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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> MERGEN AND OTHERS v. TURKEY - 44062/09 (Judgment (Merits and Just Satisfaction) : Court (Second Section)) French Text [2016] ECHR 473 (31 May 2016)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2016/473.html
Cite as: [2016] ECHR 473

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    DEUXIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE MERGEN ET AUTRES c. TURQUIE

     

    (Requêtes nos 44062/09, 55832/09, 55834/09, 55841/09 et 55844/09)

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

     

     

    STRASBOURG

     

    31 mai 2016

     

     

     

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

     


    En l’affaire Mergen et autres c. Turquie,

    La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

              Julia Laffranque, présidente,
              Işıl Karakaş,
              Paul Lemmens,
              Valeriu Griţco,
              Ksenija Turković,
              Jon Fridrik Kjølbro,
              Georges Ravarani, juges,
    et de Stanley Naismith, greffier de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 10 mai 2016,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouvent cinq requêtes (nos 44062/09, 55832/09, 55834/09, 55841/09 et 55844/09) dirigées contre la République de Turquie et dont cinq ressortissantes de cet État, Mmes Tijen Mergen, Şükriye Varlık, Perran Yorgancıgil, Belkıs Bağ et Nursel Gülter (« les requérantes »), ont saisi la Cour les 11 août (pour la première requérante) et 8 octobre 2009 (pour les quatre autres requérantes) en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  La première requérante a été représentée par Me K. Bayraktar, avocat à Istanbul, et les quatre autres requérantes ont été représentées par Me H. Karataş, également avocat à Istanbul. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.

    3.  Les requérantes se plaignent en particulier d’une violation de l’article 5 § 1 de la Convention.

    4.  S’agissant des requêtes nos 44062/09, 55834/09, 55841/09 et 55844/09, le 12 décembre 2013, le 26 août 2013, le 1er octobre 2013 et le 20 septembre 2013 respectivement, le grief des requérantes relatif à l’article 5 § 1 de la Convention a été communiqué au Gouvernement et ces requêtes ont été déclarées irrecevables pour le surplus. En ce qui concerne la requête no 55832/09, elle a été communiquée au Gouvernement le 28 mars 2013.

    EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

    5.  Les requérantes sont nées respectivement en 1959, en 1947, en 1950, en 1949 et en 1950 et résident à Istanbul.

    A.  Les travaux des requérantes et l’Association de soutien à la vie moderne

    6.  À l’époque des faits, la première requérante était membre du conseil d’administration du groupe de médias Doğan (Doğan Medya Grubu), lequel fournissait un soutien financier à une campagne intitulée « Papa, envoie-moi à l’école » (« Baba beni okula gönder ») organisée par l’Association de soutien à la vie moderne (Çağdaş Yaşamı Destekleme Derneği, « le ÇYDD » ou « l’Association »). Elle n’était pas membre de cette association.

    La deuxième requérante est une institutrice à la retraite. À l’époque des faits, elle était la présidente de la succursale d’Avcılar de l’Association.

    La troisième requérante est l’ancienne présidente de la succursale de Kağıthane de l’Association. À l’époque des faits, elle occupait un poste de trésorière au sein de cette dernière.

    La quatrième requérante était, à l’époque des faits, l’ancienne présidente de la succursale de Kartal de l’Association.

    Quant à la cinquième requérante, elle travaillait bénévolement pour l’Association.

    7.  L’Association, fondée en 1989, dont l’objectif est de promouvoir l’éducation des jeunes filles, a offert à ce jour des bourses d’études à des milliers d’élèves et d’étudiants. Les travaux de l’Association ont été couronnés par au moins treize prix au niveau international.

    8.  Sur le plan politique, l’Association vise à la mise en place d’une société en accord avec les principes de Mustafa Kemal Atatürk et elle est strictement attachée au principe de laïcité.

    La fondatrice de l’Association, T.S., avait pris part à l’organisation des grandes manifestations républicaines de 2007, dont les participants avaient accusé le parti au pouvoir de vouloir renforcer la place de l’Islam dans les institutions étatiques. Certains des organisateurs de ces manifestations litigieuses avaient été mis en détention provisoire dans le cadre de l’enquête pénale Ergenekon.

    B.  Le procès Ergenekon

    9.  En 2007, le parquet d’Istanbul engagea une enquête pénale contre les membres présumés d’une organisation criminelle du nom de Ergenekon, tous soupçonnés de se livrer à des activités visant au renversement du gouvernement par la force et la violence. Selon les actes d’accusation établis par le parquet, les accusés avaient planifié et commis des actes de provocation tels que des attentats contre des personnalités connues du public et des attentats à la bombe dans des endroits sensibles comme des sanctuaires ou le siège de hautes juridictions. Les accusés auraient ainsi cherché à créer une atmosphère de peur et de panique dans l’opinion publique et par là même à générer un climat d’insécurité, de manière à ouvrir la voie à un coup d’État militaire (pour des informations plus détaillées concernant l’affaire Ergenekon et les plans d’action relatifs à celle-ci, voir Tekin c. Turquie (déc.), no 3501/09, §§ 3-17, 18 novembre 2014).

    10.  S’agissant des membres de l’Association, par un acte d’accusation du 25 novembre 2010, le parquet d’Istanbul engagea une action pénale devant la cour d’assises d’Istanbul à l’encontre de huit personnes placées en garde à vue dans le cadre de la même enquête pénale menée contre les requérantes. Il était reproché à ces personnes d’être membres d’une organisation terroriste.

    11.  À une date non précisée, le procès fut transféré à la cour d’assises d’Anadolu.

    12.  Par un arrêt du 2 octobre 2015, la cour d’assises d’Anadolu acquitta tous les membres de l’Association, ainsi que les autres accusés, au motif qu’ils n’avaient commis aucune infraction. Estimant qu’une partie des preuves contenues dans le dossier avaient été falsifiées, elle décida à cet égard de porter plainte contre les responsables présumés de cette falsification.

    13.  Les autres procédures pénales engagées dans le cadre de l’enquête pénale Ergenekon restent à ce jour pendantes devant les juridictions nationales.

    C.  L’opération menée contre les membres de l’Association et l’arrestation des requérantes

    14.  Par une lettre du 10 avril 2009, la direction de la sûreté d’Istanbul sollicita une autorisation de perquisition et de saisie concernant certaines personnes, dont les requérantes, au motif qu’il apparaissait que ces personnes avaient un lien avec les membres de l’organisation illégale Ergenekon.

    15.  Le 12 avril 2009, la cour d’assises d’Istanbul ordonna la perquisition des domiciles et des lieux de travail de soixante-trois personnes, dont ceux des intéressées.

    16.  Le 13 avril 2009, les officiers de police d’Istanbul menèrent des perquisitions aux domiciles et lieux de travail des requérantes. Le même jour, les intéressées furent placées en garde à vue. Les policiers les informèrent qu’il leur était reproché d’être membres de l’organisation illégale Ergenekon.

    17.  Dans les locaux de la police, la première requérante fut interrogée sur les accusations portées à son encontre. Les policiers lui posèrent des questions sur d’autres suspects dans le cadre de l’enquête pénale Ergenekon. En particulier, ils citèrent le nom de deux cent cinquante personnes soupçonnées d’avoir un lien avec l’organisation illégale Ergenekon et demandèrent à la requérante si elle connaissait ces suspects. L’intéressée déclara qu’elle avait connu une des personnes mentionnées par les policiers au cours de ses études universitaires et qu’elle n’avait plus aucune relation avec celle-ci depuis des années. Elle ajouta également qu’elle connaissait cinq autres personnes citées par la police, précisant que celles-ci travaillaient pour l’Association, et qu’elle les avait connues durant les travaux menés pour la campagne « Papa, envoie-moi à l’école ». Les passages pertinents en l’espèce du procès-verbal d’interrogation de la première requérante se lisaient comme suit :

    « (...)

    Question : Êtes-vous membre d’une organisation non gouvernementale, d’une fondation ou d’une association ? Expliquez.

    Réponse : Lorsque je travaillais au Bilkom, j’étais membre de « l’Association des hommes d’affaires dans le secteur informatique de Turquie ». (...) Je suis également membre de la « Fondation informatique de Turquie », de « l’Association des entrepreneurs féminins » et de « l’Association succès jeune ». Je suis membre du conseil d’administration de « l’Association succès jeune ».

    (...)

    Question : Êtes-vous membre de l’Association de soutien à la vie moderne ? Si vous en êtes membre, avez-vous une fonction au sein de [cette] association ? Avez-vous participé à des activités ou projets réalisés par le ÇYDD ?

    Réponse : Je ne suis pas membre du ÇYDD. Je n’ai [participé à] aucune activité. On n’a fait que coopérer avec le ÇYDD dans le cadre de la campagne intitulée « Papa, envoie-moi à l’école ». Je n’ai pas d’autre lien [avec cette association].

    Question : Dans le cadre de l’enquête [Ergenekon], il était fait mention dans les documents saisis chez les suspects, notamment dans le document intitulé « Ergenekon », portant constitution de l’organisation, ainsi que dans beaucoup d’autres documents, aux organisations non gouvernementales ; on y exposait l’importance, la fonction et les effets de celles-ci sur la société, [et on y expliquait] que l’organisation devait créer ses propres organisations non gouvernementales et qu’il fallait qu’elle prenne le contrôle des organisations non gouvernementales existantes dans notre pays.

    Connaissez-vous le document intitulé « Ergenekon » et son contenu ?

    Réponse : Je n’ai aucune information sur un tel document ou sur son contenu.

    Question : Également, dans le document intitulé « Lobi » (« lobby »), issu de l’organisation, il était indiqué que, au cours des activités de lobbying à l’intention des masses, les étudiants (...) et les jeunes sans espoir qui habitaient dans les quartiers défavorisés des grandes villes et au sud-est de l’Anatolie devaient être organisés en ligne avec l’idéologie kémaliste et les intérêts du pays.

    Connaissez-vous le document intitulé « Lobi » et son contenu ?

    Réponse : Je n’ai aucune information sur un tel document ou sur son contenu.

