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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> CAMYAR v. TURKEY - 42900/06 (Judgment : Violation of Article 10 - Freedom of expression-{general} (Article 10-1 - Freedom of expression) Violation of Article 6 - Rig...) [2017] ECHR 745 (05 September 2017)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2017/745.html
Cite as: ECLI:CE:ECHR:2017:0905JUD004290006, CE:ECHR:2017:0905JUD004290006, [2017] ECHR 745

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    DEUXIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE ÇAMYAR c. TURQUIE

     

    (Requête no 42900/06)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

    STRASBOURG

     

    5 septembre 2017

     

     

     

     

     

     

     

     

    Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Çamyar c. Turquie,

    La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en un comité composé de :

              Ledi Bianku, président,
              Valeriu Griţco,
              Stéphanie Mourou-Vikström, juges,
    et de Hasan Bakırcı, greffier adjoint de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 4 juillet 2017,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 42900/06) dirigée contre la République de Turquie et dont une ressortissante de cet État, Mme Elif Çamyar (« la requérante »), a saisi la Cour le 27 septembre 2006 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  La requérante a été représentée par Mes M. Filorinalı et Y. Başara, avocats à Istanbul. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.

    3.  Le 27 août 2009, la requête a été communiquée au Gouvernement.

    EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

    4.  La requérante est née en 1968 et réside à Istanbul.

    5.  À l’époque des faits, elle était la rédactrice en chef de la revue Posture révolutionnaire prolétaire.

    6.  Par un acte d’accusation du 6 juin 2001, le procureur de la République d’Istanbul inculpa la requérante de dénigrement de la République et de dénigrement des forces armées en raison de certains articles publiés dans le numéro de février 2001 de ladite revue et requit la condamnation de l’intéressée en application de l’article 159 § 1 de l’ancien code pénal.

    7.  Le 15 novembre 2002, la cour d’assises d’Istanbul (« la cour d’assises ») reconnut la requérante coupable des chefs de dénigrement de la République et de dénigrement des forces armées et la condamna pour chaque chef à dix mois d’emprisonnement, en application de l’article 159 § 1 de l’ancien code pénal. Ces peines furent commuées en une amende judiciaire de 2 847 312 000 anciennes livres turques (TRL) avec sursis à l’exécution.

    8.  Le 8 mars 2004, la Cour de cassation infirma l’arrêt de la cour d’assises en raison, notamment, des modifications législatives intervenues à l’article 159 de l’ancien code pénal.

    9.  Le 10 septembre 2004, la cour d’assises condamna à nouveau la requérante à cinq mois d’emprisonnement pour dénigrement de la République et à cinq mois d’emprisonnement pour dénigrement des forces armées, en application de l’article 159 § 1 de l’ancien code pénal. Ces peines furent commuées en une amende judiciaire de 1 423 500 000 TRL avec sursis à l’exécution.

    10.  La requérante se pourvut en cassation. Le 8 novembre 2005, le procureur général près la Cour de cassation renvoya le dossier de l’affaire à la cour d’assises pour réexamen au regard du nouveau code pénal, entré en vigueur le 1er juin 2005.

    11.  Le 31 mars 2006, la cour d’assises rendit son jugement. Retenant les dispositions de l’ancien code pénal, plus favorables à l’accusée, elle appliqua l’article 159 § 1 de ce code et condamna une nouvelle fois l’intéressée pour dénigrement de la République et pour dénigrement des forces armées à cinq mois de réclusion pour chaque chef. Elle convertit cette peine en amende. La requérante se vit donc infliger une amende judiciaire de 1 200 nouvelles livres turques (TRY[1]) (environ 736 euros (EUR) à la date du prononcé du jugement) avec sursis à l’exécution.

