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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> SYLLA AND NOLLOMONT v. BELGIUM - 37768/13 (Judgment : Violation of Article 3 - Prohibition of torture (Article 3 - Degrading treatment) (Substantive aspect) Violation of Article 3...) French Text [2017] ECHR 450 (16 May 2017)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2017/450.html
Cite as: CE:ECHR:2017:0516JUD003776813, [2017] ECHR 450, ECLI:CE:ECHR:2017:0516JUD003776813

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    DEUXIEME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRES SYLLA ET NOLLOMONT c. BELGIQUE

     

    (Requêtes nos 37768/13 et 36467/14)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

    STRASBOURG

     

    16 mai 2017

     

     

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Sylla et Nollomont c. Belgique,

    La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

              Işıl Karakaş, présidente,
              Julia Laffranque,
              Nebojša Vučinić,
              Paul Lemmens,
              Ksenija Turković,
              Jon Fridrik Kjølbro,
              Stéphanie Mourou-Vikström, juges,
    et de Hasan Bakırcı, greffier adjoint de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 4 avril 2017,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouvent deux requêtes (nos 37768/13 et 36467/14) dirigées contre le Royaume de Belgique et dont un ressortissant malien et guinéen, M. Sylla et, un ressortissant belge, S. Nollomont, (« les requérants »), ont saisi la Cour 31 mai 2013 et le 5 mai 2014 respectivement en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  Le gouvernement belge (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. Tysebaert, conseiller général, service public fédéral de la Justice.

    3.  Le 26 juin 2015, les griefs concernant l’article 3 de la Convention ont été communiqués au Gouvernement et les requêtes ont été déclarées irrecevables pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du Règlement de la Cour. Le 16 novembre 2016, les parties ont été invitées à communiquer leurs observations à la lumière de l’arrêt Muršić c. Croatie ([GC], no 7334/13, 20 octobre 2016).

    EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

    A.  En ce qui concerne M. Sylla

    4.  M. Sylla fut détenu à l’aile D de la prison de Forest entre le 5 novembre 2012 et le 7 novembre 2013. Depuis, il est détenu à la prison de Marche-en-Famenne.

    5.  Du 5 novembre 2012 au 24 janvier 2013, M. Sylla séjourna dans une cellule de 9 m2 avec deux autres détenus. Dans un deuxième temps, à partir du 25 janvier 2013, il séjourna dans une cellule de 11 puis de 12 m2. Selon un rapport du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (« CPT ») du 13 décembre 2012 (CPT/Inf (2012) 36), auquel se réfère le requérant, les cellules de l’aile D étaient équipées d’un lavabo et de toilettes (§ 18).

    6.  Les conditions de détention à la prison de Forest étaient les suivantes : l’accès à la cour de promenade était limité à une heure par jour, aucune autre activité hors cellule n’était prévue, l’accès aux douches était limité à deux fois par semaine et il est arrivé que l’eau soit froide en raison de pannes, les vêtements, draps et serviettes étaient changés toutes les trois semaines.

    B.  En ce qui concerne S. Nollomont

    7.  S. Nollomont est détenu à la maison d’arrêt de Lantin. Il fait état, sans document à l’appui, d’une période continue de détention à l’établissement pénitentiaire de Lantin depuis le 1er juin 2013. D’après le Gouvernement, se basant sur la fiche de « mouvements externes des détenus » établie par l’administration pénitentiaire, le requérant a séjourné du 27 janvier au 16 avril 2014 dans l’établissement pénitentiaire principal de Lantin et a ensuite intégré la maison d’arrêt le 24 février 2015.

    8.  S. Nollomont partage, à la maison d’arrêt de Lantin, une cellule de 8,8 m² avec un autre détenu. Cette cellule comporte des installations sanitaires (toilette et lavabo) et des meubles.