    Question : Dans les documents intitulés « Dinamik - Ulusal Güç Birliği » (« Dynamique - Union du pouvoir national »), « Kemalist Hareket » (« Mouvement kémaliste ») et « Devletin Yeniden Yapılandırılması » (« Restructuration de l’État »), il était indiqué que l’on devait reconquérir la jeunesse turque par le biais des organisations non gouvernementales, que l’organisation du peuple allait se réaliser suivant deux voies, que la première [voie visait] le pouvoir politique et [que] la seconde [voie consisterait en] la mise en place d’organisations populaires
    - notamment des syndicats de travailleurs et de fonctionnaires [ainsi que] des chambres d’artisans, de médecins, d’ingénieurs, d’architectes et d’avocats - qui serviraient d’intermédiaires [avec] les organisations « précurseurs » afin que ces dernières puissent agir comme meneurs à l’instar des organisations
    Atatürkçü Düşünce Derneği (« l’Association pour la pensée d’Atatürk ») et l’Association de soutien à la vie moderne.

    Avez-vous des informations sur les buts et objectifs du ÇYDD ?

    Réponse : Je vous ai expliqué ci-dessus mon lien avec le ÇYDD. À part cela, je n’ai aucun lien avec l’Association. (...)

    Ainsi, j’aimerais bien déclarer que la campagne « Papa, envoie-moi à l’école » a été très utile. Presque huit mille filles en ont profité. Par conséquent, en 2007, [la campagne] a été couronnée par le prix de l’UNICEF.

    Question : Il ressort des preuves saisies jusqu’à présent dans le cadre de l’enquête [Ergenekon] que l’organisation avait fondé, contrôlé ou dirigé plusieurs associations, notamment celles dénommées A.D.D., K.M.D., V.K.G.B.D., B.H.B., ainsi que U.B.H.P., A.U.U.D.P., Ç.Y.P., B.K.K.P. et U.P.G.B., et, dans ce contexte, des opérations [policières] ont été menées à l’encontre des membres présumés de l’organisation terroriste Ergenekon.

    Y a-t-il une coopération formelle ou informelle (notamment l’organisation d’un rassemblement commun, d’une marche, etc.) entre l’Association de soutien à la vie moderne et les associations mentionnées ci-dessus ou une autre institution ?

    Réponse : Je n’ai aucune information à ce sujet. Je vous ai exposé ci-dessus mon lien avec le ÇYDD.

    Question : Dans le cadre de l’enquête, il a été constaté que les manifestations connues sous le nom des manifestations républicaines (« Cumhuriyet Mitingleri ») avaient été réalisées à la suite des décisions prises par des dirigeants de l’organisation terroriste Ergenekon. Il a été constaté que certaines manifestations républicaines avaient été organisées par les dirigeants du ÇYDD et de la ÇEV (« la Fondation à l’éducation moderne ») et que les succursales du ÇYDD et de la ÇEV y avaient participé ensemble.

    Avez-vous participé aux manifestations républicaines ? Avez-vous eu un rôle dans le cadre de ces manifestations ?

    Réponse : Je n’ai pas participé à ces manifestations. Je n’ai pas exercé d’activité au sein de l’Association.

    Question : Êtes-vous au courant du projet intitulé « les foyers Ata » (« Ata Evleri Projesi ») ? Avez-vous participé à une quelconque activité dans ce cadre ?

    Réponse : Je n’ai aucune information sur le projet intitulé « les foyers Ata ».

    Question : Un document intitulé « le projet des foyers Ata », composé de huit pages et établi par Ö.S.O. et G.E., a été découvert et saisi chez l’accusé M.A., arrêté dans le cadre de l’enquête menée contre l’organisation terroriste armée Ergenekon. À la lecture du document en question, il a été constaté que, dans la crainte que les cadres religieux aient pris le pouvoir étatique durant ces dernières années, il avait été indiqué qu’il était nécessaire de trouver des étudiants au revenu modeste parmi ceux qui avaient une idéologie opposée, de les placer dans les foyers qui seraient soutenus par différents moyens et de former les étudiants les plus jeunes selon une certaine idéologie. Pour ce projet, il était envisagé [de faire] ouvrir un compte commun par les associations locales dans les endroits où il était nécessaire de mettre en œuvre le projet, [sur lequel] les dons conditionnels seraient versés au profit des « foyers Ata ». Il s’agissait d’une organisation dont les tâches étaient bien définies et hiérarchisées. Il était nécessaire que les responsables de ce projet fissent un effort pour assurer la continuation du financement en prenant contact avec les associations, les organisations non gouvernementales et les hommes d’affaires ainsi que leurs entourages.

    Êtes-vous au courant [de l’existence] du document intitulé « les foyers Ata » et connaissez-vous la personne qui l’a préparé ?

    Réponse : Je n’ai aucune information sur le document en question. (...)

    Question : Dans le fichier « Tübider-Kosgeb-Istanbul(1)09.05.04.xls » se trouvant dans le CD no 117 découvert sur le lieu de travail de H.A.Y., il a été constaté que votre nom figurait comme étant « 154. Bilkom Bilişim Hizmetleri A.Ş. - Tijen Mergen  - Üsküdar - Istanbul ».

    Qui est le propriétaire de la société Bilkom ? Quelle est votre fonction dans cette société ? Dans quel secteur cette société mène-t-elle ses activités ? Qui sont les associés de la société, s’il y en a ?

    Réponse : Bilkom A.Ş. appartient au groupe de Koç. Le groupe de Koç a acheté cette société à H.K. en décembre 2000. Je vous ai expliqué [quels sont] le secteur [d’activité] de la société et ma fonction au sein de cette dernière ci-dessus.

    (...) »

    18.  Au poste de police, les autres requérantes déclarèrent se prévaloir de leur droit de garder le silence.

    19.  Le 15 avril 2009, les requérantes comparurent devant le procureur de la République d’Istanbul (« le procureur de la République»). Celui-ci cita le nom de plus de deux cent trente personnes, toutes soupçonnées d’avoir un lien avec l’organisation Ergenekon, et demanda aux requérantes si elles connaissaient ces suspects. Celles-ci affirmèrent qu’elles ne connaissaient que les personnes qui travaillaient pour l’Association. Dans sa déposition, la première requérante indiqua que sa déclaration faite devant la police était exacte et, tout en en réitérant la teneur, elle en présenta un bref résumé. Les passages pertinents en l’espèce du procès-verbal d’interrogation des quatre autres requérantes étaient rédigés comme suit.

    1.  S’agissant de la requérante ayant introduit la requête n55832/09

    « Je me suis prévalue de mon droit de garder le silence au poste de police, maintenant je veux bien faire une déposition devant vous. (...)

    Question : Depuis quand êtes-vous membre de l’Association de soutien à la vie moderne et quelle [est] votre fonction [au sein de cette association] ?

    Réponse : Je suis institutrice à la retraite. Actuellement, je suis présidente de la succursale d’Avcılar du ÇYDD.

    Question : Dans le cadre de l’enquête [Ergenekon], il était fait mention dans les documents saisis chez les suspects, notamment dans le document intitulé « Ergenekon », portant constitution de l’organisation, ainsi que dans beaucoup d’autres documents, aux organisations non gouvernementales ; on y exposait l’importance, la fonction et les effets de celles-ci sur la société, [et on y expliquait] que l’organisation devait créer ses propres organisations non gouvernementales et qu’il fallait qu’elle prenne le contrôle des organisations non gouvernementales existantes dans notre pays.

    Connaissez-vous le document intitulé « Ergenekon » et son contenu ?

    Réponse : Je ne l’ai [pas vu et je n’en ai pas entendu parler].

    Question : Également, dans le document intitulé « Lobi », issu de l’organisation, il était indiqué que, au cours des activités de lobbying à l’intention des masses, les étudiants universitaires et les jeunes sans espoir qui habitaient dans les quartiers défavorisés des grandes villes et au sud-est de l’Anatolie devaient être organisés en ligne avec l’idéologie kémaliste et les intérêts du pays.

    Connaissez-vous le document intitulé « Lobi » et son contenu ?

    Réponse : Je n’ai pas d’informations [sur ce document]. Je [n’en ai pas entendu parler], je ne le connais pas.

    Question : Dans les documents intitulés « Dinamik - Ulusal Güç Birliği » (« Dynamique - Union du pouvoir national »), « Kemalist Hareket » (« Mouvement kémaliste ») et « Devletin Yeniden Yapılandırılması » (« Restructuration de l’État »), il était indiqué que l’on devait reconquérir la jeunesse turque par le biais des organisations non gouvernementales, que l’organisation du peuple allait se réaliser suivant deux voies, que la première [voie visait] le pouvoir politique et [que] la seconde [voie consisterait en] la mise en place d’organisations populaires - notamment des syndicats de travailleurs et de fonctionnaires [ainsi que] des chambres d’artisans, de médecins, d’ingénieurs, d’architectes et d’avocats - qui serviraient d’intermédiaires [avec] les organisations « précurseurs » afin que ces dernières puissent agir comme meneurs à l’instar des organisations Atatürkçü Düşünce Derneği (« l’Association pour la pensée d’Atatürk ») et l’Association de soutien à la vie moderne.

    L’Association de soutien à la vie moderne [au sein de] laquelle vous êtes présidente de succursale a-t-elle un but tel qu’il a été expliqué ci-dessus ?

    En tant qu’Association de soutien à la vie moderne, avez-vous participé à des activités visant à l’organisation des peuples et des masses ? Dans l’affirmative, quelles sont ces activités et qui a donné l’instruction [pour les mettre en œuvre] ?

    Réponse : À ma connaissance, non.

    Question : Il ressort des preuves saisies jusqu’à présent dans le cadre de l’enquête [Ergenekon] que l’organisation avait fondé, contrôlé ou dirigé plusieurs associations, notamment celles dénommées A.D.D., K.M.D., V.K.G.B.D., B.H.B., ainsi que U.B.H.P., A.U.U.D.P., Ç.Y.P., B.K.K.P. et U.P.G.B., et, dans ce contexte, des opérations [policières] ont été menées à l’encontre des membres présumés de l’organisation terroriste Ergenekon.

    Y a-t-il une coopération formelle ou informelle (notamment l’organisation d’un rassemblement commun, d’une marche, etc.) entre l’Association de soutien à la vie moderne et les associations mentionnées ci-dessus ou une autre institution ?

    Réponse : À ma connaissance, une telle coopération n’existe pas.