    12.  Dans sa motivation, la cour d’assises constata que la requérante était la rédactrice en chef de la revue concernée et qu’elle n’avait présenté aucun document révélant l’identité des auteurs des articles litigieux dans le délai qui lui avait été imparti à cet effet. Elle nota aussi que la requérante avait déclaré, à l’audience du 1er mars 2002, que les articles litigieux lui avaient été envoyés de l’étranger et qu’elle les avait publiés en les considérant comme des textes critiques écrits dans le cadre de l’exercice de la liberté d’expression. La cour d’assises estima que certains passages des articles litigieux étaient de nature à dénigrer la République et les forces armées et qu’ils ne constituaient ni une critique ni l’expression d’une opinion. Les passages retenus par la cour d’assises à l’appui de cette conclusion se lisent comme suit :

    « Le régime fasciste a attaqué, exactement comme il le voulait, avec témérité, pour faire taire toute voix par un carnage, (...) Il faut créer des fonds pour subvenir aux besoins des captifs, il faut collecter des vêtements, des médicaments et de l’argent sur ces fonds communs, il faut envoyer des lettres et des cartes aux détenus pour montrer à l’État fasciste qu’ils ne sont pas seuls (...) Les forces souveraines ont utilisé en dernier ressort l’institution fasciste la plus solide de l’État, l’armée ; les généraux fascistes, dès qu’ils sont arrivés, se sont mobilisés en menaçant, en interdisant les associations légales et toute résistance, afin de noyer dans le sang les associations révolutionnaires et leurs partisans. »

    13.  Le 24 septembre 2007, la Cour de cassation confirma l’arrêt de la cour d’assises.

    II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT

    14.  L’article 159 § 1 de l’ancien code pénal (la loi no 765 du 1er mars 1926), qui était en vigueur jusqu’au 1er juin 2005, disposait ce qui suit :

    « 1. Est passible d’une peine de six mois à trois ans d’emprisonnement toute personne qui, publiquement, dénigre ou présente comme étant dénigrés (tahkir ve tezyif edenler) la turcité, la République ou la Grande Assemblée nationale de Turquie, le gouvernement de la République de Turquie, les organes judiciaires, les forces armées ou la sûreté de l’État (Devletin askeri veya emniyet muhafaza kuvvetleri).

    2. (...)

    3. L’expression d’opinions critiques, en l’absence d’intention de dénigrer, de présenter comme étant dénigré ou d’insulter, ne constitue pas un délit. »

    EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 10 DE LA CONVENTION

    15.  La requérante allègue que sa condamnation pénale pour avoir publié des articles dans la revue dont elle était la rédactrice en chef constitue une ingérence dans son droit à la liberté d’expression. Elle invoque à cet égard l’article 10 de la Convention, ainsi libellé :

    « 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.

    2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »

    A.  Sur la recevabilité

    16.  Le Gouvernement soulève une exception d’irrecevabilité tirée du non-épuisement des voies de recours internes au motif que la requérante n’a invoqué ni formellement ni en substance son grief tiré de l’article 10 de la Convention devant les juridictions nationales.

    17.  La requérante ne se prononce pas sur ce point.

    18.  La Cour relève que, à l’audience du 1er mars 2002, la requérante a soutenu devant la cour d’assises que les articles litigieux devaient être considérés comme des textes critiques en invoquant à cet égard la liberté d’expression (paragraphe 12 ci-dessus).

    19.  Il s’ensuit qu’il doit être considéré que la requérante a soulevé en substance, devant les juridictions internes, le grief qu’elle formule devant la Cour.

    20.  Partant, la Cour rejette l’exception préliminaire soulevée par le Gouvernement.

    21.  Constatant par ailleurs que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, elle le déclare recevable.

    B.  Sur le fond

    1.  Thèses des parties

    22.  La requérante soutient que les publications litigieuses procédaient à une critique acceptable dans une société démocratique à l’égard du régime « fasciste » qui, selon elle, avait été établi par le coup d’État du 12 septembre 1980, ainsi qu’à l’égard des opérations effectuées par les autorités dans les prisons au cours desquelles les détenus auraient souffert de graves maltraitances.

    23.  Le Gouvernement indique tout d’abord que la requérante a été condamnée en application de l’article 159 § 1 de l’ancien code pénal et que la prévisibilité de cette disposition était incontestable.

    24.  Il soutient ensuite que l’ingérence dans le droit de la requérante à la liberté d’expression poursuivait les buts légitimes suivants : le maintien de la sûreté publique, la défense de l’ordre, la prévention du crime et la protection des droits et libertés d’autrui.

    25.  Il estime enfin que, eu égard à la situation générale des prisons à l’époque des faits, lorsque des détenus faisaient des grèves de la faim illimitées pour protester contre l’administration pénitentiaire, les publications litigieuses étaient de nature à inciter à la violence et ne poursuivaient pas le but d’informer le lecteur mais celui de l’inciter à désobéir aux lois. Il argue aussi que la peine infligée à la requérante, à savoir une amende avec sursis à l’exécution, ne peut être considérée comme étant disproportionnée.

