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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> SIRGHI v. ROMANIA - 19181/09 (Judgment (Merits and Just Satisfaction) : Court (Fourth Section)) French Text [2016] ECHR 454 (24 May 2016) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2016/454.html Cite as: [2016] ECHR 454 |
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QUATRIÈME SECTION
AFFAIRE SÎRGHI c. ROUMANIE
(Requête no 19181/09)
ARRÊT
STRASBOURG
24 mai 2016
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Sîrghi c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :
András Sajó, président,
Vincent A. De Gaetano,
Nona Tsotsoria,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Egidijus Kūris,
Iulia Motoc,
Gabriele Kucsko-Stadlmayer, juges,
et de Marialena Tsirli, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3 mai 2016,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 19181/09) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet État, M. Marinică Sîrghi (« le requérant »), a saisi la Cour le 20 mars 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant a été représenté par Me I. Vîrciu, avocat à Arad. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par son agente, Mme C. Brumar, du ministère des Affaires étrangères.
3. Le requérant se plaint du défaut d’équité de la procédure pénale menée à son encontre, en raison de ce qu’il n’a pas été informé du droit de se faire assister par un avocat, ni des accusations portées à son encontre.
4. Le 17 avril 2014, la requête a été communiquée au Gouvernement.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5. Le requérant est né en 1973 et réside à Verbania (Italie).
6. En 2006, il était employé comme mécanicien par une société de réparation de véhicules d’Arad, la société I.R. Il était en période probatoire.
7. Dans la nuit du 8 au 9 juillet 2006, vers 2 heures, il fut interpellé par deux agents de police du bureau de l’ordre public ; selon ces derniers, le requérant conduisait un tracteur sur la voie publique et était en état d’ébriété (voir paragraphe 11 ci-dessous). Le requérant refusa de décliner son identité et tenta de s’enfuir. Il fut immobilisé lorsque quatre autres équipes de la police routière arrivèrent sur place.
8. Le requérant fut ensuite conduit à l’hôpital départemental d’Arad en vue d’un examen d’alcoolémie qui révéla un taux de 1,35 gramme d’alcool par litre de sang à 3 heures 20 et 1,20 gramme d’alcool par litre de sang à 4 heures 20.
9. Les parties ont versé au dossier une copie d’une déclaration manuscrite du requérant, partiellement illisible. Il y indique avoir été arrêté par la police dans la nuit du 8 au 9 juillet 2006 en vue de son identification et conduit à l’hôpital. Cette déclaration porte une mention manuscrite en haut de la page « donnée en ma présence, 09 07 2006, 2 heures 30, agent G. Gh. » (dată în faţa mea, 09 07 2006, ora 0230, Ag. G. Gh.) ainsi que la signature et le tampon de l’agent de police. La déclaration est également signée en bas de la page par le requérant.
10. Le 9 juillet 2006, la police routière dressa à son siège un procès-verbal de constat en présence du requérant et de deux témoins, H.T. et G.A. Le requérant refusa de lire et de signer le procès-verbal.
11. Selon le procès-verbal, le requérant fut arrêté alors qu’il conduisait un tracteur dans la nuit du 8 au 9 juillet 2006. Il descendit du tracteur en état d’ébriété visible, se montra récalcitrant et tenta de fuir. Il fut arrêté et immobilisé par quatre équipes de policiers. Il fut ensuite conduit à l’hôpital départemental en vue d’un test d’alcoolémie, qu’il refusa dans un premier temps, mais accepta par la suite. Le procès-verbal faisait état des précisions données par le requérant lors de son interpellation et à l’hôpital, selon lesquelles il ne conduisait pas le tracteur et n’avait aucune information supplémentaire à cet égard. Au moment de la rédaction du procès-verbal, le requérant indiqua également qu’il ne possédait pas de permis de conduire valable et qu’il avait récemment été condamné à une peine de prison avec sursis pour des infractions routières.
12. Les parties ont également versé au dossier la copie d’une déclaration manuscrite du requérant, selon laquelle il conduisait le tracteur dans la nuit du 8 au 9 juillet 2006 vers une station de lavage, qu’à son retour il avait été arrêté par la police et qu’il avait été ensuite conduit à l’hôpital en vue d’un test d’alcoolémie ; il déclarait également avoir bu une bière et ne pas être en possession d’un permis de conduire valable. Cette déclaration porte une mention manuscrite en haut de la page « donnée en ma présence, 09 07 2006, 8 heures, agent G. Gh. » (dată în faţa mea, 09 07 2006, ora 0800, Ag. G. Gh.) ainsi que la signature et le tampon de l’agent de police. La déclaration est également signée en bas de la page par le requérant et porte comme mention la date « 09.08.2006 » qu’il a écrite lui-même.
