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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> GUTAU v. ROMANIA - 41468/10 (Judgment (Merits and Just Satisfaction) : Court (Fourth Section Committee)) French Text [2016] ECHR 968 (08 November 2016)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2016/968.html
Cite as: [2016] ECHR 968, CE:ECHR:2016:1108JUD004146810, ECLI:CE:ECHR:2016:1108JUD004146810

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    QUATRIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE GUTĂU c. ROUMANIE

     

    (Requête no 41468/10)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

    STRASBOURG

     

    8 novembre 2016

     

     

    Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Gutău c. Roumanie,

    La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en un comité composé de :

              Paulo Pinto de Albuquerque, président,
              Iulia Motoc,
              Marko Bošnjak, juges,
    et de Andrea Tamietti, greffier adjoint de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 11 octobre 2016,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 41468/10) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet État, M. Mircia Gutău (« le requérant »), a saisi la Cour le 13 juillet 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par son agente, Mme C. Brumar, du ministère des Affaires étrangères.

    3.  Le 18 décembre 2014, le grief concernant une absence d’un procès équitable a été communiqué au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du règlement de la Cour.

    4.  Le Gouvernement s’est opposé à l’examen de la requête par un comité. Après avoir examiné l’objection du Gouvernement, la Cour l’a rejetée.

    EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

    5.  Le requérant est né en 1957 et est détenu à la prison de Râmnicu Vâlcea. À l’époque des faits, il était le maire de cette ville.

    6.  Par un réquisitoire du 27 juillet 2006, le parquet renvoya en jugement le requérant pour corruption passive. Par le même réquisitoire, N.D., qui était le maire adjoint de la ville, fut renvoyé en jugement pour complicité de corruption passive. Le requérant était accusé d’avoir sollicité, entre avril et juillet 2006, une certaine somme d’argent à C.P., un homme d’affaires de Râmnicu Vâlcea, en échange d’un certificat d’urbanisme répondant aux critères souhaités par celui-ci. N.D. était accusé d’avoir reçu, à la suite d’une entente préalable conclue avec le requérant, deux parties de la somme demandée à C.P.

    Le réquisitoire était fondé sur les éléments suivants : les déclarations de C.P., qui avait dénoncé les faits au parquet ; le procès-verbal d’une opération de flagrant délit organisée par la police le 6 juillet 2006, au cours de laquelle C.P. avait remis à N.D., dans les toilettes d’un restaurant, la deuxième partie de la somme d’argent réclamée par le requérant ; plusieurs témoignages ; et des interceptions de communications téléphoniques et des enregistrements audio et vidéo des rencontres de C.P. avec le requérant et le maire adjoint.

    7.  Par un jugement du 18 juin 2007, le tribunal départemental de Alba prononça l’acquittement du requérant et de N.D. du chef de corruption passive.

    Pour ce faire, le tribunal notait ce qui suit : C.P. avait effectué plusieurs démarches pour obtenir un certificat d’urbanisme en vue de la construction d’un bâtiment sur un terrain situé dans la rue C., et il avait à chaque fois reçu des certificats qui ne répondaient pas à ses demandes ; même s’il avait affirmé qu’il entendait construire finalement le bâtiment sur un autre terrain, situé dans la rue S., il n’avait déposé une demande en ce sens auprès des autorités qu’après le renvoi en jugement du maire et du maire adjoint ; dans ces conditions, le requérant ne pouvait se voir reprocher d’avoir demandé ou reçu de l’argent dans le cadre de l’exercice de ses fonctions et n’avait dès lors pas enfreint les dispositions nationales réprimant la corruption passive.

    Le tribunal observait aussi que C.P. s’était rendu au bureau du requérant après avoir remis la deuxième partie de la somme d’argent à N.D. au restaurant, et que, lorsqu’il avait essayé de parler au requérant de la somme ainsi remise, celui-ci avait prononcé le mot « non ». Selon lui, au-delà des gestes accompagnant ce mot, visibles sur un des enregistrements vidéo, la négation exprimée par le requérant devait être entendue comme une opposition de ce dernier à toute remise d’argent.

