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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Azienda Agricola Le Canne v Commission (Agriculture) French text [1999] EUECJ C-10/98P (05 October 1999)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/1999/C1098P.html
Cite as: [1999] EUECJ C-10/98P

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ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

5 octobre 1999 (1)

«Pourvoi - Aquaculture - Règlements (CEE) nos 4028/86 et 1116/88 - Concours financier communautaire - Réduction de l'aide»

Dans l'affaire C-10/98 P,

Azienda Agricola «Le Canne» Srl, établie à Porto Viro (Italie), représentée par Mes G. Schiller, G. Carraro et F. Mazzonetto, avocats au barreau de Padoue, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me G. Arendt, 8-10, rue Mathias Hardt,

partie requérante,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (troisième chambre) du 7 novembre 1997, Le Canne/Commission (T-218/95, Rec. p. II-2055), et tendant à l'annulation de cet arrêt,

l'autre partie à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par M. E. de March, conseiller juridique, en qualité d'agent, assisté de Me A. Dal Ferro, avocat au barreau de Vicence, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de MM. P. J. G. Kapteyn, président de chambre, G. Hirsch, J. L. Murray (rapporteur), H. Ragnemalm et R. Schintgen, juges,

avocat général: M. G. Cosmas,


greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 14 janvier 1999,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 18 mars 1999,

rend le présent

Arrêt

  1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 16 janvier 1998, Azienda Agricola «Le Canne» Srl a, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 7 novembre 1997, Le Canne/Commission (T-218/95, Rec. p. II-2055, ci-après l'«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant, d'une part, à l'annulation de la réduction, par télex no 12 497 de la Commission, du 27 octobre 1995, d'un concours financier communautaire qui lui avait été précédemment accordé et, d'autre part, à l'indemnisation du préjudice qu'elle aurait subi en raison de cette réduction.

  2. Le cadre juridique et les faits qui sont à l'origine du pourvoi sont exposés dans l'arrêt attaqué dans les termes suivants:

    «1 L'article 1er, paragraphe 1, sous b), du règlement (CEE) no 4028/86 du Conseil, du 18 décembre 1986, relatif à des actions communautaires pour l'amélioration et l'adaptation des structures du secteur de la pêche et de l'aquaculture (JO L 376, p. 7, ci-après 'règlement no 4028/86'), dispose que la Commission peut apporter un concours financier communautaire aux actions entreprises dans le domaine du développement de l'aquaculture et de l'aménagement de zones marines protégées, en vue d'une meilleure gestion de la bande de pêche côtière.

    2 Conformément à l'article 12, qui renvoie à l'annexe III du règlement no 4028/86, le concours communautaire prévu pour l'aquaculture s'élève, pour la région de Vénétie, à 40 % des dépenses éligibles, la participation de l'Italie représentant un pourcentage compris entre 10 et 30 %.

    3 L'article 44 du règlement no 4028/86 dispose:

    '1. Pendant toute la durée de l'intervention communautaire, l'autorité ou l'organisme désigné à cet effet par l'État membre intéressé transmet à la Commission, à sa demande, toute pièce justificative et tout document de nature à établir que les conditions financières ou autres imposées pour chaque projet sont remplies. La Commission peut décider de suspendre, de réduire ou de supprimer le concours, selon la procédure prévue à l'article 47:

    - si le projet n'est pas exécuté comme prévu, ou

    [...]

    La décision est notifiée à l'État membre intéressé ainsi qu'au bénéficiaire.

    La Commission procède à la récupération des sommes dont le versement n'était pas ou n'est pas justifié.

    2. Les modalités d'application du présent article sont arrêtées par la Commission selon la procédure prévue à l'article 47.'

    4 Aux termes de l'article 47:

    '1. Lorsqu'il est fait référence à la procédure définie au présent article, le comité permanent des structures de la pêche est saisi par son président, soit à l'initiative de celui-ci, soit à la demande du représentant d'un État membre.

