C50100 Spain v Commission (ECSC) French Text [2004] EUECJ C-501/00 (15 July 2004)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2004/C50100.html
Cite as: [2004] ECR I-06717, [2004] EUECJ C-501/00, [2004] EUECJ C-501/, [2004] ECR I-6717

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IMPORTANT LEGAL NOTICE - The source of this judgment is the web site of the Court of Justice of the European Communities. The information in this database has been provided free of charge and is subject to a Court of Justice of the European Communities disclaimer and a copyright notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
15 juillet 2004 (1)


«Articles 4, sous c), CA et 67 CA – Décision n° 2496/96/CECA de la Commission – Aides à l'exportation en faveur des entreprises sidérurgiques – Respect d'un délai raisonnable – Déduction fiscale – Obligation de motivation – Sélectivité – Mesure générale»

Dans l'affaire C-501/00,

Royaume d'Espagne, représenté par M. S. Ortiz Vaamonde, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

soutenu par

Diputación Foral de Álava,

parties intervenantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Rozet et G. Valero Jordana, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l'annulation de la décision de la Commission, du 31 octobre 2000, relative aux lois espagnoles sur l'impôt sur les sociétés (JO 2001, L 60, p. 57),



LA COUR (deuxième chambre),



composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. J.-P. Puissochet,  N. Cunha Rodrigues et R. Schintgen (rapporteur), et Mme N. Colneric, juges,

avocat général: M. A. Tizzano,
greffier: M. R. Grass,

vu la décision prise, l'avocat général entendu, de juger l'affaire sans conclusions,

vu le rapport du juge rapporteur,

rend le présent



Arrêt



  1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 29 décembre 2000, le royaume d’Espagne a demandé, en vertu de l’article 33, premier alinéa, CA, l’annulation de la décision de la Commission, du 31 octobre 2000, relative aux lois espagnoles sur l’impôt sur les sociétés (JO 2001, L 60, p. 57, ci-après la «décision attaquée»).

  2. Le cadre juridique

    La réglementation communautaire

  3. L’article 4, sous c), CA prévoit que sont interdites, dans les conditions prévues au traité CECA, «les subventions ou aides accordées par les États ou les charges spéciales imposées par eux, sous quelque forme que ce soit».
  4. L’article 95, premier alinéa, CA dispose:
  5. «Dans tous les cas non prévus au présent traité, dans lesquels une décision ou une recommandation de la Commission apparaît nécessaire pour réaliser dans le fonctionnement du marché commun du charbon et de l’acier et conformément aux dispositions de l’article 5 l’un des objets de la Communauté, tels qu’ils sont définis aux articles 2, 3 et 4, cette décision ou cette recommandation peut être prise sur avis conforme du Conseil, statuant à l’unanimité et après consultation du Comité consultatif.»

  6. Afin de répondre aux exigences de la restructuration du secteur de la sidérurgie, la Commission s’est fondée sur l’article 95 CA pour mettre en place, à partir du début des années 80, un régime communautaire autorisant l’octroi d’aides d’État à la sidérurgie dans certains cas limitativement énumérés.
  7. Le régime adopté par la Commission sur le fondement de ladite disposition a pris la forme de décisions ayant une portée générale, communément appelées «codes des aides à la sidérurgie», et a fait l’objet d’adaptations successives en vue de faire face aux difficultés conjoncturelles de l’industrie sidérurgique. Le code des aides à la sidérurgie en vigueur durant la période considérée dans le présent litige est le sixième et dernier de la série et il a été institué par la décision n° 2496/96/CECA de la Commission, du 18 décembre 1996, instituant des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie (JO L 338, p. 42, ci-après le «code des aides»). Ledit code a été applicable du 1er janvier 1997 au 22 juillet 2002, date à laquelle le traité CECA a cessé d’être en vigueur.
  8. Aux termes de l’article 1er du code des aides, intitulé «Principes»:
  9. «1.    Les aides à la sidérurgie financées par un État membre, par des collectivités territoriales ou au moyen de ressources d’État, sous quelque forme que ce soit et qu’elles soient ou non spécifiques, ne peuvent être considérées comme des aides communautaires et, partant, comme compatibles avec le bon fonctionnement du marché commun que si elles satisfont aux dispositions des articles 2 à 5 [du code des aides].

    […]

    3.      Les aides visées par la présente décision ne peuvent être accordées qu’à l’issue des procédures prévues à l’article 6 et ne peuvent donner lieu à aucun paiement après le 22 juillet 2002.»