    2.  Appréciation de la Cour

    26.  La Cour rappelle les principes découlant de sa jurisprudence en matière de liberté d’expression, lesquels sont résumés notamment dans les arrêts Dilipak c. Turquie (no 29680/05, §§ 60-64, 15 septembre 2015), et Karácsony et autres c. Hongrie ([GC], nos 42461/13 et 44357/13, § 132, CEDH 2016 (extraits)).

    27.  Elle observe qu’il ne prête pas à controverse entre les parties que la condamnation pénale de la requérante constitue une ingérence dans le droit de l’intéressée à la liberté d’expression, droit protégé par l’article 10 § 1 de la Convention, et que cette ingérence était prévue par la loi, à savoir l’article 159 § 1 de l’ancien code pénal.

    28.  Elle considère qu’elle peut accepter que l’ingérence litigieuse poursuivait les buts légitimes de maintien de la sûreté publique, de défense de l’ordre et de prévention du crime (Dilipak, précité, § 59).

    29.  Quant à la nécessité de l’ingérence, la Cour constate que les articles litigieux communiquaient les idées et les opinions de leurs auteurs sur une question relevant incontestablement de l’intérêt général dans une société démocratique, à savoir les pratiques répressives des autorités de l’État. Procédant à une analyse des passages en cause (paragraphe 12 ci-dessus), elle relève que, malgré la sévérité de certaines expressions employées, ces passages peuvent être considérés comme une critique acerbe envers les institutions de l’État exprimée dans un langage idéologique. Elle estime que, pris dans leur ensemble, les textes litigieux ne contenaient aucun appel à l’usage de la violence, à la résistance armée ou au soulèvement, et qu’ils ne constituaient pas un discours de haine, ce qui est à ses yeux l’élément essentiel à prendre en considération (Belek et Velioğlu c. Turquie, no 44227/04, § 25, 6 octobre 2015).

    30.  La Cour considère aussi que, en condamnant la requérante en sa qualité de rédactrice en chef de la revue en question à une amende judiciaire, même avec sursis à l’exécution, les autorités judiciaires ont exercé un effet dissuasif sur la volonté de l’intéressée de s’exprimer sur des sujets relevant de l’intérêt public (voir, mutatis mutandis, Dilipak, précité, § 70).

    31.  Eu égard à ce qui précède, la Cour estime que la mesure incriminée ne répondait pas à un besoin social impérieux, qu’elle n’était pas, en tout état de cause, proportionnée aux buts légitimes visés et que, de ce fait, elle n’était pas nécessaire dans une société démocratique.

    32.  Partant, elle juge qu’il y a eu violation de l’article 10 de la Convention.

    II.  SUR LES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE L’ARTICLE 6 DE LA CONVENTION

    A.  Sur le grief relatif à la durée de la procédure

    33.  La requérante se plaint de la durée de la procédure pénale diligentée à son encontre. Elle invoque à cet égard l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé en ses passages pertinents en l’espèce :

    « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) »

    1.  Sur la recevabilité

    34.  Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

    2.  Sur le fond

    35.  Le Gouvernement soutient que la requérante a contribué à l’allongement de la durée de la procédure en n’assistant pas à plusieurs audiences tenues par la cour d’assises et en ne présentant pas les justificatifs demandés par cette juridiction afin de déterminer l’identité des auteurs des articles litigieux.

    36.  La requérante déclare qu’aucun allongement de la durée de la procédure ne peut lui être reproché.

    37.  La Cour observe que la période à considérer a débuté par l’acte d’accusation du 6 juin 2001 et qu’elle a pris fin par l’arrêt de la Cour de cassation du 24 septembre 2007. La procédure a donc duré près de six ans et trois mois pour deux instances, la cour d’assises et la Cour de cassation ayant été saisies chacune à trois reprises.

    38.  Elle rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement des requérants et celui des autorités compétentes (voir, parmi beaucoup d’autres, Pélissier et Sassi c. France [GC], no 25444/94, § 67, CEDH 1999-II).