    2. Le représentant de la Commission soumet un projet de mesures à prendre. Le comité émet son avis dans un délai que le président peut fixer en fonction de l'urgence des questions. Il se prononce à la majorité de 54 voix, les voix des États membres étant affectées de la pondération prévue à l'article 148, paragraphe 2, du traité. Le président ne prend pas part au vote.

    3. La Commission arrête les mesures qui sont immédiatement applicables. Toutefois, si ces mesures ne sont pas conformes à l'avis du comité, la Commission les communique aussitôt au Conseil; dans ce cas, la Commission peut en différer l'application d'un mois au plus à compter de cette communication. Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut prendre des mesures différentes dans le délai d'un mois.'

    5 Par règlement (CEE) no 1116/88, du 20 avril 1988 (JO L 112, p. 1, ci-après 'règlement no 1116/88'), la Commission a adopté les modalités d'exécution des décisions de concours pour des projets concernant des actions communautaires pour l'amélioration et l'adaptation des structures de secteur de la pêche, de l'aquaculture et de l'aménagement de la bande côtière.

    6 Selon le sixième considérant du règlement no 1116/88, 'il convient de ne pas entreprendre la procédure de suspension, réduction ou suppression de concours sans avoir, au préalable, consulté l'État membre intéressé qui peut prendre position et sans avoir mis les bénéficiaires en mesure de présenter leurs observations'.

    7 A cet égard, l'article 7 du règlement no 1116/88 dispose:

    'Avant d'engager la procédure de suspension, de réduction ou de suppression du concours prévue à l'article 44, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 4028/86, la Commission:

    - en avise l'État membre sur le territoire duquel le projet devrait être exécuté, qui peut prendre position à ce sujet,

    - consulte l'autorité compétente chargée de transmettre les pièces justificatives,

    - appelle le ou les bénéficiaires à exprimer, par l'intermédiaire de l'autorité ou de l'organisme, les raisons du non-respect des conditions prévues.'

    Faits à l'origine du litige

    8 Par décision C (90) 1923/99, du 30 octobre 1990, la Commission a accordé à la requérante un concours financier de 1 103 646 181 [ITL], soit 40 % du montant des dépenses éligibles de 2 759 115 453 [ITL], au titre de travaux de modernisation et d'aménagement d'installations de pisciculture (projet I/16/90). Un concours proportionnel de 30 % des dépenses éligibles, soit 827 734 635 [ITL], était prévu à la charge de l'État italien.

    9 Cette décision précisait que 'le montant du concours que la Commission versera effectivement à un projet terminé dépend de la nature des travaux réalisés par rapport à ceux prévus dans le projet'. La décision spécifiait également que, 'conformément à l'indication figurant à la partie B de la demande de concours présentée par le bénéficiaire, les travaux prévus ne peuvent subir de modifications ni de changements sans accord préalable de l'administration nationale et éventuellement de la Commission. Des modifications importantes apportées sans l'accord de la Commission peuvent entraîner la réduction ou la suppression du concours, au cas où

    elles seraient jugées inacceptables par l'administration nationale ou la Commission. Le cas échéant, l'administration nationale indiquera à chaque bénéficiaire la procédure à suivre'.

    10 La Commission a payé à la requérante, le 23 juin 1993, une première tranche de 343 117 600 [ITL].

    11 Après le contrôle sur place de l'état final du projet, le génie civil a, par lettre du 7 avril 1994, porté à la connaissance de la requérante que, sous réserve de certaines modifications apportées au projet, dans les limites des ouvrages de maçonnerie et travaux similaires, ainsi que des travaux d'excavation, il était d'avis que les réalisations pouvaient être considérées comme conformes au projet approuvé, sur les plans technique et économique.

    12 Par décision C (94) 1531/99, du 27 juillet 1994, la Commission a fait droit à une seconde demande d'octroi de concours de la requérante, liée à l'achèvement des ouvrages de modernisation de ses installations (projet I/100/94).