    9.  Les conditions de détention sont les suivantes : l’accès à la cour de promenade est limité à deux fois une heure par jour, le reste du temps étant passé en cellule en l’absence d’activité de type communautaire, les toilettes se situent dans la cellule à côté du lit et ne sont pas cloisonnées si ce n’est par la présence d’un paravent en bois face à la porte, l’accès aux douches a lieu deux fois par semaine et il arrive que l’eau soit froide en raison de pannes, les vêtements, draps et serviettes sont changés une fois par mois, et la cellule est nettoyée deux fois par semaine par les détenus. Les détenus sont autorisés à fumer dans les cellules, lesquelles ne sont pas équipées de détecteur de fumée.

    II.  LA SITUATION EN PRATIQUE EN MATIÈRE DE CONDITIONS DE DÉTENTION DANS LES PRISONS BELGES

    10.  La Cour a rendu un arrêt concernant les conditions matérielles de détention en Belgique en général et dans plusieurs prisons en particulier (Vasilescu c. Belgique, no 64682/12, 25 novembre 2014). Des extraits pertinents de documents internes et internationaux relatifs aux problèmes structurels rencontrés en Belgique dans ce domaine figurent dans cet arrêt.

    11.  D’autres documents peuvent être cités qui concernent les établissements pénitentiaires fréquentés par les requérants.

    12.  Lors de sa troisième visite de la prison de Forest en 2013, le CPT constata les éléments suivants (CPT/Inf (2016) 13) :

    « Le CPT prend note du programme fédéral « Masterplan » prévoyant l’ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires à court et moyen terme. Toutefois, le rapport constate que d’importants problèmes subsistent en matière de surpopulation ; plus d’une prison belge sur trois avait un taux d’occupation supérieur à 140 % au moment de la visite. Dans les prisons visitées, de nombreux détenus placés en cellules collectives disposaient de moins de 4 m2 chacun - la norme minimale prônée par le CPT -, le plus souvent de 3 m2, voire moins. La surpopulation forçait des détenus des prisons d’Anvers, de Forest et de Tournai à dormir sur des matelas posés à même le sol.

    Les conditions matérielles variaient d’un établissement à l’autre. Toutefois, des carences majeures ont été constatées concernant tout ou partie des établissements de Forest, Merksplas et Tournai. Dans les prisons de Forest et de Tournai, de nombreux détenus étaient obligés d’utiliser un seau la nuit en l’absence de toilettes dans leur cellule.

    La majorité des détenus, qu’ils soient prévenus ou condamnés, ne bénéficiaient d’aucune activité motivante et d’aucun travail dans les établissements visités. La plupart d’entre eux passait plus de 21 heures dans leurs cellules.

    Concernant les services de santé en prison, la présence infirmière est apparue suffisante dans les établissements visités. En revanche, la présence médicale était particulièrement lacunaire. De plus, le rapport constate des carences dans la prise en charge psychiatrique des détenus. »

    13.  Selon le conseil central de surveillance pénitentiaire, « la capacité moyenne de la prison de Lantin est d’environ 700 détenus mais la réalité est tout autre, la surpopulation étant évaluée à plus ou moins 40 % ».

    EN DROIT

    I.  SUR LA JONCTION DES REQUÊTES

    14.  Compte tenu de la similitude des requêtes quant aux faits et aux problèmes de fond qu’elles posent, la Cour estime qu’il convient de les joindre.

    II.  SUR LES EXCEPTIONS D’IRRECEVABILITÉ SOULEVÉES PAR LE GOUVERNEMENT

    A.  Respect du délai de six mois

    15.  Le Gouvernement invite la Cour à rejeter la requête introduite par M. Sylla, pour tardiveté, en ce qu’elle porte sur l’occupation à la prison de Forest d’une cellule manquant d’un espace suffisant pour le nombre de détenus du 7 novembre 2012 au 24 janvier 2013.

    16.  La Cour constate que le Gouvernement part du postulat que la requête a été introduite le 22 août 2013, ce dont il déduit que le délai de six mois prévu par l’article 35 § 1 de la Convention ne serait pas respecté.

    17.  La Cour rappelle qu’avant le 1er janvier 2014, pour interrompre le délai de six mois, il suffisait d’envoyer une lettre d’intention exposant en substance le grief et de renvoyer le formulaire de requête dûment complété dans un délai de huit semaines courant à compter de la lettre en réponse adressée par la Cour.