    Question : À quelles activités (manifestations, marches, etc.) organisées par l’Association de soutien à la vie moderne avez-vous participé ? Quel était le but de ces activités et qui était responsable de l’organisation de celles-ci ? Avez-vous eu un rôle dans ces activités ?

    Réponse : Non, nous n’avons pas eu de rôle. Comme mentionné dans les statuts [de l’Association], nous avons participé aux activités spéciales, notamment aux colloques d’étudiants, aux cérémonies de [remise de] diplômes, aux réunions d’information. J’ai participé à certaines manifestations. Je n’étais pas au comité d’organisation. Je n’y ai pas participé en application d’une décision de l’Association.

    Question : Un document intitulé « la réunion du comité de science et conseil », découvert parmi les données saisies chez l’accusé Ş.E., indiquait les sujets discutés lors de la réunion.

    Il a été constaté qu’il était inscrit [ce qui suit] : « la prochaine fonction principale est l’élection du président de la République », « prenant en compte le temps, il faut déterminer une stratégie et préparer et appliquer un plan d’action pour l’élection du président de la République », « il est d’une grande importance d’informer le peuple de la manifestation qui sera réalisée [dans ce cadre] et il est primordial que la participation soit accrue. À cette fin, toute sorte de soutien des écrivains, des médias et des autres institutions doit être assuré ».

    (...)

    Dans ce contexte, il a été constaté que les manifestations connues sous le nom des manifestations républicaines avaient été réalisées à la suite de leur planification et coordination par des dirigeants de l’organisation terroriste Ergenekon.

    Avez-vous participé à ces manifestations ? Avez-vous eu une quelconque activité lors de ces manifestations ?

    Savez-vous que ces manifestations [républicaines] ont été organisées à la suite des décisions prises par les dirigeants de l’organisation terroriste armée Ergenekon ?

    Réponse : Je n’ai aucune information à ce sujet.

    Question : Quel type d’aide la succursale d’Avcılar du ÇYDD apporte-t-elle aux étudiants ? Quels sont les critères [d’éligibilité] pour les étudiants auxquels vous [êtes susceptibles d’apporter] une aide ? Qui choisit les étudiants boursiers, comment ?

    Réponse : En tant que succursale d’Avcılar, on offre des bourses aux étudiants et on organise des séminaires sur les sujets d’actualité. Chaque succursale de l’Association a des commissions de bourses. Ce sont ces commissions qui évaluent [les demandes de bourses] selon [des principes] prédéterminés. Les principes sont fixés et inscrits dans les statuts par la direction générale [de l’Association], et on décide selon [ces principes].

    Question : Êtes-vous au courant du projet intitulé « les foyers Ata » ? Avez-vous participé à une quelconque activité dans ce cadre ?

    Réponse : Je n’ai pas entendu [parler d’]un projet intitulé « les foyers Ata ».

    Question : Un document intitulé « le projet des foyers Ata », composé de huit pages et établi par Ö.S.O et G.E., a été découvert et saisi chez l’accusé M.A., arrêté dans le cadre de l’enquête menée contre l’organisation terroriste armée Ergenekon. À la lecture du document en question, il a été constaté que, dans la crainte que les cadres religieux aient pris le pouvoir étatique durant ces dernières années, il avait été indiqué qu’il était nécessaire de trouver des étudiants au revenu modeste parmi ceux qui avaient une idéologie opposée, de les placer dans les foyers qui seraient soutenus par différents moyens et de former les étudiants les plus jeunes selon une certaine idéologie. Pour ce projet, il était envisagé [de faire] ouvrir un compte commun par les associations locales dans les endroits où il était nécessaire de mettre en œuvre le projet, [sur lequel] les dons conditionnels seraient versés au profit des « foyers Ata ». Il s’agissait d’une organisation dont les tâches étaient bien définies et hiérarchisées. Il était nécessaire que les responsables de ce projet fissent un effort pour assurer la continuation du financement en prenant contact avec les associations, les organisations non gouvernementales et les hommes d’affaires ainsi que leurs entourages.

    Êtes-vous au courant [de l’existence] du document intitulé « les foyers Ata » et connaissez-vous la personne qui l’a préparé ?

    Réponse : Je ne connais pas la personne qui s’appelle M.A. Je n’ai pas d’informations sur ce projet.

    (...)

    Question : Comment assurez-vous le financement des activités menées par [votre] association [et quelle en est la provenance] ?

    Réponse : Nous l’assurons principalement grâce aux dons. (...)

    Question : L’Association de soutien à la vie moderne reçoit-elle ou a-t-elle jamais reçu une aide d’une personne, d’une entité ou d’un établissement étrangers ?

    Réponse : Il n’y a pas un financeur précis dans le pays. Ainsi, à ma connaissance, on n’a pas reçu d’aide de l’étranger.

    Question : Dans les lettres de dénonciation rédigées par des personnes diverses et saisies chez T.Ö., les activités illégales du ÇYDD et de la ÇEV étaient expliquées. Dans ce contexte, il était mentionné que des anciens militants appartenant à DEV-GENÇ (« la Voie révolutionnaire ») et des membres de l’organisation terroriste PKK dominaient au sein du ÇYDD et de la ÇEV, que [ces associations] offraient des bourses de manière abusive aux membres de l’organisation PKK et qu[e ceux-ci] recevaient des aides financières de « l’Union des Églises mondiales »  (« Dünya Kiliseler Birliği ») et de plusieurs institutions étrangères.

    Avez-vous des informations sur les bourses offertes aux membres de l’organisation terroriste PKK et aux militants de DEV-GENÇ ?

    Le ÇYDD a-t-il un lien avec « l’Union des Églises mondiales » ? Si oui, quelle est la portée de ce lien ?

    Réponse : Je n’ai pas d’informations. Il n’y a aucun lien avec « l’Union des Églises mondiales ».

    Question : Le 25 septembre 2008, dans un courriel de dénonciation envoyé sous le nom de R.K. par l’adresse (...)@gmail.com, transmis à la ligne téléphonique de dénonciation du 155, l’intéressé précisait qu’il était un étudiant d’origine kurde, qu’il avait commencé à questionner les mouvements kurdes en raison des événements actuels, qu’il avait compris la véritable intention de certains de ses amis avec lesquels il avait lutté, qu’il souhaitait expliquer la situation de certains de ses amis (...) qui faisaient partie de la branche jeunesse de l’organisation, que l’Association de soutien à la vie moderne essayait d’orienter secrètement leurs actions, qu’il savait que S.I., qui avait été arrêté (...), avait incendié des véhicules, que ce dernier (S.I.) et beaucoup d’autres avaient reçu une bourse de la part de l’Association de soutien à la vie moderne, qu’il savait [par ailleurs] que S.A., qui avait aussi été arrêté alors qu’il incendiait des véhicules, avait également auparavant reçu une bourse de la part de cette association et que, lorsqu’on [s’intéresserait aux] personnes servant de référence [pour l’obtention d’une bourse], [on découvrirait] la raison pour laquelle les Kurdes avaient été utilisés par des membres de Ergenekon.

    Avez-vous une quelconque information à ce sujet ?

    Réponse : Cela n’a aucun rapport avec nous, je n’accepte pas cette dénonciation.

    Question : À la suite de l’examen des photographies saisies à votre domicile, il a été constaté que vous avez participé à la manifestation républicaine organisée le 14 avril 2007 à Tandoğan, Ankara, par l’organisation terroriste Ergenekon.

    Pourquoi avez-vous participé à cette manifestation ? Qui vous a demandé de participer à cette manifestation ? Avec qui y êtes-vous allée ?

    Réponse : La photographie m’appartient. Je suis allée à la manifestation à Tandoğan. Ce n’était pas une manifestation républicaine, c’était une manifestation concernant la semaine [pour la commémoration] d’Atatürk.

    (...) »

    2.  S’agissant de la requérante ayant introduit la requête no 55834/09

    « Je me suis prévalue de mon droit de garder le silence au poste de police, maintenant je veux bien faire une déposition devant vous.

    (...)

    Je n’ai aucune information sur l’organisation terroriste Ergenekon. Je n’ai aucun lien avec cette organisation. Je ne suis pas au courant que Ergenekon oriente et dirige les organisations non gouvernementales.

    Je suis trésorière au sein du ÇYDD. (...)

    Question : Depuis quand êtes-vous membre de l’Association de soutien à la vie moderne et quelle [est] votre fonction [au sein de cette association] ?

    Réponse : En 1996, j’étais présidente de la succursale de Kağıthane du ÇYDD. En 1998, je suis devenue trésorière auprès de la direction générale. C’est actuellement ma fonction.

    Question : Dans le cadre de l’enquête [Ergenekon], il était fait mention dans les documents saisis chez les suspects, notamment dans le document intitulé « Ergenekon », portant constitution de l’organisation, ainsi que dans beaucoup d’autres documents, aux organisations non gouvernementales ; on y exposait l’importance, la fonction et les effets de celles-ci sur la société, [et on y expliquait] que l’organisation devait créer ses propres organisations non gouvernementales et qu’il fallait qu’elle prenne le contrôle des organisations non gouvernementales existantes dans notre pays.

    Avez-vous joué un rôle à cette fin ?

    Réponse : Je n’ai pas d’informations, je ne [sais rien].

    Question : Dans les documents intitulés « Dinamik - Ulusal Güç Birliği » (« Dynamique - Union du pouvoir national »), « Kemalist Hareket » (« Mouvement kémaliste ») et « Devletin Yeniden Yapılandırılması » (« Restructuration de l’État »), il était indiqué que l’on devait reconquérir la jeunesse turque par le biais des organisations non gouvernementales, que l’organisation du peuple allait se réaliser suivant deux voies, que la première [voie visait] le pouvoir politique et [que] la seconde [voie consisterait en] la mise en place d’organisations populaires - notamment des syndicats de travailleurs et de fonctionnaires [ainsi que] des chambres d’artisans, de médecins, d’ingénieurs, d’architectes et d’avocats - qui serviraient d’intermédiaires [avec] les organisations « précurseurs » afin que ces dernières puissent agir comme meneurs à l’instar des organisations Atatürkçü Düşünce Derneği (« l’Association pour la pensée d’Atatürk ») et l’Association de soutien à la vie moderne.

