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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> KOZMA v. ROMANIA - 22342/08 (Judgment : Violation of Article 6 - Right to a fair trial (Article 6 - Civil proceedings Article 6-1 - Fair hearing) Violation of Articl...) French Text [2017] ECHR 351 (11 April 2017) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2017/351.html Cite as: [2017] ECHR 351, ECLI:CE:ECHR:2017:0411JUD002234208, CE:ECHR:2017:0411JUD002234208 |
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QUATRIÈME SECTION
AFFAIRE KOZMA c. ROUMANIE
(Requête no 22342/08)
ARRÊT
STRASBOURG
11 avril 2017
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Kozma c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en un comité composé de :
Paulo Pinto de Albuquerque,
président,
Iulia Motoc,
Marko Bošnjak, juges,
et de Andrea Tamietti, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 21 mars 2017,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 22342/08) dirigée contre la Roumanie et dont deux ressortissants de cet État, MM. Ștefan Kozma et Martin Kozma (« les requérants »), ont saisi la Cour le 25 avril 2008 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Les requérants ont été représentés par Me Norbert Ștefan Kozma, avocat à Cluj-Napoca. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par son agente, Mme C. Brumar, du ministère des Affaires étrangères.
3. Le 8 février 2016, la requête a été communiquée au Gouvernement.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
4. Les requérants sont nés respectivement en 1949 et en 1947 et résident à Cluj-Napoca.
5. En 1950, la Fédération des communautés juives de Roumanie (« la Fédération ») vendit au père des requérants un immeuble composé de plusieurs appartements, situé à Cluj-Napoca. Cet immeuble avait appartenu à une personne de confession juive morte en déportation pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1948, en l’absence d’héritiers connus, l’État avait attribué l’immeuble à la Fédération.
6. En 1950, peu de temps après l’achat de l’immeuble par le père des requérants, l’État nationalisa l’immeuble. Les appartements furent loués et, ultérieurement, l’État en vendit certains aux locataires.
A. Les démarches effectuées par les requérants en vertu de la loi no 112/1995
7. Invoquant les dispositions de la loi no 112/1995 concernant le régime juridique des biens nationalisés, le père des requérants et ensuite, après le décès de celui-ci, les requérants demandèrent la restitution de l’immeuble.
8. Les juridictions internes - en dernier lieu la cour d’appel de Cluj-Napoca, par un arrêt définitif du 4 décembre 2002 - accueillirent la demande des requérants et ordonnèrent aux autorités locales de restituer à ceux-ci un appartement libre et de leur octroyer des dédommagements pour les autres appartements, dont la restitution n’était plus possible. Dans son arrêt susmentionné, la cour d’appel estimait que les requérants devaient bénéficier des mesures de réparation prévues par la loi no 112/1995 dès lors que la nationalisation de l’immeuble avait privé leur père de son bien.
9. Les requérants demandèrent la reconnaissance judiciaire de la vente de l’immeuble, malgré l’absence d’inscription de cette vente au livre foncier. Par un arrêt définitif du 21 mai 2003, la cour d’appel de Cluj-Napoca accueillit l’action. Se référant aux constats de la même cour d’appel dans son arrêt du 4 décembre 2002 (paragraphe 8 ci-dessus), elle constata que, en 1950, la Fédération avait vendu l’immeuble au père des intéressés.
10. Le 24 février 2005, à la demande des requérants, un huissier mit les autorités locales en demeure d’exécuter l’arrêt du 4 décembre 2002 de la cour d’appel (paragraphe 8 ci-dessus).
11. Les autorités locales formèrent une contestation à l’exécution. Elles alléguaient que l’exécution était devenue impossible au motif que l’activité de la commission locale d’application de la loi no 112/1995 avait cessé après l’entrée en vigueur de la loi no 10/2001 (paragraphe 14 ci-après). En outre, elles précisaient que, par une décision du maire du 31 mai 2004, l’immeuble avait été restitué à une héritière de l’ancien propriétaire ayant fait une demande en ce sens.
12. Par un arrêt définitif du 13 septembre 2005, le tribunal départemental de Cluj rejeta les arguments des autorités locales. Après avoir constaté que la restitution de l’appartement susmentionné aux requérants était désormais impossible, il jugea que les autorités locales étaient tenues d’octroyer des dédommagements aux intéressés pour l’immeuble.
13. Le 8 juin 2015, l’huissier informa les requérants que les autorités locales n’avaient toujours pas exécuté leurs obligations.