    18.  En l’espèce, le requérant a envoyé sa lettre d’intention le 31 mai 2013 et a renvoyé le formulaire dans le délai de huit semaines imparti par la Cour. Le formulaire, daté du 14 août 2013, a été enregistré par le greffe de la Cour le 22 août 2013. Partant, il y a lieu de rejeter l’exception soulevée par le Gouvernement.

    B.  Épuisement des voies de recours internes

    19.  Le Gouvernement soulève, pour les deux requêtes, la même exception d’irrecevabilité tirée du non-épuisement des voies de recours internes que dans l’affaire Vasilescu c. Belgique (no 64682/12, §§ 58-60, 25 novembre 2014).

    20.  En premier lieu, le Gouvernement reproche aux requérants de ne pas avoir introduit une demande devant le juge des référés dans le but de faire cesser une atteinte à un droit subjectif estimée irrégulière, sur la base de l’article 584 du code judiciaire. Le Gouvernement fournit plusieurs exemples qui seraient de nature à démontrer l’effectivité de ce recours pour les détenus. Deuxièmement, le Gouvernement considère que les requérants auraient pu introduire une demande devant le juge civil afin d’obtenir réparation du préjudice résultant d’une faute des autorités, en application de l’article 1382 du code civil.

    21 Constatant que les raisons développées dans l’arrêt Vasilescu précité (§§ 71-75) pour rejeter l’exception soulevée par le Gouvernement sont toujours d’actualité et que le problème structurel énoncé dans cet arrêt concerne également les établissements pénitentiaires fréquentés par les requérants (voir, ci-dessus, paragraphes 10-13), la Cour estime qu’il ne saurait leur être reproché de ne pas avoir épuisé les recours invoqués par le Gouvernement. Par conséquent, il y a lieu de rejeter l’exception de non-épuisement soulevée par le Gouvernement.

    C.  Conclusion

    22.  Par ailleurs, la Cour constate que les requêtes ne sont pas manifestement mal fondées au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elles ne se heurtent à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de les déclarer recevables.

    III.  SUR LES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

    23.  Les requérants se plaignent de leurs conditions de détention dans les établissements pénitentiaires de Forest et de Lantin. Ils allèguent une violation de l’article 3 de la Convention ainsi libellé :

    Article 3

    « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

    24.  Les principes généraux applicables sont énoncés dans l’arrêt Muršić c. Croatie ([GC], no 7334/13, (§§ 96-141, 20 octobre 2016).

    A.  En ce qui concerne M. Sylla

    25.  Bien que le requérant ait fait référence dans sa requête à la totalité de sa détention à la prison de Forest, la Cour constate que les conditions de détention dont il se plaint correspondent à celles qu’il a vécues quand il partageait entre le 5 novembre 2012 et le 24 janvier 2013 une cellule de 9 m2 avec deux autres détenus (voir paragraphe 5, ci-dessus). Il y a donc lieu de limiter la requête à cette période.

    26.  Durant cette période, le requérant disposait d’un espace au sol de 3 m².

    27.  La Cour rappelle que selon la méthode qu’elle applique pour calculer la surface minimale de l’espace personnel devant être alloué à un détenu hébergé en cellule collective, la surface totale de la cellule ne doit pas comprendre celle des sanitaires. En revanche, le calcul de la surface disponible dans la cellule doit inclure l’espace occupé par les meubles. L’important est de déterminer si les détenus avaient la possibilité de se mouvoir normalement dans la cellule (Muršić, précité, § 114).

    28.  Appliquée en l’espèce, cette méthode amène la Cour à constater que le requérant bénéficiait d’un espace personnel inférieur à 3 m2.