  10. Selon les articles 2 à 5 du code des aides, peuvent être considérées, sous certaines conditions, comme compatibles avec le marché commun les aides à la recherche et au développement (article 2), les aides en faveur de la protection de l’environnement (article 3), les aides à la fermeture d’installations sidérurgiques (article 4), ainsi que les aides régionales prévues par des régimes généraux en faveur d’entreprises situées en Grèce (article 5).
  11. En vertu de l’article 6 du code des aides, intitulé «Procédure», tout projet tendant à instituer des aides visées aux articles 2 à 5 dudit code et tout projet de transfert de ressources publiques au bénéfice d’entreprises sidérurgiques doit être notifié à la Commission, qui apprécie sa compatibilité avec le marché commun. En vertu du paragraphe 4, premier alinéa, de la même disposition, les mesures projetées ne peuvent être mises en œuvre qu’avec l’approbation de la Commission et conformément aux conditions fixées par elle.
  12. Aux termes de l’article 6, paragraphe 5, du code des aides:
  13. «Si la Commission considère qu’une intervention financière donnée peut constituer une aide d’État au sens de l’article 1er ou si elle doute qu’une aide donnée soit compatible avec les dispositions de la présente décision, elle en informe l’État membre concerné et invite les parties intéressées et les autres États membres à lui soumettre leurs observations. Si, après avoir reçu ces observations et donné à l’État membre concerné l’occasion d’y répondre, la Commission constate que la mesure en question constitue une aide non compatible avec les dispositions de la présente décision, elle prend une décision au plus tard trois mois après réception des informations nécessaires pour lui permettre d’apprécier l’aide en cause. Les dispositions de l’article 88 du traité s’appliquent dans le cas où un État membre ne se conforme pas à ladite décision.»

  14. L’article 6, paragraphe 6, du code des aides est libellé comme suit:
  15. «Si, à compter de la date de réception de la notification d’un projet quelconque, un délai de deux mois s’écoule sans que la Commission ait ouvert la procédure prévue au paragraphe 5 ou fait connaître sa position de quelque autre manière, les mesures projetées peuvent être mises à exécution, à condition que l’État membre ait au préalable informé la Commission de cette intention. En cas de consultation des États membres en application du paragraphe 3, le délai en question est porté à trois mois.»

    La réglementation nationale

  16. L’article 34 de la loi espagnole nº 43/1995, du 27 décembre 1995, relative à l’impôt sur les sociétés (Boletín Oficial del Estado nº 310, du 28 décembre 1995, ci-après la «loi nº 43/1995»), intitulé «Déduction pour activités d’exportation», et qui reprend presque dans les mêmes termes l’article 26 de la loi n° 61/1978, du 27 décembre 1978, sur l’impôt sur les sociétés (Boletín Oficial del Estado n° 132, du 30 décembre 1978), dispose:
  17. «1.    La réalisation d’activités d’exportation donne aux entreprises le droit d’appliquer les déductions suivantes sur le montant d’impôt éligible:

    a) 25 % de l’impôt sur les investissements effectivement réalisés dans la création de succursales ou d’établissements permanents à l’étranger, ainsi que dans le rachat de participations de sociétés étrangères ou la constitution de filiales directement liées à l’activité exportatrice de biens ou de services […] pour autant que la participation s’élève au moins à 25 % du capital social de la filiale […];

    b) 25 % du montant acquitté au titre des coûts de publicité, selon une projection pluriannuelle, pour le lancement de produits, l’ouverture et la prospection de marchés étrangers et la participation à des foires, des expositions et d’autres manifestations similaires, y compris celles qui se déroulent en Espagne et présentent un caractère international.»

  18. Les territoires historiques d’Álava, de Biscaye et de Guipúzcoa, qui sont dotés de compétences fiscales autonomes, ont repris, dans leurs législations fiscales respectives, la déduction d’impôt pour activités d’exportation prévue à l’article 34 de la loi n° 43/1995 (ci-après les «mesures litigieuses»).
  19. La déduction est opérée globalement de la manière suivante: le taux d’imposition nominal de 35 % est appliqué aux bénéfices de l’exercice et permet d’obtenir le montant total de l’impôt sur lequel sont imputés les allégements et déductions pour double imposition internationale (ci-après le «montant total positif de l’impôt corrigé»). La somme des «déductions pour la réalisation de certaines activités», au nombre desquelles figure la déduction pour activités d’exportation, est limitée à 35 % du montant total positif de l’impôt corrigé. Le montant net de l’impôt à verser est ainsi obtenu après application des déductions maximales autorisées au montant total de l’impôt.