13. Le 9 août 2006, le parquet près le tribunal de première instance d’Arad (« le parquet ») confirma l’ouverture de poursuites pénales à l’encontre du requérant des chefs de vol et de conduite d’un véhicule en état d’ivresse et sans permis de conduire.
14. Il ressort du dossier pénal du requérant que le parquet le cita à comparaître en vue de la présentation de son dossier pénal et de son audition, prévues les 18 mai et 8 juin 2007, mais qu’il ne se présenta pas. Des vérifications furent faites, sans succès, à son domicile et à son lieu de résidence habituelle. Le 18 juin 2007, le parquet, se fondant sur la déclaration de sa sœur, selon laquelle il aurait probablement quitté le pays, nota qu’il n’avait pas communiqué de nouvelle adresse alors qu’il avait connaissance de l’enquête pénale à son encontre et conclut qu’il se soustrayait aux poursuites (se sustrage urmăririi penale).
15. Par un réquisitoire du 19 juin 2007, le parquet renvoya le requérant en jugement.
16. L’affaire fut enregistrée par le tribunal de première instance d’Arad (« le tribunal de première instance ») qui entendit le requérant à l’audience du 8 novembre 2007. Il nia les accusations à son encontre et déclara ne pas avoir conduit le tracteur lors de l’incident, mais avoir seulement accompagné un collègue dont il ne put pas donner le nom. Une tierce personne les avait également accompagnés ; le requérant ne connaissait que son sobriquet. Le collègue avait garé le tracteur et était parti. Le requérant s’était rendu dans un restaurant où il avait bu une bière, en attendant le retour de son collègue. Celui-ci était revenu et lui avait remis les clés du tracteur en vue de les remettre à Ş.V., le chauffeur du tracteur. Il était en train de vérifier que les portes du tracteur étaient fermées lorsqu’il fut interpellé par la police. Il modifia sa déclaration antérieure (paragraphe 12 ci-dessus), au motif qu’il l’avait faite sous la contrainte. À une date postérieure, il déclara qu’il avait sorti le tracteur du garage pour le faire laver.
17. À une date non précisée, le tribunal de première instance entendit H.T., A.T., Ş.V. et G.A. comme témoins.
18. Par un jugement du 31 janvier 2008, le tribunal de première instance déclara le requérant coupable de vol, de conduite en état d’ivresse et de conduite sans permis valable et, faisant application des règles relatives à la récidive, le condamna à une peine de six ans de prison ferme. Le tribunal se fonda sur le procès-verbal de la police (paragraphes 10 et 11 ci-dessus) et sur les déclarations des témoins H.T., A.T., Ş.V. et G.A., ainsi que sur les deux déclarations du requérant (paragraphes 9 et 12 ci-dessus). S’agissant des déclarations contradictoires faites par le requérant pendant la procédure, le tribunal s’exprima en ces termes :
« Le tribunal, prenant note des précisions apportées par (...) la représentante de la partie lésée (la propriétaire du tracteur) selon laquelle le véhicule était lavé d’habitude par la personne qui l’utilisait (le chauffeur) et non pas par le mécanicien, estime qu’il est peu crédible qu’un samedi, à 2 heures du matin, l’inculpé ou même un collègue mécanicien se soient déplacés vers une station de lavage alors que leurs fonctions étaient de remédier aux mauvais fonctionnements et non pas de laver les véhicules qui leur avaient été confiés. De plus, le tribunal note qu’il n’y a eu à aucun moment un accord entre l’inculpé et le témoin Ş.[V.] parce que ce dernier était à l’étranger au moment des faits (...) Le tribunal estime également que l’inculpé n’a pas fourni d’explication logique s’agissant de la modification de la déclaration qu’il a faite pendant l’enquête.
Partant, il écarte la déclaration de l’inculpé devant le tribunal car inexacte (nereală) et contradictoire, ce qui prouve son défaut de sincérité et sa mauvaise foi. »
19. Le requérant interjeta appel, en alléguant notamment une violation de ses droits de la défense, en raison du défaut d’information quant aux accusations à son encontre et de l’absence d’un avocat lors de la déclaration qu’il avait faite au début de l’enquête.
20. Par un arrêt du 29 mai 2008, le tribunal départemental d’Arad rejeta son appel comme mal fondé. Le tribunal ne répondit pas aux arguments du requérant tirés de la violation des droits de la défense, mais estima qu’à la lumière des éléments de preuve au dossier, le tribunal de première instance avait à juste titre écarté la déclaration du requérant niant les faits reprochés.
