et aujourd’hui sont des personnes qui se trouvent aux niveaux élevés de cette organisation criminelle hiérarchisée. Vous savez que ce matin ont été arrêtés les frères Dambov qui étaient à l’entrée et à la sortie de [l’usine] « Kremikovtsi » ces dernières années, mais aussi le « Tracteur », (...). » (paragraphe 16 ci-dessus). Deux jours plus tard, il a tenu les propos suivants : « Le simple fait qu’au cours des derniers jours on ne parle pas des autres membres du groupe, mais uniquement de Alexey Petrov, indique qu’il est placé beaucoup plus haut » (paragraphe 17 ci-dessus). Trois jours après, dans une interview publiée dans la presse écrite, le ministre a répondu à la question du journaliste « Qui est à la tête de « la pieuvre », Alexey Petrov ou quelqu’un d’autre ? » ce qui suit : « Il est la figure respectée dans le processus de mise en place de ce groupe criminel hautement hiérarchisé et il a joué un rôle essentiel partout. (...) » (paragraphe 18 ci-dessus). De plus, un autre quotidien a cité les propos suivants du ministre : « Tout le monde sait qui est la personne qui contrôle la plupart des gens dans les milieux de l’assurance et des vols de voitures. Mais les agissements de H. ne sont pas [faits] à l’insu de celui qui se trouve au niveau supérieur, et c’est notamment Alexey Petrov, alias « le Tracteur ». (...) Le fait qu’Alexey Petrov a été agent d’infiltration n’est que de la poudre aux yeux. On peut affirmer sans hésitation que la mafia a fait infiltrer l’un de ses hommes dans l’État. (...) » (paragraphe 19 ci-dessus).

    70.  La Cour estime que les propos en question sont allés au-delà de la simple communication d’information sur le déroulement des enquêtes pénales ou la description d’un état de suspicion. Lesdits propos indiquaient sans équivoque que le requérant avait créé et dirigé une importante organisation criminelle. Compte tenu du court laps de temps qui s’était écoulé depuis l’arrestation du requérant et du vif intérêt manifesté par les médias et par le grand public à l’égard de cette affaire pénale, la Cour estime que ces propos du ministre étaient susceptibles de créer chez le grand public l’impression que l’intéressé était coupable des infractions pénales qui lui étaient reprochées.

    71.  S’agissant ensuite des propos tenus en février 2010 par le procureur N.K., chef du parquet de la ville de Sofia, la Cour note que celui-ci a également fait des commentaires sur l’enquête (paragraphe 29 ci-dessus). En parlant des preuves rassemblées, et notamment des dépositions de certains nouveaux témoins, le procureur a indiqué : « Quand le leader d’un groupe criminel est détenu, les témoins deviennent plus courageux. ».

    72.  La Cour constate que cette phrase visait directement le requérant et que le procureur en question déclarait sans équivoque que celui-ci était à la tête d’une organisation criminelle. La phrase en question constituait ainsi une affirmation de la culpabilité du requérant, et non pas un simple avis sur l’existence d’une suspicion à l’encontre de ce dernier.

    73.  Concernant, enfin, tous les autres propos des responsables politiques et des procureurs que le requérant a dénoncés, la Cour observe que ceux-ci visaient, de manière générale l’opération policière « Pieuvre » et le déroulement de l’enquête qui s’en est suivie. Certains de ces propos ne mentionnaient pas le requérant (voir paragraphes 20 et 21 ci-dessus), et d’autres mentionnaient celui-ci, sans pour autant aller jusqu’à affirmer qu’il était coupable des charges portées à son encontre (voir paragraphes 22-28 et 30 ci-dessus).

    74.  En conclusion, après avoir pris en compte toutes les circonstances spécifiques de l’espèce, la Cour estime les propos du ministre de l’Intérieur et du procureur N.K., chef du parquet de la ville de Sofia, ont reflété le sentiment que le requérant était coupable des infractions pénales qui lui étaient reprochées avant même le prononcé des tribunaux sur le fond des accusations portées à son encontre. Ces derniers propos ont donc emporté violation de l’article 6 § 2 de la Convention. En revanche, les propos du Premier ministre, du secrétaire du ministère de l’Intérieur, du procureur général, du procureur général adjoint, du procureur S.K. et des députés à l’Assemblée nationale, V.S. et I.K., n’ont pas porté atteinte à la présomption d’innocence du requérant. Il n’y a donc pas eu violation de l’article 6 § 2 de la Convention de ce chef.

    III.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

    75.  Le requérant se plaint enfin que son arrestation a été filmée et que l’enregistrement vidéo a été livré aux médias par le service de presse du ministère de l’Intérieur, ce qui aurait constitué une ingérence injustifiée à son droit au respect de la vie privée. Il invoque l’article 8 de la Convention, libellé comme suit :

    « 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée (...).

    2.  Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

    A.  Sur la recevabilité

    76.  Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes. En se référant aux arrêts et décisions de la Cour administrative suprême déjà invoqués lors de l’examen de la recevabilité du grief tiré de l’article 3 (voir paragraphe 35 ci-dessus), le Gouvernement allègue que l’intéressé aurait pu introduire une action en dommages et intérêts en application de l’article 1, alinéa 1 de la loi sur la responsabilité de l’État et des communes pour dommages.

