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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> SOW v. BELGIUM - 27081/13 (Judgment (Merits and Just Satisfaction) : Court (Second Section)) French Text [2016] ECHR 88 (19 January 2016)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2016/88.html
Cite as: [2016] ECHR 88

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    DEUXIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE SOW c. BELGIQUE

     

    (Requête no 27081/13)

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

    STRASBOURG

     

    19 janvier 2016

     

     

     

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

     


    En l’affaire Sow c. Belgique,

    La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

              Işıl Karakaş, présidente,
              Julia Laffranque,
              Nebojša Vučinić,
              Paul Lemmens,
              Jon Fridrik Kjølbro,
              Stéphanie Mourou-Vikström,
              Georges Ravarani, juges,
    et de Stanley Naismith, greffier de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 15 décembre 2015,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 27081/13) dirigée contre le Royaume de Belgique et dont une ressortissante guinéenne, Mme Oumou Fadil Sow (« la requérante »), a saisi la Cour le 22 avril 2013 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  La requérante, qui a été admise au bénéfice de l’assistance judiciaire, a été représentée par Me S. Saroléa, avocate à Nivelles. Le gouvernement belge (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. M. Tysebaert, conseiller général, service public fédéral de la Justice.

    3.  La requérante allègue que son renvoi vers la Guinée l’exposerait à un risque de ré-excision constituant un traitement inhumain et dégradant contraire à l’article 3 de la Convention, et qu’elle n’a pas disposé d’un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention pour faire valoir son grief tiré de l’article 3.

    4.  Le 23 avril 2013, la requête a été communiquée au Gouvernement.

    EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

    5.  La requérante est née en 1987 et réside à Bruxelles.

    A.  Les faits survenus en Guinée selon la requérante

    6.  La requérante est originaire de la ville de Conakry en Guinée. Elle est de confession musulmane et appartient à l’ethnie peule.

    7. Elle explique que ses parents, et en particulier son père, étaient progressistes, contre l’excision, et qu’ils voulaient que la requérante et ses trois sœurs aillent à l’école. Sa mère n’est d’ailleurs pas excisée. La requérante dit avoir achevé ses études secondaires inférieures. Elle avait un petit ami, accepté par ses parents.

    8. En novembre 2008, son père décéda dans un accident de voiture. D’après la requérante, son oncle paternel aurait alors pris le dessus sur la famille et épousé sa mère. L’oncle interdit à la requérante et à ses trois sœurs d’aller à l’école. Puis, il exigea que la requérante et ses sœurs soient excisées, ce qui fut effectué le 20 mars 2009. La requérante avait alors vingt-deux ans, et une de ses petites sœurs âgée de onze ans décéda des suites de l’hémorragie causée par l’excision. La requérante explique qu’elle se débattit et que les exciseuses finirent par renoncer à poursuivre l’excision jusqu’au bout, ce qui expliquerait qu’elle ne fût que partiellement excisée.

    9.  La requérante rapporte que le 19 février 2011 elle fut mariée de force avec son cousin, fils aîné de son oncle paternel. Celui-ci l’obligea à avoir des relations sexuelles avec lui. Son oncle la menaça que si elle quittait son mari, elle serait ré-excisée. Trois jours après le mariage, la requérante réussit à s’enfuir. Elle resta alors cachée chez une amie jusqu’à son départ pour la Belgique.

    10. La requérante explique qu’elle voyagea avec un passeur nigérian, connaissance d’une de ses amies. Elle arriva en Belgique munie d’une carte d’identité guinéenne délivrée le 9 septembre 2009 et d’un faux passeport.

    B.  La première demande d’asile

    11.  Le 14 avril 2011, la requérante arriva sur le territoire belge. Le 27 avril 2011, elle introduisit une première demande d’asile. Elle expliqua avoir quitté son pays en raison du mariage forcé dont elle avait fait l’objet. Son oncle paternel l’aurait menacée de la faire ré-exciser et coudre si elle quittait son mari. Elle disait craindre d’être tuée tant par son mari que par son oncle.

    12.  Le 25 juillet 2011, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (« CGRA ») refusa d’octroyer à la requérante le statut de réfugié ou de protection subsidiaire. Il considéra que la requérante n’avait pas avancé d’éléments suffisants permettant de considérer qu’il existait une crainte actuelle et fondée de persécution et qu’il n’y avait pas de motifs sérieux et avérés de croire qu’elle encourait un risque réel de subir des atteintes graves donnant droit à la protection subsidiaire. D’une part, le CGRA estima que les déclarations de la requérante concernant son mariage forcé manquaient de cohérence et que ses propos concernant le jour du mariage étaient inconsistants, sommaires et dénués de tout vécu. Le CGRA n’était dès lors pas convaincu de la véracité du mariage forcé d’autant plus que la requérante n’avait pas été capable de décrire physiquement en détail son mari. Il ne comprenait pas non plus pourquoi la requérante n’aurait pas pu fuir avant le mariage. D’autre part, le CGRA mettait en doute la véracité du mariage entre la mère de la requérante et son oncle, compte tenu de certaines incohérences dans le récit. Aussi, le CGRA examina la situation générale en Guinée et conclut qu’il n’y avait pas de situation de violence aveugle ou de conflit armé. Enfin, concernant le risque de ré-excision, le CGRA considéra que la crainte liée à de nouvelles mutilations génitales n’était pas établie étant donné qu’il ressortait d’un rapport auquel le CGRA avait eu égard que :

    « La ré-excision en Guinée, si elle a lieu, se fait en général juste après la première excision, pendant la convalescence ; [...] à supposer que son mari lui demande une seconde excision, la femme adulte pourrait s’y opposer et quitter son mari, dans la mesure où, déjà excisée, elle bénéficie de la reconnaissance sociale. »

    13. Le 20 janvier 2012, le Conseil du contentieux des étrangers (« CCE ») confirma la décision du CGRA et refusa d’octroyer le statut de réfugié ou de protection subsidiaire à la requérante. Cette dernière n’avait apporté aucun éclaircissement ou information de nature à convaincre le CCE de la réalité des faits relatés ou du bien-fondé des craintes invoquées. La décision du CGRA contenait des motifs pertinents. Au sujet du risque de ré-excision, le CCE considéra que la requérante n’avait fourni aucune information ou indication crédible ou un quelconque commencement de preuve pour établir sa crainte. Par ailleurs, le fait que la requérante était excisée ne démontrait pas qu’elle avait fait l’objet d’un mariage forcé. Enfin, il ressortait des informations disponibles qu’il n’existait aucune situation de violence aveugle en Guinée au moment de l’examen du recours.

    14. Le 2 février 2012, un ordre de quitter le territoire fut notifié à la requérante.

    C.  La deuxième demande d’asile

    15. Le 17 février 2012, la requérante introduisit une seconde demande d’asile sur la base des mêmes faits que ceux invoqués lors de la première demande mais étayée de nouveaux documents. En particulier, elle présenta trois convocations à la police guinéenne datées des 23 décembre 2011, 30 janvier 2012 et 2 février 2012, une lettre de sa mère datée du 30 janvier 2012 et une lettre d’un ami resté en Guinée, ainsi que des photographies de sa famille. La lettre de la mère faisait état de menaces proférées par l’oncle à son encontre parce qu’il lui reprochait d’être responsable de la fuite de la requérante. Cette dernière expliqua que les convocations à la police étaient probablement dues aux plaintes déposées par son oncle à son encontre. De plus, la requérante expliqua que sa mère avait quitté le foyer de l’oncle à Conakry et qu’elle était rentrée à Labé où elle vivait désormais seule.

    16.  Le 11 juin 2012, le CGRA refusa d’octroyer à la requérante le statut de réfugié ou de protection subsidiaire. Il rappela que le récit de la requérante avait été jugé non crédible par les instances nationales dans le cadre de sa première demande d’asile et que l’arrêt du CCE avait autorité de la chose jugée ; aucune décision différente n’aurait été prise si les nouveaux documents avaient été présentés par la requérante lors de sa précédente demande d’asile. Tout d’abord, les convocations à la police n’avaient qu’une force probante très limitée : non seulement le CGRA releva des anomalies sur les documents mais en plus, aucun motif n’y figurait et donc aucun lien clair ne pouvait être établi avec les craintes de la requérante. Aussi, la requérante n’avait fourni aucune raison convaincante qui expliquait comment l’oncle aurait pu mobiliser les autorités de police pour la retrouver. Les recherches dont elle ferait l’objet étaient donc jugées non crédibles. Le CGRA rappela également qu’il était facile d’obtenir de faux documents en Guinée. De plus, les déclarations de la requérante comportaient des incohérences avec les lettres et les documents qu’elle avait fournis, ce qui ne permettait pas de redresser le manque de crédibilité de son récit.

    17.  Dans son recours au CCE contre cette décision, la requérante fit valoir que l’argumentation du CGRA était insuffisante et inadéquate au regard des éléments qu’elle avait fournis. Ces nouveaux documents n’avaient pas été dûment pris en compte par le CGRA alors que les convocations montraient l’actualité du risque encouru par la requérante dans son pays d’origine. De plus, compte tenu de la situation générale en Guinée, le CGRA aurait dû lui octroyer le statut de protection subsidiaire.