21. Le requérant introduisit un recours, en réitérant les arguments soulevés en appel. Par un arrêt du 11 décembre 2008, la cour d’appel de Timişoara (« la cour d’appel ») rejeta son pourvoi comme mal fondé. S’agissant des éléments de preuve examinés, les parties pertinentes de l’arrêt sont ainsi rédigées :
« Il ne fait aucun doute au vu des éléments de preuve recueillis que l’inculpé Sîrghi Marinică a commis les trois infractions qui lui ont été reprochées.
Ainsi, le témoin A.G. a déclaré qu’il était chauffeur de taxi et qu’il était de service le soir de l’incident ; il a vu un véhicule arrêté à droite et a observé un individu descendre de la cabine et commencer à courir sur les rails du train et quand il est rentré de sa course, il a appris des policiers que l’individu en cause avait été attrapé et qu’il était en état d’ébriété (f[euille] 29 dossier des poursuites pénales et f[euille] 50 dossier de première instance).
De même, le témoin H.T. a indiqué qu’il avait observé une voiture de police qui, utilisant le gyrophare et la sirène, avait stoppé un véhicule immatriculé à Bihor et qui se déplaçait vers Pecica ; le chauffeur était descendu du véhicule sur l’insistance des policiers ; plusieurs équipes de polices étaient venues parce que le chauffeur a essayé à un moment donné de fuir vers le stade U.T.A. ; il était manifeste que le chauffeur avait consommé de l’alcool et il a déclaré aux policiers qu’il n’avait pas de papiers d’identité et qu’il s’appelait Sîrghi Marinică (f[euille] 23 dossier des poursuites pénales).
Parallèlement, le témoin A.T. a déclaré qu’il était de service dans la nuit du 8 au 9 juillet 2006 et qu’à un certain moment un tracteur était sorti par la porte d’accès de la société ; se trouvait au volant le mécanicien de la société I.R. qu’il connaissait parce qu’il y était logé et qu’il connaissait sous le nom d’Ariel, mais son vrai nom était Marinică (f[euille] 26 dossier des poursuites pénales).
Il résulte de la note no 45/07.12.2007 de la société I.R. Arad que dans la soirée du 8 juillet 2006 aucune autre personne n’a effectué des réparations et qu’aucune autre personne n’a conduit un tracteur (f[euille] 37 dossier de première instance).
En corroborant ces moyens de preuve avec le procès-verbal de constat des infractions (f[euilles] 6-8 dossier des poursuites pénales), il résulte que l’inculpé a fait sortir le tracteur des locaux de la société I.R. et l’a conduit sur la voie publique et qu’il a ensuite été stoppé par la police.
L’argument en défense de l’inculpé selon lequel la nuit de l’incident il aurait amené le tracteur à une station de lavage à Grădişte ne peut être retenu. D’un côté, ses allégations n’ont été corroborées par aucun élément de preuve. De l’autre côté, il est difficile de croire qu’une nuit du samedi à dimanche, à 2 heures, quelqu’un amènerait un véhicule à une station de lavage.
Vu qu’il résulte de la note no 86.234/19.07.2006 du préfet de Botoşani (...) du département des permis de conduire et d’immatriculation des véhicules que l’inculpé n’est pas enregistré comme possédant un permis de conduire (f[euille] 16 dossier des poursuites pénales), c’est à juste titre que les premiers juges ont jugé l’inculpé coupable de l’infraction de conduite d’un véhicule sur la voie publique sans être possesseur d’un permis de conduire, prévue par l’article 78 § 1 de l’ordonnance d’urgence no 195/2002 (dans sa rédaction [en vigueur] au moment de la commission des faits).
Vu qu’il résulte du bulletin d’analyse toxicologique d’alcoolémie no 724/10.07.2006 rédigé par le service départemental de médecine légale d’Arad que l’inculpé avait un taux d’alcoolémie de 1,35 ‰ au premier examen et de 1,20 ‰ au second examen (f[euille] 17 dossier des poursuites pénales), c’est à juste titre que les premiers juges ont jugé l’inculpé également coupable de l’infraction de conduite d’un véhicule sur la voie publique sous l’empire d’un état alcoolique qui dépasse la limite légale prévue par l’article 78 § 1 de l’ordonnance d’urgence no 195/2002 (dans sa rédaction [en vigueur] au moment de la commission des faits).