    77.  La Cour a déjà rejeté cette même exception d’irrecevabilité sous l’angle de l’article 3 de la Convention pour le motif que la jurisprudence en cause s’est développée quelques années après les événement dénoncés par le requérant (voir paragraphe 41 ci-dessus). Elle estime que ce même constat s’impose pour ce qui est de la recevabilité du grief tiré de l’article 8 de la Convention, étant donné que l’enregistrement de l’arrestation du requérant et la divulgation de cette vidéo ont eu lieu en février 2010 et que les arrêts et décisions invoqués par le Gouvernement datent de 2012, 2013 et 2014. Il convient dès lors de rejeter l’exception de non-épuisement des voies de recours internes soulevée par le Gouvernement.

    78.  Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

    B.  Sur le fond

    79.  Le requérant allègue que les autorités ont enregistré son arrestation et que la vidéo a été par la suite livrée aux médias. Il allègue que ces agissements des agents du ministère de l’Intérieur n’étaient pas prévus par la législation interne et ne poursuivaient aucun but légitime.

    80.  Le Gouvernement estime que ce grief est non étayé. En particulier, le requérant n’aurait apporté aucune preuve à l’appui de son allégation selon laquelle l’enregistrement en cause avait été transmis aux médias par le service de presse du ministère de l’Intérieur.

    81.  La Cour constate que les propos du secrétaire du ministère de l’Intérieur, publiés le 18 février 2010 par un quotidien national, corroborent la version du requérant selon laquelle la vidéo sur l’opération « Pieuvre », contenant des séquences de son arrestation, a été créé et divulguée sur Internet par le service de communication du ministère (voir paragraphe 20 ci-dessus). Nul ne conteste que cela ait été fait sans l’autorisation de l’intéressé. Sur cet enregistrement, dont la Cour dispose d’une copie (voir paragraphe 11 ci-dessus), le requérant est reconnaissable. La Cour estime que cette situation s’analyse en une ingérence dans le droit du requérant à l’image, qui fait partie intégrante de sa vie privée (voir, à cet égard, Von Hannover c. Allemagne, no 59320/00, § 50, CEDH 2004-VI).

    82.  En vertu du deuxième paragraphe de l’article 8, pour qu’une telle ingérence soit justifiée, elle doit être d’abord « prévue par la loi ». Sur la base des informations dont elle dispose, la Cour estime que la matière n’était pas régie par une « loi » répondant aux critères fixés par sa jurisprudence, mais qu’il s’agissait plutôt d’une pratique des organes du ministère de l’Intérieur accompagnant les opérations qui suscitaient un grand intérêt de la part du public et des médias (voir, pour un autre exemple de cette pratique, l’arrêt Slavov et autres c. Bulgarie, no 58500/10, § 37, 10 novembre 2015). La Cour note également que le code de procédure pénale bulgare prévoit la possibilité de procéder à des enregistrements vidéo dans le cadre de la procédure pénale quand il s’agit de rassembler des preuves, par exemple lors d’une inspection des lieux du crime, d’une perquisition ou d’un interrogatoire. Or, en l’occurrence ce ne sont pas les mesures d’instruction effectuées au domicile du requérant qui ont été filmées, mais son arrestation. Il n’a donc pas été démontré devant la Cour que l’ingérence en cause était prévue par la loi.

    83.  Ce constat suffit à la Cour pour conclure qu’il y a eu en l’espèce violation de l’article 8 de la Convention.

    IV.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    84.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    85.  Le requérant réclame 100 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il dit avoir subi.

    86.  Le Gouvernement considère que cette prétention est exorbitante.

    87.  La Cour estime que le requérant a subi un certain dommage moral du fait des violations constatées de ses droits garantis par les articles 6 § 2 et 8 de la Convention. Statuant en équité, elle considère qu’il y a lieu de lui octroyer la somme de 6 000 EUR à ce titre.

    B.  Frais et dépens

    88.  Le requérant demande également 3 420 EUR pour les frais d’avocats et 554 levs (BGN) pour les frais de traduction engagés devant la Cour. Il demande que les frais de traduction soient versés sur son compte et que ceux relatifs aux honoraires des avocats soient versés sur le compte de ses représentants.

    89.  Le Gouvernement estime que la somme demandée au titre des honoraires des avocats est exorbitante et non étayée.

    90.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime que les sommes demandées au titre des frais et dépens sont raisonnables et justifiées et elle les accorde au requérant. Elle accueille également la demande du requérant tendant au versement de la somme de 3 420 EUR directement sur le compte de ses représentants et de la somme de 283,26 EUR (correspondant à 554 BGN) sur son propre compte bancaire.

    C.  Intérêts moratoires

    91.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la requête recevable ;

     

    2.  Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention ;

     

    3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 2 de la Convention en ce qui concerne les propos du ministre de l’Intérieur et du chef du parquet de la ville de Sofia, N.K., et qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 2 de la Convention en ce qui concerne les propos du Premier ministre, du secrétaire du ministère de l’Intérieur, du procureur général, du procureur général adjoint, du procureur S.K. et des députés à l’Assemblée nationale, V.S. et I.K. ;

     

    4.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention ;

     

    5.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir en levs bulgares, au taux applicable à la date du règlement :

    i)  6 000 EUR (six mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

    ii)  3 703,26 EUR (trois mille sept cent trois euros et vingt-six centimes), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens, dont 283,26 EUR (deux cent quatre-vingt-trois euros et vingt-six centimes) à verser directement sur le compte du requérant et 3 420 EUR (trois mille quatre cent vingt euros) à verser sur le compte de ses représentants juridiques ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    6.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 31 mars 2016, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

    Claudia Westerdiek                                                           Angelika Nußberger
           Greffière                                                                             Présidente


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