BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?
No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!
[Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback] | ||
European Court of Human Rights |
||
You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> FELLONI v. ITALY - 44221/14 (Judgment : Article 6 - Right to a fair trial : First Section) French Text [2020] ECHR 107 (06 February 2020) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2020/107.html Cite as: ECLI:CE:ECHR:2020:0130JUD004492009, CE:ECHR:2020:0130JUD004492009, CE:ECHR:2020:0204JUD006085815, ECLI:CE:ECHR:2020:0204JUD006085815, [2020] ECHR 107 |
[New search] [Contents list] [Help]
PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE FELLONI c. ITALIE
( Requête n o 44221/14 )
ARRÊT
Art 6 (pénal) -� Procès équitable -� Procédure devant la Cour de cassation ne garantissant pas un examen effectif des principaux arguments du requérant ni une réponse permettant de comprendre les raisons de leur rejet
Art 7 -� Rétroactivité -� Nouvelle loi limitant le pouvoir discrétionnaire du juge dans la reconnaissance des atténuations de la peine, sans rendre inopérant un critère légal qui aurait été favorable au requérant -� Requérant non pénalisé en raison de l ' appréciation, sous l ' angle de la nouvelle loi, de faits antérieurs à son entrée en vigueur -� Détermination de la peine résultat d ' une mise en balance de l ' ensemble des éléments pertinents
STRASBOURG
6 février 2020
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l ' article 44 § 2 de la Convention . Il peut subir des retouches de fo rme.
En l ' affaire Felloni c. Italie ,
La Cour européenne des droits de l ' homme ( première section ), siégeant en une Chambre composée de :
Ksenija Turković,
présidente,
Aleš Pejchal,
Armen Harutyunyan,
Pere Pastor Vilanova,
Tim Eicke,
Jovan Ilievski,
Raffaele Sabato,
juges,
et de
Abel Campos
,
greffier
d
e section
,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 7 janvier 2020 ,
Rend l ' arrêt que voici , adopté à cette date :PROCÉDURE
1 . À l ' origine de l ' affaire se trouve une requête (n o 44221/14) dirigée contre la République italienne et dont un ressortissant de cet État, M. Riccardo Felloni (« le requérant »), a saisi la Cour le 17 juillet 2014 en vertu de l ' article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l ' homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). 2 . Le requérant a été représenté par M e G. Carpeggiani, avocat à Ferrare. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») a été représenté par son ancien agent, M me E. Spatafora. 3 . Le requérant se plaignait d ' une application rétroactive d ' une loi pénale selon lui plus sévère et d ' un refus de la Cour de cassation d ' examiner son moyen de cassation à cet égard. 4 . Le 28 août 2017 , la requête a été communiquée au Gouvernement.EN FAIT
13 . L ' article 62 bis du CP concerne les circonstances atténuantes générales ( generiche ). Cet article prévoit que, indépendamment des circonstances atténuantes spécifiques listées à l ' article 62 du CP, le juge peut prendre en considération d ' autres circonstances s ' il considère que celles-ci permettent de justifier une diminution de la peine.
14 . L ' article 1, alinéa 1 f) du décret-loi n o 92 de 2008, converti en loi par la loi n o 125 du 24 juillet 2008, a modifié l ' article 62 bis du CP , ajoutant un troisième et dernier alinéa, ainsi libellé :« En tout état de cause, l ' absence de précédentes condamnations pour d ' autres délits à l ' encontre de la personne condamnée ne peut pas, à elle seule, justifier l ' octroi desdites circonstances atténuantes. »
Par son arrêt n o 183 de 2011, la Cour Constitutionnelle déclara inconstitutionnel l ' article 62 bis dans la mesure où il ne permettait pas au juge de considérer favorablement, aux fins de l ' application des circonstances atténuantes générales, le comportement du condamné multirécidiviste ( recidivo reiterato ) postérieur à la commission de l ' infraction. 15 . Selon l ' article 65 du CP, en cas de reconnaissance d ' une circonstance atténuante les peines sont ainsi réduites :« La réclusion à perpétuité est substituée par une peine de réclusion comprise entre vingt et vingt-quatre ans ;
Les autres peines sont réduites d ' une mesure ne dépas sant pas le tiers de la peine. »
16 . Les articles 132 et 133 du CP contiennent des dispositions visant à guider le juge du fond dans l ' exercice de son pouvoir de fixation de la peine. Ils se lisent comme suit :Article 132
(Pouvoir discrétionnaire du juge dans la fixation de la peine : limites)
« Dans les limites fixées par la loi, le juge fixe la peine de façon discrétionnaire. Il doit indiquer les motifs propres à justifier l ' usage dudit pouvoir discrétionnaire.