B. Les démarches effectuées par les requérants en vertu de la loi no 10/2001
14. Après l’entrée en vigueur de la loi no 10/2001, qui a élargi le champ d’application des mesures de réparation pour les biens nationalisés, les requérants formulèrent une demande de restitution de l’immeuble ou d’octroi d’une indemnité sur le fondement des dispositions de la nouvelle loi. Le maire de Cluj-Napoca rejeta leur demande.
15. Par un arrêt du 20 octobre 2006, la cour d’appel de Cluj-Napoca accueillit partiellement la contestation formée par les requérants contre la décision du maire. Elle estimait que l’héritière de l’ancien propriétaire ainsi que les requérants avaient droit à des dédommagements. S’agissant de l’héritière, la cour d’appel considérait que l’attribution de l’immeuble à la Fédération avait été la conséquence d’une erreur dès lors que l’ancien propriétaire, décédé en déportation, avait des héritiers, quand bien même ceux-ci ne s’étaient pas manifestés après son décès. Quant aux requérants, elle constatait qu’il avait été établi, par des décisions passées en force de chose jugée, que leur père était le propriétaire de l’immeuble au moment de la nationalisation de celui-ci et qu’à ce titre ils avaient droit à des dédommagements. L’héritière de l’ancien propriétaire, tierce partie intervenante au litige, ainsi que le maire de Cluj, formèrent un recours (recurs).
16. Par un arrêt définitif du 9 novembre 2007, la Haute Cour de cassation et de justice (« la Haute Cour ») accueillit le recours. Elle estimait que, en l’absence d’inscription du contrat de vente au livre foncier, l’immeuble avait été nationalisé au détriment de la Fédération et non pas du père des requérants. Par conséquent, elle considérait que ces derniers n’avaient pas prouvé l’existence d’un droit de propriété dans le patrimoine de leur père à la date de la nationalisation afin de bénéficier des mesures de réparation prévues par la loi no 10/2001.
17. Selon les informations fournies par les requérants dans leurs observations du 19 août 2016, à cette date aucune forme de dédommagement n’avait été versée ou proposée aux intéressés.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
18. Les principales dispositions législatives concernant la situation des biens nationalisés ont été décrites dans les arrêts Brumărescu c. Roumanie [GC] (no 28342/95, §§ 34-35, CEDH 1999-VII), Străin et autres c. Roumanie (no 57001/00, §§ 19-23, CEDH 2005-VII), Maria Atanasiu et autres c. Roumanie (nos 30767/05 et 33800/06, §§ 44 et suiv., 12 octobre 2010), et Preda et autres c. Roumanie (nos 9584/02, 33514/02, 38052/02, 25821/03, 29652/03, 3736/03, 17750/03 et 28688/04, §§ 68-74, 29 avril 2014).
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 DE LA CONVENTION ET DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 À LA CONVENTION
19. Les requérants dénoncent une atteinte à leur droit à un procès équitable et à leur droit au respect de leurs biens. Ils invoquent l’article 6 § 1 de la Convention et l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, ainsi libellés dans leurs parties pertinentes :
Article 6 § 1
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
Article 1 du Protocole no 1
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
(...). »
A. Sur la recevabilité
20. Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.
B. Sur le fond
1. Les arguments des parties
21. Les requérants se plaignent du refus des autorités locales de les indemniser pour la nationalisation de l’immeuble ayant appartenu à leur père. Ils soutiennent que l’arrêt du 9 novembre 2007 de la Haute Cour (paragraphe 16 ci-dessus) a remis en cause la force de chose jugée des arrêts définitifs rendus par la cour d’appel de Cluj-Napoca (paragraphes 8 et 9 ci-dessus) et les a privés des dédommagements accordés par cette juridiction dans son arrêt du 4 décembre 2002 (paragraphe 8 ci-dessus).
22. Le Gouvernement allègue que, en l’absence d’un droit de propriété de leur père sur l’immeuble litigieux, les requérants n’avaient droit ni à la restitution de l’immeuble ni à une indemnisation. À cet égard, il affirme que l’arrêt du 9 novembre 2007 de la Haute Cour a corrigé une erreur commise par la cour d’appel quant à l’appréciation des effets de l’absence d’inscription au livre foncier de la vente de l’immeuble. Il soutient également que les conclusions de la cour d’appel étaient erronées en raison de l’ignorance par cette dernière de l’existence de l’héritière de l’ancien propriétaire.
23. Quant à l’inexécution de l’arrêt du 4 décembre 2002, le Gouvernement estime que les autorités internes ne peuvent faire prévaloir les intérêts des requérants sur ceux de l’héritière de l’ancien propriétaire. Par ailleurs, il soutient que les requérants pouvaient réclamer à la Fédération le remboursement du montant payé par leur père pour l’achat de l’immeuble en 1950.