    13 Par lettre du 12 décembre 1994 adressée au ministère de l'Agriculture italien (ci-après 'ministère') et à la Commission, la requérante a observé que des circonstances absolument indépendantes de sa volonté, survenues depuis l'envoi du projet au ministère, avaient rendu indispensables quelques modifications aux travaux prévus dans le cadre du projet I/16/90. La requérante précisait que sa conviction d'avoir respecté les objectifs proposés et d'avoir choisi les options correctes, d'une part, et le désir de parvenir rapidement aux résultats envisagés, d'autre part, lui avaient malencontreusement fait oublier l'obligation de procéder à la notification préalable au ministère des variations introduites, ce qui constituait un obstacle majeur au règlement du dossier. La requérante estimait cependant que le projet I/16/90 n'avait pas subi, dans l'ensemble, de modifications substantielles, à l'exception d'une différence de localisation et de configuration des bassins d'élevage intensif.

    14 Aussi, tout en déclarant avoir conscience, mais seulement depuis l'achèvement des travaux, de ne pas avoir respecté la formalité de la communication préalable des modifications, la requérante demandait au ministère et, le cas échéant, à la Commission elle même, de procéder à un examen technique des modifications apportées, afin d'en établir le bien-fondé et de constater la nécessité et l'opportunité des choix opérés. A cet effet, la requérante relevait que toutes les modifications évoquées avaient été exposées et entérinées dans le cadre de l'approbation du projet de complément d'aménagement (I/100/94) admis au bénéfice du concours financier communautaire par la décision C (94) 1531/99.

    15 Après avoir procédé au contrôle de l'état final des travaux, le ministère a transmis à la requérante, le 3 juin 1995, le certificat de vérification de l'état final des travaux (ci-après 'certificat') établi en date du 24 mai 1995. De l'avis du ministère, la requérante avait apporté des modifications supplémentaires par rapport à celles que le génie civil avait d'ores et déjà relevées:

    a) absence de construction de seize bassins, d'une installation hydraulique et d'une centrale thermique, le tout étant remplacé par la prévision de bassins d'élevage à réaliser lors du projet d'achèvement approuvé par la Commission dans la décision C (94) 1531/99;

    b) absence d'acquisition d'une série de machines;

    c) absence de construction de la nouvelle remise et des bassins d'élevage externes au hangar.

    Le ministère en concluait que la requérante aurait été tenue de solliciter, en application des dispositions communautaires applicables, une autorisation préalable pour procéder à ces modifications.

    16 Le ministère a ramené à 1 049 556 101 [ITL] le montant des dépenses éligibles au stade final du projet. Le ministère concluait que, compte tenu des dépenses d'ores et déjà reconnues éligibles au stade du premier avancement des travaux à concurrence de 857 794 000 [ITL], le montant total des dépenses reconnues éligibles représentait 1 907 350 101 [ITL], soit environ 69,13 % des dépenses éligibles du projet initialement agréé par la Commission.

    17 Par ordre de paiement final émis le 5 juillet 1995, la Commission a payé à la requérante un solde de 419 822 440 [ITL], ramenant ainsi de 1 103 646 181 [ITL] à 762 940 040 [ITL] le montant total du concours communautaire dû au titre des travaux que, sur la base du certificat, l'institution a considérés comme conformes au projet initialement approuvé.

    18 Le ministère et la Commission ont reçu, le 28 juillet et le 3 août 1995 respectivement, une série d'observations écrites de la requérante relevant l'absence de fondement du certificat et en demandant le réexamen.