    18.  Le 9 août 2012, le CCE confirma la décision entreprise. Il rappela que la deuxième demande d’asile était introduite sur la base des mêmes faits que la première. Le respect dû à l’autorité de la chose jugée n’autorisait à remettre en cause l’appréciation des faits à laquelle avait procédé le CCE dans le cadre de la première demande que si de nouveaux éléments de nature à établir les risques encourus avaient été invoqués. Or, en l’espèce, les nouveaux éléments invoqués n’étaient pas de nature à justifier un sort différent à la demande de la requérante. La motivation du CGRA était pertinente et suffisante. La requérante n’avait formulé aucun argument de nature à justifier une autre conclusion.

    19.  Le 22 février 2013, l’Office des étrangers (« OE ») notifia à la requérante un ordre de quitter le territoire.

    20.  Le 26 mars 2013, un nouvel ordre de quitter le territoire avec maintien dans un lieu déterminé en vue d’éloignement fut notifié à la requérante. La requérante fut placée le même jour dans un centre fermé.

    D.  La troisième demande d’asile

    21.  Le 4 avril 2013, la requérante, représentée par un nouvel avocat, introduisit une troisième demande d’asile centrée sur ses craintes de ré-excision. Elle présenta des certificats médicaux attestant de la mutilation génitale partielle qu’elle avait subie (mutilation de type I). Aussi, elle fournit les documents suivants : une attestation d’un psychiatre de l’association sans but lucratif (« ASBL ») « Le chien vert » datée du 8 février 2013 et une attestation de l’ASBL Intact datée du 29 mars 2013, qui faisaient état d’un risque de ré-excision sans possibilité de protection par les autorités guinéennes ; une attestation de cette dernière association datée du 12 avril 2011 faisant état de la possibilité de ré-excision de femmes adultes, une attestation de l’association GAMS datée du 23 juillet 2012 comportant le témoignage d’une femme guinéenne victime d’une ré-excision après son refus d’un mariage forcé, ainsi qu’un certificat médical daté du 14 mars 2013 attestant que la requérante avait subi une excision de type I. La requérante déposa également des rapports généraux relatifs à la situation des mutilations génitales féminines (« MGF ») en Guinée. Elle fit valoir que compte tenu de la nature d’une excision de type I, elle risquait une ré-excision, pratique courante en représailles à la non-soumission à la famille en Guinée.

    22.  Le 8 avril 2013, l’OE notifia à la requérante un nouvel ordre de quitter le territoire assorti d’une décision de maintien dans un lieu déterminé.

    23.  Le 9 avril 2013, l’OE prit une décision de refus de prise en considération de la demande d’asile au motif que les éléments produits auraient pu être présentés lors d’une précédente demande d’asile et qu’ils ne pouvaient dès lors pas être considérés comme des éléments nouveaux au sens de l’article 51/8 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, au séjour, à l’établissement et à l’éloignement des étrangers (« loi sur les étrangers »). Les attestations datées des 12 avril 2011 et 23 juillet 2012 avaient été émises avant la clôture de la précédente demande d’asile et auraient donc pu être présentées à ce moment-là. S’agissant des autres documents fournis, la requérante n’avait pas expliqué en quoi il lui avait été impossible d’entreprendre plus tôt les démarches nécessaires à l’obtention de certificats médicaux attestant de son excision partielle, alors qu’elle était en contact avec les associations concernées depuis 2011. La requérante n’avait donc communiqué aucun élément nouveau permettant de considérer qu’elle pouvait craindre avec raison d’être persécutée.

    24.  Le 12 avril 2013, la requérante introduisit une requête en suspension d’extrême urgence devant le CCE. Elle invoqua un moyen unique tiré de l’erreur manifeste d’appréciation et de la violation des articles 51/8 et 62 de la loi sur les étrangers. Elle fit valoir que l’OE avait excédé sa compétence en se prononçant sur la pertinence des éléments fournis et non pas seulement sur leur caractère nouveau. L’OE aurait ajouté une condition à la loi en analysant les raisons pour lesquelles les éléments n’avaient pas été présentés plus tôt. Or il ne pourrait pas être reproché à un demandeur d’asile de ne pas avoir produit des éléments qu’il n’avait pas en sa possession.

    25.  Le 15 avril 2013, le CCE rejeta la requête en suspension d’extrême urgence au motif que les éléments de preuve produits auraient pu être présentés dans une phase antérieure de la procédure dès lors que la requérante aurait pu consulter un médecin plus tôt et qu’elle n’expliquait pas en quoi cela lui avait été impossible auparavant. En effet, la requérante n’avait pas expliqué pourquoi elle n’avait décidé de se soumettre à des examens médicaux qu’après le rejet de sa deuxième demande d’asile. La seule allégation des difficultés rencontrées par les demandeurs d’asile pour rencontrer des médecins et pour s’exprimer ne suffisait pas à renverser ce constat. Il en était d’autant plus ainsi que la crainte de ré-excision avait déjà été examinée lors de la première demande d’asile. Dès lors, l’OE avait valablement pu rejeter les éléments présentés par la requérante comme n’étant pas des éléments nouveaux.

    26.  Le 23 avril 2013, la Cour fit droit à la demande de la requérante d’appliquer l’article 39 de son règlement et invita le Gouvernement belge à ne pas éloigner la requérante vers la Guinée pendant la durée de la procédure devant la Cour. Suite à cette mesure, la requérante fut remise en liberté.

    27.  Le 19 septembre 2013, le CCE rejeta le recours en annulation introduit par la requérante, reprenant les motifs de son arrêt du 15 avril 2013. La requérante était restée en défaut de montrer que l’OE avait commis une erreur manifeste d’appréciation et elle n’avait pas contesté utilement les constats posés par l’OE.

    28.  La requérante se pourvut en cassation administrative devant le Conseil d’État en faisant valoir que l’OE avait ajouté une condition à la loi en exigeant qu’elle expliquât en quoi elle avait été dans l’impossibilité de fournir les certificats médicaux plus tôt.

    29.  Le 16 décembre 2014, le Conseil d’État rejeta le pourvoi en cassation administrative et valida la motivation du CCE qui avait conclu que l’OE n’avait pas ajouté une condition à la loi. Pour le reste, le Conseil d’État ne pouvait pas substituer son appréciation à celle du CCE.

    II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

    A.  La procédure d’asile et les recours disponibles

    30.  La procédure d’asile et les recours ouverts aux demandeurs d’asile contre les décisions de l’OE en matière de séjour et d’éloignement, tels qu’ils existaient au moment des faits litigieux, sont décrits dans l’arrêt Singh et autres c. Belgique (no 33210/11, §§ 25-39, 2 octobre 2012). Cette procédure a été modifiée notamment par la loi du 14 avril 2014 portant des dispositions diverses concernant la procédure devant le CCE et devant le Conseil d’État, entrée en vigueur le 31 mai 2014.

    1.  Le droit relatif aux demandes d’asile successives

    31.  Dans le cas de demandes d’asile successives, l’article 51/8 de la loi sur les étrangers prévoyait, à l’époque des faits, ce qui suit :

    « Le Ministre ou son délégué [c’est-à-dire l’OE] peut décider de ne pas prendre la demande d’asile en considération lorsque l’étranger a déjà introduit auparavant la même demande d’asile auprès une des autorités désignées par le Roi en exécution de l’article 50, alinéa 1er, et qu’il ne fournit pas de nouveaux éléments qu’il existe, en ce qui le concerne, de sérieuses indications d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève, tel que définie à l’article 48/3 ou de sérieuses indications d’un risque réel d’atteintes graves tels que définis à l’article 48/4. Les nouveaux éléments doivent avoir trait à des faits ou des situations qui se sont produits après la dernière phase de la procédure au cours de laquelle l’étranger aurait pu les fournir. Toutefois, le ministre ou son délégué doit prendre en considération la demande d’asile si l’étranger a auparavant fait l’objet d’une décision de refus prise en application des articles 52, §2, 3o, 4o et 5o, § 3, 3o et § 4, 3o, ou 57/10.

    Une décision de ne pas prendre la déclaration en considération n’est susceptible que d’un recours en annulation devant le [CCE]. Aucune demande de suspension ne peut être introduite contre cette décision. »

    2.  Les éléments pertinents de la loi du 8 mai 2013

    32. L’article 9 de la loi du 8 mai 2013 modifiant la loi sur les étrangers a modifié l’article 51/8 de la loi sur les étrangers en attribuant au CGRA la compétence de l’examen des éléments nouveaux dans le cadre d’une demande d’asile successive. Il prévoit également une nouvelle définition de la notion d’élément nouveau. Le nouvel article 51/8 de la loi sur les étrangers, entré en vigueur le 1er septembre 2013, se lit désormais comme suit :

    « Si l’étranger introduit une demande d’asile subséquente auprès de l’une des autorités désignées par le Roi en exécution de l’article 50, alinéa 1er, le ministre ou son délégué consigne les déclarations du demandeur d’asile concernant les nouveaux éléments qui augmentent de manière significative la probabilité qu’il puisse prétendre à la reconnaissance comme réfugié au sens de l’article 48/3 ou à la protection subsidiaire au sens de l’article 48/4, ainsi que les raisons pour lesquelles le demandeur d’asile n’a pas pu produire ces éléments auparavant.