Vu que l’inculpé a fait sortir le véhicule des locaux de la société I.R. sans avoir le consentement d’un représentant de cette société ou de la société propriétaire I.I. et l’a ainsi conduit sans droit sur la voie publique, c’est à juste titre que les premiers juges ont jugé l’inculpé également coupable de l’infraction de vol d’usage prévue par l’article 208 §§ 1 et 4 du code pénal. »
22. Ensuite, s’agissant des droits de la défense du requérant, l’arrêt de la cour d’appel énonce :
« L’article 197 § 2 CPP n’inclut pas dans les cas de nullité absolue le fait pour les autorités de l’enquête (organele de urmărire penală) d’omettre d’informer le suspect des faits qui font l’objet de l’affaire, de leur qualification juridique, du droit à un défenseur ou du droit de ne pas faire de déclarations, tout en attirant son attention sur le fait que ses déclarations peuvent être utilisées à son encontre.
Ainsi, cette omission représente un cas de nullité relative, qui selon l’article 197 § 4 CPP, ne rend l’acte nul, dans les conditions du premier paragraphe, que si elle a été invoquée lors de la réalisation de l’acte à laquelle la partie était présente ou lors de la première audience régulière (la primul termen de judecată cu procedura completă) lorsque la partie n’était pas présente.
Or, l’inculpé n’a pas invoqué le motif de nullité relative lors de la première audience régulière. »
23. Le requérant a été représenté par des avocats de son choix lors de la procédure devant les juridictions nationales.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
24. Les dispositions pertinentes du code de procédure pénale (« CPP »), en vigueur au moment des faits, étaient ainsi libellées :
Article 6 - Garantie du droit à un défenseur
« 1. Le droit à un défenseur est garanti au suspect, à l’inculpé et aux autres parties pendant le procès pénal.
(...)
4. Toute partie au procès pénal a le droit d’être assistée par un avocat pendant l’intégralité du procès.
5. Les autorités judiciaires ont l’obligation d’informer le suspect et l’inculpé, avant la première déclaration, du droit d’être assisté par un conseil, en en faisant mention dans le procès-verbal d’audition. Dans les cas et les conditions prévus par la loi, les autorités judiciaires ont l’obligation de faire le nécessaire pour assurer l’assistance juridique du suspect ou de l’inculpé s’il n’a pas d’avocat de son choix. »
Article 171 - L’assistance du suspect ou de l’inculpé
« 1. Le suspect ou l’inculpé a le droit d’être assisté par un avocat pendant l’intégralité de l’enquête pénale et du procès et les autorités judiciaires ont l’obligation de l’informer de ce droit.
2. L’assistance judiciaire est obligatoire quand le suspect ou l’inculpé est mineur, placé dans un centre de rééducation ou dans un institut médico-éducatif, quand il est placé en garde à vue ou en détention provisoire, même dans une autre affaire, quand il fait l’objet d’une mesure de sûreté d’internement médical ou a été obligé de suivre un traitement médical, même dans une autre affaire, ou quand l’autorité en charge de l’enquête pénale ou le juge estime que le suspect ou l’inculpé ne peut pas assurer seul sa défense ou dans d’autres cas prévus par la loi.
3. Devant le juge, l’assistance judiciaire est obligatoire également dans les cas où la loi prévoit pour l’infraction en cause la réclusion à perpétuité ou une peine de prison de cinq ans ou plus.
4. Quand l’assistance juridique est obligatoire, un conseil est désigné d’office si le suspect ou l’inculpé n’a pas choisi d’avocat. »
Article 197 - Les manquements qui entraînent la nullité
« 1. Les manquements aux dispositions légales qui régissent le déroulement du procès pénal n’entraînent la nullité de l’acte que s’il y ont causé un préjudice qui ne peut être réparé que par l’annulation de cet acte.
2. Les dispositions relatives à la compétence selon la matière et la qualité de la personne, à la saisine de la juridiction, à la composition de celle-ci et à la publicité de la séance de jugement sont prévues sous peine de nullité. De même, sont prévues sous peine de nullité les dispositions relatives à la participation du procureur, à la présence du suspect ou de l’inculpé et à leur assistance par un défenseur, lorsque celle-ci est obligatoire selon la loi ainsi qu’à la réalisation du rapport d’évaluation dans les affaires concernant des inculpés mineurs.
3. La nullité prévue au paragraphe 2 ne peut être couverte d’aucune manière. Elle peut être invoquée à tout stade de la procédure et peut même être examinée d’office.