    Le tribunal estimait qu’il ne pouvait y avoir eu une entente préalable entre le requérant et N.D. quant à la réalisation de l’infraction reprochée puisqu’il ressortait des pièces du dossier que, à l’époque de l’opération de flagrant délit, C.P. voulait uniquement obtenir des informations quant aux exigences requises pour l’obtention d’un certificat d’urbanisme pour le terrain sis dans la rue S. Aux yeux du tribunal, toute demande concernant le terrain situé dans la rue C. ne revêtait donc plus aucune importance.

    Le tribunal relevait ensuite que les déclarations de C.P. manquaient de crédibilité. À cet égard, il notait ce qui suit : l’intéressé avait nié, d’une part, avoir eu des liens d’amitié avec N.D. selon lesquels les deux hommes s’accordaient des prêts et, d’autre part, s’être vu infliger une amende contraventionnelle par la mairie pour avoir bâti une construction sans autorisation préalable ; de même, il avait affirmé avoir demandé des conseils au directeur de la société commerciale dont il était le gérant quant à la somme à offrir « à la mairie » afin d’obtenir un certificat répondant à ses souhaits ; enfin, il avait allégué avoir déposé en juillet 2006 une demande de certificat d’urbanisme concernant le terrain sis dans la rue S. Or, pour le tribunal, toutes ces déclarations étaient contredites par les dépositions de plusieurs témoins ou les documents versés au dossier.

    Le tribunal considérait en outre que les éléments du dossier démontraient la volonté de C.P. de se venger du requérant. À ce titre, il retenait que, par le passé, ce dernier avait refusé de recevoir de l’argent de la part de C.P. et que cela était confirmé par la chef de son cabinet.

    Par ailleurs, il constatait que, eu égard aux pièces du dossier - et notamment les déclarations de deux témoins -, N.D. se trouvait dans une impasse financière et que, d’après un des témoins, il allait bénéficier d’un prêt de la part de C.P. Dès lors, pour le tribunal, la réception d’une somme lors de l’opération de flagrant délit du 6 juillet 2006 ne constituait pas un acte de complicité de corruption passive, puisque cette somme aurait été remise à N.D. à titre personnel. Enfin, le tribunal relevait que N.D. n’avait pas d’attribution professionnelle relativement à l’émission des certificats d’urbanisme et qu’aucun acte de corruption passive ne pouvait donc être retenu à son encontre.

    8.  Par un arrêt du 10 décembre 2007, sur appel du parquet, la cour d’appel de Alba Iulia annula le jugement du tribunal départemental du 18 juin 2007 (paragraphe 7 ci-dessus), estimant que celui-ci avait manqué à son obligation de soumettre au débat des parties la requalification juridique des faits reprochés à N.D. en acte de corruption passive.

    Par un arrêt définitif du 28 mars 2008, la Haute Cour de cassation et de justice (« la Haute Cour ») annula cet arrêt et renvoya l’affaire à la cour d’appel pour réexamen.

    9.  Par un arrêt du 10 avril 2009, la cour d’appel de Constanţa, à laquelle l’affaire avait entre-temps été attribuée, confirma le jugement du tribunal départemental de Alba. Dans sa décision, elle entérinait la version des faits exposée par les inculpés, relevant qu’elle était confirmée par les déclarations de plusieurs témoins et par les documents transmis par les autorités locales.

    10.  Le parquet forma un pourvoi en cassation contre cet arrêt devant la Haute Cour.

    11.  Lors de l’audience du 9 novembre 2009, la haute juridiction procéda à l’audition des inculpés, qui firent usage de leur droit de garder le silence. Elle n’administra aucun moyen de preuve.