    Cette déclaration est signée par le demandeur d’asile. S’il refuse de signer, il en est fait mention sur la déclaration, et, le cas échéant, il est également fait mention des raisons pour lesquelles il refuse de signer. Cette déclaration est transmise sans délai au Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides. »

    B.  La jurisprudence du Conseil du contentieux des étrangers relative au risque de ré-excision en Guinée

    33.  S’agissant de l’existence d’un risque de ré-excision pour des femmes ayant déjà fait l’objet d’une MGF en cas de renvoi vers la Guinée, le CCE décide sur la base des éléments propres à chaque affaire si un tel risque de ré-excision existe ou non. Il considère en effet que, dès lors que l’excision, une forme particulière de persécution, ne peut pas être reproduite, la question se pose de savoir si, en raison des circonstances particulières de la cause, cette persécution passée constitue un indice sérieux de la crainte fondée d’être soumise à de nouvelles formes de persécution en cas de retour dans le pays d’origine. Ainsi, le CCE a, à plusieurs reprises, affirmé qu’un tel risque existait bel et bien et a octroyé le statut de réfugié aux intéressées (voir, par exemple, CCE, arrêt no 14401, 25 juillet 2008, CCE, arrêt no 16064, 18 septembre 2008, CCE, arrêt no 71365, 1er décembre 2011, CCE, arrêt no 89927, 17 octobre 2012, CCE, arrêt no 96947, 13 février 2013, CCE, no 102794, 14 mai 2013, CCE, arrêt no 102812, 14 mai 2013, et CCE, arrêt no 103058, 17 mai 2013). Le CCE conclut dans ce sens dans des affaires relatives à de jeunes femmes mineures ou tout juste majeures, issues de familles traditionnelles ou radicales, et qui avaient fait des déclarations consistantes et circonstanciées quant à leur récit d’asile.

    34.  Dans d’autres arrêts, le CCE a conclu qu’il n’y avait pas de raison de croire que les intéressées risquaient de subir une nouvelle MGF et a, par conséquent, rejeté leur recours visant à obtenir le statut de réfugié (voir, par exemple, CCE, arrêt no 102144, 30 avril 2013, CCE, arrêt no 107229, 25 juillet 2013, CCE, arrêt no 109071, 4 septembre 2013, et CCE, arrêt no 112666, 24 octobre 2013). Il s’agissait principalement d’affaires relatives à des femmes adultes qui avaient fait des déclarations incohérentes et pour lesquelles le mariage forcé allégué était mis en doute par les instances d’asile.

    III.  LE DROIT PERTINENT DE L’UNION EUROPÉENNE

    35.  L’article 32 de la directive 2005/85 du Conseil de l’Union européenne du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres (dite « Directive Procédure »), tel qu’en vigueur au moment des faits, et tel que transposé en droit belge, était ainsi libellé :

    « 1.  Lorsqu’une personne qui a demandé l’asile dans un État membre fait de nouvelles déclarations ou présente une demande ultérieure dans ledit État membre, ce dernier peut examiner ces nouvelles déclarations ou les éléments de la demande ultérieure dans le cadre de l’examen de la demande antérieure ou de l’examen de la décision faisant l’objet d’un recours juridictionnel ou administratif, pour autant que les autorités compétentes puissent, dans ce cadre, prendre en compte et examiner tous les éléments étayant les nouvelles déclarations ou la demande ultérieure.

    2.  En outre, les États membres peuvent appliquer une procédure spéciale, prévue au paragraphe 3, lorsqu’une personne dépose une demande d’asile ultérieure :

    a)  après le retrait de sa demande antérieure ou la renonciation à celle-ci en vertu de l’article 19 ou 20 ;

    b)  après qu’une décision a été prise sur la demande antérieure. Les États membres peuvent également décider d’appliquer cette procédure uniquement après qu’une décision finale a été prise.

    3.  Une demande d’asile ultérieure est tout d’abord soumise à un examen préliminaire visant à déterminer si, après le retrait de la demande antérieure ou après la prise d’une décision visée au paragraphe 2, point b), du présent article sur cette demande, de nouveaux éléments ou de nouvelles données se rapportant à l’examen visant à déterminer si le demandeur d’asile remplit les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié en vertu de la directive 2004/83/CE sont apparus ou ont été présentés par le demandeur.

    4.  Si, après l’examen préliminaire visé au paragraphe 3 du présent article, des éléments ou des faits nouveaux apparaissent ou sont présentés par le demandeur et qu’ils augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié en vertu de la directive 2004/83/CE, l’examen de la demande est poursuivi conformément aux dispositions du chapitre II.

    5.  Les États membres peuvent, conformément à la législation nationale, poursuivre l’examen d’une demande ultérieure, à condition qu’il existe d’autres raisons motivant la réouverture d’une procédure.

    6.  Les États membres ne peuvent décider de poursuivre l’examen de la demande que si le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de faire valoir, au cours de la précédente procédure, les situations exposées aux paragraphes 3, 4 et 5 du présent article, en particulier en exerçant son droit à un recours effectif en vertu de l’article 39.

    7.  La procédure visée au présent article peut également être appliquée dans le cas d’une personne à charge déposant une demande après avoir, conformément à l’article 6, paragraphe 3 du présent article, consenti à ce que son cas soit traité dans le cadre d’une demande faite en son nom. Dans une telle hypothèse, l’examen préliminaire visé au paragraphe 3 du présent article consistera à déterminer s’il existe des éléments de fait se rapportant à la situation de la personne à charge de nature à justifier une demande distincte. »

    36.  Actuellement, l’article 40 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, dont le délai de transposition a expiré le 20 juillet 2015, est rédigé comme suit :

    « 1.  Lorsqu’une personne qui a demandé à bénéficier d’une protection internationale dans un État membre fait de nouvelles déclarations ou présente une demande ultérieure dans ledit État membre, ce dernier examine ces nouvelles déclarations ou les éléments de la demande ultérieure dans le cadre de l’examen de la demande antérieure ou de l’examen de la décision faisant l’objet d’un recours juridictionnel ou administratif, pour autant que les autorités compétentes puissent, dans ce cadre, prendre en compte et examiner tous les éléments étayant les nouvelles déclarations ou la demande ultérieure.

    2.  Afin de prendre une décision sur la recevabilité d’une demande de protection internationale en vertu de l’article 33, paragraphe 2, point d), une demande de protection internationale ultérieure est tout d’abord soumise à un examen préliminaire visant à déterminer si des éléments ou des faits nouveaux sont apparus ou ont été présentés par le demandeur, qui se rapportent à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive 2011/95/UE.

    3.  Si l’examen préliminaire visé au paragraphe 2 aboutit à la conclusion que des éléments ou des faits nouveaux sont apparus ou ont été présentés par le demandeur et qu’ils augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive 2011/95/UE, l’examen de la demande est poursuivi conformément au chapitre II. Les États membres peuvent également prévoir d’autres raisons de poursuivre l’examen d’une demande ultérieure.

    4.  Les États membres peuvent prévoir de ne poursuivre l’examen de la demande que si le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de faire valoir, au cours de la précédente procédure, les situations exposées aux paragraphes 2 et 3 du présent article, en particulier en exerçant son droit à un recours effectif en vertu de l’article 46.

    5.  Lorsque l’examen d’une demande ultérieure n’est pas poursuivi en vertu du présent article, ladite demande est considérée comme irrecevable conformément à l’article 33, paragraphe 2, point d).

    6.  La procédure visée au présent article peut également être appliquée dans le cas :

    a)  d’une personne à charge qui introduit une demande après avoir, conformément à l’article 7, paragraphe 2, consenti à ce que son cas soit traité dans le cadre d’une demande introduite en son nom ; et/ou

    b)  d’un mineur non marié qui introduit une demande après qu’une demande a été introduite en son nom conformément à l’article 7, paragraphe 5, point c).

    En pareil cas, l’examen préliminaire visé au paragraphe 2 consistera à déterminer s’il existe des éléments de fait se rapportant à la situation de la personne à charge ou du mineur non marié de nature à justifier une demande distincte.

    7.  Lorsqu’une personne à l’égard de laquelle une décision de transfert doit être exécutée en vertu du règlement (UE) no 604/2013 fait de nouvelles déclarations ou présente une demande ultérieure dans l’État membre procédant au transfert, ces déclarations ou demandes ultérieures sont examinées par l’État membre responsable au sens dudit règlement, conformément à la présente directive. »

     

    IV.  Informations pertinentes sur LES MUTILATIONS GéNITALES FéMININES et leur pratique en GUINéE

    A.  Informations générales sur les MGF

    37.  Pour des informations générales sur les différents types de MGF et leur appréhension par les acteurs internationaux, la Cour renvoie à sa décision Izevbekhai et autres c. Irlande ((déc.), no 43408/08, §§ 34-36, 17 mai 2011 ; voir également Collins et Akaziebie c. Suède (déc.), no 23944/05, 8 mars 2007).