    L’Association de soutien à la vie moderne [au sein de] laquelle vous êtes trésorière a-t-elle un but tel qu’il a été expliqué ci-dessus ?

    En tant que Çağdaş Yaşamı Destekleme Derneği, avez-vous participé à des activités visant à l’organisation des peuples et des masses ? Dans l’affirmative, quelles sont ces activités et qui a donné l’instruction [pour les mettre en œuvre] ?

    Réponse : Je ne suis pas au courant que le ÇYDD agissait dans le cadre de Ergenekon. Je ne pense pas qu’il [a un lien avec Ergenekon]. Je n’ai pas exercé de rôle à cette fin.

    Question : Il ressort des preuves saisies jusqu’à présent dans le cadre de l’enquête [Ergenekon] que l’organisation avait fondé, contrôlé ou dirigé plusieurs associations, notamment celles dénommées A.D.D., K.M.D., V.K.G.B.D., B.H.B., ainsi que U.B.H.P., A.U.U.D.P., Ç.Y.P., B.K.K.P. et U.P.G.B. et, dans ce contexte, des opérations [policières] ont été menées à l’encontre des membres présumés de l’organisation terroriste Ergenekon.

    Y a-t-il une coopération formelle ou informelle (notamment l’organisation d’un rassemblement commun, d’une marche, etc.) entre l’Association de soutien à la vie moderne et les associations mentionnées ci-dessus ou une autre institution ?

    Réponse : Notre association n’a aucune activité commune avec une autre association.

    Question : À quelles activités (manifestations, marches, etc.) organisées par l’Association de soutien à la vie moderne avez-vous participé ? Quel était le but de ces activités et qui était responsable de l’organisation de celles-ci ? Avez-vous exercé un rôle dans ces activités ?

    Réponse : Notre association n’a pas elle-même organisé de manifestation. Je n’ai participé qu’à la manifestation républicaine organisée à Istanbul. J’y ai participé personnellement. L’Association n’y a pas participé.

    (...)

    Question : Un document intitulé « la réunion du comité scientifique et du conseil », découvert parmi les données saisies chez l’accusé Ş.E. indiquait les sujets discutés lors de la réunion.

    Il a été constaté qu’il était inscrit [ce qui suit] : « le prochain [objectif] principal est l’élection du président de la République », « prenant en compte le temps, il faut déterminer une stratégie et préparer et appliquer un plan d’action pour l’élection du président de la République », « il est d’une grande importance d’informer le peuple de la manifestation qui sera réalisée [dans ce cadre] et il est primordial que la participation soit accrue. À cette fin, toute sorte de soutien des écrivains, des médias et des autres institutions doit être assuré ».

    (...)

    Dans ce contexte, il a été constaté que les manifestations connues sous le nom des manifestations républicaines avaient été réalisées à la suite de leur planification et coordination par des dirigeants de l’organisation terroriste Ergenekon. Avez-vous des informations à ce sujet ?

    Réponse : Je n’ai pas d’informations à ce sujet, je n’ai pas exercé de fonction [à cet égard].

    (...)

    Question : Qui a financé les manifestations républicaines ? Le ÇYDD [au sein duquel] vous êtes trésorière a-t-il eu un rôle pour le financement ? Expliquez.

    Réponse : Non [l’Association n’a pas eu un tel rôle].

    Question : Comment assurez-vous le financement des activités menées par [votre] association [et quelle en est la provenance] ?

    Réponse : Nous les assurons par le biais des dons.

    Question : Combien de comptes bancaires le ÇYDD a-t-il ? (...)

    Réponse : L’Association a plus de trente comptes bancaires. (...)

    Question : Expliquez la campagne « Papa, envoie-moi à l’école ». Qui a assuré son financement ? Depuis quand est-elle [mise en œuvre] ?

    Réponse : Le financement de ce projet est assuré par le biais des dons.

    (...)

    Question : Également, dans le document intitulé « Lobi », issu de l’organisation, il était indiqué que, au cours des activités de lobbying à l’intention des masses, les étudiants universitaires et les jeunes sans espoir qui habitaient dans les quartiers défavorisés des grandes villes et au sud-est de l’Anatolie devaient être organisés en ligne avec l’idéologie kémaliste et les intérêts du pays.

    Connaissez-vous le document intitulé « Lobi » et son contenu ?

    Réponse : Je ne le connais pas.

    Question : À qui et dans quelles conditions votre association offre-t-elle des bourses ? Quels sont les critères [d’éligibilité] pour les personnes auxquelles vous [êtes susceptibles d’accorder une bourse] ? Y a-t-il une discrimination fondée sur la région ou la langue ?

    Réponse : Il n’y a aucune discrimination fondée sur la région, la race, la religion, etc. J’aurais bien aimé offrir des bourses à tous ceux qui [en demandaient une]. [Les demandeurs] postulent en remplissant un formulaire. Et on offre des bourses aux étudiants qui [vont] dans les universités publiques, en particulier à ceux qui viennent d’Anatolie et qui sont dans le besoin. (...)

    Question : Le ÇYDD a-t-il un lien avec « l’Union des Églises mondiales » ? Si oui, quelle est la portée de ce lien ?

    Réponse : Nous n’avons aucun lien.

    Question : Les activités illégales du ÇYDD et de la ÇEV étaient expliquées dans les lettres de dénonciation rédigées par certaines personnes et trouvées parmi les documents saisis chez le suspect T.Ö. Dans ce contexte, il était mentionné que des anciens militants appartenant à DEV-GENÇ et des membres de l’organisation terroriste PKK dominaient au sein du ÇYDD et de la ÇEV, que [ces associations] offraient des bourses [de manière abusive] aux membres de l’organisation PKK et qu[e ceux-ci] recevaient des aides financières de « l’Union des Églises mondiales » et de plusieurs institutions étrangères.

    Au sujet des bourses offertes aux membres de l’organisation terroriste PKK et aux militants de DEV-GENÇ, de quoi s’agit-il ?

    Le ÇYDD [au sein duquel] vous êtes membre et trésorière a-t-il eu une activité à cette fin ?

    Réponse : Je n’accepte pas ces éléments. Nous n’avons pas eu une telle activité.

    (...)

    Question : Le 25 septembre 2008, dans un courriel de dénonciation envoyé sous le nom de R.K. par l’adresse (...)@gmail.com, transmis à la ligne téléphonique de dénonciation du 155, l’intéressé précisait qu’il était un étudiant d’origine kurde, qu’il avait commencé à questionner les mouvements kurdes en raison des événements actuels, qu’il avait compris la véritable intention de certains de ses amis avec lesquels il avait lutté, qu’il souhaitait expliquer la situation de certains de ses amis (...) qui faisaient partie de la branche jeunesse de l’organisation, que l’Association de soutien à la vie moderne essayait d’orienter secrètement leurs actions, qu’il savait que S.I., qui avait été arrêté (...), avait incendié des véhicules, que ce dernier (S.I.) et beaucoup d’autres avaient reçu une bourse de la part de l’Association de soutien à la vie moderne, qu’il savait [par ailleurs] que S.A., qui avait aussi été arrêté alors qu’il incendiait des véhicules, avait également auparavant reçu une bourse de la part de cette association et que, lorsqu’on [s’intéresserait aux] personnes servant de référence [pour l’obtention d’une bourse], [on découvrirait] la raison pour laquelle les Kurdes avaient été utilisés par des membres de Ergenekon.

    (...) Connaissez-vous les personnes nommées S.I. et S.A. ? Expliquez le lien entre ces personnes et le ÇYDD.

    Réponse : Nous n’avons aucun lien avec ces personnes. Je réfute ces allégations. Nous n’avons pas offert de bourse ou d’aide aux membres d’une organisation terroriste. Je ne connais pas ces personnes.

    Question : [Savez-vous] si ces personnes reçoivent des bourses ?

    Réponse : Je ne sais pas si des bourses ont été offertes ou non.

    (...)

     Question : Un document intitulé « le projet des foyers Ata », composé de huit pages, a été découvert et saisi chez l’accusé M.A., arrêté dans le cadre de l’enquête menée contre l’organisation terroriste armée Ergenekon. (...)

    À la lecture du document en question, il a été constaté que, dans la crainte que les cadres religieux aient pris le pouvoir étatique durant ces dernières années, il avait été indiqué qu’il était nécessaire de trouver des étudiants au revenu modeste parmi ceux qui avaient une idéologie opposée, de les placer dans les foyers qui seraient soutenus par différents moyens et de former les étudiants les plus jeunes selon une certaine idéologie. Pour ce projet, il était envisagé [de faire] ouvrir un compte commun par les associations locales dans les endroits où il était nécessaire de mettre en œuvre le projet, [sur lequel] les dons conditionnels seraient versés au profit des « foyers Ata ». Il s’agissait d’une organisation dont les tâches étaient bien définies et hiérarchisées. Il était nécessaire que les responsables de ce projet fissent un effort pour assurer la continuation du financement en prenant contact avec les associations, les organisations non gouvernementales et les hommes d’affaires ainsi que leurs entourages.

    Êtes-vous au courant [de l’existence] du document intitulé « les foyers Ata » ou de ce projet ? Avez-vous exercé une activité à cette fin ?

    Réponse : Je n’ai aucune information à ce sujet. Je n’ai pas entendu parler du projet des « foyers Ata ».

    (...) »

    3.  S’agissant de la requérante ayant introduit la requête n55841/09

    « Je n’ai pas fait de déposition au poste de police, je me suis prévalue de mon droit de garder le silence ; maintenant je veux bien faire une déposition devant vous. Je suis l’ancienne présidente de la succursale de Kartal du ÇYDD et ma fonction a pris fin en janvier 2009.

    Je n’ai pas de relation proche avec les personnes placées en garde à vue ou en détention dans le cadre de l’enquête Ergenekon ; il y a pourtant parmi elles [des personnes] dont j’ai [déjà] entendu les noms.

    Je ne suis pas au courant que le nom du ÇYDD, au sein duquel j’étais présidente [de succursale], figurait dans les plans de coups d’État préparés en 2003 et 2004 et qu[e le ÇYDD] était l’instrument civil de ces plans.

    Je ne sais pas si le ÇYDD a ou non un lien avec « l’Union des Églises mondiales » ou bien s’il bénéficie ou non d’une aide de cette dernière.