    29.  La Cour rappelle les principes qu’elle a énoncés dans l’arrêt Muršić précité et qu’elle applique dans une telle situation :

    « 137.  Lorsque la surface au sol dont dispose un détenu en cellule collective est inférieure à 3 m², le manque d’espace personnel est considéré comme étant à ce point grave qu’il donne lieu à une forte présomption de violation de l’article 3. La charge de la preuve pèse alors sur le gouvernement défendeur, qui peut toutefois réfuter la présomption en démontrant la présence d’éléments propres à compenser cette circonstance de manière adéquate (...).

    138.  La forte présomption de violation de l’article 3 ne peut normalement être réfutée que si tous les facteurs suivants sont réunis :

    1)  les réductions de l’espace personnel par rapport au minimum requis de 3 m² sont courtes, occasionnelles et mineures (...) ;

    2)  elles s’accompagnent d’une liberté de circulation suffisante hors de la cellule et d’activités hors cellule adéquates (...) ;

    3)  le requérant est incarcéré dans un établissement offrant, de manière générale, des conditions de détention décentes, et il n’est pas soumis à d’autres éléments considérés comme des circonstances aggravantes de mauvaises conditions de détention (...). »

    30.  En l’espèce, les autres conditions de détention dont se plaint le requérant sont les suivantes : l’accès à la cour de promenade était limité à une heure par jour, aucune autre activité hors cellule n’était prévue, l’accès aux douches était limité à deux fois par semaine et il était arrivé que l’eau était froide en raison de pannes, les vêtements, draps et serviettes n’étaient changés que toutes les trois semaines.

    31.  Les conditions dont se plaint le requérant (voir paragraphe 6, ci-dessus) sont confirmées par le Gouvernement, lequel ne fait, par ailleurs, état d’aucun facteur qui ait pu atténuer de manière décisive l’inconfort provoqué par le manque d’espace individuel suffisant.

    32.  La Cour estime que le manque d’espace dont a disposé le requérant combiné à l’absence d’activités hors cellule suffit pour considérer que le seuil de gravité requis par l’article 3 de la Convention est atteint.

    33.  Partant, la Cour conclut à une violation de l’article 3 de la Convention en ce qui concerne M. Sylla.

    34.  Cette conclusion dispense la Cour d’examiner les autres aspects des conditions de détention mis en cause par le requérant.

    B.  En ce qui concerne S. Nollomont

    35.  En ce qui concerne la période de détention litigieuse, la Cour note que les conditions de détention dont S. Nollomont se plaint correspondent à celles qu’il a vécues dans la maison d’arrêt de l’établissement pénitentiaire de Lantin. Se référant à la fiche établie par l’administration pénitentiaire, elle constate que cette période a débuté le 24 février 2015 (voir paragraphe 7, ci-dessus).

    36.  Le requérant partage, à la maison d’arrêt de Lantin, une cellule de 8,8 m² avec un autre détenu. Il dispose donc d’un espace au sol de 4,4 m² (voir paragraphe 8, ci-dessus).

    37.  La Cour note que les parties n’ont pas fourni d’indications chiffrées permettant de déterminer avec précision l’espace personnel dont disposait le requérant si l’on déduit les installations sanitaires de la surface au sol. Cela étant, la Cour relève que le requérant ne se plaint pas non plus de la difficulté qu’il aurait de se mouvoir normalement dans sa cellule.

    38.  Partant, la Cour part de l’hypothèse que l’espace personnel dont dispose le requérant n’est, en tous les cas, pas inférieur à 4 m² et considère que cet aspect des conditions matérielles de détention ne pose pas de problème (Muršić, précité, § 140).

    39.  Cela étant, la Cour estime que les autres aspects des conditions matérielles demeurent pertinents pour apprécier le caractère adéquat des conditions de détention du requérant au regard de l’article 3 (ibidem).

    40.  Les autres conditions de détention dénoncées par le requérant ne sont pas contestées par le Gouvernement (voir paragraphe 9, ci-dessus). Ce dernier ne conteste pas davantage que le requérant soit régulièrement exposé au tabagisme passif et que les cellules ne soient pas équipées de détecteurs de fumée.