    12.  Par un arrêt du 27 janvier 2010, la Haute Cour fit droit au recours formé par le parquet, cassa les décisions rendues en première instance et en appel et, statuant sur le fond, condamna le requérant et N.D. à trois ans et six mois de prison ferme chacun, pour corruption passive et complicité de corruption passive, respectivement.

    La Haute Cour estimait que les tribunaux inférieurs avaient commis une « grave erreur de fait » en se fiant de manière exagérée à certains éléments de preuve et en interprétant de manière tronquée ou en ignorant d’autres éléments. Elle fondait sa décision sur : a) les déclarations de C.P. et de cinq témoins entendus au cours de l’enquête et lors de l’examen de l’affaire en première instance ; b) des documents transmis par les autorités locales ; c) plusieurs enregistrements audio et vidéo des rencontres de C.P. avec le requérant et N.D. ; et d) des interceptions des communications téléphoniques que C.P. avait eues avec ceux-ci.

    La Haute Cour concluait ce qui suit :

    -  les infractions reprochées au requérant et à N.D. étaient constituées dès lors que C.P., au début de ses démarches, avait entendu donner la première partie de la somme d’argent au requérant dans le bureau de ce dernier : en effet, à ce moment-là, le requérant avait donné comme instruction à C.P. de remettre la somme en question à N.D., avec lequel C.P. avait ultérieurement négocié la somme finale ;

    -  l’absence d’une demande de certificat d’urbanisme pour le terrain sis dans la rue S. ne revêtait aucune importance en l’espèce pour autant que la délivrance de ce certificat rentrait dans les attributions du requérant ;

    -  il ressortait des déclarations de plusieurs témoins que la première partie de la somme d’argent avait bien été remise à N.D. et que cette somme ne constituait pas un prêt ;

    -  les enregistrements audio et vidéo des rencontres de C.P. avec le requérant et N.D. démontraient qu’il y avait bien eu une entente délictuelle entre ces deux derniers.

    II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT

    13.  Les dispositions pertinentes en l’espèce du code de procédure pénale (CPP), en vigueur à l’époque des faits et relatives aux pouvoirs des juridictions d’appel et de recours, sont décrites dans l’affaire Găitănaru c. Roumanie (no 26082/05, §§ 17-18, 26 juin 2012).

    EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

    14.  Le requérant dénonce une violation de son droit à un procès équitable dans le cadre de la procédure pénale menée à son encontre : il reproche à la Haute Cour de l’avoir condamné au pénal en l’absence d’une administration directe des preuves sur le fondement desquelles il aurait été acquitté par les tribunaux inférieurs. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, dont les parties pertinentes en l’espèce sont ainsi libellées :

    « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

    A.  Sur la recevabilité

    15.  Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.

    B.  Sur le fond

    1.  Arguments des parties

    16.  Le requérant soutient que, pour le condamner pénalement du chef de corruption passive et annuler les décisions des tribunaux inférieurs, la Haute Cour a réexaminé le fond des accusations en fait et en droit. Il considère que la haute juridiction a pour cela procédé à un examen de tous les moyens de preuve administrés, y compris les témoignages, qui, à ses yeux, étaient des preuves déterminantes dans l’affaire. Il reproche à la Haute Cour de l’avoir condamné pour corruption passive sur la base de dépositions de témoins qu’elle n’a jamais entendus, précisant qu’il avait été relaxé de ce chef par les juridictions inférieures. Se référant à la jurisprudence Găitănaru précitée, il estime que sa condamnation a ainsi méconnu l’article 6 § 1 de la Convention. Il reproche enfin à la Haute Cour d’avoir conclu à l’existence dans les décisions antérieures d’une « grave erreur de fait » (paragraphe 12 ci-dessus) et de ne pas s’être pas bornée à analyser une simple question de droit.