    Question : Le 25 septembre 2008, dans un courriel de dénonciation envoyé sous le nom de R.K. par l’adresse (...)@gmail.com, transmis à la ligne téléphonique de dénonciation du 155, l’intéressé précisait qu’il était un étudiant d’origine kurde, qu’il avait commencé à questionner les mouvements kurdes en raison des événements actuels, qu’il avait compris la véritable intention de certains de ses amis avec lesquels il avait lutté, qu’il souhaitait expliquer la situation de certains de ses amis (...) qui faisaient partie de la branche jeunesse de l’organisation, que l’Association de soutien à la vie moderne essayait d’orienter secrètement leurs actions, qu’il savait que S.I., qui avait été arrêté (...), avait incendié des véhicules, que ce dernier (S.I.) et beaucoup d’autres avaient reçu une bourse de la part de l’Association de soutien à la vie moderne, qu’il savait [par ailleurs] que S.A., qui avait aussi été arrêté alors qu’il incendiait des véhicules, avait également auparavant reçu une bourse de la part de cette association (...)

    Par conséquent, il ressort de toutes ces données que le ÇYDD et la ÇEV, en plus de leurs activités relatives aux organisations non gouvernementales, menaient aussi des activités dans le but de diriger et de prendre le contrôle de l’organisation terroriste PKK au nom de l’organisation terroriste Ergenekon.

    Connaissez-vous les personnes mentionnées dans ladite dénonciation ? En ce qui concerne cette allégation et les allégations similaires, une bourse ou des aides quelconques ont-elles été octroyées aux personnes de ce genre lorsque vous meniez des activités au sein de l’Association ?

    Réponse : Je ne connais pas ces personnes ; lorsque j’étais dirigeante au sein de l’Association, [il n’y a pas eu de tels octrois] et je ne crois pas que [cela s’est déjà produit].

    Question : Durant la perquisition effectuée au domicile de l’accusé M.A. [dans le cadre de la procédure pénale Ergenekon], un document intitulé « Ö.S.O. 6e zone de la sous-préfecture de Kadıköy de l’Association des amoureux du pays », établi par S.O., qui a également établi le document intitulé « le projet des foyers Ata », a été trouvé. Il a été constaté [dans ce document] que les intentions et les objectifs des « foyers du peuple républicain » avaient été mentionnés.

    Avez-vous mené des activités quelconques au sujet des « foyers du peuple républicain » ? Avez-vous mené des activités avec les personnes mentionnées dans les documents saisis chez vous et chez M.A. ?

    Réponse : Je ne connais pas de personne qui s’appelle M.A., je n’ai aucune information sur « les foyers Ata » et « les foyers du peuple républicain ».

    Question : Connaissez-vous les personnes qui ont choisi les étudiants qui seront placés dans « les foyers Ata » ? Avez-vous eu un rôle dans le choix des étudiants qui seront hébergés dans ces foyers ? Quel est le but de ce projet ?

    Réponse : Je n’ai pas d’informations à ce sujet.

    Question : Les notes figurant dans l’agenda intitulé « Elmeksan », saisi lors de la perquisition effectuée à votre domicile, [vous] ont été montrées et [vous avez] dit que l’agenda et les notes y figurant [vous] appartenaient.

    La note qui se lit comme suit lui a été posée (sic) : « les préparations seront effectuées pour les foyers du peuple républicain ».

    Réponse : « Le foyer du peuple républicain » mentionné plus haut n’a aucune relation avec notre association ; il y a un « foyer du peuple républicain » appartenant au Parti du peuple républicain (« CHP ») à Fındıklı, Maltepe, et la note concerne ce [foyer].

    La succursale dont j’étais la présidente n’a pas de moyens ni d’activités [lui permettant de] louer un appartement aux étudiants [et] je ne sais pas si la direction générale de l’Association a un tel projet.

    Question : Dans une des pages de l’agenda intitulé « Elmeksan » saisi lors de la perquisition effectuée à votre domicile, sous le titre « des choses à faire de nos jours », les expressions manuscrites suivantes ont été constatées : au point 4 de la page 23 : « bizkackisiyiz.com ? Nous sommes à côté de Kanaltürk T.Ö. [un journaliste accusé dans le cadre de l’affaire Ergenekon] », au point 5 : « envoi d’une burqa et d’un turban aux députés de l’AKP (« Parti de la justice et du développement ») et du MHP (« Parti du mouvement nationaliste ») », au point 6 : « soutien pour la fondation d’un parti [politique] avec T.Ö. », au point 9 : « il faut prendre des mesures [de manière anticipée] contre les plans de l’AKP », au point 16 : « Union de la gauche - T.Ö. + syndicats », au point 21 : « Le 9 février, nous sommes à Ankara ».

    Qu’est-ce que signifie votre soutien politique à T.Ö., accusé dans le cadre de la même enquête ?

    L’un des buts de l’organisation terroriste Ergenekon est notamment d’orienter la politique. En tant qu’Association [de soutien à la vie moderne], eu égard aux notes que vous avez prises, [avez-vous pour but de] donner une orientation à la politique ?

    Expliquez vos notes [mentionnées] ci-dessus.

    Réponse : Les notes manuscrites figurant dans mon agenda m’appartiennent et je les ai prises au cours d’une réunion, mais je ne me souviens plus de quelle réunion il s’agissait.

    Les autres notes se trouvant dans mon agenda sont aussi des notes que j’avais prises durant une réunion.

    Question : Lors de votre conversation téléphonique datée du 19 janvier 2009 à 11 h 41 avec [une certaine] Fatma, il a été constaté que vous lui avez demandé « quand es-tu arrivée ? Tu rentres quand ? », que Fatma vous a dit « je suis chez Oya ; la semaine prochaine, soit le 28, soit le 29, nous sommes chez Nurten », que vous lui avez dit « OK, chez Fatma », qu’elle vous a dit « parce que tu n’as pas pu y aller », que vous lui avez dit « tu es restée pendant une longue durée chez Oya ... est-elle arrivée? », que Fatma a dit « elle n’est pas arrivée, ils vont arriver et puis aller en Angleterre et je vais y aller par la suite » et qu’après Fatma a dit « alors pas ce mercredi, mercredi prochain » et que vous avez dit « autour du 28, OK » et que Fatma a dit « soit le 28, soit le 29. Le matin, Nurten m’a appelée et elle a dit qu’elle n’avait pas le numéro de Belkıs ».

    Qui est cette Fatma avec laquelle vous avez parlé ? Quel est votre lien avec elle ?

    Qui sont Oya et Nurten dont vous avez parlé ? Quel est votre lien avec elles ?

    Quelles sont les personnes qui, selon les propos de Fatma, vont aller en Angleterre ? Quels sont leurs liens avec le ÇYDD ?

    Quel était le but de votre rencontre ?

    Réponse : Fatma, Oya et Nurten sont mes amies, elles sont plus âgées que moi et elles n’ont aucun lien avec le ÇYDD.

    (...) »

    4.  S’agissant de la requérante ayant introduit la requête no 55844/09

    « J’ai compris mes droits. Au poste de police, je me suis prévalue de mon droit de garder le silence, maintenant je veux bien faire une déposition.

    Question : Dans le cadre de l’enquête [Ergenekon], il était fait mention dans les documents saisis chez les suspects, notamment dans le document intitulé « Ergenekon », portant constitution de l’organisation, ainsi que dans beaucoup d’autres documents, aux organisations non gouvernementales ; on y exposait l’importance, la fonction et les effets de celles-ci sur la société, [et on y expliquait] que l’organisation devait créer ses propres organisations non gouvernementales et qu’il fallait qu’elle prenne le contrôle des organisations non gouvernementales existantes dans notre pays.

    Dans le document intitulé « Lobi », issu de l’organisation, il était indiqué que, au cours des activités de lobbying à l’intention des masses, les étudiants universitaires et les jeunes sans espoir qui habitaient dans les quartiers défavorisés des grandes villes et au sud-est de l’Anatolie devaient être organisés en ligne avec l’idéologie kémaliste et les intérêts du pays.

    Dans les documents intitulés « Dinamik - Ulusal Güç Birliği » (« Dynamique - Union du pouvoir national »), « Kemalist Hareket » (« Mouvement kémaliste ») et « Devletin Yeniden Yapılandırılması » (« Restructuration de l’État »), il était indiqué que l’on devait reconquérir la jeunesse turque par le biais des organisations non gouvernementales, que l’organisation du peuple allait se réaliser suivant deux voies, que la première [voie visait] le pouvoir politique et [que] la seconde [voie consisterait en] la mise en place d’organisations populaires - notamment des syndicats de travailleurs et de fonctionnaires [ainsi que] des chambres d’artisans, de médecins, d’ingénieurs, d’architectes et d’avocats - qui serviraient d’intermédiaires [avec] les organisations « précurseurs » afin que ces dernières puissent agir comme meneurs à l’instar des organisations Atatürkçü Düşünce Derneği (« l’Association pour la pensée d’Atatürk ») et l’Association de soutien à la vie moderne.

    Réponse : Je [ne sais rien] par rapport aux documents que vous m’avez lus, j’en entends [parler] pour la première fois.

    Question : En tant qu’Association de soutien à la vie moderne, avez-vous participé à des activités visant à l’organisation des peuples et des masses ? Dans l’affirmative, quelles sont ces activités et qui a donné l’instruction [pour les mettre en œuvre] ?

    Réponse : Le but de l’association à laquelle j’appartiens est la réalisation d’activités éducatives, et elle l’accomplit en pleine conformité avec les lois. Elle n’a pas d’activité relative à l’organisation du peuple.

    (...)

    Question : À quelles activités (manifestations, marches, etc.) organisées par l’Association de soutien à la vie moderne avez-vous participé ?

    Réponse : J’ai participé à la manifestation [républicaine] organisée en avril 2007 à Çağlayan et puis aux manifestations de drapeaux organisées à Samsun. Je ne connais pas le statut officiel de l’Association de soutien à la vie moderne dans ces manifestations.

    Question : Quel est le but de ces activités et qui était responsable de la coordination de celles-ci ?

    Réponse : L’annonce de ces manifestations a été faite par le biais de la messagerie électronique et les membres [de l’Association] ont été invités. Je ne sais pas qui était responsable de la coordination.