Il peut augmenter ou réduire la peine établie par la loi sans toutefois pouvoir excéder les limites établies par elle pour chaque catégorie de peine, sauf dans les cas expressément prévus par la loi. »
Article 133
(Gravité de l ' infraction : évaluation des effets de la peine)
« Dans l ' exercice du pouvoir discrétionnaire mentionné à l ' article précédent, le juge doit tenir compte de la gravité de l ' infraction selon :
1) la nature, le type, les moyens, l ' objet, le temps, le lieu et toute autre modalité de l ' acte délictueux ;
2) la gravité du préjudice ou du danger causé à la victime de l ' infraction ;
3) l ' intensité de l ' élément intentionnel ou le degré de culpabilité.
Le juge doit également tenir compte de l ' aptitude à commettre un crime ( capacità a delinquere ) de l ' auteur de l ' infraction eu égard :
1) aux mobiles de l ' infraction ( motivi a delinquere ) et à l ' intention de l ' auteur de celle-ci ( reo ) ;
2) aux antécédents pénaux et judiciaires et, en général, à la conduite et à la vie de l ' auteur de l ' infraction avant la commission de celle-ci ;
3) à la conduite de l ' auteur de l ' infraction pendant et après la commission de celle-ci ;
4) aux conditions de vie personnelle, familiale et sociale de l ' auteur de l ' infraction. »
20 . L ' article 630 du code de procédure pénale (CPP) prévoit les cas dans lesquels une personne condamnée peut demander la révision de son procès. Par son arrêt n o 113 du 7 avril 2011, la Cour constitutionnelle a déclaré l ' article 630 du CPP inconstitutionnel dans la mesure où il ne prévoyait pas la possibilité de demander la réouverture du procès lorsque cela était nécessaire, aux termes de l ' article 46 de la Convention, pour se conformer à un arrêt définitif de la Cour européenne des droits de l ' homme. Par l ' effet de cet arrêt ( effetto additivo ), il est désormais possible d ' introduire une demande en révision du procès au sens de l ' article 630 du CPP en se fondant sur un arrêt de la Cour ayant conclu à un défaut d ' équité de la procédure.
EN DROIT
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) »
22 . Il soutient que la Cour de cassation a ignoré son moyen de cassation tiré d ' une application rétroactive de la loi n o 125 de 2008 à son cas et considère que sa cause n ' a donc pas été entendue équitablement. Il estime que, en définitive, ni les juges du fond ni la Cour de cassation n ' ont donné de réponse à une question de droit qu ' il considérait comme étant déterminante pour sa cause. 23 . Le Gouvernement argue que la Cour de cassation a examiné tous les arguments du requérant, que ceux-ci avaient tous trait à des questions de fait et qu ' ils relevaient donc de la compétence des juridictions du fond, raisons pour lesquelles la Cour de cassation les aurait à bon droit déclarés irrecevables. Selon le Gouvernement, la Cour de cassation a donc à juste titre confirmé les conclusions de la cour d ' appel concernant la responsabilité pénale du requérant ainsi que le quantum de la peine. 24 . La Cour rappelle que, même si les tribunaux ne sauraient être tenus d ' exposer les motifs de rejet de chaque argument d ' une partie ( Ruiz Torija c. Espagne , 9 décembre 1994, § 29, série A n o 303 - A), ils ne sont pour autant pas dispensés d ' examiner dûment les principaux moyens que soulève celle-ci et d ' y répondre (voir, Moreira Ferreira c. Portugal (n o 2) [GC] , n o 19867/12, § 84, 11 juillet 2017). Si, de surcroît, ces moyens ont trait aux « droits et libertés » garantis par la Convention ou ses Protocoles - tel que le principe de non-rétroactivité des lois pénales plus sévères - les juridictions nationales sont astreintes à les examiner avec une rigueur et un soin particuliers ( Wagner et J.M.W.L. c. Luxembourg , n o 76240/01, § 96, 28 juin 2007, et Magnin c. France (déc.), n o 26219/08, 10 mai 2012). 25 . La Cour a de plus déjà eu l ' occasion de souligner que la motivation a notamment pour finalité de démontrer aux parties qu ' elles ont été entendues et, ainsi, de contribuer à une meilleure acceptation de la décision (voir, mutatis mutandis , Taxquet c. Belgique [GC], n o 926/05, CEDH 2010, 16 novembre 2010, § 91). 