    19 En réponse à la demande des autorités nationales, la Commission leur a transmis ses observations par télex no 12 497 du 27 octobre 1995. L'institution a considéré que les informations disponibles ne faisaient pas ressortir la nécessité de revoir la procédure suivie par le ministère pour régler le dossier du projet I/16/90, au motif que:

    1) des modifications importantes avaient été apportées au projet, sans avoir été préalablement communiquées à l'administration nationale;

    l'octroi du concours relatif au second projet I/100/94 n'impliquait pas l'acceptation par la Commission des modifications antérieures;

    2) des travaux prévus au titre du projet suivant I/100/94 avaient été exécutés dans le cadre du projet I/16/90 et n'étaient pas donc éligibles au titre du concours octroyé au projet I/16/90;

    3) l'article 7 du règlement no 1116/88, auquel se référait le conseil de la requérante, n'était pas applicable dans le contexte évoqué par ledit conseil;

    4) les informations fournies par le ministère faisaient ressortir le caractère erroné des observations formulées à la page 18 du mémoire présenté par le conseil de la requérante, relativement aux déductions de dépenses qui seraient intervenues en raison de leur imputation en chapitres de dépenses non prévus.

    20 Par lettre du 14 novembre 1995, le ministère a rejeté la demande de réexamen présentée par la requérante pour les mêmes motifs que ceux du télex n° 12 497 de la Commission du 27 octobre 1995 (ci-après l''acte n° 12 497').»

  3. C'est dans ces conditions que la requérante a introduit devant le Tribunal un recours en annulation de l'acte n° 12 497 dans lequel elle invoquait les cinq moyens suivants. Le premier était tiré de l'absence de notification de celui-ci, en ce que cet acte n'a été porté à sa connaissance que de façon accidentelle, sous la forme d'une copie qu'elle a obtenue à sa demande. Le deuxième moyen était fondé sur une violation du principe de collégialité en ce que l'acte n° 12 497 émane du «chef d'unité faisant fonction» et non pas des membres de la Commission, qui sont tenus collégialement d'en assumer la responsabilité. Par son troisième moyen, la requérante invoquait une violation des règles de procédure. En premier lieu, elle faisait grief à la Commission d'avoir réduit le concours financier communautaire qui lui avait été initialement octroyé, sans avoir préalablement mis en oeuvre la procédure prévue à l'article 44, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86 ni respecté les obligations incombant à l'institution en vertu de l'article 7 du règlement n° 1116/88, notamment celle qui consiste à inviter le bénéficiaire à exprimer, par l'intermédiaire de l'autorité ou de l'organisme de l'État membre sur le territoire duquel le projet devrait être exécuté, les raisons du non-respect des conditions prévues. En second lieu, la requérante faisait valoir que, dans l'hypothèse d'une décision de réduction, l'article 44, paragraphe 1, premier tiret, du règlement n° 4028/86 impose la mise en oeuvre de la procédure de l'article 47 de ce même règlement. Le quatrième moyen, qui comporte deux branches, était tiré de la

    violation de l'obligation de motivation. D'une part, la requérante soutenait que, à l'exception d'une référence tout à fait générale au règlement no 4028/86, l'acte n° 12 497 a omis d'indiquer sa base légale. D'autre part, la requérante prétendait que la motivation de l'acte attaqué ne lui permettait pas de connaître les raisons du refus de l'octroi d'une partie du concours initialement accordé et qu'elle ne mettait pas le Tribunal en mesure d'exercer son contrôle juridictionnel. Par son cinquième moyen, la requérante invoquait un détournement de pouvoir en ce que la Commission, qui détient la compétence exclusive en matière d'octroi et de réduction du concours, aurait, par l'émission d'un acte présenté formellement comme un avis, éludé l'application de la procédure de réduction prévue aux articles 44 du règlement n° 4028/86 et 7 du règlement n° 1116/88.

    L'arrêt attaqué

  4. Par l'arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours dans sa totalité et condamné la requérante aux dépens.

  5. Aux points 28 à 30 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission en jugeant que, en tant qu'il prive la requérante de l'intégralité du concours qui lui a été initialement octroyé, sans que l'État membre intéressé dispose à cet égard d'un pouvoir d'appréciation propre, l'acte no 12 497 constitue, à l'endroit de la requérante, une décision individuelle produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter ses intérêts, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique.