    Question : Il ressort des preuves saisies jusqu’à présent dans le cadre de l’enquête [Ergenekon] que l’organisation avait fondé, contrôlé ou dirigé plusieurs associations, notamment celles dénommées A.D.D., K.M.D., V.K.G.B.D., B.H.B., ainsi que U.B.H.P., A.U.U.D.P., Ç.Y.P., B.K.K.P. et U.P.G.B. et, dans ce contexte, des opérations [policières] ont été menées à l’encontre des membres présumés de l’organisation terroriste Ergenekon.

    Y a-t-il une coopération formelle ou informelle (notamment l’organisation d’un rassemblement commun, d’une marche, etc.) entre l’Association de soutien à la vie moderne et les associations mentionnées ci-dessus ou une autre institution ?

    Réponse : Je n’ai pas d’informations à ce sujet.

    (...)

    Question : Avez-vous des informations sur le Cumhuriyet Çalışma Grubu (« le Groupe de travail républicain ») ? Expliquez.

    Réponse : J’entends ce terme pour la première fois.

    (...)

    Question : Savez-vous que ces manifestations [républicaines] ont été organisées à la suite des décisions prises par les dirigeants de l’organisation terroriste armée Ergenekon ?

    Réponse : J’ai participé à ces manifestations en tant que citoyenne sensibilisée. [Ce n’est pas parce qu’une quelconque organisation a pris une décision que j’y ai participé].

    (...)

    Question : Comment assurez-vous le financement des activités menées par [votre] association [et quelle en est la provenance] ?

    Réponse : Le ÇYDD mène des activités éducatives. [Ses travaux consistent en] l’offre de bourses, la création d’écoles maternelles et de parcs d’enfants et la construction d’écoles publiques. Pour réaliser ces travaux, on prend contact avec les grandes sociétés pour que celles-ci [les] sponsorisent. (...) En outre, je sais que [l’Association] accepte des dons personnels.

    Question : À qui et dans quelles conditions votre association offre-t-elle des bourses ? Quels sont les critères [d’éligibilité] pour les personnes auxquelles vous [êtes susceptibles d’accorder une bourse] ?

    Réponse : L’Association offre des bourses d’études à tous les élèves à la condition que ceux-ci soient issus d’une famille avec plusieurs enfants et qu’ils soient pauvres.

    (...)

    Question : Deux lettres destinées au président de la République ont été trouvées parmi les documents saisis chez le suspect T.Ö.

    Dans ces lettres, les activités illégales du ÇYDD et de la ÇEV étaient expliquées. Dans ce contexte, il était mentionné que des anciens militants appartenant à DEV-GENÇ et des membres de l’organisation terroriste PKK dominaient au sein du ÇYDD et de la ÇEV, que [ces associations] offraient des bourses [de manière abusive] aux membres de l’organisation PKK et qu[e ceux-ci] recevaient des aides financières de « l’Union des Églises mondiales » et de plusieurs institutions étrangères.

    Avez-vous des informations sur les bourses offertes aux membres de l’organisation terroriste PKK et aux militants de DEV-GENÇ ?

    Réponse : Je n’ai pas d’informations sur le fait qu’il existe des membres ou des boursiers de l’Association qui appartiennent à une organisation illégale.

    Question : À l’époque où vous étiez au sein de l’Association, avez-vous été témoin de l’octroi de bourses ou d’autres aides aux personnes [membres des organisations illégales] ? Avez-vous eu des informations quelconques en ce sens ?

    Réponse : Je n’ai pas d’informations [quant à l’octroi par le ÇYDD de] bourses aux personnes liées aux organisations illégales.

    Question : Le ÇYDD a-t-il un lien avec « l’Union des Églises mondiales » ? Si oui, quelle est la portée de ce lien ?

    Réponse : Je n’ai pas d’information [à ce sujet].

    Question : Lors de votre conversation datée du 9 mai 2008 à 13 h 24 avec T.S., vous avez parlé d’un rendez-vous avec un Rotary Club (...) Il ressort de cette conversation que votre association planifie un projet commun avec un Rotary Club. Comment expliquez-vous ce projet et son financement ?

    Réponse : Dans le cadre des activités de l’Association, de temps en temps, les Rotary Clubs et Lions Clubs offrent des travaux communs qui sont sponsorisés [par eux]. Je ne me souviens pas exactement des détails de cette conversation. Cependant, [il pouvait s’agir] d’une offre du Rotary Club qui voulait faire construire un foyer pour les étudiants. (...)

    Question : D’après les termes des statuts du ÇYDD, celui-ci peut-il fonder des foyers [d’étudiants] ? (...)

    Réponse : Je n’ai pas d’informations à ce sujet.

    Question : Connaissez-vous Ö.S.O. et H.G.E. ? Avez-vous un quelconque lien [avec ces personnes] ?

    Réponse : Je ne connais ni Ö.S.O. ni H.G.E.

    Question : Un document intitulé « le projet des foyers Ata », composé de huit pages, a été découvert et saisi chez l’accusé M.A., arrêté dans le cadre de l’enquête menée contre l’organisation terroriste armée Ergenekon.

    Il a été constaté que le nom de Ö.S.O., modérateur de la Plateforme de communication pour la République, et le nom de G.E., secrétaire général de l’Union des associations nationales des organisations non gouvernementales, figuraient parmi les noms des personnes qui avaient établi le document [intitulé « le projet des foyers Ata »].

    À la lecture du document en question, il a été constaté que, dans la crainte que les cadres religieux aient pris le pouvoir étatique durant ces dernières années, il avait été indiqué qu’il était nécessaire de trouver des étudiants au revenu modeste parmi ceux qui avaient une idéologie opposée, de les placer dans les foyers qui seraient soutenus par différents moyens et de former les étudiants les plus jeunes selon une certaine idéologie. Pour ce projet, il était envisagé [de faire] ouvrir un compte commun par les associations locales dans les endroits où il était nécessaire de mettre en œuvre le projet, [sur lequel] les dons conditionnels seraient versés au profit des « foyers Ata ». Il s’agissait d’une organisation dont les tâches étaient bien définies et hiérarchisées. Il était nécessaire que les responsables de ce projet fissent un effort pour assurer la continuation du financement en prenant contact avec les associations, les organisations non gouvernementales et les hommes d’affaires ainsi que leurs entourages.

    Êtes-vous au courant [de l’existence] du document intitulé « les foyers Ata » ou du projet mentionné ? Avez-vous participé à une quelconque activité dans ce cadre ?

    Réponse : Je n’ai aucune information sur ce projet.

    (...) »

    20.  En résumé, les requérantes nièrent appartenir à une organisation illégale et demandèrent leur remise en liberté.

    21.  À la suite de leur interrogatoire, le 15 avril 2009, le procureur de la République ordonna la mise en liberté des intéressées.

    22.  Par une ordonnance de non-lieu du 2 novembre 2010, le procureur de la République conclut à l’absence de preuves démontrant que les requérantes étaient membres d’une organisation illégale.

    II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT

    23.  L’article 91 § 2 du code de procédure pénale (CPP) tel qu’il était en vigueur à l’époque des faits disposait :

    « Le placement en garde à vue dépend de la nécessité de cette mesure pour l’enquête et des indices permettant de croire que l’intéressé a commis une infraction. »

    24.  L’article 141 § 1 d) et e) du CPP se lisent comme suit :

    « 1)  Dans le cadre d’une enquête ou d’un procès relatifs à une infraction, les personnes qui, :

    (...)

    d)  ont été même régulièrement placées en détention provisoire au cours de l’enquête ou du procès, et qui ne sont pas traduites dans un délai raisonnable devant l’autorité de jugement et au sujet desquelles une décision sur le fond n’est pas rendue dans ce même délai,

    e) ont été régulièrement arrêtées ou placées en détention provisoire mais qu’elles ont bénéficié d’un non-lieu ou d’un acquittement,

    (...)

    peuvent demander à l’État l’indemnisation de tous leurs préjudices matériels et moraux. »

    25.  Conformément à l’article 142 du même code, le recours en indemnisation peut être intenté dans les trois mois suivant la notification à l’intéressé du caractère définitif de la décision ou du jugement et dans tous les cas de figure dans l’année suivant la date à laquelle la décision ou le jugement est devenu définitif.

    EN DROIT

    I.  SUR LA JONCTION DES REQUÊTES

    26.  La Cour décide, en application de l’article 42 § 1 de son règlement, de joindre les requêtes, eu égard à leur similitude quant aux faits et aux questions juridiques qu’elles posent.

    II. SUR L’EXCEPTION TIRÉE DE LA LONGUEUR DES FORMULAIRES DE REQUÊTE S’AGISSANT DES REQUÊTES NOS 55832/09 ET 55834/09

    27.  Le Gouvernement soutient que les requérantes ayant introduit les requêtes nos 55832/09 et 55834/09 n’ont pas saisi la Cour régulièrement au regard de l’article 47 de son règlement et du paragraphe 11 de l’instruction pratique concernant l’introduction de l’instance, au motif que les faits et les griefs soulevés par les intéressées ont été décrits dans les formulaires de requête sur quatorze et seize pages respectivement sans être accompagnés d’un résumé. Il indique à cet égard que les formulaires de requête ont été complétés par l’avocat des requérantes, et il considère par conséquent que celles-ci n’avaient aucune raison de ne pas satisfaire aux exigences de l’article 47 du règlement. Il invite donc la Cour à rejeter les requêtes susmentionnées.

    28.  Les requérantes contestent la thèse du Gouvernement.

    29.  La Cour rappelle que, d’après l’article 47 de son règlement, tel qu’il était en vigueur lors de la soumission de la présente affaire devant elle, un formulaire de requête devait notamment comporter un exposé des faits ainsi qu’un exposé de la ou des violations alléguées de la Convention et des arguments pertinents.