26 . Aussi, en rejetant un recours, la juridiction d ' appel peut, en principe, se borner à faire siens les motifs de la décision entreprise ( García Ruiz c. Espagne [GC], n o 30544/96, § 26, CEDH 1999 - I). Cependant, la notion de procès équitable requiert qu ' une juridiction qui n ' a que brièvement motivé sa décision, que ce soit en incorporant les motifs fournis par une juridiction inférieure ou autrement, ait réellement examiné les questions essentielles qui lui ont été soumises ( Helle c. Finlande , 19 décembre 1997, § 60, Recueil des arrêts et décisions 1997 - VIII, et Boldea c. Roumanie , n o 19997/02, § 30, 15 février 2007). 27 . En l ' espèce, force est de constater que la Cour de cassation n ' a nullement répondu au moyen de cassation du requérant tiré de l ' application prétendument rétroactive de la loi n o 125 de 2008 à son cas et au refus des juges du fond de le faire bénéficier de circonstances atténuantes. 28 . La Cour observe que la haute juridiction s ' est bornée à déclarer irrecevables tous les moyens de cassation soulevés par le requérant au motif qu ' ils visaient à remettre en question la version des faits retenue par les juges du fond. Or la Cour n ' est pas persuadée que la question soulevée par le requérant dans son moyen de cassation n o 6 (paragraphe 11 ci-dessus) concernait une question de fait échappant à la compétence de la haute juridiction. De plus, elle note que la décision de la Cour de cassation ne contient aucune mention relative à la peine infligée au requérant ni, en particulier, à la loi applicable dans le domaine des circonstances atténuantes, qui aurait permis de répondre, ne serait-ce que de manière indirecte, aux griefs de l ' intéressé à propos de la gravité de la sanction.29 . Enfin, la question litigieuse ayant été soulevée pour la première fois devant la haute juridiction, on ne saurait considérer qu ' en l ' occurrence cette dernière a incorporé les motifs fournis par la juridiction inférieure pour fonder sa décision de manière compatible avec les exigences de l ' article 6 § 1 de la Convention (voir, a contrario , Helle , précité, § 56, et Dobrescu c. Roumanie (déc.), n o 10520/09, § 51, 31 août 2010).
30 . La Cour considère que la question de l ' application prétendument rétroactive de la législation en matière de circonstances atténuantes figurait parmi les moyens principaux soulevés par le requérant, de sorte qu ' elle exigeait une réponse spécifique et explicite. 31 . En conclusion, la Cour considère que le requérant n ' a pas bénéficié d ' une procédure lui garantissant un examen effectif de ses arguments ni d ' une réponse permettant de comprendre les raisons de leur rejet. Il en résulte que la Cour de cassation a manqué à son obligation de motiver ses décisions découlant de l ' article 6 § 1 de la Convention. Partant, il y a eu violation de cette disposition.« 1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d ' après le droit national ou international. De même il n ' est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l ' infraction a été commise.
(...) »
38 . Le Gouvernement rétorque que le requérant soutient à tort que la loi n o 125 de 2008 a modifié in pejus l ' article 62 bis du CP. Il estime qu ' avant l ' entrée en vigueur de cette loi le juge était tenu de prendre en considération l ' ensemble des éléments indiqués à l ' article 133 CP et qu ' une personne ayant un casier judiciaire vierge n ' avait donc aucune certitude d ' obtenir automatiquement la reconnaissance de circonstances atténuantes. La décision d ' octroyer une réduction de peine aurait relevé - avant comme après la réforme de 2008 - du pouvoir discrétionnaire du juge, lequel aurait seulement été tenu de motiver sa décision. Le Gouvernement se réfère à ce propos à la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière (arrêts n o 31440 du 25 juin 2008 et n o 4033 du 29 janvier 2014).