    39.  Elle note que, en l’espèce, les durées des procédures pénales, prises isolément, ont été relativement courtes devant la cour d’assises et la Cour de cassation, qui ont cependant été saisies chacune à trois reprises. Elle relève que, dans les circonstances de l’espèce, la durée de la procédure s’explique principalement par l’infirmation de l’arrêt de la cour d’assises du 8 mars 2004 en raison de modifications législatives et du renvoi du dossier de l’affaire par le procureur général près la Cour de cassation à la cour d’assises en raison de l’entrée en vigueur du nouveau code pénal. Elle rappelle à ce sujet que, selon sa jurisprudence constante, l’article 6 § 1 de la Convention oblige les États contractants à organiser leur système judiciaire de telle sorte que les cours et tribunaux puissent remplir chacune de ses exigences, y compris l’obligation de trancher les causes dans un délai raisonnable (voir, parmi d’autres, Pelissier et Sassi c. France [GC], no 25444/94, § 74, CEDH 1999-II). Elle considère donc que l’allongement de la durée de la procédure était essentiellement attribuable au comportement des autorités compétentes (voir, Fisanotti c. Italie, 23 avril 1998, § 22, Recueil des arrêts et décisions 1998-II, et Şahiner c. Turquie, no 29279/95, § 29, CEDH 2001-IX).

    40.  Eu égard à ce qui précède, la Cour estime que la durée de la procédure n’a pas répondu à l’exigence du « délai raisonnable ». Partant, elle juge qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

    B.  Sur le grief relatif au principe de l’égalité des armes

    41.  La requérante allègue que le renvoi du dossier de l’affaire par le procureur général près la Cour de cassation à la cour d’assises pour un réexamen à la lumière du nouveau code pénal sans obtenir ses observations a porté atteinte au principe de l’égalité des armes. Elle invoque à cet égard l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé en ses passages pertinents en l’espèce :

    « 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, (...) par un tribunal (...) qui décidera, (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) »

    42.  La Cour note que, en l’espèce, le 8 novembre 2005, le procureur général près la Cour de cassation a renvoyé le dossier de l’affaire à la cour d’assises pour un réexamen au regard des dispositions du nouveau code pénal, entré en vigueur le 1er juin 2005. À cet égard, le procureur général n’a présenté aucun avis susceptible d’appeler les commentaires de la requérante.

    43.  La Cour relève que le renvoi de l’affaire visait à assurer que les dispositions pénales les plus favorables à l’intéressée soient appliquées. Elle constate ainsi que la cour d’assises, considérant que les dispositions de l’ancien code pénal étaient plus favorables à la requérante, a de nouveau condamné l’intéressée en application de ces dispositions à la même peine que celle prononcée dans son arrêt précédent. Dès lors, la Cour n’identifie aucune circonstance susceptible d’avoir porté atteinte au principe de l’égalité des armes en l’espèce.

    44.  Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et qu’il doit être rejeté, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

    III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    45.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    46.  La requérante réclame 4 000 EUR pour préjudice matériel et 20 000 EUR pour préjudice moral.

    47.  Le Gouvernement conteste ces prétentions et considère que l’arrêt de la Cour devrait constituer une satisfaction équitable suffisante.

    48.  La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre les violations constatées et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer à la requérante 3 250 EUR au titre du préjudice moral.

    B.  Frais et dépens

    49.  La requérante demande également 4 400 EUR pour les frais et dépens qu’elle dit avoir engagés devant la Cour. Cette somme comprend selon elle les frais d’avocat, de traduction, d’envoi et de photocopie. À l’appui de cette demande, elle présente un tableau indiquant les détails de ces frais mais ne fournit aucun justificatif.

    50.  Le Gouvernement conteste cette prétention et indique que la requérante n’a présenté aucun justificatif à l’appui de sa demande.

    51.  Compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens de la procédure devant elle en l’absence de justificatifs présentés par la requérante à cet égard.

    C.  Intérêts moratoires

    52.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la requête recevable quant aux griefs relatifs au droit à la liberté d’expression et à la durée de la procédure et irrecevable pour le surplus ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 10 de la Convention ;

     

    3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention relativement à la durée de la procédure ;

     

    4.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois, 3 250 EUR (trois mille deux cent cinquante euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement,

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 5 septembre 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

       Hasan Bakırcı                                                                       Ledi Bianku
    Greffier adjoint                                                                         
    Président



    [1]  Le 1er janvier 2005, la livre turque (TRY), qui remplace l’ancienne livre turque (TRL), est entrée en vigueur. 1 TRY vaut un million TRL.


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