  6. S'agissant du premier moyen, tiré de l'absence de notification de l'acte n° 12 497, le Tribunal a constaté, au point 34 de l'arrêt attaqué, que la requérante a été, en fait, en mesure de prendre dûment connaissance de son contenu et d'introduire utilement son action dans le délai de recours contentieux. Dans ces circonstances, le Tribunal a conclu qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la question de savoir si cet acte lui avait été formellement notifié.

  7. Le Tribunal a rejeté le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de collégialité, en relevant, aux points 35 à 39 de l'arrêt attaqué, que, ainsi qu'il ressort du règlement intérieur de la Commission, des fonctionnaires de l'institution peuvent être habilités à prendre, en son nom et sous son contrôle, des mesures de gestion ou d'administration clairement définies, telles que la mesure litigieuse, et que les délégations de signature constituent le moyen normal par lequel la Commission exerce ses compétences. Il a constaté que la requérante n'a fourni aucune indication permettant d'estimer que l'administration communautaire se serait départie de l'observation des règles applicables en la matière.

  8. En ce qui concerne le troisième moyen, tiré de la violation des règles de procédure, le Tribunal a rappelé tout d'abord, au point 48 de l'arrêt attaqué, que le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l'encontre d'une personne et susceptible d'aboutir à un acte lui faisant grief constitue un principe fondamental

    de droit communautaire qui doit être garanti même en l'absence de toute réglementation concernant la procédure en cause. Il a relevé ensuite, aux points 50 à 53, que, dans le cadre d'un concours financier communautaire octroyé en vertu du règlement n° 4028/86, une décision de la Commission constatant l'inéligibilité de certaines dépenses au motif que des modifications importantes ont été apportées au projet initialement approuvé, sans avoir fait l'objet d'une communication préalable aux autorités communautaires et nationales, ne viole pas le principe du contradictoire, dès lors que le bénéficiaire du concours a été à même de présenter, avant l'adoption de ladite décision, les raisons du non-respect des conditions prévues et que les prescriptions édictées, à cet égard, par l'article 7 du règlement n° 1116/88, relatif aux modalités d'exécution des décisions de concours, ont été, en substance, respectées. Enfin, aux points 55 et 56, le Tribunal a constaté que, dans la mesure où la Commission a pu valablement conclure que les dépenses considérées comme inéligibles ne pouvaient être prises en considération, comme ne relevant pas du projet approuvé, une telle décision ne constitue pas une réduction, au sens de l'article 44, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86, du concours alloué initialement au bénéficiaire, mais elle se borne, en réalité, à tirer les conséquences du fait qu'une partie des dépenses dont la requérante demande le paiement ne se rattache pas au projet tel qu'initialement accepté, de sorte que la Commission n'était pas tenue de procéder à la consultation, prévue à la disposition susmentionnée, du comité permanent des structures de la pêche.

  9. Aux points 63 à 72 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le quatrième moyen, tiré de la violation de l'obligation de motivation, lequel comporte deux branches. Pour écarter la première branche de ce moyen selon laquelle, à l'exception d'une référence générale au règlement n° 4028/86, l'acte n° 12 497 aurait omis d'indiquer sa base légale, il a relevé que celui-ci mentionne expressément les règlements nos 4028/86 et 1116/88, applicables en l'espèce. Il a jugé que, compte tenu du contexte de l'affaire et, notamment, de l'argumentation qu'elle a développée au soutien de son troisième moyen, la requérante n'a pu se méprendre sur la portée de ces deux références et ne saurait donc être considérée comme ayant été laissée dans l'incertitude à propos de la base juridique dudit acte. Par ailleurs, s'agissant de la seconde branche du moyen, le Tribunal a constaté qu'il ressort des antécédents de l'affaire, de la correspondance échangée par la requérante avec l'administration nationale et la Commission, ainsi que de l'acte no 12 497, que les raisons invoquées par la Commission au soutien de celui-ci apparaissent de façon suffisamment claire pour permettre à la requérante de faire valoir ses droits devant le juge communautaire et à ce dernier d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision.

