BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?

No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!



BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback]

European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> KYRIAKOU AND PANAGIOTEAS v. GREECE - 34828/10 (Judgment (Merits and Just Satisfaction) : Court (First Section Committee)) French Text [2016] ECHR 353 (07 April 2016)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2016/353.html
Cite as: [2016] ECHR 353

[New search] [Contents list] [Printable RTF version] [Help]


       

       

       

      PREMIÈRE SECTION

       

       

       

       

       

       

      AFFAIRE KYRIAKOU ET PANAGIOTEAS c. GRÈCE

       

      (Requêtes nos 34828/10 et 11674/11)

       

       

       

       

       

       

       

       

       

       

       

       

      ARRÊT

       

       

       

       

      STRASBOURG

       

      7 avril 2016

       

       

       

       

      Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


      En l’affaire Kyriakou et Panagioteas c. Grèce,

      La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un Comité composé de :

                Ledi Bianku, président,
                Linos-Alexandre Sicilianos,
                Aleš Pejchal, juges,
      et de André Wampach, greffier adjoint de section,

      Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 15 mars 2016,

      Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

      PROCÉDURE

      1.  À l’origine de l’affaire se trouvent deux requêtes (nos 34828/10 et 11674/11) dirigées contre la République hellénique et dont la Cour a été saisie en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») aux différentes dates indiquées dans le tableau joint en annexe.

      2.  Le premier requérant a été représenté successivement par Mes  M. Kyriakou et K. Drenou, avocates au barreau de Thessalonique. Le second requérant a été représenté par le Moniteur grec Helsinki, une organisation non gouvernementale, ayant son siège à Glyka Nera. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. M Apessos, Président du Conseil juridique de l’État.

      3.  Les 15 octobre et 1er décembre 2014 respectivement, les griefs tirés des articles 6 § 1 et 13 de la Convention concernant la durée des procédures litigieuses, ainsi que l’absence d’un recours effectif à cet égard ont été communiqués au Gouvernement. Par ailleurs, le 15 octobre 2014 la requête n34828/10 a été déclarée irrecevable pour le surplus.

      EN FAIT

      A.  Les circonstances de l’espèce

      4.  La liste des requérants, ainsi que les informations pertinentes sur les procédures en cause figurent en annexe.

      5.  Les requérants se plaignent de la durée des procédures engagées devant les juridictions pénales, ainsi que de l’absence d’un recours effectif à cet égard.

      B.  Le droit interne pertinent

      6.  La loi no 4239/2014, intitulée « satisfaction équitable au titre du dépassement du délai raisonnable de la procédure devant les juridictions pénales, civiles et la Cour des comptes », est entrée en vigueur le 20 février 2014. Elle introduit, entre autres, un nouveau recours indemnitaire prévoyant l’octroi d’une satisfaction équitable en raison de la prolongation injustifiée d’une procédure devant les juridictions pénales. L’article 3 § 1 dispose :

      « Toute demande de satisfaction équitable doit être introduite devant chaque degré de juridiction séparément. Elle doit être présentée dans un délai de six mois après la publication de la décision définitive de la juridiction devant laquelle la durée de la procédure a été, selon le requérant, excessive (...) »

      EN DROIT

      I.  SUR LA JONCTION DES REQUÊTES

      7.  Compte tenu de la similitude des requêtes quant aux faits et au problème de fond qu’elles posent, la Cour estime nécessaire de les joindre et décide de les examiner conjointement dans un seul arrêt.

      II.  LES DÉCLARATIONS UNILATÉRALES DU GOUVERNEMENT DÉFENDEUR ET LES DEMANDES DE RAYER LES REQUÊTES DU RÔLE EN APPLICATION DE L’ARTICLE 37 DE LA CONVENTION

      8.  Les 22 avril et 3 juillet 2015, le Gouvernement présenta deux déclarations unilatérales concernant les requêtes nos 34828/10 et 11674/11 respectivement et invita la Cour à rayer ces requêtes du rôle en application de l’article 37 de la Convention.

      9.  Les requérants indiquèrent qu’ils n’étaient pas satisfaits des termes des déclarations unilatérales, mettant en cause les montants du dédommagement proposés par le Gouvernement.