  20. La procédure préalable à l’adoption de la décision attaquée

  21. Par lettre du 16 avril 1996, la Commission a demandé aux autorités espagnoles des renseignements concernant d’éventuelles «aides à l’exportation à des entreprises espagnoles du secteur de l’acier».
  22. Par lettre du 24 juin 1996, lesdites autorités ont fait savoir à la Commission que l’article 34 de la loi nº 43/1995 est une mesure générale, directement appliquée par tout assujetti sans l’intervention d’aucun organisme public.
  23. Par lettre du 7 août 1997, la Commission a informé le gouvernement espagnol de sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 6, paragraphe 5, du code des aides. Cette décision a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 31 octobre 1997 (JO C 329, p. 4) et les parties intéressées ont été invitées à présenter leurs observations dans un délai d’un mois à compter de cette publication.
  24. Dans la mesure où elle considérait que les mesures litigieuses concernaient également les secteurs relevant du traité CE et que la plupart de ces mesures étaient en vigueur au moment de l’adhésion du royaume d’Espagne aux Communautés européennes, la Commission a reconnu le caractère d’aides d’État existantes à celles accordées au titre dudit traité. En revanche, dans le cadre du traité CECA, lesdites mesures ont été considérées comme des aides nouvelles.
  25. Les autorités espagnoles ont, par lettre du 13 octobre 1997, réitéré leur position déjà exprimée avant l’ouverture de la procédure prévue à l’article 6, paragraphe 5, du code des aides, à savoir que les mesures litigieuses ne constituent pas des aides d’État. Tout au plus, ces mesures auraient-elles pu être considérées comme des aides existantes.
  26. Dans le cadre de ladite procédure, la Commission a reçu des observations de la part de trois associations, à savoir la Confédération espagnole d’organisations d’entreprises, l’Unión de Empresas Siderúrgicas (ci-après l’«Unesid») et la Wirtschaftsvereinigung Stahl, observations qui ont été commentées par les autorités espagnoles dans une lettre du 16 mars 1998.

  27. La décision attaquée

  28. Le 31 octobre 2000, la Commission a adopté la décision attaquée. Les deux premiers articles de cette décision sont libellés comme suit:
  29. «Article premier

    Toute aide accordée par l’Espagne conformément à:

    a) l’article 34 de la loi 43/1995, du 27 décembre 1995, sur l’impôt sur les sociétés;

    b) l’article 43 de la Norma Foral 3/96, du 26 juin 1996, sur l’impôt sur les sociétés de la province autonome de Vizcaya;

    c) l’article 43 de la Norma Foral 7/1996, du 4 juillet 1996, sur l’impôt sur les sociétés de la province autonome de Guipúzcoa ou

    d) l’article 43 de la Norma Foral 24/1996, du 5 juillet 1996, sur l’impôt sur les sociétés de la province autonome d’Álava,

    en faveur d’entreprises sidérurgiques CECA établies en Espagne, est incompatible avec le marché commun du charbon et de l’acier.

    Article 2

    L’Espagne adopte sans délai les mesures appropriées pour éviter que les entreprises sidérurgiques CECA établies en Espagne ne bénéficient des aides visées à l’article 1er [ci-après les ‘aides en cause’].»

  30. La Commission n’a toutefois pas ordonné la récupération des aides en cause auprès des entreprises sidérurgiques bénéficiaires en raison notamment de la position différente qu’elle avait adoptée dans le passé, à propos de mesures nationales analogues, et de la longueur de la procédure d’examen, non imputable au royaume d’Espagne, de telle sorte que «même les entreprises sidérurgiques les plus prudentes et les mieux informées n’auraient pu prévoir la qualification d’aides d’État contraires à l’article 4 du traité CECA des dispositions fiscales en cause et qu’elles pouvaient à bon droit faire valoir le principe de confiance légitime» (point 28 des motifs de la décision attaquée).
  31. C’est dans ces conditions que le royaume d’Espagne a introduit le présent recours.
  32. Par ordonnance du président de la Cour du 13 juin 2001, la Diputación Foral de Álava, la Diputación Foral de Vizcaya, la Diputación Foral de Guipúzcoa, les Juntas Generales de Guipúzcoa et le Gobierno del País Vasco (ci-après les «autorités basques») ont été admis à intervenir au soutien des conclusions du royaume d’Espagne.
  33. Par ordonnance de la même date, l’Unesid a également été admise à intervenir au soutien des conclusions du royaume d’Espagne.

  34. Les conclusions des parties

  35. Le royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise à la Cour:
  36. – annuler la décision attaquée et

    – condamner la Commission aux dépens.

  37. La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:
  38. – rejeter la requête et

    – condamner le royaume d’Espagne aux dépens.