  10. Aux points 75 à 78 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a écarté le cinquième moyen, tiré du détournement de pouvoir, en jugeant que la requérante n'a pas fait état d'indices objectifs, pertinents et concordants de nature à établir que l'acte o 12 497 a été adopté dans le but exclusif ou, tout au moins, déterminant d'atteindre des fins

    autres que celles invoquées ou d'éluder une procédure spécialement prévue par le traité ou les actes de droit dérivé pour parer aux circonstances de l'espèce.

  11. Le Tribunal a rejeté le recours en indemnité aux points 82 à 84 de l'arrêt attaqué. Il a rappelé que la responsabilité non contractuelle de la Communauté ne peut être engagée que si est réuni un ensemble de conditions, relatives à l'illégalité du comportement reproché à l'institution communautaire, à la réalité du dommage et à l'existence d'un lien de causalité entre le comportement illégal et le préjudice invoqué. Le Tribunal a jugé que la requérante n'a fourni aucune preuve d'un vice affectant la légalité de l'acte no 12 497 et que, dans cette mesure, l'illégalité du comportement reproché à la Commission n'a été aucunement établie; dès lors, la demande en réparation du préjudice allégué devait être rejetée.

    Le pourvoi

  12. Dans son pourvoi, la requérante demande à la Cour d'annuler l'arrêt attaqué, d'accueillir les conclusions présentées en première instance, de déclarer l'acte no 12 497 nul et non avenu, de condamner la Commission à réparer le préjudice dans la mesure précisée dans le recours et de condamner la Commission aux dépens des deux instances.

  13. La Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de la requérante aux dépens.

  14. A l'appui de son pourvoi, la requérante invoque quatre moyens. Le premier moyen est tiré de la violation du principe de collégialité. La requérante soutient que, si les délégations de signature constituent le moyen normal par lequel la Commission exerce ses compétences, ainsi que l'a constaté le Tribunal au point 37 de l'arrêt attaqué, la délégation de pouvoir est gravement contraire au principe de collégialité. Elle fait valoir que, si le Tribunal a conclu à l'existence d'une simple délégation de signature, il a alors commis une erreur en déclarant que la requérante aurait dû fournir la preuve du non-respect par l'administration des règles applicables en la matière. Elle estime que la preuve du respect de celles-ci incombe à la Commission.

  15. Le deuxième moyen est fondé sur la violation du principe du contradictoire. La requérante considère que, en constatant que sa demande adressée au ministère le 28 juillet 1995 et à la Commission le 3 août suivant permettait d'affirmer que les prescriptions édictées à l'article 7 du règlement n° 1116/88 «ont été, en substance, respectées par la Commission», le Tribunal a commis une pétition de principe puisque, dans l'acte n° 12 497, la Commission avait rejeté expressément cette demande en affirmant que ledit article 7 n'était pas applicable dans le contexte évoqué par le conseil de cette dernière.

  16. Le troisième moyen est tiré du défaut de motivation au titre de l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE). La requérante fait valoir que le Tribunal a jugé

    à tort que ce moyen n'était pas fondé en affirmant que l'on ne saurait exiger en l'espèce davantage de détails que ceux fournis par la Commission, l'acte n° 12 497 contenant déjà - notamment par référence aux explications détaillées données dans le certificat - une indication suffisante pour connaître les principaux éléments de fait et de droit qui sont à la base du raisonnement ayant conduit à la diminution du concours.

  17. Le quatrième moyen est tiré de la violation et de l'application erronée, par le Tribunal, des articles 44, paragraphe 1, et 47 du règlement n° 4028/86, ainsi que de l'article 7 du règlement n° 1116/88. La requérante conteste la position du Tribunal, selon laquelle les articles 44 et 47 ne sont pas applicables en l'espèce.