4. Le manquement aux dispositions légales autres que celles prévues au paragraphe 2 n’entraîne la nullité de l’acte dans les conditions du paragraphe 1 que s’il a été invoqué lors de la réalisation de l’acte lorsque la partie est présente ou lors de la première audience régulière (la primul termen de judecată cu procedura completă) lorsque la partie n’était pas présente lors de la réalisation de l’acte. Le tribunal examine d’office les manquements, à tout stade de la procédure, si l’annulation de l’acte est nécessaire pour la découverte de la vérité et la juste conclusion de l’affaire. »
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 §§ 1 et 3 a) et c) DE LA CONVENTION
25. Le requérant se plaint du défaut d’équité de la procédure pénale menée à son encontre, en raison de ce qu’il n’a pas été informé ni des accusations portées à son encontre, ni du droit de se faire assister par un avocat. Il se réfère en particulier à deux déclarations qu’il a lui-même écrites, ainsi qu’à une autre déclaration qu’il a faite à la date de l’ouverture des poursuites pénales à son encontre. Il invoque l’article 6 §§ 1 et 3 a) et c) de la Convention qui est ainsi libellé, dans ses parties pertinentes :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...).
3. Tout accusé a droit notamment à :
a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui (...) ;
c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent (...) »
A. Sur la recevabilité
26. La Cour note que le grief du requérant comporte deux branches distinctes qu’elle examinera séparément.
27. S’agissant de la violation alléguée du droit du requérant d’être informé des accusations portées contre lui, la Cour rappelle que les dispositions du paragraphe 3 de l’article 6 de la Convention prévoient la nécessité de mettre un soin particulier à notifier l’« accusation » à l’intéressé. L’acte d’accusation jouant un rôle déterminant dans les poursuites pénales, l’article 6 § 3 a) reconnaît à l’accusé le droit d’être informé non seulement de la cause de l’accusation, mais aussi de la qualification juridique donnée à ces faits, et ce d’une manière détaillée (Pélissier et Sassi c. France [GC], no 25444/94, § 51, CEDH 1999-II). De même, le droit d’être informé de la nature et de la cause de l’accusation doit être envisagé à la lumière du droit pour l’accusé de préparer sa défense (Pélissier et Sassi, précité, §§ 53 et 54).
28. En l’espèce, la Cour note que le procès-verbal de constat dressé par la police le 9 juillet 2006 comportait des indications factuelles claires et précises permettant au requérant de comprendre les agissements qui lui étaient reprochés (voir, en ce sens, Niculescu c. Roumanie, no 25333/03, § 119, 25 juin 2013). Toutefois, il a refusé d’en prendre connaissance et de le signer, sans pour autant justifier son refus (paragraphe 10 ci-dessus).
29. Quant à la qualification juridique des faits reprochés au requérant, la Cour note que les autorités ont tenté, après l’ouverture des poursuites pénales à son encontre, de le convoquer en vue, entre autres, de la présentation de son dossier pénal. Les autorités ont essayé de le localiser à son domicile, à son lieu de résidence habituelle ainsi qu’en se renseignant auprès de sa famille (paragraphe 14 ci-dessus) ; toutefois, il n’a pas pu être localisé. Ces démarches étant suffisantes et raisonnables, l’absence du requérant pendant l’enquête ne leur est pas imputable (voir, mutatis mutandis, Tseber c. République tchèque, no 46203/08, §§ 48-49, 22 novembre 2012).
30. Il s’ensuit que si le requérant n’a pas pris connaissance des accusations à son encontre, cela n’a été dû qu’à son propre comportement. Dès lors, cette branche du grief est manifestement mal fondée et doit être rejetée, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
31. S’agissant ensuite de la branche du grief du requérant tenant à la violation alléguée de son droit d’être assisté par un avocat lors de son premier interrogatoire, la Cour constate qu’elle n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité. Elle la déclare donc recevable.
B. Sur le fond
1. Thèses des parties
32. Le Gouvernement, se fondant sur le dossier pénal du requérant, indique que ce dernier n’a pas fait de nouvelle déclaration après l’ouverture des poursuites pénales à son encontre. S’agissant de la déclaration faite le 9 juillet 2006 au siège de la police routière, il indique que le requérant n’était pas privé de liberté à ce moment-là puisqu’il s’y était rendu de plein gré et a pu partir une fois dressé le procès-verbal de constat. Le Gouvernement fait remarquer que le requérant n’a pas allégué le contraire et relève qu’aucune mesure privative de liberté n’a ensuite été prise à son encontre.