      10.  La Cour estime que, dans certaines circonstances, il peut être indiqué de rayer une requête du rôle en vertu de l’article 37 § 1 c) de la Convention sur la base d’une déclaration unilatérale du gouvernement défendeur même si le requérant souhaite que l’examen de l’affaire se poursuive. Ce seront toutefois les circonstances particulières de la cause qui permettront de déterminer si la déclaration unilatérale offre une base suffisante pour que la Cour conclue que le respect des droits de l’homme garantis par la Convention n’exige pas qu’elle poursuive l’examen de l’affaire (voir Tahsin Acar c. Turquie [GC], no 26307/95, § 75, CEDH 2004-III, et Melnic c. République de Moldova, no 6923/03, § 22, 14 novembre 2006).

      11.  La Cour rappelle en outre qu’un arrêt constatant une violation entraîne pour l’État défendeur l’obligation juridique de mettre un terme à la violation et d’en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (Ex-roi de Grèce et autres c. Grèce [GC] (satisfaction équitable), no 25701/94, § 72, 28 novembre 2002). La Cour a décidé que la même approche devait être suivie lorsqu’un Gouvernement cherche à obtenir la radiation du rôle d’une requête par le biais d’une déclaration unilatérale (Decev c. République de Moldova (no 2), no 7365/05, § 18, 24 février 2009).

      12.  La Cour a examiné les termes des déclarations unilatérales du Gouvernement. À la lumière des circonstances particulières des présentes affaires et en particulier au fait que les montants du dédommagement offerts sont considérablement inférieurs aux sommes octroyées dans des affaires similaires, elle est d’avis que les déclarations n’offrent pas une base suffisante pour considérer qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen des affaires en cause.

      13.  En conclusion, elle rejette les demandes du Gouvernement tendant à la radiation des requêtes nos 34828/10 et 11674/11 du rôle en vertu de l’article 37 § 1 c) de la Convention et va en conséquence poursuivre l’examen de la recevabilité et du fond desdites affaires.

      III.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

      14.  Les requérants allèguent que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

      « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

      15.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence de la Cour, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes (voir, parmi beaucoup d’autres, Pélissier et Sassi c. France [GC], no 25444/94, § 67, CEDH 1999-II)

      16.  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celles posées par les présentes requêtes et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Michelioudakis c. Grèce, n54447/10, 3 avril 2012).

      17.  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour ne décèle aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente quant à la recevabilité et au bien-fondé dans les présentes affaires, qui se sont terminées six mois avant l’entrée en vigueur de la loi n4239/2014. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée des procédures litigieuses a été excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

      18.  Partant, il convient de déclarer lesdits griefs recevables et de conclure à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

      IV.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION

      19.  Les requérants se plaignent également du fait qu’en Grèce il n’existe aucune juridiction à laquelle l’on puisse s’adresser pour se plaindre de la durée excessive de la procédure. Ils invoquent l’article 13 de la Convention, ainsi libellé :

      « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

      20.  La Cour rappelle que l’article 13 garantit un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre d’une méconnaissance de l’obligation, imposée par l’article 6 § 1, d’entendre les causes dans un délai raisonnable (voir Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 156, CEDH 2000-XI).

      21.  Par ailleurs, la Cour a déjà eu l’occasion de constater que l’ordre juridique hellénique n’offrait pas aux intéressés un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention leur permettant de se plaindre de la durée d’une procédure (voir Michelioudakis c. Grèce, no 54447/10, 3 avril 2012).

      22.  La Cour note que le 20 février 2014 est entrée en vigueur la loi n4239/2014, portant sur la satisfaction équitable au titre du dépassement du délai raisonnable d’une procédure devant les juridictions pénales, civiles et la Cour des comptes. En vertu de la loi précitée, un nouveau recours a été établi permettant aux intéressés de se plaindre de la durée de chaque instance d’une procédure devant les juridictions pénales dans un délai de six mois à partir de la date de publication de la décision y relative (voir paragraphe 6 ci-dessus). Cependant, la Cour observe que cette loi n’a pas d’effet rétroactif. Par conséquent, elle ne prévoit pas un tel recours pour les affaires, comme en l’espèce, terminées six mois avant son entrée en vigueur. Partant, les requérants ne pouvaient pas exercer ledit recours.