    41.  La Cour estime que du fait de la combinaison d’un régime pauvre en activités extérieures à la cellule, et au sein de la cellule, de l’exposition au tabagisme passif ainsi que du manque d’intimité dans l’usage des toilettes, le seuil de gravité requis par l’article 3 de la Convention est atteint (voir Florea c. Roumanie, no 37186/03, §§ 57-62, 14 septembre 2010).

    42.  Partant, la Cour conclut à une violation de l’article 3 de la Convention en ce qui concerne S. Nollomont.

    IV.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    43.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    44.  Se référant aux sommes accordées par la Cour dans l’affaire Vasilescu précitée et compte tenu de la période de détention litigieuse, M. Sylla réclame 10 000 euros (« EUR ») au titre du dommage moral qu’il prétend avoir subi. Se référant à la même affaire, M. Nollomont réclame 30 000 EUR au titre du dommage moral qu’il prétend avoir subi.

    45.  Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Cour.

    46.  La Cour estime que la souffrance causée à un individu détenu dans des conditions si mauvaises qu’elles sont constitutives d’un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la Convention ne peut être réparée par le simple constat d’une violation mais appelle le versement d’une indemnité. Elle considère que pour déterminer le montant de cette indemnité, elle doit tenir compte de la durée pendant laquelle le requérant a été soumis à des conditions de détention inadéquates, cette durée étant un facteur important d’appréciation de l’ampleur du dommage moral subi par l’intéressé (Muršić, précité, § 181).

    47.  Statuant en équité, et compte tenu du fait qu’elle a conclu à la violation de l’article 3 en ce qui concerne M. Sylla pour la période de 80 jours durant laquelle le requérant a disposé de moins de 3 m² d’espace personnel (voir paragraphe 33, ci-dessus), elle octroie la somme de 3 500 EUR plus tout montant pouvant être dû par lui sur cette somme à titre d’impôt, pour dommage moral. En ce qui concerne S. Nollomont, elle octroie la somme de 11 500 EUR plus tout montant pouvant être dû par lui sur cette somme à titre d’impôt, pour le dommage moral subi en raison de conditions de détention contraires à l’article 3 dont il a été victime à la maison d’arrêt de Lantin depuis le 24 février 2015 (voir paragraphe 42, ci-dessus).

    B.  Frais et dépens

    48.  M. Sylla réclame, justificatifs à l’appui, 8 600 EUR en remboursement des frais et dépens pour sa défense devant la Cour. Le Gouvernement considère que cette somme est excessive compte tenu de la simplicité de la requête.

    49.  S. Nollomont réclame, justificatifs à l’appui, la somme correspondant à la différence entre l’aide juridique qu’il perçue pour sa défense devant la Cour et les frais réels exposés, soit un montant de 560 EUR. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Cour.

    50.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux.

    51.  En l’espèce, la Cour estime raisonnable d’accorder à M. Sylla la somme de 800 EUR et accorde à S. Nollomont la somme réclamée, soit 560 EUR, plus tout montant pouvant être dû par eux sur cette somme à titre d’impôt, pour les frais et dépens engagés devant la Cour.

    C.  Intérêts moratoires

    52.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Décide de joindre les requêtes ;

     

    2.  Déclare les requêtes recevables ;

     

    3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention pour la période pendant laquelle M. Sylla a disposé de moins de 3 m² d’espace personnel ;

     

    4.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention pour la période pendant laquelle S. Nollomont a été exposé à des conditions de détention contraires à cette disposition ;

     

    5.  Dit,

    a)  que l’État défendeur doit verser dans les trois mois :

    i.  les sommes suivantes plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral :

    -  M. Sylla : 3 500 EUR (trois mille cinq cent euros) ;

    -  S. Nollomont : 11 500 EUR (onze mille cinq cent euros) ;

    ii.  les sommes suivantes plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour frais et dépens :

    -  M. Sylla : 800 EUR (huit cent euros) ;

    -  S. Nollomont : 560 EUR (cinq cent soixante euros) ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    6.  Rejette les demandes de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 16 mai 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

       Hasan Bakırcı                                                                        Işıl Karakaş
      Greffier adjoint                                                                        Présidente


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