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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> S.C. ECOLOGICAL CENTER S.A. v. ROMANIA - 54593/11 (Judgment (Revision) : Court (Third Section Committee)) (rev 1) French Text [2016] ECHR 335 (05 April 2016) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2016/335.html Cite as: [2016] ECHR 335 |
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TROISIÈME SECTION
AFFAIRE S.C. ECOLOGICAL CENTER S.A. c. ROUMANIE
(Requête no 54593/11)
ARRÊT
STRASBOURG
5 avril 2016
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire S.C. Ecological Center S.A. c. Roumanie (demande en révision de l’arrêt du 17 mars 2015),
La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en un comité composée de :
Kristina Pardalos,
présidente,
Valeriu Griţco,
Armen Harutyunyan, juges,
et de Marialena Tsirli, greffière adjointe de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 15 mars 2016,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouvent dix requêtes (nos 32168/05, 30403/06, 12522/08, 62989/10, 6898/11, 14566/11, 20656/11, 54593/11, 57508/11 et 59238/11) dirigées contre la Roumanie par deux sociétés et treize ressortissants de cet État qui ont saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Par un arrêt du 17 mars 2015, la Cour a décidé de joindre les requêtes et a jugé qu’il y avait eu violation des articles 6 § 1 de la Convention et 1 du Protocole no 1 de la Convention en raison de l’inexécution des décisions définitives rendues en faveur des requérants.
3. S’agissant de la société requérante S.C. Ecological Center S.A. (requête no 54593/11), la Cour a estimé qu’elle était victime de la non-exécution d’un jugement définitif du 12 août 2009 du tribunal départemental de Constanţa. Ce jugement condamnait le maire de la ville de Năvodari à délivrer un permis de construire pour une décharge industrielle que la société requérante envisageait d’aménager à Năvodari sur la base d’un certificat d’urbanisme dont elle était bénéficiaire. La Cour a également décidé d’allouer à la société requérante 3 000 euros (EUR) pour dommage moral et 2 500 EUR pour frais et dépens et a rejeté les demandes de satisfaction équitable pour le surplus.
4. Le 7 juillet 2015, le Gouvernement a formulé une demande en révision de l’arrêt du 17 mars 2015 précité au motif que certains documents invoqués par la société requérante pour se plaindre de la non-exécution du jugement définitif du 12 août 2009 ont été annulés. Le Gouvernement considérait que cette annulation constituait un fait nouveau et, en conséquence, il demandait la révision de l’arrêt, au sens de l’article 80 du règlement de la Cour.
5. Le 30 septembre 2015, la Cour a examiné la demande en révision et a décidé d’accorder au représentant de la société requérante un délai de quatre semaines pour présenter d’éventuelles observations. La lettre de la Cour est restée sans réponse.
EN DROIT
I. THÈSES DES PARTIES
6. Le Gouvernement demande la révision de l’arrêt du 17 mars 2015 en ce qui concerne la société requérante S.C. Ecological Center S.A. Il expose que cette société, ses administrateurs et l’ancien maire de la ville de Năvodari ont fait l’objet de poursuites pour corruption et faux en écritures concernant le certificat d’urbanisme invoqué par cette société pour réclamer le permis de construire. Par un jugement du 7 février 2013 du tribunal départemental de Constanţa, confirmé les 14 janvier 2014 et 17 octobre 2014 par des arrêts de la cour d’appel de Constanţa et de la Haute Cour de Cassation et de Justice respectivement, le certificat d’urbanisme a été annulé et les accusés ont été condamnés des chefs susmentionnés.
7. Le Gouvernement indique également que, le 16 juin 2014, le tribunal départemental de Constanţa a prononcé la liquidation judiciaire de la société requérante et que le 3 novembre 2015, le même tribunal a accédé à la demande de révision de la mairie de Năvodari concernant le jugement du 12 août 2009 et a annulé l’obligation de cette dernière de délivrer le permis de construire.
8. Le Gouvernement estime que le certificat d’urbanisme a été une pièce essentielle en faveur de la société requérante. Par conséquent, il considère que l’annulation de ce certificat constitue un fait nouveau qui justifie la révision de l’arrêt de la Cour du 17 mars 2015.
9. Le Gouvernement soutient qu’il ne pouvait raisonnablement être au courant de l’annulation du certificat dès lors que l’arrêt définitif de la Haute Cour du 17 octobre 2014 n’aurait été mis au net que le 8 mai 2015, soit après le prononcé de l’arrêt de la Cour. Il précise que les informations concernant l’activité de la société requérante ont été portées à sa connaissance, en avril 2015, par le liquidateur judiciaire de la société.
10. Invoquant l’arrêt Pennino, le Gouvernement estime que la conduite inappropriée de la société requérante ne saurait être gratifiée et qu’il conviendrait d’éviter que l’arrêt de la Cour du 17 mars 2015 puisse avoir pour effet un enrichissement sans cause (mutatis mutandis, Pennino c. Italie (révision), no 43892/04, 8 juillet 2014).
11. La société requérante n’a pas répondu aux observations du Gouvernement.
II. APPRÉCIATION DE LA COUR
12. La Cour rappelle que, selon l’article 44 de la Convention, ses arrêts sont définitifs et que, dans la mesure où elle remet en question ce caractère définitif, la procédure en révision, non prévue par la Convention mais instaurée par le règlement de la Cour, revêt un caractère exceptionnel : d’où l’exigence d’un examen strict de la recevabilité de toute demande en révision d’un arrêt de la Cour dans le cadre d’une telle procédure (Pardo c. France, 10 juillet 1996 (révision - recevabilité), § 21, Recueil des arrêts et décisions 1996-III ; Gustafsson c. Suède, 30 juillet 1998 (révision - bien-fondé), § 25, Recueil 1998-V ; et Stoicescu c. Roumanie (révision), no 31551/96, § 33, 21 septembre 2004).