39 . Il expose que, pour rejeter la demande de réduction de peine formée par le requérant, la cour d ' appel de Bologne a effectué une évaluation globale des critères mentionnés à l ' article 133 CP. Selon lui, le refus du juge d ' accorder les circonstances atténuantes au requérant résulte de l ' évaluation de la conduite de celui-ci pendant le procès et du comportement postérieur à la commission de l ' infraction, et non seulement de considérations concernant le casier judiciaire du requérant. La Cour d ' appel a dûment motivé son refus en estimant qu ' il n ' existait pas d ' éléments favorables au requérant, pas même le comportement de l ' intéressé pendant le procès, et en tenant compte en revanche de la réitération par celui-ci de la même infraction après les faits litigieux. Le Gouvernement considère que, dès lors, la référence faite par la cour d ' appel à la réforme de l ' article 62 bis du CP n ' a eu aucune incidence sur la détermination de la peine du requérant.40 . Le Gouvernement soutient enfin que la réforme de 2008 visait à limiter la tendance de certains juges à adopter des pratiques généreuses en matière de circonstances atténuantes, sans pour autant réformer in pejus le système préexistant. Il estime que la loi de 2008 ne constituait donc en aucun cas une loi pénale plus sévère, dont il indique qu ' une application rétroactive serait d ' ailleurs interdite par le droit national.
« Si la Cour déclare qu ' il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d ' effacer qu ' imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s ' il y a lieu, une satisfaction équitable. »
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
a) que l ' État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l ' arrêt sera devenu définitif conformément à l ' article 44 § 2 de la Convention, 2 500 EUR (deux mille cinq cent s euros) plus tout montant pouvant être dû à titre d ' impôt sur cette somme, pour dommage moral ;
b) qu ' à compter de l ' expiration dudit délai et jusqu ' au versement, ce montant ser a à majorer d ' un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
Fait en français, puis communiqué par écrit le 6 février 2020 , en application de l ' article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Abel Campos
Ksenija Turković
Greffier
Présidente
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l ' exposé de l ' opinion séparée de la juge Turković .
K.T.U.
A.C.
CONCURRING OPINION OF JUDGE TURKOVI Ć
In the present case, the lack of a criminal record was identified as the only mitigating circumstance for the applicant. Thus, seen in concreto , the old law, which allowed a lack of criminal history to be taken into account in determining the sentence even when that was the only mitigating factor, as opposed to the new law under which this was no longer possible, was a more favourable law for the applicant. Consequently, the old law, as opposed to the new law, should have been applied in the present case (see paragraph 43 of the judgment). In spite of that I voted for a finding of no violation of Article 7. At the outset, it is important to emphasise that under the old law domestic courts had discretion to take or not take into consideration a clean criminal record as a mitigating factor depending upon all the circumstances of the case (see paragraphs 16 and 46 of the judgment). Since, in applying the new law, the domestic courts provided sufficient explanation as to why, even if they could have taken into consideration the clean criminal history, they would not have done so (they listed a number of aggravating circumstances, among which of particular importance was the fact that during the criminal proceedings the applicant committed additional crimes of the same kind, see paragraph 48 of the judgment), it is clear that in the present case the end result of applying the old law would not have been different from the result reached by applying the new law. Thus, the fact that the courts erroneously declared that they could no longer apply the old law (see paragraph 10 of the judgment), whereas in fact they should have applied it as the more lenient legislation for the applicant, did not operate to the additional disadvantage of the applicant in the present case as regards his sentence (see paragraph 50 of the judgment). Therefore, I was able to vote for a finding of no violation of Article 7 in the present case. Nevertheless, the correct application of the law for the domestic courts in the present case would have been to apply the old law, as the more lenient legislation for the applicant, and to have explained, taking all the circumstances into consideration, why they considered that the clean record in the present case could not have mitigated the punishment.