    Appréciation de la Cour

  18. S'agissant des moyens invoqués à l'appui du pourvoi, il convient d'examiner au préalable le quatrième moyen.

    Sur le quatrième moyen

  19. La requérante soutient que le Tribunal a fait une application erronée des articles 44 et 47 du règlement n° 4028/86 en jugeant que ceux-ci ne s'appliquent qu'en cas de réévaluation de l'ensemble du projet concerné et non lorsque le particulier s'est en fait borné à ne pas exécuter en tout ou en partie le projet tel qu'il avait été initialement approuvé. Elle relève ainsi que l'article 44, paragraphe 1, énumère, parmi les hypothèses dans lesquelles il s'applique, celle où «le projet n'est pas exécuté comme prévu».

  20. La Commission fait valoir que la procédure visée à l'article 44, paragraphe 1, dudit règlement s'applique lorsqu'il est procédé à une réelle réévaluation des dépenses exigibles pour l'octroi du concours financier communautaire, mais non lors d'une simple adaptation de celles-ci en raison de travaux non réalisés, le pourcentage du financement communautaire restant constant.

  21. La Commission ajoute que la variation dans les dépenses éligibles est le résultat d'une pure évaluation technique et que, s'il avait été nécessaire de recourir à la procédure de l'article 47 du règlement n° 4028/86 chaque fois que, même en l'absence de variation en pourcentage, les dépenses éligibles ne correspondaient pas aux prévisions initiales, cela aurait entraîné le blocage immédiat de tous les programmes régis par ledit règlement.

  22. Il y a lieu de préciser tout d'abord la notion de «concours» au sens de l'article 44, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86 afin de déterminer les pouvoirs dont dispose la Commission ainsi que les obligations qui s'imposent à elle dans le contexte desdits articles. A cet égard, il convient de relever qu'un concours constitue une

    somme d'argent affectée par la Commission au projet d'amélioration et d'adaptation des structures du secteur de l'aquaculture. Selon l'article 12 du même règlement, le «concours financier prévu à l'article 11 ... [doit] respecter les taux fixés à l'annexe III». Il s'ensuit que la référence aux taux concerne simplement la méthode de calcul du montant du concours. En d'autres termes, le concours constitue une somme d'argent calculée selon un pourcentage du coût global du projet pour lequel une subvention financière a été sollicitée. Cette interprétation est corroborée par la décision de la Commission C (90) 1923/99, du 30 octobre 1990, fixant le concours financier de la Communauté dans le cas d'espèce, qui prévoit à son article 1er, point 2, que «La contribution est fixée à un montant maximum de 1 103 646 181 (Monnaie nationale)».

  23. Il y a lieu de relever ensuite que, dans l'annexe de ladite décision, la Commission a estimé que le concours communautaire s'élevait à 1 103 646 181 ITL et que le montant de celui-ci représentait 40 % des dépenses éligibles.

  24. Il convient d'ajouter que le Tribunal a fait sienne cette interprétation de la notion de concours en constatant, au point 8 de l'arrêt attaqué, que, «Par décision C (90) 1923/99, du 30 octobre 1990, la Commission a accordé à la requérante un concours financier de 1 103 646 181 ITL, soit 40 % du montant des dépenses éligibles de 2 759 115 453 ITL ...».

  25. Il importe de rappeler enfin que l'article 44, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86 confère à la Commission le pouvoir de «suspendre, de réduire ou de supprimer le concours» dans la mesure où l'une des quatre conditions prévues à cette disposition se présente, et notamment «si le projet n'est pas exécuté comme prévu». En accordant à la Commission un tel pouvoir, ledit règlement vise de manière claire à couvrir tous les actes de la Commission qui réduisent, en tout ou en partie, le montant du concours initialement octroyé lorsque l'une des conditions susmentionnées est remplie. Alors que la Commission n'est pas tenue d'exercer un tel pouvoir, l'article 44, paragraphe 1, dudit règlement exige de manière explicite que, dans l'hypothèse où elle le fait, elle respecte la procédure prévue à l'article 47 du même règlement. Il ressort tout aussi clairement de l'article 7 du règlement n° 1116/88 que les procédures qu'il mentionne doivent être également respectées avant de suspendre, de réduire ou de supprimer un concours en vertu dudit article 44.