24. Les requérants affirment que l’exercice d’une action contre la Fédération se heurterait à la prescription.
2. L’appréciation de la Cour
25. La Cour rappelle qu’elle a considéré dans plusieurs affaires que, même en l’absence d’annulation d’un jugement, la remise en cause de la solution apportée à un litige par une décision de justice définitive dans le cadre d’une autre procédure judiciaire pouvait porter atteinte à l’article 6 de la Convention puisqu’elle pouvait rendre illusoire le droit à un tribunal et enfreindre le principe de sécurité juridique (voir, entre autres, Kehaya et autres c. Bulgarie, nos 47797/99 et 68698/01, §§ 67-70, 12 janvier 2006 ; Gök et autres c. Turquie, nos 71867/01, 71869/01, 73319/01 et 74858/01, §§ 57-62, 27 juillet 2006 ; Esertas c. Lituanie, no 50208/06, §§ 23-32, 31 mai 2012; et Rozalia Avram c. Roumanie, no 19037/07, § 32, 16 septembre 2014).
26. La Cour rappelle également qu’elle a déjà conclu que l’omission des autorités internes, sans justification valable, d’exécuter dans un délai raisonnable une décision définitive rendue à leur encontre s’analyse en une violation du droit d’accès à un tribunal ainsi que du droit au respect des biens (voir, parmi de nombreux exemples, Fondation Foyers des élèves de l’Église réformée et Stanomirescu c. Roumanie, nos 2699/03 et 43597/07, § 70, 7 janvier 2014 et les affaires qui y sont citées).
27. En l’espèce, la Cour constate que la reconnaissance du droit de propriété du père des requérants sur l’immeuble litigieux était au cœur du différend existant entre les requérants et les autorités locales.
28. La Cour relève ensuite que, par ses arrêts définitifs des 4 décembre 2002 et 21 mai 2003 (paragraphes 8 et 9 ci-dessus), la cour d’appel de Cluj-Napoca a jugé que le père des requérants était le propriétaire de l’immeuble litigieux au moment de la nationalisation de ce bien et qu’à ce titre les requérants étaient en droit de bénéficier des mesures de réparation. Ce constat a été confirmé par le tribunal départemental de Cluj dans son arrêt définitif du 13 septembre 2005 (paragraphe 12 ci-dessus).
29. Cependant, dans son arrêt du 9 novembre 2007, la Haute Cour a considéré que, à défaut d’inscription de la vente de 1950 au livre foncier, le transfert de propriété en faveur du père des requérants n’avait pas eu lieu et que l’immeuble avait été nationalisé au détriment de l’ancien propriétaire, à savoir la Fédération. Dès lors, aux yeux de la Haute Cour, les requérants n’étaient pas en droit de recevoir une réparation (paragraphe 16 ci-dessus).
30. La Cour estime qu’il ne s’agit pas en l’espèce d’un effacement pur et simple des procédures judiciaires ayant abouti aux deux arrêts définitifs susmentionnés rendus par la cour d’appel de Cluj-Napoca (comparer avec Brumărescu, précité, § 62), mais d’une appréciation radicalement différente des faits opérée par la Haute Cour.
31. Quant à savoir si cette appréciation a porté atteinte au principe de sécurité juridique, la Cour estime que les requérants pouvaient légitimement s’attendre à ce que la Haute Cour tranchât la question des effets de l’absence d’inscription de la vente sur le livre foncier dans le sens du respect de la force de chose jugée des précédents arrêts définitifs (voir, mutatis mutandis, Siegle c. Roumanie, no 23456/04, § 38, 16 avril 2013).
32. Pour autant que le Gouvernement allègue que l’arrêt de la Haute Cour a corrigé une erreur commise par la cour d’appel relativement au droit de propriété du père des requérants (paragraphe 22 ci-dessus), la Cour rappelle que seules les erreurs de fait qui ne sont devenues visibles qu’après la fin d’une procédure judiciaire peuvent justifier une dérogation au principe de sécurité juridique (Stanca Popescu c. Roumanie, no 8727/03, § 104, 7 juillet 2009).
33. Or, en l’espèce, la Cour relève que la cour d’appel de Cluj-Napoca a examiné les arguments des parties concernant les conséquences juridiques de l’absence d’inscription de la vente au livre foncier et qu’elle a rendu des arrêts dûment motivés qui ont confirmé le droit de propriété du père des requérants. De surcroît, elle note que, par son arrêt définitif du 13 septembre 2005, le tribunal départemental de Cluj a considéré que la restitution de l’immeuble à l’héritière de l’ancien propriétaire ne constituait pas un obstacle à l’exécution de l’arrêt définitif de la cour d’appel en date du 4 décembre 2002 pour autant que celui-ci portait sur l’octroi d’un dédommagement aux requérants (paragraphe 12 ci-dessus).