  39. Les autorités basques concluent à ce qu’il plaise à la Cour:
  40. – déclarer le recours fondé,

    – annuler la décision attaquée et

    – condamner la Commission aux dépens, y compris ceux engendrés par la présente intervention.

  41. L’Unesid conclut à ce qu’il plaise à la Cour:
  42. – déclarer recevable, dans les formes et délais, sa requête en intervention,

    – annuler la décision attaquée et

    – condamner la Commission aux dépens.


    Sur le recours

  43. À l’appui de son recours, le royaume d’Espagne invoque trois moyens tirés respectivement:
  44. – de la violation des règles de la procédure d’enquête prévues à l’article 6, paragraphe 5, du code des aides;

    – de la violation de l’obligation de motivation, énoncée à l’article 15, premier alinéa, CA, et

    – de la violation de l’article 4, sous c), CA.

  45. Les parties intervenantes soulèvent plusieurs moyens supplémentaires à l’appui des conclusions du royaume d’Espagne.
  46. Sur le premier moyen

    Arguments des parties

  47. Par son premier moyen, le gouvernement espagnol fait grief à la Commission de ne pas avoir respecté le délai de trois mois dont elle disposait, à compter de la réception des informations nécessaires aux fins d’analyser les mesures litigieuses, pour arrêter la décision attaquée, conformément à l’article 6, paragraphe 5, du code des aides. En l’occurrence, celle-ci aurait été adoptée près de deux ans et huit mois après que la Commission eut disposé de toutes les informations nécessaires pour apprécier la compatibilité de ces mesures avec le traité.
  48. Ce faisant, la Commission aurait violé les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ainsi que les droits de la défense. Le gouvernement espagnol fait valoir à cet égard que le retard dans la procédure a complètement isolé dans le temps l’enquête qui servait de fondement à une telle procédure. En outre, le silence prolongé observé à l’issue de l’enquête par la Commission aurait laissé croire qu’elle ne s’opposait pas aux mesures examinées. Cette dernière n’aurait, par ailleurs, allégué aucune action ou investigation interne ou externe ni aucune autre raison qui aurait pu justifier ou expliquer ce retard.
  49. Le gouvernement espagnol ajoute que, dans la décision attaquée, la Commission a renoncé à ordonner la récupération des aides en cause. Si les entreprises sidérurgiques pouvaient légitimement considérer que les mesures litigieuses ne constituaient pas, avant et pendant la procédure d’examen, une aide incompatible avec le marché commun, cela devrait valoir a fortiori pour l’État membre concerné.
  50. Les parties intervenantes se rallient à l’argumentation du gouvernement espagnol.
  51. L’explication tardive de la Commission, contenue dans le mémoire en duplique de cette dernière, selon laquelle le retard pris pour l’adoption de la décision attaquée aurait été motivé par l’ouverture d’une enquête sur les législations de tous les États membres, afin de vérifier si le même type d’aides à l’exportation que celles en cause existait dans les autres États membres, ne serait pas convaincante dès lors que l’on ne discerne pas la raison pour laquelle une procédure visant à obtenir des informations sur les mesures appliquées dans d’autres États membres pourrait justifier le retard de la procédure ouverte à l’encontre des mesures litigieuses.
  52. Les autorités basques contestent également l’affirmation de la Commission selon laquelle cette dernière ne serait plus en mesure d’autoriser les aides en cause, compte tenu du principe général d’interdiction des aides, si le non-respect du délai prévu à l’article 6, paragraphe 5, du code des aides avait pour effet d’engendrer l’impossibilité de prendre une décision. Cet argument serait fondé sur la prémisse erronée selon laquelle il s’agirait d’aides qui, comme telles, nécessitent une autorisation pour pouvoir être mises en application. Or, la question serait précisément de savoir si les mesures litigieuses sont ou non constitutives d’une aide. La Commission ne saurait disposer d’un délai illimité pour procéder à cette appréciation.
  53. L’Unesid ajoute, à cet égard, que la décision attaquée a méconnu non seulement le délai de trois mois visé à l’article 6, paragraphe 5, du code des aides, mais également le délai raisonnable dont la Commission disposait pour engager la procédure d’examen elle-même. Faisant un rapprochement avec l’arrêt du 11 décembre 1973, Lorenz (120/73, Rec. p. 1471), ainsi qu’avec l’arrêt du Tribunal du 22 octobre 1997, SCK et FNK/Commission (T-213/95 et T-18/96, Rec. p. II-1739, point 55), l’Unesid observe que la Commission a laissé s’écouler, après l’adhésion de l’Espagne aux Communautés, plus de douze ans avant d’ouvrir la procédure, alors que l’article 34 de la loi nº 43/1995 et les mesures litigieuses lui avaient été notifiées à l’occasion de cette adhésion. Pour ce motif également, la Commission aurait méconnu les règles de bonne administration.