33. Se référant aux dispositions du CPP en vigueur au moment des faits, le Gouvernement souligne que l’assistance par un avocat n’était pas obligatoire pendant l’enquête préliminaire (faza actelor premergătoare), comme ce fut le cas du requérant.
34. Il soutient que, même si le tribunal de première instance d’Arad et le tribunal départemental d’Arad ont pris en compte les déclarations initiales du requérant, celles-ci n’ont pas été l’élément déterminant pour justifier sa condamnation. La cour d’appel de Timişoara n’a d’ailleurs plus fait mention de ces déclarations et s’est appuyée sur plusieurs autres éléments de preuve pour justifier la condamnation du requérant.
35. Le Gouvernement conclut que la requête est dépourvue de fondement, dans la mesure où la condamnation du requérant a été fondée sur des éléments de preuve dont la légalité ne faisait pas de doute.
36. En réponse, le requérant conteste les affirmations du Gouvernement. Il estime que ses conclusions sur la façon dont les tribunaux internes ont examiné les différents éléments de preuve ne sont pas exactes. Il conteste également la conclusion selon laquelle la cour d’appel de Timişoara ne s’est pas fondée sur sa déclaration initiale pour le condamner.
37. Il affirme avoir été contraint et soumis à des pressions et même à la violence physique pour faire des déclarations. Il indique n’avoir été informé ni de son droit de ne pas faire de déclarations, ni du droit d’être assisté par un avocat. Il dit avoir soulevé ces arguments lors de l’exercice des voies de recours et avoir demandé l’annulation des actes réalisés pendant l’enquête pénale. Toutefois, les juridictions qui ont examiné son appel et son pourvoi en recours ont ignoré ses arguments.
38. Le requérant ne se plaint pas d’avoir été privé de liberté le 9 juillet 2006 et n’a pas fourni d’autres précisions s’agissant de sa présence au poste de police ce jour-là.
2. Appréciation de la Cour
a) Les principes généraux applicables
39. La Cour rappelle que si l’article 6 a pour finalité principale, au pénal, d’assurer un procès équitable devant un « tribunal » compétent pour décider du « bien-fondé de l’accusation », il peut jouer un rôle avant la saisine du juge du fond si, et dans la mesure où, son inobservation initiale risque de compromettre gravement l’équité du procès (Salduz c. Turquie [GC], no 36391/02, § 50, CEDH 2008, et Panovits c. Chypre, no 4268/04, § 64, 11 décembre 2008). De plus, le droit énoncé au paragraphe 3 c) de l’article 6 constitue un élément parmi d’autres de la notion de procès équitable en matière pénale contenue au paragraphe 1 (Imbrioscia c. Suisse, 24 novembre 1993, § 37, série A no 275, et A.T. c. Luxembourg, no 30460/13, § 62, 9 avril 2015).
40. Le droit d’un accusé à être effectivement défendu par un avocat figure parmi les attributs fondamentaux d’un procès équitable (Krombach c. France, no 29731/96, § 89, CEDH 2001-II). Pour qu’il demeure suffisamment « concret et effectif », le droit à un procès équitable consacré par l’article 6 § 1 implique en règle générale que l’accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire par la police, sauf à démontrer, à la lumière des circonstances particulières de l’espèce, qu’il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit. La Cour a précisé que même dans un tel cas, le refus de l’accès à un avocat ne devait pas indûment préjudicier aux droits découlant de l’article 6, et qu’il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d’un interrogatoire de police subi sans assistance possible d’un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation (Salduz, précité, § 55). Elle a conclu à une violation de l’article 6 §§ 1 et 3 c) nonobstant le fait que le requérant avait par la suite bénéficié de l’assistance d’un avocat et d’une procédure contradictoire, après avoir notamment relevé que la restriction au droit d’accès à un avocat dont il était question relevait de l’application systématique de dispositions légales (Salduz, précité, §§ 56 et 61).
41. L’équité d’une procédure pénale requiert d’une manière générale, aux fins de l’article 6 de la Convention, que le suspect jouisse de la possibilité de se faire assister par un avocat dès le moment de son placement en garde à vue ou en détention provisoire. Un accusé doit, dès qu’il est privé de liberté, pouvoir bénéficier de l’assistance d’un avocat et cela indépendamment des interrogatoires qu’il subit (Dayanan c. Turquie, no 7377/03, §§ 31-32, 13 octobre 2009). La Cour a souligné à cet égard que l’équité de la procédure requiert que l’accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d’interventions qui sont propres au conseil (Dvorski c. Croatie [GC], no 25703/11, § 78, CEDH 2015). Par ailleurs, un accusé se trouve souvent dans une situation particulièrement vulnérable au stade de l’enquête, ce qui a d’autant plus de conséquences que la législation en matière de procédure pénale tend à devenir de plus en plus complexe, notamment en ce qui concerne les règles régissant la collecte et l’utilisation des preuves. Dans la plupart des cas, cette vulnérabilité particulière ne peut être compensée de manière adéquate que par l’assistance d’un avocat, dont la tâche consiste notamment à contribuer au respect du droit de tout accusé de ne pas s’incriminer lui-même (Pavlenko c. Russie, no 42371/02, § 101, 1er avril 2010).