    17.  Le Gouvernement considère en premier lieu que les conclusions de la Cour dans l’affaire Găitănaru précitée ne sont pas applicables en l’espèce. Indiquant que la haute juridiction n’a pas procédé à une interprétation différente des éléments de preuve, il soutient qu’elle a choisi de fonder sa décision sur les interceptions et les enregistrements audio et vidéo, soit, selon lui, sur des éléments de preuve différents de ceux retenus par les tribunaux inférieurs. En tout état de cause, il estime que c’est au premier chef aux autorités nationales, et singulièrement aux cours et tribunaux, qu’il incombe d’administrer et d’interpréter les moyens de preuve.

    18.  En deuxième lieu, tout en admettant qu’il incombait à la Haute Cour d’entendre les témoins, le Gouvernement indique que le requérant a pu plaider sa cause devant cette juridiction et qu’il n’a pas exigé une nouvelle audition des témoins.

    19.  Enfin, le Gouvernement expose que le requérant s’est prévalu de son droit de garder le silence au cours de son audition devant la haute juridiction et, en outre, que les moyens de recours du parquet lui ont été communiqués et qu’il a ainsi pu déposer ses arguments en réponse.

    2.  Appréciation de la Cour

    20.  La Cour rappelle que l’admissibilité des preuves relève au premier chef des règles du droit interne, que c’est en principe aux juridictions nationales qu’il revient d’apprécier les éléments recueillis par elles (García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, § 28, CEDH 1999-I) et qu’elle-même a pour tâche, d’après la Convention, de rechercher si la procédure considérée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des moyens de preuve, a revêtu un caractère équitable (voir, parmi beaucoup d’autres, Teixeira de Castro c. Portugal, 9 juin 1998, § 34, Recueil des arrêts et décisions 1998-IV).

    21.  En outre, la Cour souligne que, lorsqu’une instance de recours est amenée à connaître d’une affaire en fait et en droit et à étudier dans son ensemble la question de la culpabilité ou de l’innocence, elle ne peut, pour des motifs d’équité de la procédure, décider de ces questions sans appréciation directe des témoignages présentés en personne soit par l’accusé qui soutient qu’il n’a pas commis l’acte tenu pour une infraction pénale (voir, parmi d’autres, Ekbatani c. Suède, 26 mai 1988, § 32, série A no 134, Constantinescu c. Roumanie, no 28871/95, § 55, CEDH 2000-VIII, Dondarini c. Saint-Marin, no 50545/99, § 27, 6 juillet 2004, et Igual Coll c. Espagne, no 37496/04, § 27, 10 mars 2009), soit par les témoins ayant déposé pendant la procédure (Găitănaru, précité, § 35, et Hogea c. Roumanie, no 31912/04, § 54, 29 octobre 2013).

    22.  Se tournant vers les faits de l’espèce, la Cour observe tout d’abord que la Haute Cour, qui a procédé à l’audition en personne du requérant, a condamné ce dernier sans entendre les témoins qui avaient déposé devant la juridiction de première instance et dont les déclarations avaient amené celle-ci - comme la juridiction d’appel ensuite - à acquitter l’intéressé (paragraphe 11 ci-dessus).

    23.  À cet égard, la Cour note qu’elle a déjà constaté, dans des affaires similaires, que, dans le système judiciaire roumain, la compétence des juridictions saisies par la voie du « recours » n’était pas limitée aux seules questions de droit. En effet, elle a observé que la procédure applicable dans le cadre de l’exercice de cette voie était une procédure complète qui suivait les mêmes règles qu’une procédure au fond et que la juridiction de recours pouvait soit confirmer l’acquittement prononcé par l’instance inférieure, soit déclarer l’intéressé coupable au terme d’une appréciation complète de la question de sa culpabilité ou de son innocence, en administrant le cas échéant de nouveaux moyens de preuve (Dănilă c. Roumanie, no 53897/00, § 38, 8 mars 2007, Găitănaru, précité, § 30, et Văduva c. Roumanie, no 27781/06, § 43, 25 février 2014). De l’avis de la Cour, en l’espèce la Haute Cour s’est bel et bien livrée à une nouvelle interprétation des preuves, établissant que le requérant avait commis les faits reprochés, ce qui a eu pour conséquence l’infliction d’une condamnation au pénal.