  54. Selon l’Unesid, la Commission avait une obligation particulière de motivation quant aux circonstances qui l’ont conduite à modifier son appréciation et à déclarer que lesdites mesures, à la mise en œuvre desquelles elle n’avait jamais soulevé d’objection, étaient incompatibles avec le traité.
  55. La Commission conteste l’interprétation selon laquelle le non-respect du délai de trois mois prévu à l’article 6, paragraphe 5, du code des aides entraîne la caducité de la procédure. Selon elle, rien ne permet de conclure en l’espèce que, si ce délai avait été respecté, le contenu de la décision attaquée aurait été différent et, en particulier, favorable au royaume d’Espagne. Dans ces conditions, il ne saurait être question de violation d’une forme substantielle et du principe du contradictoire.
  56. L’affirmation du gouvernement espagnol selon laquelle le retard aurait influencé l’issue de l’examen auquel a procédé la Commission serait également dénuée de tout fondement, dès lors qu’il n’a pas expliqué quels sont les changements qui se seraient effectivement produits durant la période qui s’est écoulée entre la présentation de ses observations et l’adoption de la décision attaquée, changements qui auraient pu influencer le contenu de celle-ci.
  57. La Commission se prévaut également des termes clairs de l’article 4, sous c), CA, qui dispose que sont incompatibles avec le marché commun du charbon et de l’acier et, en conséquence, abolies et interdites à l’intérieur de la Communauté les subventions ou aides accordées par les États, sous quelque forme que ce soit. En l’absence de décision spécifique de la Commission affirmant la compatibilité de l’aide, il n’y aurait donc pas d’insécurité juridique puisque, dans ce cas, il conviendrait de considérer l’aide comme incompatible avec le traité et, partant, comme prohibée.
  58. S’agissant de la prétendue violation du principe de protection de la confiance légitime, la Commission observe qu’elle n’a jamais fait naître une quelconque assurance selon laquelle les mesures litigieuses ne constitueraient pas des aides. En tout état de cause, ce principe ne saurait être enfreint par une décision renonçant à la récupération de celles-ci.
  59. La Commission conteste également le rapprochement opéré avec l’arrêt Lorenz, précité. En effet, tandis que cet arrêt concerne la procédure d’examen de projets d’aides notifiés à la Commission, la décision attaquée a été adoptée dans le cadre d’une procédure relative à des aides déjà octroyées par les autorités nationales. S’il est légitime, selon la Commission, que le délai de deux mois mentionné par ledit arrêt soit un délai de prescription, afin d’éviter que le projet d’aide ne reste indéfiniment en suspens, une telle protection ne serait pas nécessaire lors de l’examen d’une aide déjà accordée.
  60. S’agissant de la référence à l’arrêt SCK et FNK/Commission, précité, la Commission relève qu’il ressort du point 57 de cet arrêt que «le caractère raisonnable de la durée de la procédure administrative s’apprécie en fonction des circonstances propres de chaque affaire». En l’occurrence, eu égard à la complexité du dossier, le délai d’adoption de la décision attaquée ne serait pas déraisonnable.
  61. La Commission précise que le retard avec lequel la décision attaquée a été adoptée s’explique par l’ouverture d’une enquête concernant la législation de tous les États membres afin de vérifier si ceux-ci octroyaient le même type d’aides à l’exportation que celles accordées par les mesures litigieuses en Espagne.
  62. La Commission ajoute que l’allégation de l’Unesid selon laquelle la décision attaquée serait le résultat d’une procédure elle-même engagée en dehors d’un délai raisonnable reposerait sur un fait inexistant, le royaume d’Espagne n’ayant jamais notifié à la Commission les projets concernant les mesures litigieuses. En effet, les informations que celle-ci a reçues au cours des discussions préalables à l’adhésion du royaume d’Espagne aux Communautés portaient sur des aides existantes. En outre, ces informations auraient été données dans le cadre de l’analyse des aides d’État sous l’angle du traité CEE.
  63. Enfin, la Commission fait valoir que l’article 4, sous c), CA prononce une interdiction des aides qui ne peut être levée par la Commission qu’au terme de la procédure prévue par le code des aides. Si la seule conséquence du non-respect du délai mentionné à l’article 6, paragraphe 5, dudit code était de la mettre dans l’impossibilité d’adopter une décision, la Commission se trouverait dans l’impossibilité de clôturer la procédure engagée en application de cette disposition sans que, pour autant, puisse être écarté le principe d’interdiction établi par le traité CECA.
  64. Dans ces conditions, l’ouverture d’une nouvelle procédure s’imposerait. Or, cette solution ne serait pas conforme au principe d’économie de la procédure, dès lors que la nouvelle décision ne ferait que reprendre le contenu de la décision précédente.
  65. Appréciation de la Cour