    B.  Législation et pratique des MGF en Guinée

    38.  Un rapport de mission en République de Guinée rédigé conjointement par le CGRA, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (« OFPRA », instance d’asile française) et l’Office fédéral des migrations (« ODM », instance d’asile suisse) et publié en mars 2012 affirme :

    « Selon une enquête démographique et de santé réalisée en 2005, le taux de prévalence des mutilations génitales féminines (MGF) est de 96% en Guinée. Faute d’étude plus récente, aucune nouvelle donnée chiffrée n’est disponible. Cependant, plusieurs praticiens de santé interrogés sur le sujet ont affirmé avoir constaté une diminution de leur prévalence ces dernières années.

    L’excision est principalement pratiquée en vacances scolaires, sur de très jeunes filles qui ne sont pas encore en âge de faire valoir leur volonté. Plus d’un tiers des Guinéennes la subissent avant l’âge de six ans et la grande majorité d’entre elles avant l’entrée dans l’adolescence. Elle concerne toutes les ethnies et toutes les religions.

    Si certaines sources publiques indiquent que ce sont les MGF de type II qui sont les plus répandues, nos interlocuteurs ont affirmé que la pratique des MGF sous sa forme la plus légère, soit de type I, est aujourd’hui la plus fréquente. Quant à la pratique de l’infibulation, courante dans les années 1970, elle est devenue très rare. Lorsqu’elle est rencontrée, elle résulte parfois d’une mauvaise cicatrisation de l’excision de type I.

    Les autorités guinéennes luttent contre l’excision par des campagnes de sensibilisation et de prévention qui sont menées en concertation avec des organisations internationales (dont l’OMS) et nationales (CPTAFE, TOSTAN, PLAN Guinée, CONAG-DCF, AGBEF...) ainsi qu’avec les ministères de la Santé, des Affaires sociales et de l’Enseignement.

    Cela se traduit notamment par des modules didactiques destinés prochainement aux écoles, des séminaires sur les responsables religieux, la participation à la journée de tolérance zéro le 6 février, des campagnes d’affichage en ville et dans les hôpitaux, et des messages radiophoniques.

    Sur le plan législatif, une loi spécifique votée en 2000 par l’Assemblée Nationale mentionne explicitement les mutilations génitales féminines comme étant un crime. Les textes d’application de cette loi ont finalement été signés en 2011 par les ministres concernés, ce qui constitue désormais une base juridique importante permettant les poursuites par les autorités. Il est toutefois rare que les parents portent plainte contre une exciseuse ou contre des membres de la famille qui auraient pratiqué l’excision à leur insu.

    (...) A l’heure actuelle, de plus en plus de parents, surtout en milieu urbain et parmi les intellectuels, ne veulent plus que leur fille soit excisée et créent les conditions nécessaires pour la protéger jusqu’à sa majorité. (...)

    Les avis sont partagés quant aux conséquences sur la vie sociale. Alors que certains soulignent une possible exclusion, d’autres affirment que cela ne pose aucun problème. Adulte, la jeune femme sera à même de décider si elle veut ou non être excisée et il arrive qu’elle le souhaite malgré tout. L’excision est en effet encore considérée par beaucoup de femmes comme une étape importante dans leur vie. Cela reste avant tout une affaire de femmes. De l’avis de nos interlocuteurs masculins par contre, la plupart des hommes n’exigent pas que leur femme soit excisée, sauf dans certains milieux islamistes radicaux.

    (...)

    Il peut arriver que la famille au village juge que l’excision médicalisée n’est pas suffisante et exige alors une excision traditionnelle, d’où l’importance pour les parents, comme il a été souligné plus haut, d’assurer la protection de leur fille jusqu’à ce qu’elle soit en âge de décider. Hormis ce cas, la réexcision ne se pratique pas en Guinée, selon les professionnels de la santé rencontrés. Bien que la médicalisation de l’excision permette d’en limiter la gravité et les séquelles, elle est cependant rejetée par les autorités et les associations qui luttent pour l’élimination totale de cette pratique et qui estiment que cette tendance va à contre-courant de leurs efforts. »

    39.  Un subject related briefing sur la Guinée concernant les mutilations génitales féminines, rédigé par le centre de documentation (« CEDOCA ») du CGRA daté du mois de mai 2012 et mis à jour pour la dernière fois en avril 2013 reprend différentes sources publiquement disponibles. S’agissant du type de MGF pratiqué en Guinée, le plus couramment pratiqué est le type II, suivi du type I et du type IV. L’infibulation (type III) n’y est que rarement pratiquée. S’agissant de la ré-excision, le rapport précise :

    « Selon le Dr [M.K.], la réexcision se fait uniquement pendant la période de guérison ou de convalescence qui suit l’excision et ce, dans deux cas précis :

    1.  suite à une excision médicalisée, il peut arriver qu’une vieille femme proteste et vérifie le clitoris. Elle demande à réexciser la fille, souvent chez une exciseuse traditionnelle.

    (...)

    2.  lorsque l’excision est pratiquée par une « exciseuse apprentie », son ‘professeur’ peut examiner son travail et constater que la fille est superficiellement excisée. Elle demande à rendre l’opération ‘propre’ : la fille est réexcisée soit par le ‘professeur’ même, soit par l’exciseuse apprentie sous le contrôle du ‘professeur’. Par « superficiellement excisée », on entend que le clitoris est encore visible après l’opération.

    En dehors de ces deux cas, il n’existe pas, selon le Dr [K.], d’autres formes de réexcision en Guinée.

    (...)

    Selon un gynécologue-obstétricien guinéen, directeur d’une polyclinique à Conakry, la seconde excision ne se pratique pas en Guinée. Il est impossible en effet de réexciser une femme déjà excisée de type II, type le plus fréquemment rencontré en Guinée, puisqu’il ne reste rien à enlever de l’organe génital féminin. Le Dr [M.K.] précise lui aussi qu’on ne réexcise pas une femme excisée de type I ou II. Le chef de service de gynécologie et d’obstétrique de l’hôpital de Donka n’a jamais entendu parler de cas de réexcision pratiquée sur une femme excisée de type I ou II.

    Le coordinateur de l’ONG Tostan Guinée précise enfin que la réexcision n’est pas une sanction, ni une punition, mais une volonté des conservateurs de se conformer à la tradition, c’est-à-dire qu’il faut que l’excision ait été bien faite. Le coordinateur de Tostan Guinée confirme dès lors les deux seuls cas de figure mentionnés par le Dr [K.].

    Les sources consultées révèlent que le mari ne demande pas à faire réexciser son épouse, sauf dans certains milieux islamistes radicaux.

    Selon le Dr [M.K.], le mari ne demande pas à faire réexciser sa femme pour diverses raisons, notamment par méconnaissance de l’anatomie de celle-ci.

    C’est ce qui ressort également des informations recueillies lors de la mission conjointe de novembre 2011 auprès de médecins enseignant à l’école de sages-femmes de Kobayah. Les interlocuteurs masculins à qui la question a été posée, ont fait part aux membres de la mission de leur grand étonnement et ont précisé que la plupart des hommes n’exigent déjà pas que leur femme soit excisée.

    La méconnaissance du corps de la femme est aussi mentionnée par un gynécologue-obstétricien guinéen pour expliquer que le mari ne demande même pas l’excision de son épouse.

    Le coordinateur de l’ONG Tostan Guinée n’a pas connaissance de cas de réexcision demandée par le mari ; le chef de service de gynécologie et d’obstétrique de l’hôpital de Donka n’a lui non plus jamais entendu parler de cette pratique.

    Le journal guinéen « Le Lynx » rapport les résultats de l’enquête menée par le projet Espoir en 2011 : ce sont principalement les mères (50,6%) qui prennent la décision de l’excision, viennent ensuite les pères (14,2%) et les tantes (13,2%).

    Dans certains milieux islamistes radicaux, s’agissant particulièrement des mineures d’âge, il arrive, selon le Dr [M.K.], que le mari (ou un oncle, ou un beau-père) demande une seconde excision. D’après lui, les extrémistes religieux considèrent la femme comme un objet et ils sont donc tentés de vérifier si celle-ci correspond aux normes. S’ils constatent un « moignon saillant du clitoris », selon les propres termes du docteur, ils demandent la réexcision.

    Aucun autre interlocuteur interrogé sur la question de la réexcision n’a mentionné le cas des islamistes radicaux, qui par ailleurs sont très peu nombreux en Guinée. Les musulmans y pratiquent en effet un islam tolérant, ce que les membres de la mission ont pu constater sur place en novembre 2011. Le wahhabisme est certes un courant représenté mais il reste marginal. »

    40.  Sur le plan législatif, le rapport précise qu’un pas important a été franchi en 2010 au moment où les textes d’application de la loi votée en 2000 visant à interdire les MGF ont été signés. Ceux-ci permettent désormais aux autorités de poursuivre les auteurs de l’excision ; les poursuites judiciaires restent cependant rares, même si les premiers cas ont été signalés à Conakry en 2011 et 2012.