    24.  La Cour fait observer que, dans des affaires antérieures, elle a conclu que, en vertu des dispositions du CPP, si la juridiction de recours retenait une affaire pour la rejuger, elle devait se prononcer, le cas échéant, sur la question des preuves à administrer dans la procédure. Il apparaît donc que l’administration des preuves après la cassation d’un arrêt était régie par un cadre législatif spécifique (Găitănaru, précité, § 33).

    25.  À cet égard, la Cour rappelle qu’elle a déjà reproché aux autorités roumaines le défaut d’administration de preuves devant la juridiction de recours (Flueraş c. Roumanie, no 17520/04, §§ 56-62, 9 avril 2013, et Moinescu c. Roumanie, no 16903/12, §§ 36-41, 15 septembre 2015).

    26.  En l’espèce, la Cour note que le tribunal départemental de Alba et la cour d’appel de Alba Iulia ont jugé que les pièces du dossier, parmi lesquelles les déclarations faites par plusieurs témoins (paragraphes 7 et 8 ci-dessus), justifiaient l’acquittement du requérant. Elle relève que la Haute Cour ne disposait d’aucune donnée nouvelle pour y substituer une condamnation pénale de celui-ci pour corruption passive et qu’elle s’est exclusivement fondée sur les pièces du dossier, implicitement sur les dépositions écrites recueillies au stade de l’enquête et sur les notes d’audience du tribunal départemental relatant les déclarations des témoins.

    27.  La Cour constate encore que la Haute Cour a fondé de manière déterminante la condamnation du requérant pour corruption passive, entre autres, sur une nouvelle interprétation des dépositions des témoins qui avaient été versées au dossier devant les juridictions inférieures (paragraphe 12 ci-dessus), et ce sans procéder à l’audition des témoins en question. En se basant, notamment, sur les dépositions de ces mêmes témoins, la Haute Cour est allée plus loin que les tribunaux inférieurs. Sans doute appartenait-il à la juridiction de recours d’apprécier les diverses données recueillies, de même que la pertinence de celles dont le requérant souhaitait la production. Il n’en demeure pas moins que le requérant a été reconnu coupable sur la base des témoignages que les premiers juges avaient estimé insuffisants pour le condamner. Dans ces conditions, l’omission de la haute juridiction d’entendre les témoins avant de déclarer l’intéressé coupable a sensiblement réduit les droits de la défense (Destrehem c. France, no 56651/00, § 45, 18 mai 2004, Dan c. République de Moldova, no 8999/07, §§ 31-35, 5 juillet 2011, et Lazu c. République de Moldova, no 46182/08, §§ 36-44, 5 juillet 2016 ; voir également, mutatis mutandis, Marcos Barrios c. Espagne, no 17122/07, §§ 40-41, 21 septembre 2010, et Lacadena Calero c. Espagne, no 23002/07, § 49, 22 novembre 2011).

    28.  Eu égard à ce qui précède, la Cour estime que la condamnation du requérant pour corruption passive, prononcée en l’absence d’audition des témoins susmentionnés et alors que les deux juridictions inférieures avaient estimé que les éléments constitutifs de cette infraction n’étaient pas réunis, est contraire aux exigences d’un procès équitable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.

    29.  Partant, il y a eu violation de cette disposition.

    II.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    30.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    31.  Le requérant n’a présenté aucune demande de satisfaction équitable. Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de lui octroyer de somme à ce titre.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la requête recevable ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 8 novembre 2016, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

    Andrea Tamietti                                                          Paulo Pinto de Albuquerque
    Greffier adjoint                                                                         
    Président


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