    30.  En l’espèce, la Cour note que, dans les formulaires de requête en question, les requérantes ont explicitement décrit les faits et clairement indiqué les violations de la Convention dont elles se plaignent. Par conséquent, la Cour estime que les griefs des requérantes ont été soulevés conformément à l’article 47 § 1 de son règlement. S’agissant de la disposition de l’instruction pratique invoquée par le Gouvernement, la Cour souligne que son observation ne fait pas partie des critères de recevabilité énoncés à l’article 35 de la Convention. Dès lors, le Gouvernement n’a nullement fondé sa demande de rejet des requêtes susmentionnées au seul motif qu’il en juge la rédaction trop longue. Il convient donc de rejeter l’exception du Gouvernement (voir, dans le même sens, Levent Bektaş c. Turquie, no 70026/10, § 31, 16 juin 2015).

    III.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 1 DE LA CONVENTION

    31.  Les requérantes allèguent qu’aucun élément de preuve ne permettait de penser qu’il existait des raisons plausibles de les soupçonner d’avoir commis l’infraction pénale d’appartenance à une organisation illégale et ne justifiait par conséquent leur placement en garde à vue. Elles dénoncent à cet égard une violation de l’article 5 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

    « 1.  Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

    (...)

    c)  s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci ;

    (...) »

    32.  Le Gouvernement combat cette thèse.

    A.  Sur la recevabilité

    33.  Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes. D’après lui, les requérantes auraient dû introduire un recours en indemnisation sur le fondement de l’article 141 § 1 e) du CPP.

    34.  Le Gouvernement précise que, selon la jurisprudence de la Cour de cassation turque, les personnes ayant été placées en garde à vue conformément à la loi et ayant bénéficié d’une ordonnance de non-lieu peuvent demander la réparation de tout préjudice moral et matériel. À cet égard, il fournit deux arrêts rendus par la Cour de cassation.

    35.  Les requérantes contestent la thèse du Gouvernement. La première requérante affirme que son placement en garde à vue ne peut être considéré comme ayant été conforme à la loi. Les autres requérantes soutiennent qu’elles n’étaient pas tenues d’introduire l’action en indemnisation citée par le Gouvernement au motif que l’exercice de cette voie de recours n’aurait pas permis de faire constater l’irrégularité de la privation de liberté alléguée par elles.

    36.  La Cour relève que les requérantes se plaignent de la prétendue illégalité de leur garde à vue, plus précisément de l’absence alléguée des raisons plausibles de les soupçonner d’avoir commis une infraction pénale tel que requis par l’article 5 § 1 c) de la Convention. Elle note que, au regard de l’article 141 § 1 e) du CPP, les requérantes, ayant été arrêtées et ayant bénéficié d’une ordonnance de non-lieu, avaient la possibilité de demander une indemnisation. À cet égard, il convient de distinguer cette voie de recours de celle prévue par l’article 141 § 1 d) du CPP, laquelle offre la possibilité pour une personne gardée à vue n’ayant pas été traduite dans un délai raisonnable devant une autorité judiciaire ou pour un détenu n’ayant pas obtenu un jugement dans un délai raisonnable de demander réparation. L’allocation d’une indemnité sur le fondement de l’alinéa d) de cet article suppose au préalable le constat que la durée de la détention provisoire n’a pas été raisonnable. La Cour s’est déjà prononcée sur ce recours dans sa décision dans l’affaire Demir c. Turquie ((déc.), no 51770/07, §§ 20-35, 16 octobre 2012) et elle a conclu qu’il pouvait conduire d’une part à la reconnaissance du caractère déraisonnable de la privation de liberté contestée et d’autre part à la réparation des préjudices subis par un requérant. Or, les circonstances de la présente affaire se distinguent de l’affaire Demir (précitée) dans la mesure où, selon le libellé de l’alinéa e) de l’article 141 du CPP, l’établissement de l’illégalité de la privation de liberté n’est pas nécessaire pour pouvoir obtenir une indemnisation. Au contraire, toute personne qui a été arrêtée ou mise en détention provisoire conformément à la loi mais qui ont bénéficié d’un non-lieu ou d’un acquittement peuvent aussi demander une indemnisation aux termes de cet alinéa de ladite disposition. La Cour note de surcroît que le Gouvernement n’a pas produit d’exemples d’affaires où l’article 141 § 1 e) du CPP aurait été invoquée avec succès dans une affaire où les juridictions nationales ont ainsi examiné la question de légalité de la privation de liberté de sorte que son exercice aurait permis de déterminer si, à la lumière d’éléments de preuve, il existait des raisons plausibles de soupçonner une personne d’avoir commis une infraction pénale.

    37.  Il s’ensuit que l’exception du Gouvernement ne saurait être retenue.

    38.  Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

    B.  Sur le fond

    1  Arguments des parties

    39.  Les requérantes soutiennent qu’il n’existait aucun fait ni aucune information susceptibles de persuader un observateur objectif de leur appartenance à une organisation terroriste.

    40.  Elles affirment de plus que les autorités judiciaires et le Gouvernement n’ont pu mettre en évidence aucun acte matériel permettant de les soupçonner d’avoir commis une infraction pénale. Elles allèguent que le Gouvernement essaye de démontrer la conformité de leur placement en garde à vue à la Convention en s’appuyant sur des faits qui seraient sans rapport avec elles.

    41.  Enfin, les requérantes soutiennent qu’il ressort clairement de leurs interrogatoires et des observations du Gouvernement que leur mise en garde à vue avait un caractère arbitraire.

    42.  Le Gouvernement déclare d’abord que les requérantes ont été arrêtées et placées en garde à vue dans le cadre d’une enquête pénale portant sur la criminalité organisée. À ses dires, les intéressées ont été privées de leur liberté en raison des soupçons selon lesquels l’Association était contrôlée par l’organisation terroriste présumée Ergenekon et apportait son aide à cette organisation illégale. Le Gouvernement soutient que, même si, en l’absence de toute condamnation, les requérantes bénéficiaient de la présomption d’innocence, il était objectivement possible de parvenir à la conviction qu’il existait des raisons plausibles de les soupçonner d’avoir pu commettre l’infraction reprochée, eu égard aux objectifs fondamentaux présumés de l’organisation criminelle Ergenekon et aux plans d’action de celle-ci concernant les organisations non gouvernementales, aux éléments de preuve recueillis dans le cadre de l’enquête et aux relations entre les accusés.

    43.  Le Gouvernement indique que, dans le cadre de la même enquête pénale, plusieurs membres et dirigeants de l’Association ont été placés en garde à vue le même jour et que des perquisitions ont été effectuées au siège social et dans les locaux de plusieurs succursales de l’Association. Il ajoute que, compte tenu des éléments de preuve obtenus lors de l’enquête, une procédure pénale a été engagée à l’encontre de huit personnes et une ordonnance de non-lieu a été rendue à l’égard des autres suspects.

    44.  Le Gouvernement soutient en outre que les personnes placées en garde à vue le 13 avril 2009 avaient un lien avec l’Association, dont certains membres et dirigeants étaient nommément mentionnés dans les documents de base de l’organisation Ergenekon.

    45.  En conséquence, après avoir rappelé la jurisprudence de la Cour en la matière, le Gouvernement invite celle-ci à déclarer que l’article 5 § 1 de la Convention n’a pas été violé dans la présente affaire.

    2  Appréciation de la Cour

    46.  La Cour rappelle au préalable que l’article 5 § 1 c) de la Convention n’autorise à placer une personne en détention que dans le cadre d’une procédure pénale, en vue de la traduire devant l’autorité judiciaire compétente lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis une infraction (Jėčius c. Lituanie, no 34578/97, § 50, CEDH 2000-IX, Włoch c. Pologne, no 27785/95, § 108, CEDH 2000-XI, et Poyraz c. Turquie (déc.), no 21235/11, § 53, 17 février 2015). La « plausibilité » des soupçons sur lesquels doit se fonder l’arrestation constitue un élément essentiel de la protection offerte par l’article 5 § 1 c) précité. L’existence de soupçons plausibles présuppose celle de faits ou de renseignements propres à persuader un observateur objectif que l’individu en cause peut avoir accompli l’infraction qui lui est reprochée. Ce qui peut passer pour plausible dépend toutefois de l’ensemble des circonstances (Fox, Campbell et Hartley c. Royaume-Uni, 30 août 1990, § 32, série A n182, O’Hara c. Royaume-Uni, no 37555/97, § 34, CEDH 2001-X, Korkmaz et autres c. Turquie, no 35979/97, § 24, 21 mars 2006, Süleyman Erdem c. Turquie, n49574/99, § 37, 19 septembre 2006, et Çiçek c. Turquie (déc.), no 72774/10, § 62, 3 mars 2015).

    47.  La Cour rappelle ensuite que l’alinéa c) de l’article 5 § 1 de la Convention ne présuppose pas que les autorités d’enquête aient rassemblé des preuves suffisantes pour porter des accusations au moment de l’arrestation. L’objet d’un interrogatoire mené pendant une détention au titre de cet alinéa est de compléter l’enquête pénale en confirmant ou en écartant les soupçons concrets ayant fondé l’arrestation. Ainsi, les faits donnant naissance à des soupçons ne doivent pas être du même niveau que ceux, faisant l’objet de la phase suivante de la procédure de l’enquête pénale, qui sont nécessaires pour justifier une condamnation ou même pour porter une accusation, ce qui intervient dans la phase suivante de la procédure de l’enquête pénale (Murray c. Royaume-Uni, 28 octobre 1994, § 55, série A no 300-A, et Metin c. Turquie (déc.), no 77479/11, § 57, 3 mars 2015).

    48.  La tâche de la Cour consiste à déterminer si les conditions fixées à l’alinéa c) de l’article 5 § 1 de la Convention, y compris la poursuite du but légitime visé, étaient remplies dans l’affaire soumise à son examen. Dans ce contexte, il n’appartient pas à la Cour en principe de substituer sa propre appréciation des faits à celle des juridictions internes, mieux placées pour évaluer les preuves produites devant elles (Ersöz c. Turquie (déc.), n45746/11, § 50, 17 février 2015).

    49.  En l’espèce, la Cour observe que, le 13 avril 2009, les requérantes ont été arrêtées et placées en garde à vue dans le cadre d’une enquête pénale menée contre l’organisation Ergenekon, en raison de soupçons d’appartenance à cette dernière pesant sur elles. Elle note aussi que, à la suite de leur interrogatoire par le parquet, le 15 avril 2009, le procureur de la République a ordonné leur mise en liberté et qu’environ un an et six mois après cette date, soit le 2 novembre 2010, il a rendu une ordonnance de non-lieu à leur égard en raison de l’absence de preuves démontrant leur appartenance à une organisation illégale.