    41.  Un Country of Origin Information Focus du CEDOCA sur la Guinée concernant les mutilations génitales féminines, mis à jour le 6 mai 2014, confirme les précédents rapports. Certains interlocuteurs contactés par le CEDOCA pour rédiger ce rapport affirment que la ré-excision ne se pratique plus en Guinée grâce à la sensibilisation effectuée sur le terrain. D’autres affirment que la ré-excision est peu fréquente, et qu’elle est même rare en ville. Le coordinateur de l’association Tostan a précisé que lorsqu’elle se pratique, la ré-excision n’est pas une sanction ni une punition, mais une volonté des conservateurs de se conformer à la tradition. La ré-excision ne serait par ailleurs pas demandée par le mari, sauf dans certains milieux islamistes radicaux.

    42.  Le rapport officiel (algemeen ambtsbericht) relatif à la Guinée du 20 juin 2014 préparé par le ministère des affaires étrangères des Pays-Bas affirme que si la législation guinéenne interdit les MGF, elles continuent néanmoins d’être pratiquées à grande échelle. Selon les sources médicales, la ré-excision ne se pratique pas. Ce n’est que dans les rares situations où la personne n’a subi qu’une blessure symbolique et que la famille ne s’en contente pas qu’une ré-excision a parfois lieu. Selon le secrétaire général de l’ONG CPTAFE, la ré-excision est rare et ne se fait que quand un membre de la famille (en principe la mère, le mari ou un autre proche) contrôle et constate que l’excision n’avait pas été correctement effectuée. Le rapport estime qu’à partir de quatorze ans, une fille peut décider elle-même de ne pas subir d’excision, surtout lorsqu’elle habite en ville où le contrôle social est moindre que dans les villages. Dans la pratique, ce sont en général les parents qui décident si leur fille doit être excisée. Par ailleurs, les victimes pourraient obtenir une protection auprès de l’Office de protection du genre, de l’enfance et des mœurs au sein du ministère de la sécurité. Toutefois, le rapport conclut que les autorités guinéennes n’offrent pas une protection effective pour les victimes potentielles.

    EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

    43.  La requérante allègue que son renvoi vers la Guinée l’exposerait à un risque de traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la Convention, ainsi libellé :

    « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

    44.  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

    A.  Sur la recevabilité

    1.  Thèses des parties

    45.  Le Gouvernement soutient que la requérante n’a pas épuisé les voies de recours internes avant de saisir la Cour. Il lui reproche de ne pas avoir introduit de pourvoi en cassation administrative devant le Conseil d’État à l’encontre des arrêts du CCE rendus sur les première et deuxième demandes d’asile. De plus, le recours en annulation introduit dans le cadre de la troisième demande d’asile était - au moment de l’introduction de la requête devant la Cour - pendant devant le CCE et la requérante pouvait encore introduire un pourvoi en cassation administrative si le CCE rejetait son recours en annulation. Enfin, le Gouvernement estime que la requérante aurait dû introduire une demande de régularisation médicale en vertu de l’article 9ter de la loi sur les étrangers étant donné qu’elle fait valoir des éléments médicaux pour obtenir un titre de séjour, notamment son syndrome de stress post-traumatique et un risque suicidaire. Une telle demande aurait, si elle était déclarée recevable, empêché l’expulsion de la requérante du territoire belge. Dans ces circonstances, le Gouvernement est d’avis que la requérante n’a pas donné la possibilité aux instances nationales de redresser la situation.

    Par ailleurs, le Gouvernement tient à rappeler qu’un ordre de quitter le territoire n’a pas pour effet de renvoyer l’étranger dans son pays d’origine mais qu’il implique uniquement qu’il soit enjoint à l’intéressé de quitter le territoire belge ainsi que l’espace Schengen. La requérante disposerait donc du choix du pays de son rapatriement. Le Gouvernement en conclut que la requérante ne serait pas confrontée à un risque de traitement contraire à l’article 3 de la Convention puisqu’elle pouvait demander à être renvoyée vers un autre pays en dehors de l’espace Schengen.

    46.  La requérante fait valoir que les recours mentionnés par le Gouvernement ne sont pas suspensifs de l’éloignement forcé et qu’elle n’était donc pas tenue de les épuiser avant de saisir la Cour. De plus, le pourvoi en cassation administrative ne porte que sur des questions de légalité alors que le problème en l’espèce porterait sur une appréciation des faits. S’agissant de la demande de régularisation sur la base de l’article 9ter de la loi sur les étrangers, la requérante rappelle que le point central de sa demande de protection ne se fonde pas sur le fait qu’elle soit malade mais sur le risque de persécution encouru en cas de retour en Guinée. De plus et en tout état de cause, la demande de régularisation médicale n’est pas suspensive de l’éloignement. En outre, la requérante estime que l’État belge a eu de nombreuses opportunités d’examiner sa situation individuelle et de redresser la situation.

    S’agissant de la portée de l’ordre de quitter le territoire mentionnée par le Gouvernement, la requérante estime que l’argumentation du Gouvernement est absurde et contraire aux faits. En effet, le vol qui était prévu par les autorités belges pour la requérante était à destination de la Guinée et les autorités belges n’ont jamais indiqué à la requérante qu’elle pouvait être renvoyée vers un autre pays. De plus, rien n’indique que la requérante aurait un quelconque droit ou une légitimité à solliciter l’accès à un pays tiers. Il s’agit donc d’une argumentation théorique et non pratique ; or la requérante rappelle que les droits garantis par la Convention doivent être concrets et effectifs et non pas théoriques et illusoires.

    2.  Appréciation de la Cour

    47.  S’agissant tout d’abord de l’épuisement des voies de recours internes, la Cour rappelle que, dans les affaires relatives au renvoi d’une personne vers un pays tiers où celle-ci allègue un risque sous l’angle de l’article 3 de la Convention, seuls les recours suspensifs de plein droit de l’éloignement sont considérés comme effectifs par la Cour, compte tenu de la nature irréversible du dommage susceptible d’être causé en cas de réalisation du risque de torture ou de mauvais traitements et vu l’importance qu’elle attache à l’article 3 (Jabari c. Turquie, no 40035/98, § 50, CEDH 2000-VIII, et I.M. c. France, no 9152/09, § 132, 2 février 2012) et seuls ceux-là doivent par conséquent être épuisés pour remplir les conditions posées par l’article 35 § 1 de la Convention (Sultani c. France, no 45223/05, § 50, CEDH 2007-IV (extraits)). La Cour note tout d’abord qu’à partir du 2 février 2012, l’ordre de quitter le territoire qui avait été délivré à la requérante pouvait être exécuté à tout moment. Un recours devant le Conseil d’État contre les décisions du CCE du 20 janvier 2012 (première demande d’asile) et du 9 août 2012 (deuxième demande d’asile) n’aurait pas eu d’effet suspensif de l’exécution de l’ordre de quitter le territoire. Elle note ensuite qu’au moment de l’introduction de sa requête devant la Cour, la requérante avait contesté les décisions des instances d’asile devant le CCE dans le cadre d’une procédure en suspension d’extrême urgence, ce qui constitue - en l’état actuel de la législation belge - le dernier recours à épuiser dans ce type d’affaires puisqu’il est le dernier recours suspensif de plein droit de l’éloignement. À titre surabondant, la Cour constate que, depuis l’introduction de la requête devant la Cour et compte tenu de l’indication d’une mesure provisoire au titre de l’article 39 du règlement, la requérante a pu poursuivre la procédure au niveau national par un recours en annulation devant le CCE ainsi que par un pourvoi en cassation administrative devant le Conseil d’État. Cette procédure s’est clôturée par l’arrêt du Conseil d’État du 16 décembre 2014 (voir paragraphe 29, ci-dessus).

    48.  En ce qui concerne la demande de régularisation médicale que la requérante aurait pu introduire en vertu de l’article 9ter de la loi sur les étrangers, la Cour constate, d’une part, qu’une telle demande n’est pas suspensive de plein droit de la mesure d’éloignement et, d’autre part, que les griefs, tels que formulés par la requérante, n’ont pas trait à son état de santé mais concernent le risque de ré-excision qu’elle allègue encourir si elle devait être renvoyée vers la Guinée. Dans ces circonstances, une telle demande ne constituait ni un recours adéquat ni un recours effectif, et la requérante n’était donc pas tenue de l’épuiser.

    Partant, la Cour estime que la requérante a épuisé les voies de recours internes suspensives afin de se conformer à l’article 35 § 1 de la Convention.