34. La Cour estime qu’en revenant sur la question de la reconnaissance du droit de propriété du père des requérants, définitivement tranchée par la cour d’appel, la Haute Cour n’a pas visé à corriger une erreur de fait qui serait devenue visible après la fin de la procédure devant la cour d’appel, mais a donné une différente interprétation des effets juridiques de la non-inscription de la vente de 1950 au livre foncier. Dès lors, son arrêt du 9 novembre 2007 a porté atteinte au principe de sécurité juridique.
35. Il y a donc eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
36. La Cour relève ensuite que l’arrêt définitif de la cour d’appel de Cluj-Napoca du 4 décembre 2002, qui a reconnu aux requérants le droit à une indemnisation, n’a jamais été annulé ni modifié et qu’au contraire il a été confirmé par l’arrêt définitif du 13 septembre 2005 du tribunal départemental de Cluj (paragraphe 12 ci-dessus). Quant à l’arrêt de la Haute Cour du 9 novembre 2007, la Cour constate qu’il a rejeté la demande d’indemnisation faite en vertu de la loi no 10/2001 (paragraphe 16 ci-dessus), alors que l’arrêt du 4 décembre 2002 susmentionné portait sur le droit à l’indemnisation fondé sur la loi no 112/1995 (paragraphe 8 ci-dessus).
37. Pour la Cour, les autorités locales étaient donc tenues d’exécuter d’elles-mêmes et dans un délai raisonnable l’arrêt définitif du 4 décembre 2002, et d’octroyer aux requérants la réparation qui leur était due en vertu de la loi no 112/1995 (voir, mutatis mutandis, Fondation Foyers des élèves de l’Église réformée et Stanomirescu, précité, §§ 68-70).
38. Or, la Cour observe qu’à la date des dernières informations dont elle dispose (19 août 2016 - voir paragraphe 17 ci-dessus), aucun dédommagement pécuniaire n’avait été octroyé aux intéressés et qu’aucune mesure compensatoire n’a été proposée à ceux-ci par les autorités locales (paragraphes 10 et 13 ci-dessus).
39. Enfin, la Cour ne saurait accueillir l’argument du Gouvernement fondé sur la possibilité qui serait offerte aux requérants de réclamer à la Fédération le remboursement du montant payé pour l’achat de l’immeuble. À cet égard, elle note que le Gouvernement n’a fourni aucun exemple de jurisprudence pour démontrer qu’une telle action serait toujours susceptible d’être engagée plus de cinquante ans après la vente.
40. Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole o 1 à la Convention.
II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
41. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
42. Au titre du préjudice matériel qu’ils estiment avoir subi, les requérants réclament 1 478 225 euros (EUR). Ils précisent que cette somme représente la valeur de l’immeuble, du terrain y afférent et de bénéfices non réalisés. Au titre du préjudice moral qu’ils disent avoir subi, ils demandent 32 000 EUR.
43. Le Gouvernement est d’avis que ces prétentions sont excessives et non justifiées.
44. La Cour estime que, en l’absence d’une décision judiciaire ou administrative interne établissant le montant exact de l’indemnité, la question de l’application de l’article 41 de la Convention pour ce qui des dommages matériel et moral ne se trouve pas en état. Par conséquent, il y a lieu de la réserver et de fixer dans un délai de six mois à compter de la date du présent arrêt la procédure ultérieure en tenant compte de l’éventualité d’un accord entre l’État défendeur et les requérants.
B. Frais et dépens
45. Les requérants demandent également 1 200 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour. Ils fournissent une quittance attestant du paiement de 3 600 lei roumains pour une expertise portant sur la valeur de l’immeuble.
46. Le Gouvernement considère que la demande est excessive.
47. Compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 800 EUR tous frais confondus et l’accorde aux requérants.
C. Intérêts moratoires
48. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention ;
4. Dit que la question de l’article 41 de la Convention, pour ce qui est des dommages matériel et moral, ne se trouve pas en état ; en conséquence :
a) la réserve à ces égards ;
b) invite le Gouvernement et les requérants à lui adresser par écrit, dans un délai de six mois, leurs observations sur cette question et notamment à lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir ;
c) réserve la procédure ultérieure et délègue au président le soin de la fixer au besoin.
5. Dit
a) que l’État défendeur doit verser conjointement aux requérants, dans les trois mois, 800 EUR (huit cents euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par les requérants, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
6. Rejette la demande de remboursement de frais et dépens pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 11 avril 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Andrea Tamietti Paulo
Pinto de Albuquerque
Greffier adjoint Président