    50.  La Cour relève de plus, à la lumière des observations du Gouvernement et des éléments du dossier relatifs notamment à la lettre du 10 avril 2009 de la direction de la sûreté d’Istanbul et aux procès-verbaux d’interrogation des requérantes, que les faits à l’origine des soupçons pesant sur ces dernières s’apparentent à des actes liés, d’une part, aux travaux effectués pour ou en collaboration avec l’Association que les intéressées ont accomplis en relation avec certains accusés du procès de Ergenekon et, d’autre part, à la participation de celles-ci à certaines manifestations politiques.

    51.  La Cour note en outre que les parties ne contestent pas le fait que l’association en question est une organisation légale, qui continue actuellement à mener ses activités librement.

    52.  Par ailleurs, la Cour prend note de l’assertion du Gouvernement selon laquelle la privation de liberté subie par les requérantes était conforme à l’article 5 § 1 de la Convention au motif que celles-ci, de même que d’autres personnes placées en garde à vue le 13 avril 2009, avaient un lien avec l’Association, dont certains membres et dirigeants étaient nommément mentionnés dans les documents de base de l’organisation Ergenekon. Pour autant, elle n’est pas convaincue par cet argument étant donné que le Gouvernement n’a pas fourni d’éléments de preuve quant à l’existence d’un lien entre les requérantes elles-mêmes et l’organisation Ergenekon. La seule allégation selon laquelle certains membres de l’association en question faisaient également partie d’une organisation illégale ne peut pas être considérée suffisante pour qu’un observateur objectif soit persuadé que les requérantes pourraient avoir accompli l’infraction d’appartenance à une organisation illégale.

    53.  De plus, la Cour note que, par un arrêt du 2 octobre 2015, la cour d’assises d’Anadolu a acquitté tous les membres de l’Association à l’encontre desquels une action pénale avait été engagée au motif qu’ils n’avaient commis aucune infraction. Elle relève en outre que, dans les attendus de sa décision, cette juridiction a constaté qu’une partie des preuves contenues dans le dossier avaient été falsifiées et que, par conséquent, elle a décidé de porter plainte contre les responsables présumés de cette falsification.

    54.  À la lumière de ces considérations, la Cour estime que, en l’espèce, l’interprétation et l’application des dispositions légales invoquées par les autorités internes ont été déraisonnables au point de conférer à l’arrestation et au placement en garde à vue des requérantes un caractère irrégulier et arbitraire.

    55.  Il s’ensuit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention.

    IV.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

    56.  Invoquant l’article 2 de la Convention, la requérante Şükriye Varlık se plaint des conditions dans lesquelles elle a été gardée à vue dans les locaux de la police.

    La Cour estime qu’il convient d’examiner ce grief sous l’angle de l’article 3 de la Convention, qui se lit comme suit :

    « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

    57.  La Cour rappelle que, pour tomber sous le coup de l’article 3 de la Convention, un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité. L’appréciation de ce minimum dépend de l’ensemble des données de la cause, et notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques ou mentaux, ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge et de l’état de santé de la victime (voir, notamment, Irlande c. Royaume-Uni, 18 janvier 1978, § 162, série A no 25, et El-Masri c. l’ex-République yougoslave de Macédoine [GC], no 39630/09, § 196, CEDH 2012). Parmi les autres facteurs à considérer figurent le but dans lequel le traitement a été infligé ainsi que l’intention ou la motivation qui l’ont inspiré (Bouyid c. Belgique [GC], n23380/09, § 86, 28 septembre 2015), étant entendu que la circonstance qu’un traitement n’avait pas pour but d’humilier ou de rabaisser la victime n’exclut pas de façon définitive un constat de violation de l’article 3 précité (voir, entre autres, V. c. Royaume-Uni [GC], no 24888/94, § 71, CEDH 1999-IX, et Svinarenko et Slyadnev c. Russie [GC], nos 32541/08 et 43441/08, § 114, CEDH 2014 (extraits)).

    58.  En l’espèce, la Cour observe que la requérante Şükriye Varlık n’a pas étayé sa thèse selon laquelle les modalités de son placement en garde à vue et les conditions de cette privation de liberté ont atteint le seuil de gravité requis par l’article 3 de la Convention : l’intéressée n’a produit aucune preuve ni fourni aucun indice à l’appui de ses allégations.

    59.  Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et qu’il doit être rejeté, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

    V.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 2 DE LA CONVENTION

    60.  La requérante Şükriye Varlık soutient également que, à la suite de son arrestation, elle n’a pas été informée des raisons de celle-ci. À cet égard, elle invoque les articles 5 § 2 et 6 de la Convention.

    Maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause (İstanbullu et Aydın c. Turquie (déc.), no 20793/07 et 29240/07, § 24, 29 septembre 2015), la Cour estime opportun d’examiner le grief de la requérante sous le seul angle de l’article 5 § 2 de la Convention, ainsi libellé dans ses passages pertinents en l’espèce :

    « 2.  Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu’elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle. »

    61.  La Cour rappelle que l’article 5 § 2 de la Convention énonce une garantie élémentaire : toute personne arrêtée doit être renseignée sur les raisons de son appréhension. Cette disposition oblige à informer une telle personne, dans un langage simple et accessible pour elle, des raisons juridiques et factuelles de sa privation de liberté, afin qu’elle puisse en discuter la légalité devant un tribunal en vertu de l’article 5 § 4 de la Convention (H.B. c. Suisse, no 26899/95, § 47, 5 avril 2001).

    62.  La Cour rappelle par ailleurs que l’article 5 § 2 précité n’exige pas que les raisons soient fournies par écrit à la personne détenue, ni sous quelque autre forme spéciale, et que, s’agissant de l’étendue des informations, il n’impose pas non plus de communiquer au suspect, lors de son arrestation, une énumération complète de toutes les accusations portées contre lui (Soysal c. Turquie, no 50091/99, § 68, 3 mai 2007).

    63.  En l’espèce, la Cour constate que la requérante Şükriye Varlık a été informée, tant lors de son arrestation qu’après, des soupçons d’appartenance à une organisation terroriste pesant sur elle et qu’elle a été interrogée devant le procureur de la République, de manière détaillée, sur ses liens allégués avec certains membres présumés de cette organisation.

    64.  La Cour estime donc qu’au moment de son arrestation, à savoir dès le début de sa privation de liberté, la requérante a été dûment informée des raisons juridiques et factuelles de son placement en garde à vue.

    65.  Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et qu’elle doit être rejetée, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

    VI.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 2 DE LA CONVENTION

    66.  La requérante Şükriye Varlık se plaint enfin d’une violation du principe de présomption d’innocence, qui serait survenue lors de son placement en garde à vue. Elle affirme en particulier que la police a pris des photographies d’elle lors de sa garde à vue, et elle soutient qu’il s’agit là d’un traitement infligé aux terroristes. Aux yeux de la requérante, il a ainsi été porté atteinte au principe de présomption d’innocence, tel que garanti par l’article 6 § 2 de la Convention, qui se lit comme suit :

    « Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. »

    67.  La Cour rappelle que la présomption d’innocence se trouve méconnue si une décision judiciaire concernant un prévenu reflète le sentiment que celui-ci est coupable alors que sa culpabilité n’a pas été au préalable légalement établie. Il suffit, même en l’absence de constat formel, d’une motivation donnant à penser que le juge considère l’intéressé comme coupable. Si le principe de la présomption d’innocence consacré par le paragraphe 2 de l’article 6 de la Convention figure parmi les éléments du procès pénal équitable exigé par le paragraphe 1 de la même disposition, il ne se limite pas à une simple garantie procédurale en matière pénale. Sa portée est plus étendue et exige qu’aucun représentant de l’État ou d’une autorité publique ne déclare qu’une personne est coupable d’une infraction avant que sa culpabilité n’ait été établie par un « tribunal » (voir, en particulier, Allenet de Ribemont c. France, 10 février 1995, §§ 35-36, série A no 308, Daktaras c. Lituanie, no 42095/98, §§ 41-42, CEDH 2000-X, Lavents c. Lettonie, no 58442/00, § 126, 28 novembre 2002, Butkevičius c. Lituanie, no 48297/99, §§ 50-52, CEDH 2002-II (extraits), et Sözen c. Turquie (déc.), no 53329/12, § 17, 12 février 2013).

    68.  En l’espèce, la Cour note que la requérante Şükriye Varlık ne soutient pas que les photographies prises au début de sa garde à vue ont été diffusées ou utilisées d’une manière contraire au principe de présomption d’innocence. Eu égard à l’ensemble des éléments dont elle dispose et pour autant qu’elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour relève que la prise des photographies litigieuses n’a aucunement enfreint le principe de présomption d’innocence.

    69.  Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et qu’il doit être déclaré irrecevable, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

    VII.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    70.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    71.  La première requérante réclame 10 000 euros (EUR) et les quatre autres requérantes réclament chacune 20 000 EUR au titre du préjudice moral qu’elles disent avoir subi.

    72.  Le Gouvernement conteste ces prétentions.

    73.  La Cour considère qu’il y a lieu d’octroyer à chacune des requérantes 2 000 EUR au titre du préjudice moral.

    B.  Frais et dépens

    74.  La première requérante n’a présenté aucune demande pour les frais et dépens. Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de lui octroyer de somme à ce titre.

    75.  En revanche, les quatre autres requérantes demandent une somme, dont elles laissent l’appréciation du montant à la sagesse de la Cour, pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes et devant la Cour. Elles ne fournissent aucune pièce justificative.

    76.  Le Gouvernement invite la Cour à rejeter cette demande.

    77.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu de l’absence de documents justificatifs et de sa jurisprudence, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens.

    C.  Intérêts moratoires

    78.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Décide de joindre les requêtes ;

     

    2.  Déclare les requêtes recevables quant au grief tiré de l’article 5 § 1 de la Convention, et la requête no 55832/09 irrecevable pour le surplus ;

     

    3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention ;

     

    4.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser à chacune des requérantes, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 2 000 EUR (deux mille euros), à convertir en monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 31 mai 2016, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

    Stanley Naismith                                                                  Julia Laffranque
            Greffier                                                                              Présidente

     


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