    49.  Ensuite, la deuxième exception soulevée par le Gouvernement relative à la portée de l’ordre de quitter le territoire revient en réalité à remettre en cause la qualité de victime de la requérante. À cet égard, la Cour constate qu’en droit belge, un ordre de quitter le territoire est une décision administrative exécutoire permettant à l’administration d’en poursuivre l’exécution forcée, tel qu’il ressort de l’article 39/85 de la loi sur les étrangers. L’ordre donné à la requérante de quitter le territoire pouvait ainsi être exécuté à tout moment à partir du 2 février 2012. De plus, la requérante était détenue dans un centre de rapatriement depuis le 26 mars 2013 et un vol était prévu à destination de la Guinée avant que la Cour n’indique une mesure provisoire en application de l’article 39 du règlement. Enfin, tel que l’a relevé la requérante, il apparaît que celle-ci ne dispose d’aucun droit de séjour dans un autre pays que le sien et qu’à aucun moment les autorités belges n’ont indiqué à la requérante qu’elle avait un quelconque choix dans sa destination. Dans ces circonstances, l’argument du Gouvernement est mal venu et la Cour rejette également cette exception.

    50.  Par ailleurs, la Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

    B.  Sur le fond

    1.  Thèses des parties

    a)  La requérante

    51.  La requérante explique qu’elle a subi une MGF seulement partielle et qu’elle risque donc d’être ré-excisée si elle est renvoyée en Guinée. La ré-excision serait une pratique courante en Guinée, notamment en représailles à la non-soumission à la famille ou en cas de modification de la structure familiale, ce qui est le cas de la requérante. Celle-ci rappelle que la Cour a déjà estimé qu’une MGF constitue un traitement inhumain et dégradant qui engendre des violences physiques et mentales également par la suite. Sur la base de divers rapports, la requérante fait valoir que le risque de MGF est extrêmement élevé en Guinée, quel que soit le milieu social, et que le taux de prévalence est actuellement de 95%. Le rapport conjoint du CGRA, l’OFPRA et l’ODM sur lequel se fonde principalement le CGRA serait critiqué par l’ASBL Intact et le Comité belge d’aide aux réfugiés, notamment quant à la procédure suivie pour la mission sur le terrain. En outre, la requérante fait valoir que le CCE a lui-même admis dans certains de ses arrêts le risque de ré-excision en Guinée (voir paragraphe 33, ci-dessus). Finalement, le fait que la requérante vit en Belgique depuis 2011 accroît le risque de méfiance de la population envers elle si elle devait être renvoyée en Guinée en raison de son contact prolongé avec les mœurs occidentales.

    52.  S’agissant des arguments avancés par le Gouvernement (voir paragraphes 55-58, ci-dessous), la requérante fait valoir les éléments de réponse suivants : les doutes du Gouvernement sur la crédibilité de la requérante doivent être mis en relation avec la vulnérabilité de celle-ci et avec les éléments de preuve objectifs fournis par elle. Elle rappelle en effet que ni sa nationalité ni son appartenance ethnique ni son excision ne sont mises en doute par l’État belge. La requérante n’a par ailleurs pas été confrontée par le CGRA sur les différences de dates du décès de sa sœur alors que cette contradiction lui a été reprochée par la suite. En dehors du récit qu’elle a fourni, elle estime ne pas être en mesure de prouver de manière objective la radicalité de son oncle. Le fait qu’elle ait été excisée à l’âge adulte alors que selon les statistiques seules 3% des femmes seraient excisées à l’âge adulte montre la radicalité de l’oncle. La requérante n’a pris connaissance du caractère partiel de son excision que lors de l’examen médical effectué en 2013, lorsqu’elle eut la possibilité de rencontrer un spécialiste, et elle n’avait donc pas pu faire valoir cet élément plus tôt puisqu’elle n’avait elle-même pas conscience de ce fait jusque-là. L’audition au CGRA qui dura près de quatre heures démontre que la requérante n’a pas été laconique dans ses réponses comme cela lui avait été reproché par les instances belges et elle avait répondu à toutes les questions qui lui étaient posées. Les décisions d’irrecevabilité de la Cour auxquelles le Gouvernement fait référence (Collins et Akaziebie, décision précitée, et Izevbekhai et autres, décision précitée) ne seraient pas applicables en l’espèce étant donné que le taux de prévalence des MGF est largement supérieur en Guinée par rapport au Nigéria dont il était question dans ces affaires.

    53.  Concernant les trois convocations reçues par la requérante, cette dernière fait valoir que celles-ci attestent du niveau de corruption régnant en Guinée et du faible niveau de qualité de l’administration guinéenne. Elle réfute la thèse du CGRA selon laquelle il s’agirait de faux documents. De plus, c’est aux autorités belges qu’il revient de faire les vérifications nécessaires auprès des autorités guinéennes pour prouver que les convocations sont fausses dès lors que la requérante a produit tous les documents qu’elle avait en sa possession (Singh et autres, précité, § 104).

    54.  Enfin, la requérante est d’avis que les autorités guinéennes n’offrent pas de protection effective aux femmes contre les MGF. Elle en veut pour preuve le fait que les autorités guinéennes ont convoqué la requérante et sa mère à la police, ce qui atteste de la complicité des autorités locales avec l’oncle qui recherche activement la requérante.

    b)  Le Gouvernement

    55.  Le Gouvernement se déclare conscient du fait que l’exposition de la requérante à une MGF constituerait un traitement contraire à l’article 3 de la Convention. Toutefois, il estime qu’en l’espèce rien n’indique qu’il y ait des motifs sérieux et avérés de croire que la requérante coure un risque réel d’être soumise à une ré-excision. Tout d’abord, la seule circonstance que la requérante dispose d’un certificat médical attestant d’une excision de type I n’est pas de nature à démontrer la réalité des menaces alléguées et des craintes invoquées. Une excision de type I est reconnue comme une excision complètement aboutie et ne peut dès lors pas être considérée comme une excision « inachevée ». Aussi, l’infibulation (ou excision de type III) n’est que très rarement pratiquée en Guinée. Il ressort en effet des rapports auxquels le Gouvernement a eu égard que l’excision est principalement pratiquée avant l’adolescence et qu’actuellement surtout l’excision de type I est pratiquée. En outre, la force probante des attestations médicales ne peut s’attacher qu’aux constatations médicales qu’elles contiennent et non pas aux risques encourus en cas de renvoi qu’elles évoquent.

    56.  Deuxièmement, le dossier administratif de la requérante contient plusieurs éléments permettant de douter de la véracité de ses propos : elle a donné successivement plusieurs dates de décès de sa petite sœur alors qu’il s’agit d’un élément fondamental qui est au cœur de son récit et elle n’a fourni aucune preuve matérielle du décès alors qu’elle est toujours en contact avec sa mère en Guinée. À l’affirmation de la requérante selon laquelle elle ne peut pas déposer de preuve du décès parce que sa mère est illettrée, le Gouvernement fait remarquer que la requérante avait pourtant déposé une lettre manuscrite écrite par sa mère. Une contradiction apparaît également du fait que, d’une part, la requérante allègue que les autorités guinéennes ne peuvent pas la protéger d’une ré-excision et que, d’autre part, la famille n’a pas averti les autorités du décès de sa sœur parce qu’ils craignaient des poursuites compte tenu de l’interdiction des MGF. Aussi, la requérante n’a fourni aucun commencement de preuve de la radicalité de son oncle paternel et du mariage forcé. Le Gouvernement estime que la requérante pourrait retourner s’installer chez sa mère qui s’est séparée de l’oncle et qui vit maintenant seule puisque sa mère est contre l’excision. Le Gouvernement relève également le long délai entre l’excision en mars 2009 et le mariage forcé en février 2011. Le Gouvernement s’interroge sur la question de savoir pourquoi la ré-excision ne fut pas effectuée juste après la première pendant la période de convalescence ou juste avant le mariage forcé. Vu l’âge de la requérante et son éducation progressiste, elle ne peut pas être considérée comme une jeune femme très vulnérable (Collins et Akaziebie, décision précitée, et Izebekhai et autres, décision précitée). S’agissant des convocations que la requérante aurait reçues, le Gouvernement rappelle qu’aucun motif n’y figure, qu’elles contiennent des anomalies et qu’aucun lien clair ne peut être établi avec les craintes exprimées par la requérante. Elles n’ont donc pas de force probante. Enfin, le Gouvernement note que la requérante s’est abstenue, dans son recours de plein contentieux devant le CCE dans le cadre de sa première demande d’asile, de contester les rapports cités par le CGRA pour rejeter le risque de ré-excision.

    57.  En outre, le Gouvernement estime que la requérante peut se prévaloir de la protection des autorités guinéennes. En effet, celles-ci luttent depuis les années 1990 contre les MGF par des campagnes de sensibilisation et de prévention menées en concertation avec diverses organisations internationales. La Guinée a ratifié plusieurs conventions internationales interdisant les MGF et l’article 305 du code pénal guinéen interdit les MGF depuis 1998. De plus, la Guinée a adopté un plan d’action national 1996-2020 avec l’Organisation mondiale de la santé (« OMS ») en vue de l’éradication des MGF. Aussi, un pourcentage croissant de la population guinéenne se dit contre les MGF. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est d’avis que les autorités guinéennes seraient en mesure de protéger la requérante si elle était soumise à un risque de ré-excision.