42. La Cour a eu l’occasion de préciser que, si une restriction au droit de bénéficier de l’assistance d’un avocat dès le début de sa garde à vue ou de sa détention provisoire peut dans certaines circonstances se trouver justifiée et être compatible avec les exigences de cette disposition, le fait que son exercice est impossible en raison d’une règle de droit interne systématique est inconciliable avec le droit à un procès équitable (Simons c. Belgique (déc.), no 71407/10, § 31, 28 août 2012, et Navone et autres c. Monaco, nos 62880/11, 62892/11 et 62899/11, § 80, 24 octobre 2013).
b) Application des principes en l’espèce
43. Se tournant vers les faits de l’espèce, la Cour note d’emblée que le Gouvernement allègue que lorsqu’il a fait sa déclaration, le 9 juillet 2006, le requérant s’était rendu au siège de la police de son propre gré et a pu partir librement (paragraphe 32 ci-dessus). Le requérant n’allègue pas avoir été privé de liberté à ce moment-là de la procédure et n’a pas apporté d’autres précisions à cet égard pendant la procédure devant la Cour (paragraphe 38 ci-dessus).
44. Toutefois, la Cour note que, dans la nuit du 8 au 9 juillet 2006, le requérant a été interpellé par la police sur la voie publique, qu’il a été ensuite conduit à l’hôpital en vue d’un test d’alcoolémie et qu’il a été enfin conduit au siège de la police. Compte tenu de l’enchainement des événements, la Cour estime que la présence du requérant au siège de la police s’apparente plutôt à un interrogatoire d’un suspect qu’à une collecte d’informations (voir, a contrario, Smolik v Ukraine, no 11778/05, § 54, 19 janvier 2012) ou un contrôle routier sans limites remarquables de la liberté d´action du requérant (voir, a contrario, Aleksandr Zaichenko c. Russie, no 39660/02, §§ 47-48, 18 février 2010). De surcroît, la Cour note que rien dans le dossier n’indique que le requérant ait été informé à ce moment de son droit de se faire assister par un avocat ou qu’il ait renoncé à en faire usage (voir, en ce sens, Ahmet Engin Şatır c. Turquie, no 17879/04, § 54, 1er décembre 2009 et, a contrario, Diriöz c. Turquie, no 38560/04, §§ 34-35, 31 mai 2012). Le Gouvernement n’a d’ailleurs pas soutenu qu’il s’est vit communiquer, de manière écrite ces droits (voir, mutatis mutandis, Savaş c. Turquie, no 9762/03, §§ 66-67, 8 décembre 2009).
45. La Cour note ensuite que le requérant allègue avoir également fait une autre déclaration à un moment ultérieur de la procédure pénale, plus précisément à la date de l’ouverture des poursuites pénales à son encontre (paragraphe 25 ci-dessus). Le Gouvernement conteste cette dernière allégation (paragraphe 32 ci-dessus).
46. À cet égard, la Cour note que les parties ont versé au dossier la copie d’une déclaration manuscrite du requérant dont la date n’est pas certaine ; elle aurait été faite soit le 9 juillet 2006 selon la mention apposée par le policier, soit le 9 août 2006 selon la mention manuscrite du requérant (paragraphe 12 ci-dessus). Bien qu’il ne ressorte pas des éléments du dossier que les tribunaux internes aient eu l’occasion de se prononcer sur cette incertitude, la Cour note que plusieurs éléments jettent un doute sur la thèse du requérant.
47. Ainsi, elle constate que le requérant n’a pas versé au dossier les copies des notifications qu’il aurait reçues afin de se présenter devant les autorités le 9 août 2006 et n’indique en outre aucune circonstance permettant d’établir qu’il y aurait été présent à cette date ou ultérieurement. En effet, les seules citations à comparaître versées au dossier concernent des auditions prévues les 18 mai et 8 juin 2007 (paragraphe 14 ci-dessus), auditions auxquelles le requérant ne s’est pas présenté. Ces citations semblent plutôt confirmer la thèse du Gouvernement, puisque l’insistance des autorités pour localiser le requérant n’aurait pas été justifiée si ce dernier avait déjà fait une déclaration après l’ouverture des poursuites pénales à son encontre.