  26. Il s'ensuit que, en réduisant le montant du concours de 1 103 646 181 ITL à 762 940 040 ITL, pour l'une des raisons précisées à l'article 44, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86, en l'occurrence parce que le projet n'avait pas été exécuté comme prévu, l'acte n° 12 497 doit être interprété comme une réduction de concours au sens dudit article.

  27. Il y a lieu de relever que, lorsqu'une demande initiale est agréée, une décision portant réduction du montant d'un concours initialement octroyé pourrait entraîner des conséquences graves pour le demandeur. De telles conséquences soulignent

    l'importance de l'application d'une procédure telle que celle prévue aux articles 44 et 47 du règlement n° 4028/86 et 7 du règlement n° 1116/88.

  28. En ce qui concerne la préoccupation de la Commission relative aux difficultés administratives résultant de l'obligation de se conformer aux procédures prévues aux articles 44 et 47 du règlement n° 4028/86 et 7 du règlement n° 1116/88, il suffit de relever que, dès lors qu'un règlement impose des obligations à la Commission, des difficultés d'ordre administratif ne peuvent constituer une base valable pour modifier les effets légaux de celui-ci, y compris les garanties procédurales spécifiques établies par le législateur communautaire.

  29. Il résulte de tout ce qui précède que, en prenant l'acte n° 12 497 sans avoir recours aux procédures prévues aux articles 44 et 47 du règlement n° 4028/86 et 7 du règlement n° 1116/88, la Commission doit être considérée comme n'ayant pas respecté les obligations que lui imposent lesdits articles.

  30. Dès lors, le Tribunal a commis une erreur de droit en estimant que l'acte n° 12 497 ne constituait pas une décision portant réduction, au sens de l'article 44, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86, du concours initialement accordé à la requérante et que, pour ce motif, la procédure prévue à cette disposition n'était pas applicable en l'espèce. Par conséquent l'arrêt attaqué doit être annulé.

  31. Conformément aux termes de l'article 54, premier alinéa, seconde phrase, du statut CE de la Cour de justice, cette dernière peut, en cas d'annulation de la décision du Tribunal, statuer définitivement sur le litige lorsque celui-ci est en état d'être jugé.

  32. Dans ces conditions, il y a lieu de constater que l'acte n° 12 497 doit être annulé en raison du non-respect de la procédure prévue aux articles 44, paragraphe 1, et 47 du règlement n° 4028/86 et à l'article 7 du règlement n° 1116/88. Il s'ensuit que la Commission est tenue d'ouvrir la procédure que prévoient ces dispositions.

  33. Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent qu'il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens du recours non plus que les conclusions en indemnité de la requérante.

    Sur les dépens

  34. 34. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant conclu à la condamnation de la Commission et cette dernière

    ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens des deux instances.

    Par ces motifs,

    LA COUR (sixième chambre)

    déclare et arrête:

    1) L'arrêt du Tribunal de première instance du 7 novembre 1997, Le Canne/Commission (T-218/95), est annulé.

    2) Le télex n° 12 497 de la Commission, du 27 octobre 1995, est nul et non avenu en raison du non-respect de la procédure prévue aux articles 44, paragraphe 1, et 47 du règlement (CEE) n° 4028/86 du Conseil, du 18 décembre 1986, relatif à des actions communautaires pour l'amélioration et l'adaptation des structures du secteur de la pêche et de l'aquaculture, et à l'article 7 du règlement (CEE) n° 1116/88 de la Commission, du 20 avril 1988, relatif aux modalités d'exécution des décisions de concours pour des projets concernant des actions communautaires pour l'amélioration et l'adaptation des structures de secteur de la pêche, de l'aquaculture et de l'aménagement de la bande côtière.

    3) La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens des deux instances.

    Kapteyn Hirsch Murray

    Ragnemalm Schintgen

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 octobre 1999.

    Le greffier Le président de la sixième chambre

    R. Grass P. J. G. Kapteyn


    1: Langue de procédure: l'italien.


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