    58.  Par ailleurs, s’agissant des traumatismes liés à l’excision avérée de la requérante, le Gouvernement rappelle que le statut de réfugié peut être attribué a posteriori lorsque la persécution est considérée comme particulièrement atroce et que la femme souffre de traumatismes psychologiques pertinents. Or le Gouvernement constate que ces éléments ont été invoqués par la requérante pour la première fois lors de sa troisième demande d’asile soit deux ans après son arrivée en Belgique. À cet égard, le Gouvernement est d’avis qu’un suivi psychologique serait plus efficace en Guinée pour des raisons de langue et de connaissance de la problématique sur le terrain. D’ailleurs, le Gouvernement rappelle que la requérante n’a pas introduit de demande de régularisation sur la base de l’article 9ter de la loi sur les étrangers.

    2.  Appréciation de la Cour

    a)  Principes généraux

    59.  La Cour rappelle que les États contractants ont, en vertu d’un principe de droit international bien établi et sans préjudice des engagements découlant pour eux de traités, y compris la Convention, le droit de contrôler l’entrée, le séjour et l’éloignement des non-nationaux. Cependant, l’expulsion par un État contractant peut soulever un problème au regard de l’article 3, et donc engager la responsabilité de l’État en cause au titre de la Convention, lorsqu’il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l’intéressé, si on l’expulse vers le pays de destination, y courra un risque réel d’être soumis à un traitement contraire à l’article 3. Dans ce cas, l’article 3 implique l’obligation de ne pas expulser la personne en question vers ce pays (Saadi c. Royaume-Uni [GC], no 13229/03, §§ 124-125, CEDH 2008, N. c. Royaume-Uni [GC], no 26565/05, § 30, CEDH 2008, et Hirsi Jamaa et autres c. Italie [GC], no 27765/09, §§ 113-114, CEDH 2012).

    60.  Quant aux éléments à prendre en compte pour évaluer le risque d’exposition à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention, la Cour renvoie aux principes généraux dégagés dans sa jurisprudence (Saadi, précité, §§ 128-133).

    61.  Aussi, la Cour considère qu’eu égard au fait que l’article 3 consacre l’une des valeurs les plus fondamentales des sociétés démocratiques et proscrit en termes absolus la torture et les traitements ou peines inhumains ou dégradants, il faut impérativement soumettre à un contrôle attentif (Sultani, précité, § 63) et à un examen indépendant et rigoureux tout grief aux termes duquel il existe des motifs de croire à un risque de traitement contraire à l’article 3 de la Convention (Jabari, précité, § 50).

    b)  Application au cas d’espèce

    62.  Il n’est pas contesté qu’exposer un adulte, contre sa volonté, ou un enfant à une MGF serait constitutif d’un mauvais traitement contraire à l’article 3 de la Convention (voir Collins and Akaziebie, décision précitée, Izevbekhai et autres, décision précitée, § 73, et Omeredo c. Autriche (déc.), no 8969/10, 20 septembre 2011). Il n’est pas davantage contesté que les filles et femmes guinéennes ont traditionnellement été soumises à des MGF et que, dans une très large mesure, elles continuent de l’être. En l’espèce, la requérante a fait l’objet d’une MGF de type I. La question cruciale est donc de savoir s’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que la requérante courrait un risque réel de subir une ré-excision si elle était rapatriée en Guinée.

    63.  Les autres motifs d’asile rapportés par la requérante dans ses deux premières demandes d’asile - notamment le mariage forcé - n’ont pas été réitérés devant la Cour. Celle-ci n’examinera donc pas le risque de violation de l’article 3 au regard de ces allégations.

    64.  D’emblée, la Cour observe que la requérante craint d’être ré-excisée à l’initiative de son oncle, et non pas par les autorités guinéennes. À cet égard, la Cour rappelle qu’en raison du caractère absolu du droit garanti, il n’est pas exclu que l’article 3 de la Convention trouve aussi à s’appliquer lorsque le danger émane de personnes ou de groupes de personnes qui ne relèvent pas des autorités publiques, dans les cas où il apparaît que les autorités de l’État de destination ne sont pas en mesure d’y obvier par une protection appropriée (H.L.R. c. France, 29 avril 1997, § 40, Recueil des arrêts et décisions 1997-III).

    65.  Aussi, la Cour rappelle qu’en principe les autorités nationales sont mieux placées pour apprécier la crédibilité du requérant si elles ont eu la possibilité de le voir, de l’entendre et d’apprécier son comportement (R.C. c. Suède, no 41827/07, § 52, 9 mars 2010). En l’espèce, la Cour ne voit pas de raison de ne pas suivre les conclusions tirées par les instances d’asile belges.

    66.  En effet, la Cour note qu’après un examen circonstancié et approfondi de la première demande d’asile, les instances compétentes ont conclu, d’une part, que le récit de la requérante n’était pas crédible et, d’autre part, qu’elle ne courait pas de risque d’être soumise à une ré-excision en cas de renvoi vers la Guinée. Pour arriver à une telle conclusion, le CGRA s’est basé notamment sur un rapport duquel il ressortait que la ré-excision n’était pratiquée que dans des cas déterminés en Guinée, dans lesquels la requérante ne tombait pas. En outre, sur ce point, le CCE considéra que la requérante n’avait fourni aucune information ou indication crédible ou un quelconque commencement de preuve pour établir sa crainte (voir paragraphe 13, ci-dessus). La Cour ne voit aucun élément du dossier ou des rapports internationaux sur la situation générale en Guinée consultés (voir paragraphes 38-42, ci-dessus) permettant de penser que les conclusions auxquelles sont parvenues les instances d’asile nationales en l’espèce étaient arbitraires ou manifestement déraisonnables. La Cour relève d’ailleurs que, dans son recours devant le CCE dans le cadre de sa première demande d’asile, la requérante n’a pas contesté les rapports cités par le CGRA pour rejeter le risque de ré-excision.

    67.  Le fait que le CCE ait, dans certaines autres affaires, sur base notamment d’une évaluation des circonstances particulières de chaque affaire, reconnu le risque de ré-excision de jeunes femmes guinéennes (voir paragraphe 34, ci-dessus), n’est pas de nature à modifier ce constat.

    68.  Aussi, la Cour prend note de la situation personnelle actuelle de la requérante. En effet, la requérante n’ayant pas été expulsée à ce jour, la date à prendre en compte pour évaluer le risque encouru est celle de la date de l’examen de l’affaire par la Cour (Saadi, précité, § 133). La Cour relève que la requérante est maintenant âgée de vingt-huit ans. Elle a reçu une éducation progressiste et a clairement exprimé son opposition à la pratique des MGF. Sa mère, qui semble être la seule personne de sa famille avec laquelle la requérante est toujours en contact, serait elle aussi progressiste et contre la pratique des MGF, et elle n’a d’ailleurs elle-même pas été excisée. La Cour en conclut que la requérante ne peut pas être considérée comme une jeune femme particulièrement vulnérable (dans le même sens, Collins et Akaziebie, décision précitée, et Izevbekhai et autres, décision précitée).

    69.  En conclusion, la Cour estime que la requérante n’a pas démontré qu’elle courrait un risque réel d’être ré-excisée en cas de renvoi vers la Guinée. Partant, il n’y aurait pas violation de l’article 3 de la Convention si la requérante était expulsée vers son pays d’origine.

    II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 COMBINÉ AVEC L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

    70. Invoquant l’article 13 combiné avec l’article 3 de la Convention, la requérante soutient qu’elle n’a pas disposé d’un recours effectif pour faire valoir ses griefs tirés de l’article 3. L’article 13 est ainsi libellé :

    « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

    71.  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

    A.  Sur la recevabilité

    72.  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

    B.  Sur le fond

    1.  Thèses des parties

    73. La requérante soutient qu’elle n’avait pas de recours effectif pour faire suspendre son renvoi vers la Guinée étant donné que le CCE avait rejeté sa requête en suspension d’extrême urgence et qu’elle ne disposait donc plus d’un recours suspensif de son éloignement. Aussi, elle se plaint du fait que sa troisième demande d’asile, et en particulier les certificats médicaux déposés par elle, n’ont pas été pris en considération par les instances d’asile belges pour des raisons purement procédurales sans examen au fond. Les instances compétentes ont en effet considéré que les documents déposés n’étaient pas des éléments nouveaux au sens de l’article 51/8 de la loi sur les étrangers étant donné qu’ils auraient pu être présentés lors d’une précédente demande d’asile. La requérante souligne qu’en produisant ces documents elle souhaitait démontrer la réalité d’un risque de ré-excision pour un motif nouveau, à savoir le fait que la première excision n’avait pas été totale. La requérante ignorait précédemment cette circonstance, de sorte qu’elle n’avait pas pu la faire valoir. À aucun moment l’OE et le CCE n’ont examiné cet élément au fond. Or, les autorités compétentes auraient dû effectuer un examen rigoureux du risque de violation de l’article 3 de la Convention. L’article 3 exige par ailleurs qu’un examen ex nunc soit effectué par les instances nationales (Yoh-Ekale Mwanje c. Belgique, no 10486/10, § 107, 20 décembre 2011). La requérante estime que le CCE a, en l’espèce, opté pour une interprétation excessivement restrictive de l’obligation de prise en compte d’une nouvelle demande d’asile. Elle rappelle également l’importance de la prise en compte des certificats médicaux comme preuves objectives d’un risque de persécution (R.J. c. France, no 10466/11, § 42, 19 septembre 2013). L’argumentation du Gouvernement relative à la possibilité pour la requérante de présenter les certificats médicaux plus tôt révélerait, selon elle, une méconnaissance totale de la réalité du terrain pour les demandeurs d’asile qui n’ont souvent pas accès à un médecin ou en tout cas pas à un spécialiste. Le motif selon lequel la requérante aurait pu consulter un médecin précédemment méconnaît également la vulnérabilité des demandeurs d’asile en général et des demanderesses ayant subi des mutilations génitales en particulier.