  66. Il est constant que le délai de trois mois prévu à l’article 6, paragraphe 5, du code des aides était expiré lorsque la décision attaquée a été adoptée.
  67. Il ressort cependant de l’arrêt du 12 décembre 2002, Belgique/Commission (C-5/01, Rec. p. I-11991, point 60), que ledit délai ne saurait être considéré comme un délai prescrit à peine de dessaisissement, dont l’expiration interdirait à la Commission de se prononcer sur la compatibilité de la mesure d’aide projetée avec le traité.
  68. En effet, eu égard au contexte général dans lequel le délai de trois mois s’insère et à son objectif, dans le cas où une décision n’aurait pas été adoptée par la Commission dans ce délai, d’une part, l’État membre concerné serait empêché de mettre en œuvre ladite mesure d’aide et, d’autre part, il se trouverait dans l’impossibilité d’obtenir une décision d’autorisation de la Commission à cet effet dans le cadre de la procédure ouverte par celle-ci. Une telle situation serait contraire au bon fonctionnement des règles relatives aux aides d’État, l’autorisation de la Commission ne pouvant être éventuellement obtenue qu’à l’issue d’une nouvelle procédure engagée en application du code des aides, ce qui aurait pour effet de retarder la prise de décision par la Commission, sans offrir de garantie supplémentaire à l’État membre concerné (arrêt Belgique/Commission, précité, points 58 et 59).
  69. Certes, après avoir ouvert la procédure d’examen au mois d’avril 1996, il incombait à la Commission, conformément au principe de bonne administration, d’adopter une décision définitive dans un délai raisonnable à compter de la réception des observations de l’État membre concerné, des parties intéressées et éventuellement des autres États membres. En effet, une durée excessive de la procédure d’examen est susceptible d’augmenter, pour l’État mis en cause, la difficulté de réfuter les arguments de la Commission et de violer ainsi les droits de la défense (voir notamment, à propos de la procédure précontentieuse prévue à l’article 226 CE, arrêt du 21 janvier 1999, Commission/Belgique, C-207/97, Rec. p. I-275, point 25).
  70. À cet égard, il découle de la jurisprudence que le caractère raisonnable de la durée de la procédure administrative s’apprécie en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, du contexte de celle-ci, des différentes étapes procédurales que la Commission a suivies, du comportement des parties au cours de la procédure, de la complexité ainsi que de l’enjeu de l’affaire pour les différentes parties intéressées (voir arrêts SCK et FNK/Commission, précité, point 57, et, par analogie, à propos de la procédure juridictionnelle, du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C-185/95 P, Rec. p. I-8417, point 29).
  71. En l’occurrence, il suffit de constater que la procédure concernant les mesures litigieuses a nécessité, de la part de la Commission, un examen approfondi de la législation espagnole ainsi que de questions de fait et de droit d’une réelle complexité, en raison, notamment, du fait que ces mesures ne visent pas seulement les entreprises sidérurgiques, mais toute entreprise espagnole.
  72. Il est également légitime que, en présence de mesures de nature fiscale dont la qualification en tant qu’«aides» au sens de l’article 4, sous c), CA ne va pas de soi, la Commission ait estimé utile d’ouvrir une enquête auprès de tous les États membres afin de vérifier si leur législation comportait le même type de mesures que celles adoptées en Espagne.
  73. En outre, la Commission a tenu compte notamment des «retards» dans la procédure d’examen, non imputables au royaume d’Espagne, en renonçant à ordonner la récupération des aides en cause auprès des entreprises sidérurgiques.
  74. Or, le gouvernement espagnol n’a pas établi en quoi la durée de la procédure d’examen, au regard des circonstances qui précèdent, serait de nature à entacher la décision attaquée d’une violation, d’une part, des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime et, d’autre part, des droits de la défense au détriment des autorités espagnoles.
  75. En effet, ainsi que l’a observé à bon droit la Commission, le gouvernement espagnol n’a fourni aucun élément de nature à conforter la thèse selon laquelle le temps écoulé, en l’espèce, aurait rendu obsolète l’enquête ayant conduit à la décision attaquée et porté atteinte aux droits de la défense et il n’a pas davantage explicité la raison pour laquelle la réouverture de la procédure aurait permis à la Commission de prendre une autre décision, qui aurait été plus favorable au royaume d’Espagne.
  76. Il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.
  77. Sur le deuxième moyen