13. La Cour rappelle ensuite qu’elle doit déterminer s’il y a lieu de réviser l’arrêt du 17 mars 2015 par application de l’article 80 de son règlement qui, en ses parties pertinentes, est ainsi libellé :
« En cas de découverte d’un fait qui, par sa nature, aurait pu exercer une influence décisive sur l’issue d’une affaire déjà tranchée et qui, à l’époque de l’arrêt, était inconnu de la Cour et ne pouvait raisonnablement être connu d’une partie, cette dernière peut (...) saisir la Cour d’une demande en révision de l’arrêt dont il s’agit. (...) »
14. Il y a donc lieu de déterminer en l’espèce si le fait invoqué par le Gouvernement, à savoir l’annulation du certificat d’urbanisme, aurait pu exercer une influence décisive sur l’issue de l’affaire déjà tranchée et s’il ne pouvait raisonnablement être connu du Gouvernement avant le prononcé de l’arrêt initial (Grossi et autres c. Italie (révision), no 18791/03, § 18, 30 octobre 2012).
15. S’agissant de la première question, la Cour rappelle que, dans la présente affaire, la Cour a conclu à la violation des articles 6 § 1 de la Convention et 1 du Protocole no 1 à la Convention, en observant qu’à la date du prononcé de son arrêt, les autorités locales de la ville de Năvodari n’avaient toujours pas exécuté le jugement définitif du 12 août 2009 leur ordonnant de délivrer à la société requérante un permis de construire.
16. La Cour note que, pour réclamer ce permis, la société requérante a fait valoir devant les juridictions internes le certificat d’urbanisme dont elle était bénéficiaire. Compte tenu de l’annulation, le 7 février 2013, de ce certificat, il est évident que l’octroi du permis n’était plus possible après cette date. Dans ces circonstances, la Cour est d’avis que l’annulation du certificat était un fait pouvant exercer une influence décisive sur l’issue de l’affaire ou sur le montant de la somme allouée au titre du préjudice moral, qui, dans l’arrêt initial, a été fixée en considérant que l’inexécution perdurait.
17. La Cour observe également que la conduite du représentant de la société requérante a été inappropriée dans la mesure où il n’a pas informé la Cour des éléments nouveaux intervenus dans l’affaire et qu’il ne lui a pas communiqué les décisions des autorités internes concernant l’annulation du certificat d’urbanisme (voir, mutatis mutandis, Bugajny et autres c. Pologne (révision), no 22531/05, § 24, 15 décembre 2009 et Pennino, précité, § 16).
18. En revanche, s’agissant de la deuxième question, la Cour observe que, en l’espèce, l’annulation du certificat d’urbanisme était un fait qui pouvait raisonnablement être connu du Gouvernement avant le prononcé de l’arrêt initial. A cet égard, la Cour constate que la ville de Năvodari a été partie civile à la procédure pénale qui a visé la société commerciale requérante, ses administrateurs et l’ancien maire de la ville. Puisque l’annulation du certificat d’urbanisme a eu lieu après la communication de la requête au Gouvernement défendeur, ce dernier avait la possibilité de se renseigner auprès des autorités de la ville de Năvodari pour obtenir toute information pertinente ou encore demander à ces autorités de lui faire connaître tout développement significatif de l’affaire.
19. De telles démarches n’ont de toute évidence pas été entreprises ou du moins n’ont pas été effectuées de manière efficace, le Gouvernement n’ayant mentionné les nouveaux faits ni dans le délai imparti pour la présentation des observations sur le fond de l’affaire ni à l’occasion des commentaires concernant la demande de satisfaction équitable. Il ressort de la demande de révision, que le Gouvernement n’en a pris connaissance qu’après la date du prononcé de l’arrêt initial, et ce, par l’intermédiaire du liquidateur judiciaire de la société requérante. Or, la Cour réaffirme que tout manque de communication en temps utile entre l’administration locale concernée et le bureau de l’agent du Gouvernement ne peut qu’être imputé à l’État défendeur (voir, mutatis mutandis, Pennino, §§ 17 et 18).
20. Pour ce qui est de l’arrêt de la Haute Cour de Cassation et de Justice du 17 octobre 2014, la Cour constate que la date de sa mise au net ne ressort pas des pièces du dossier. La date du 8 mai 2015, avancée par le Gouvernement, est celle de la transmission de la copie de l’arrêt au bureau de l’agent du Gouvernement et non pas celle de sa mise au net. En tout état de cause, cette date ne saurait changer la conclusion de la Cour quant à la possibilité pour le Gouvernement d’être informé en temps utile de l’annulation du certificat d’urbanisme. En effet, elle note que l’annulation avait déjà été prononcée en 2013 par le tribunal départemental et que la Haute Cour n’a fait qu’entériner ce jugement.
21. Dans ces circonstances, la Cour juge que les faits sur lesquels la demande en révision se fonde pouvaient raisonnablement être connus du Gouvernement avant le prononcé de l’arrêt initial (voir, mutatis mutandis, Grossi et autres, précité, §§ 20-24 ; Bugajny et autres, précité, §§ 25-26 et Pennino, précité, § 20).
22. Il s’ensuit que la demande en révision du Gouvernement doit être rejetée.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
Décide de rejeter la demande en révision de l’arrêt du 17 mars 2015.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 5 avril 2016, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Marialena Tsirli Kristina
Pardalos
Greffière adjointe Présidente