BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?

No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!



BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback]

European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> ALEXIOU v. GREECE - 65811/13 (Judgment (Merits and Just Satisfaction) : Court (First Section Committee)) French Text [2016] ECHR 348 (07 April 2016)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2016/348.html
Cite as: [2016] ECHR 348

[New search] [Contents list] [Printable RTF version] [Help]


       

       

       

      PREMIÈRE SECTION

       

       

       

       

       

       

      AFFAIRE ALEXIOU c. GRÈCE

       

      (Requête no 65811/13)

       

       

       

       

       

       

       

       

       

      ARRÊT

       

       

       

       

      STRASBOURG

       

       

      7 avril 2016

       

       

       

       

      Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


      En l’affaire Alexiou c. Grèce,

      La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un Comité composé de :

                Ledi Bianku, président,
                Aleš Pejchal,
                Armen Harutyunyan, juges,

      et de André Wampach, greffier adjoint de section,

      Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 15 mars 2016,

      Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

      PROCÉDURE

      1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 65811/13) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant de cet État, M. Napoleon Alexiou (« le requérant »), a saisi la Cour le 15 octobre 2013 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

      2.  Le requérant a été représenté par Me N. Anagnostopoulos, avocat à Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par les délégués de son agent, M. K. Georgiadis, assesseur auprès du Conseil juridique de l’État et Mme S. Lekkou, mandataire juridique du Conseil juridique de l’État.

      3.  Le 17 février 2014, la requête a été communiquée au Gouvernement.

      EN FAIT

      I.  Les circonstances de l’espèce

      4.  Le requérant est né en 1936 et réside à Athènes.

      5.  Le 31 décembre 2005, le requérant saisit la Comptabilité générale de l’État d’une demande tendant à obtenir le réajustement du montant de sa retraite.

      6.  Le 23 janvier 2006, la Comptabilité générale de l’État rejeta sa demande.

      7.  Le 28 avril 2006, le requérant saisit la Cour des comptes d’un recours contre la décision de la Comptabilité générale de l’État.

      8.  Le 16 mai 2008, la Cour des comptes donna gain de cause au requérant (arrêt no 1186/2008).

      9.  Le 24 juillet 2009, l’État se pourvut en cassation devant la formation plénière de la Cour des comptes contre l’arrêt no 1186/2008.

      10.  Le 6 mars 2013, la formation plénière de la Cour des comptes rejeta le pourvoi (arrêt no 1083/2013). Cet arrêt fut notifié au requérant le 15 mai 2013.

      II.  Le droit interne pertinent

      11.  La loi no 4239/2014, intitulée « satisfaction équitable au titre du dépassement du délai raisonnable de la procédure devant les juridictions pénales, civiles et la Cour des comptes », est entrée en vigueur le 20 février 2014. La loi précitée introduit, entre autres, un nouveau recours indemnitaire visant à l’octroi d’une satisfaction équitable pour le préjudice moral causé par la prolongation injustifiée d’une procédure devant la Cour des comptes. L’article 3 § 1 dispose :

      « Toute demande de satisfaction équitable doit être introduite devant chaque degré de juridiction séparément. Elle doit être présentée dans un délai de six mois après la publication de la décision définitive de la juridiction devant laquelle la durée de la procédure a été, selon le requérant, excessive (...) »

      EN DROIT

      I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

      12.  Le requérant allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

      « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

      13.  La période à considérer a débuté le 28 avril 2006, avec le recours introduit par le requérant et s’est terminée le 6 mars 2013, date à laquelle l’arrêt no 1083/2013 de la formation plénière de la Cour des comptes a été publié. Elle a donc duré plus de six ans et dix mois pour deux instances de juridiction.

      14.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Vassilios Athanasiou et autres c. Grèce, no 50973/08, 21 décembre 2010 et Mavredaki c. Grèce, no 10966/10, 24 octobre 2013).

      15.  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Mavredaki, précité).

      16.  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour ne relève aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans la présente affaire, qui s’est terminée six mois avant l’entrée en vigueur de la loi no 4239/2014. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

      17.  Au vu de ce qui procède, il convient de déclarer ledit grief recevable et de conclure à la violation de l’article 6 § 1.

      II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION

      18.  Le requérant se plaint également du fait qu’en Grèce il n’existe aucun recours effectif pour se plaindre de la durée excessive de la procédure. Il invoque l’article 13 de la Convention, ainsi libellé :

      « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles ».

      19.  La Cour rappelle que l’article 13 garantit un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre d’une méconnaissance de l’obligation, imposée par l’article 6 § 1, d’entendre les causes dans un délai raisonnable (voir Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 156, CEDH 2000-XI).

      20.  Par ailleurs, la Cour a déjà eu l’occasion de constater que l’ordre juridique hellénique n’offrait pas aux intéressés un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention leur permettant de se plaindre de la durée d’une procédure (voir Vassilios Athanasiou et autres c. Grèce, précité et Glykantzi c. Grèce, no 40150/09, § 54, 30 octobre 2012 et les références qui s’y trouvent citées).

      21.  La Cour note que le 20 février 2014 est entrée en vigueur la loi n4239/2014, portant sur la satisfaction équitable au titre du dépassement du délai raisonnable d’une procédure devant les juridictions pénales, civiles et la Cour des comptes. En vertu de la loi précitée, un nouveau recours a été établi permettant aux intéressés de se plaindre de la durée de chaque instance d’une procédure devant la Cour des comptes dans un délai de six mois à partir de la date de publication de la décision y relative (voir paragraphe 11 ci-dessus). Cependant, la Cour observe que cette loi n’a pas d’effet rétroactif. Par conséquent, elle ne prévoit pas un tel recours pour les affaires, comme en l’espèce, terminées six mois avant son entrée en vigueur. Partant, le requérant ne pouvait pas exercer ledit recours.

      22.  Au vu de ce qui précède, il convient de déclarer ledit grief recevable et de conclure à la violation de l’article 13 de la Convention en raison, à l’époque des faits, de l’absence en droit interne d’un recours qui aurait permis au requérant d’obtenir la sanction de son droit à voir sa cause entendue dans un délai raisonnable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.

      III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

      23.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

      « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

      24.  Le requérant réclame 15 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi. Il demande encore 1 000 euros (EUR) et 369 euros (EUR) pour frais et dépens devant les juridictions internes et la Cour respectivement. Il produit une facture de 369 euros (EUR).

      25.  Le Gouvernement conteste ces prétentions et invite la Cour à rejeter lesdites demandes. Il estime, qu’en tout état de cause, un constat de violation constituerait en soi une satisfaction équitable.

      26.  La Cour estime que le requérant a subi un tort moral certain. Statuant en équité, elle lui accorde 3 900 EUR à ce titre, ainsi que 200 EUR pour frais et dépens.

      27.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

      PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

      1.  Déclare la requête recevable ;

       

      2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

       

      3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention ;

       

      4.  Dit

      a)  que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, la somme de 3 900 EUR (trois mille neuf cents euros) pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû par le requérant à titre d’impôt, ainsi que 200 EUR (deux cents euros), pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être par lui à titre d’impôt ;

      b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

       

      5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

      Fait en français, puis communiqué par écrit le 7 avril 2016, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

      André Wampach                                                                     Ledi Bianku
        Greffier adjoint                                                                       
      Président


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2016/348.html