    Arguments des parties

  78. Par son deuxième moyen, le gouvernement espagnol fait grief à la Commission, d’une part, de ne pas avoir motivé le changement radical de sa position à l’égard des mesures litigieuses. Alors qu’elle aurait considéré au départ que ces mesures, qui, ainsi qu’il ressort du point 26 des motifs de la décision attaquée, lui ont été communiquées lors de l’adhésion du royaume d’Espagne aux Communautés, ne relevaient pas de la notion d’aide, elle a estimé par la suite qu’il s’agissait d’une aide incompatible avec le traité.
  79. D’autre part, la décision attaquée ne contiendrait aucun élément de nature à démontrer tant l’incidence desdites mesures sur la compétitivité des produits nationaux exportés et, en particulier, sur la formation des prix que le préjudice qu’auraient subi les entreprises non assujetties à la législation espagnole sur l’impôt sur les sociétés, ce qui aurait nécessité une analyse des régimes fiscaux nationaux dans leur ensemble.
  80. La Commission rétorque qu’elle n’a jamais affirmé, avant l’adoption de la décision attaquée, que les mesures litigieuses ne constituaient pas des aides, de telle sorte qu’elle n’avait pas à motiver un changement d’attitude à cet égard.
  81. En outre, la décision attaquée satisferait à l’obligation de motivation, telle qu’interprétée par la Cour, puisqu’elle contiendrait le raisonnement de la Commission concernant la qualification des mesures litigieuses en tant qu’«aides CECA». Cette motivation aurait permis au gouvernement espagnol de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission a adopté cette décision et à la Cour d’en contrôler la légalité.
  82. En réalité, les insuffisances de motivation alléguées par le gouvernement espagnol n’auraient pas de rapport avec les conditions d’existence d’une aide d’État. En effet, pour qu’une mesure soit qualifiée d’aide d’État au regard du droit communautaire, il serait nécessaire non qu’elle cause un préjudice aux concurrents éventuels, mais qu’elle représente un avantage économique pour ses bénéficiaires. Or, les réductions du montant de l’impôt sur les sociétés répondraient à ce critère, sans qu’il soit besoin de procéder à l’étude de la pression fiscale ou des coûts d’exploitation dans les différents États membres. En outre, l’analyse de l’incidence des mesures litigieuses sur la concurrence ne s’imposerait pas dans le cadre du traité CECA (voir arrêt du Tribunal du 21 janvier 1999, Neue Maxhütte Stahlwerke et Lech-Stahlwerke/Commission, T-129/95, T-2/96 et T-97/96, Rec. p. II-17, point 99, et ordonnance de la Cour du 25 janvier 2001, Lech-Stahlwerke/Commission, C-111/99 P, Rec. p. I-727, point 41).
  83. Par conséquent, la Commission considère qu’elle n’était pas tenue d’analyser l’absence d’incidence des mesures litigieuses sur la compétitivité des produits nationaux exportés. Elle n’aurait donc pas enfreint l’obligation de motivation.
  84. Appréciation de la Cour

  85. Il convient de constater que le deuxième moyen invoqué par le royaume d’Espagne, tiré du défaut de motivation de la décision attaquée, comporte deux branches relatives, d’une part, au prétendu changement de position de la Commission quant à l’existence et à la compatibilité avec le marché commun des aides en cause et, d’autre part, à certaines conditions auxquelles les mesures litigieuses auraient dû satisfaire pour être qualifiées d’«aides» au sens de l’article 4, sous c), CA.
  86. – Sur la première branche du deuxième moyen