      23.  Au vu de ce qui précède, il convient de déclarer lesdits griefs recevables et de conclure à la violation de l’article 13 de la Convention en raison, à l’époque des faits, de l’absence en droit interne d’un recours qui aurait permis aux requérants d’obtenir la sanction de leur droit à voir leur cause entendue dans un délai raisonnable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.

      V.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

      24.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

      « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

      25.  Le requérant dans la requête no 34828/10 réclame 35 000 euros (EUR) au titre du préjudice matériel, ainsi que 3 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral, qu’il aurait subis. Il réclame également 2 000 euros (EUR) pour frais et dépens et produit à l’appui une facture de 2 000 euros signée par Me M. Kyriakou. Le requérant dans la requête no 11674/11 réclame 11 500 euros (EUR) au titre du dommage moral, ainsi que 500 euros (EUR) pour frais et dépens. Il évalue le temps de travail de son représentant sur cette affaire à 5 heures, pour un tarif de 100 EUR l’heure. Il produit à cet égard un document détaillant le temps que son représentant a consacré à la préparation de l’affaire, sur lequel figure le montant de 500 euros (EUR), au nom de Moniteur grec Helsinki. Il demande à la Cour d’ordonner le versement de la somme en cause directement sur le compte de son représentant, le Moniteur grec Helsinki.

      26.  Le Gouvernement n’a pas pris position à cet égard.

      27.  S’agissant de la requête no 34828/10, la Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle estime que le requérant a subi un tort moral certain et qu’il y a lieu de lui accorder la somme de 2 000 euros (EUR) à ce titre. En ce qui concerne les frais et dépens et compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour estime qu’il y a lieu de lui accorder 350 euros (EUR) à ce titre. S’agissant de la requête n11674/11, elle estime qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 7 800 euros (EUR) au titre du dommage moral, ainsi que 350 euros (EUR) pour frais et dépens. Cette somme sera à verser sur le compte bancaire de son représentant, le Moniteur grec Helsinki (voir Sampani et autres c. Grèce, n59608/09, § 120, 11 décembre 2012 Vallianatos et autres c. Grèce [GC], nos 29381/09 et 32684/09, § 103, CEDH 2013 (extraits).

      28.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

      PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

      1.  Décide de joindre les requêtes et de les examiner conjointement dans un seul arrêt ;

       

      2. Rejette les déclarations unilatérales du Gouvernement et ses demandes de radier les requêtes du rôle ;

       

      3.  Déclare les requêtes recevables ;

       

      4.  Dit qu’il y a eu violation des articles 6 § 1 et 13 de la Convention ;

       

      5.  Dit

      a)  que l’État défendeur doit verser à chacun des requérants respectivement, dans les trois mois 2 000 EUR (deux mille euros) (requête n34828/10) et 7 800 EUR (sept mille huit cents euros) (requête no 11674/11), plus tout montant pouvant être dû par les requérants à titre d’impôt pour dommage moral, ainsi que 350 EUR (trois cent cinquante euros) à chacun des requérants pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par eux ;

      b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

       

      6.  Rejette les demandes de satisfaction équitable pour le surplus.

      Fait en français, puis communiqué par écrit le 7 avril 2016, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

      André Wampach                                                                Ledi Bianku
        Greffier adjoint                                                                  
      Président


      ANNEXE

       

      No

      No de Requête

      Date d’introduction

      1. Nom du requérant

      2. Date de naissance

      3. Lieu de résidence

      Début de la procédure

      Fin de la procédure

      Durée totale

      Instances de juridiction

       

      1.

       

      34828/10

      15/06/2010

       

       

      1. Savvas KYRIAKOU

      2. 18/03/1941

      3. Thessalonique

       

       

      17 octobre 2006

       

      12 février 2010

       

      Trois ans et quatre mois

       

      une instance

       

      2.

       

      11674/11

      16/05/2011

       

      1. Epaminontas-Spyridon PANAGIOTEAS

      2. 01/01/1949

      3. Trikala

       

       

      15 février 1999

       

      28 décembre 2010

       

      Onze ans et dix mois

       

      trois instances

       


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2016/353.html