48. Dès lors, la Cour estime que seules sont à prendre en compte les deux déclarations manuscrites du requérant que les parties ont versées au dossier (paragraphes 9 et 12 ci-dessus) et constate qu’elles ont été faites avant l’ouverture des poursuites pénales contre lui.
49. La Cour relève ensuite qu’en vertu du droit roumain, lors des déclarations en cause, le requérant n’était pas en droit de bénéficier de l’assistance d’un avocat ni d’être informé de ses droits de la défense, tel le droit de garder le silence, dès lors qu’aucune poursuite pénale n’avait encore été engagée contre lui (voir, en ce sens, Argintaru c. Roumanie (déc.), no 26622/09, § 25, 8 janvier 2013). Or, la Cour a déjà conclu que le fait que l’exercice de ce droit soit impossible en raison d’une règle de droit interne systématique est inconciliable avec le droit à un procès équitable (Navone et autres, précité, § 80, et A.T. c. Luxembourg, précité, § 65).
50. En l’occurrence, la Cour estime que cette impossibilité pour le requérant de se faire informer de ses droits de la défense ainsi que du droit de se faire assister par un avocat et qui découlait de la loi en vigueur est sujette à caution.
51. Elle note ensuite que le requérant a bien soulevé devant les juridictions nationales des arguments tirés de l’absence d’un avocat au moment de ses déclarations. Le tribunal départemental, statuant sur son appel, n’a pas répondu à ces arguments (paragraphe 20 ci-dessus). La cour d’appel, statuant en dernier ressort, les a examinés et les a rejetés en application des règles procédurales qui exigeaient que les cas de nullité relative soient invoquées lors de la réalisation de l’acte lorsque la partie était présente ou lors de la première audience régulière (paragraphe 21 ci-dessus ; pour le droit interne en vigueur, voir paragraphe 24 ci-dessus).
52. La Cour estime que cette analyse est également sujette à caution. En effet, la Cour est d’avis qu’en se limitant au rappel formel de la loi, la cour d’appel n’a pas examiné le fond du grief du requérant et n’a pas ainsi réparé les conséquences résultant de la non-assistance du requérant par un avocat lors de son interrogatoire par la police (voir, en ce sens, A.T. c. Luxembourg, précité, § 73). De surcroît, la Cour note que tant le tribunal de première instance que le tribunal départemental d’Arad se sont appuyés sur les deux déclarations du requérant pour justifier sa condamnation (paragraphes 18 et 20 ci-dessus). Si la cour d’appel de Timişoara s’est plutôt appuyée sur le procès-verbal de constat de violations et n’a pas mentionné les déclarations incriminées dans son arrêt (paragraphe 21 ci-dessus), la Cour note qu’elle ne les a pas pour autant écartées ; qui plus est, elle n’a pas examiné le fond du grief du requérant tiré de l’absence d’un avocat au moment de ses déclarations.
53. Dès lors, la Cour estime que l’impossibilité pour le requérant de se faire assister par un avocat lors de son interrogatoire par la police a irrémédiablement nui à ses droits de la défense. Partant, elle conclut qu’il y a eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention.
II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
54. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
55. Le requérant réclame 20 000 euros (EUR) au titre du préjudice matériel et moral qu’il aurait subi. Il se réfère aux problèmes familiaux et personnels ayant découlé de sa condamnation pénale et indique avoir subi un traumatisme psychologique en raison d’une condamnation qu’il estime injuste.
56. Le Gouvernement observe que le requérant n’a pas prouvé avoir subi un préjudice matériel et s’oppose à ce qu’une somme lui soit allouée à ce titre. S’agissant du préjudice moral, il estime que le constat d’une violation de l’article 6 de la Convention combiné avec la possibilité d’obtenir la réouverture de la procédure interne constitue une réparation suffisante de ce préjudice. En outre, il est d’avis que la somme réclamée par le requérant est excessive par rapport à la jurisprudence de la Cour en la matière.
57. La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 2 400 EUR au titre du préjudice moral.
B. Frais et dépens
58. Le requérant n’a pas présenté de demande de remboursement des frais et dépens encourus pendant la procédure.
C. Intérêts moratoires
59. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention ;
3. Dit
a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 2 400 EUR (deux mille quatre cents euros), à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 24 mai 2016, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Marialena
Tsirli András Sajó
Greffière Président