    74.  Le Gouvernement rappelle que la requérante a pu introduire plusieurs demandes d’asile, qu’elle a disposé de recours suspensifs de plein droit en vertu de l’article 39/70 de la loi sur les étrangers et qu’elle s’est heurtée à des refus dûment motivés. Les instances d’asile ont effectué un examen attentif, sérieux et minutieux des allégations de la requérante dans le cadre de ses différentes demandes d’asile. En particulier, en ce qui concerne le recours relatif à la troisième demande, la requérante a bénéficié du temps nécessaire pour exercer ses droits de la défense et préparer sa cause, l’exécution forcée de la mesure d’éloignement était suspendue pendant l’examen de l’affaire par le CCE en extrême urgence, et ce dernier a procédé à un nouvel examen du risque de violation alléguée en analysant s’il y avait un nouvel élément apporté lors de cette troisième demande d’asile. Le Gouvernement en conclut que la requérante a bien disposé d’un recours effectif et que son grief n’est pas fondé.

    2.  Appréciation de la Cour

    a)  Principes généraux

    75.  Les principes généraux relatifs à l’effectivité des recours et des garanties fournies par les États contractants en cas d’expulsion d’un demandeur d’asile en vertu des articles 13 et 3 combinés de la Convention sont résumés dans l’arrêt M.S.S. c. Belgique et Grèce ([GC], no 30696/09, §§ 286-293, CEDH 2011) et dans l’arrêt I.M. c. France (précité, §§ 127-135).

    76. En ce qui concerne en particulier la qualité des voies de recours disponibles, la Cour insiste sur le fait que, compte tenu de l’importance qui doit être attachée à l’article 3, du caractère absolu de cette disposition et de la nature irréversible du dommage susceptible d’être causé en cas de réalisation du risque de mauvais traitement, il appartient aux autorités nationales de se montrer aussi rigoureuses que possible et de procéder à un examen attentif des griefs tirés de l’article 3 sans quoi les recours perdent de leur effectivité (M.S.S., précité, § 388). Un tel examen doit permettre d’écarter tout doute, aussi légitime soit-il, quant au caractère mal fondé d’une demande de protection et ce, quelle que soit l’étendue des compétences de l’autorité chargée du contrôle (Singh et autres, précité, § 103).

    b)  Application au cas d’espèce

    77.  La Cour rappelle qu’elle a jugé que l’éloignement de la requérante vers Guinée n’emporterait pas violation de l’article 3 de la Convention (voir paragraphe 70, ci-dessus). Ce constat de non-violation ne signifie pourtant pas que le grief tiré de l’article 3 échappe à l’empire de l’article 13 (voir, mutatis mutandis, Nuri Kurt c. Turquie, no 37038/97, §§ 116-117, 29 novembre 2005, et Yoh-Ekale Mwanje, précité, § 103). En effet, la Cour n’a pas déclaré irrecevable le grief tiré de l’article 3 de la Convention et l’a examiné au fond. Aussi, la Cour estime qu’en soutenant que son éloignement vers la Guinée porterait atteinte à l’article 3 de la Convention, la requérante avait prima facie un grief défendable à faire valoir. Dès lors, l’article 13 s’applique.

    78.  En l’espèce, la Cour constate que la requérante a introduit trois demandes d’asile successives en deux ans et qu’elle a, à chaque fois, disposé d’un recours suspensif de plein droit devant une juridiction spécialisée pour contester les refus d’octroi du statut de réfugié et de protection subsidiaire qu’elle s’est vu notifier. La troisième demande d’asile présentée par la requérante a été rejetée par les instances d’asile au motif que les documents produits - principalement des certificats médicaux - auraient pu l’être lors d’une précédente demande d’asile et que, par conséquent, ils ne constituaient pas des « éléments nouveaux » au sens de l’article 51/8 de la loi sur les étrangers.

    79.  La requérante estime que les instances d’asile nationales ont donné une interprétation trop restrictive à cette disposition et qu’un examen ex nunc du risque encouru sous l’angle de l’article 3 de la Convention aurait dû être effectué suite à sa troisième demande d’asile. Toutefois, à cet égard, la Cour rappelle qu’il est légitime pour les États de vouloir réduire les demandes d’asile répétitives et manifestement abusives ou mal fondées et de prévoir par conséquent des règles spécifiques pour le traitement de telles demandes, tel que c’est le cas en Belgique, notamment par l’application de l’article 51/8 de loi sur les étrangers. Aussi, la Cour estime qu’il ne peut être exigé des instances nationales qu’elles procèdent à un examen ex nunc du risque encouru à chaque nouvelle demande d’asile lorsque le risque allégué par le demandeur a déjà fait l’objet d’un examen rigoureux et attentif au cours d’une demande d’asile antérieure, à moins que des faits nouveaux ne soient apparus (comparer Sultani, précité, § 65).

    80.  En l’espèce, la Cour ne voit dans l’application faite de l’article 51/8 de la loi sur les étrangers par les instances d’asile aucune forme d’arbitraire, et aucune raison de la mettre en question. En effet, le risque de ré-excision allégué par la requérante a fait l’objet d’un examen par les instances compétentes lors de la première demande d’asile de la requérante et celles-ci ont dûment motivé les raisons pour lesquelles elles ont estimé qu’il n’y avait pas de motif sérieux et avéré de croire que la requérante courait un risque d’être ré-excisée en cas de retour dans son pays d’origine. De plus, les certificats médicaux présentés par la requérante à l’appui de sa troisième demande d’asile ne faisaient en substance qu’attester d’un état de fait, à savoir que la requérante avait subi une excision. Ce fait avait déjà été allégué lors des précédentes demandes d’asile, et il n’avait d’ailleurs pas été contesté par les instances compétentes. Certes, par les certificats nouveaux la requérante voulait prouver qu’elle n’avait subi qu’une excision partielle, pour en déduire que le risque de ré-excision était réel. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agissait toujours du même risque, que ce risque avait été examiné lors de l’examen de la première demande d’asile, et qu’il avait alors été écarté pour des raisons qui peuvent être considérées comme valables pour n’importe lequel des types d’excision subie.

    81.  La requérante estime enfin que sa vulnérabilité particulière aurait dû être prise en compte par les autorités nationales pour expliquer les raisons pour lesquelles elle n’avait pas pu présenter les certificats médicaux lors d’une demande d’asile antérieure. Si la Cour reconnaît la vulnérabilité particulière des demandeurs d’asile (M.S.S., précité, § 251), elle rappelle que, même dans les cas d’expulsion vers un pays où existe prétendument un risque de traitements contraires à l’article 3, les conditions de forme et les délais fixés par le droit interne doivent normalement être observés et il revient aux requérants de respecter les procédures internes (Bahaddar c. Pays-Bas, 19 février 1998, § 45, Recueil 1998-I).

    82.  Dans ces circonstances, la Cour estime qu’il n’y a pas eu violation de l’article 13 combiné avec l’article 3 de la Convention.

    III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 39 DU RÈGLEMENT DE LA COUR

    83.  La Cour rappelle que, conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, le présent arrêt deviendra définitif : a) lorsque les parties déclareront qu’elles ne demanderont pas le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre ; ou b) trois mois après la date de l’arrêt, si le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre n’a pas été demandé ; ou c) lorsque le collège de la Grande Chambre rejettera la demande de renvoi formulée en application de l’article 43.

    84.  Elle considère que les mesures qu’elle a indiquées au Gouvernement en application de l’article 39 de son règlement (voir paragraphe 26, ci-dessus) doivent demeurer en vigueur jusqu’à ce que le présent arrêt devienne définitif ou que la Cour rende une autre décision à cet égard.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la requête recevable ;

     

    2.  Dit qu’il n’y aurait pas violation de l’article 3 de la Convention en cas de renvoi de la requérante vers la Guinée ;

     

    3. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 13 combiné avec l’article 3 de la Convention ;

     

    4.  Décide que la mesure provisoire indiquée par la Cour en application de l’article 39 de son règlement reste en vigueur jusqu’à ce que le présent arrêt devienne définitif ou que la Cour rende une autre décision à cet égard.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 19 janvier 2016, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Stanley Naismith                                                                     Işıl Karakaş
            Greffier                                                                              Présidente

     


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