  87. Il y a lieu de rappeler que, selon l’article 4, sous c), CA, sont reconnues incompatibles, sans exception, avec le marché commun du charbon et de l’acier et, en conséquence, sont abolies et interdites à l’intérieur de la Communauté les subventions ou aides accordées par les États membres sous quelque forme que ce soit.
  88. Le code des aides, adopté sur le fondement de l’article 95 CA, autorise toutefois l’octroi d’aides à la sidérurgie dans des cas limitativement énumérés et conformément aux procédures qu’il prescrit. L’article 6, paragraphe 4, dudit code prévoit en particulier que les mesures projetées ne peuvent être mises en œuvre qu’avec l’approbation de la Commission. Le paragraphe 6 du même article déroge expressément à cette règle en disposant que ces mesures peuvent être mises à exécution si la Commission n’a pas ouvert la procédure prévue au paragraphe 5 dudit article ou fait connaître sa position de quelque autre manière dans un délai de deux mois à compter de la date de réception de la notification d’un projet quelconque, à condition que l’État membre ait au préalable informé la Commission de cette intention (arrêt Belgique/Commission, précité, point 54).
  89. Les cas dans lesquels des aides à la sidérurgie peuvent être accordées constituent ainsi une exception à la règle selon laquelle ces aides sont interdites et leur octroi n’est en principe autorisé qu’en vertu d’une décision expresse de la Commission (arrêt Belgique/Commission, précité, point 55).
  90. Or, en l’occurrence, la Commission n’a jamais adopté une décision autorisant expressément l’octroi des aides en cause. À cet égard, la réponse apportée, en juin 1996, par le commissaire chargé de la concurrence à une question écrite posée par un membre du Parlement européen, qui est évoquée au point 26 des motifs de la décision attaquée, ne se prononçait pas sur la qualification des mesures litigieuses en tant qu’aides au sens de l’article 4, sous c), CA.
  91. Dans ces conditions, le changement d’attitude reproché par le gouvernement espagnol à la Commission faisant défaut, il n’y avait pas lieu pour celle-ci de motiver la décision attaquée sur ce point.
  92. La première branche du deuxième moyen manque donc en fait et doit être rejetée.
  93. – Sur la seconde branche du deuxième moyen

  94. Selon une jurisprudence constante relative à l’article 253 CE et transposable à l’article 15 CA, la motivation exigée par ladite disposition doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte incriminé, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au juge communautaire d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, notamment, arrêts du 29 février 1996, Belgique/Commission, C-56/93, Rec. p. I-723, point 86; du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C-367/95 P, Rec. p. I-1719, point 63; du 7 mars 2002, Italie/Commission, C-310/99, Rec. p. I-2289, point 48, et du 12 décembre 2002, Belgique/Commission, précité, point 68).
  95. En l’occurrence, il suffit de relever à cet égard que la décision attaquée laisse clairement et de manière non équivoque apparaître, aux points 17 à 21 de ses motifs, le raisonnement de la Commission quant à la qualification des mesures litigieuses en tant qu’«aides» au sens de l’article 4, sous c), CA.
  96. Les griefs invoqués par le gouvernement espagnol en rapport avec l’incidence des mesures litigieuses sur la compétitivité des produits nationaux exportés et la spécificité de celles-ci concernent non pas le respect de l’obligation de motivation, laquelle constitue une formalité substantielle qui a été correctement remplie en l’occurrence, ainsi qu’il vient d’être constaté, mais la légalité au fond de la décision attaquée. De tels griefs seront examinés notamment dans le cadre du troisième moyen, au soutien duquel ce gouvernement invoque de nouveau les questions de compétitivité des produits nationaux et de spécificité desdites mesures.
  97. La seconde branche du deuxième moyen doit donc être rejetée comme non fondée.
  98. Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté dans son ensemble.
  99. Sur le troisième moyen

  100. Ce moyen comporte également deux branches.
  101. – Sur la première branche du troisième moyen

    Arguments des parties

  102. Par la première branche de son troisième moyen, le gouvernement espagnol fait grief à la Commission d’avoir commis une erreur de droit en interprétant la notion d’aides d’État, au sens de l’article 4, sous c), CA, aussi largement que celle relative aux aides d’État au sens de l’article 87 CE. Or, le traité CECA interdirait les aides de manière automatique, sans imposer l’examen de leurs effets sur la concurrence, et ne réglementerait pas ni ne viserait les aides existantes, dès lors que toutes les aides, qu’elles soient antérieures ou postérieures à l’adhésion de l’État membre concerné aux Communautés, seraient interdites de la même manière.
  103. Dans ces conditions, il ne saurait être retenu, dans le contexte du traité CECA, une notion d’aide aussi large que celle utilisée dans le contexte du traité CE sans créer un risque de dysfonctionnement, ainsi qu’en témoignerait, en l’espèce, la position de la Commission sur l’absence de rétroactivité de la décision attaquée.
  104. La qualification des aides interdites par l’article 4, sous c), CA doit donc, selon le gouvernement espagnol, être relativement aisée et ne concerne que les interventions directes, ainsi qu’il ressortirait d’ailleurs de la description contenue à l’article 1er, paragraphe 2, du code des aides.
  105. L’article 67 CA confirmerait cette interprétation dans la mesure où il concerne précisément toute action des États membres non visée par l’interdiction édictée à l’article 4, sous c), CA, mais susceptible d’exercer une répercussion sensible sur les conditions de la concurrence dans les industries du charbon et de l’acier (arrêt du 23 février 1961, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, 30/59, Rec. p. 1, 43). Cet article 67 CA prévoit que les effets dommageables d’une telle action peuvent être compensés par l’octroi d’une aide appropriée (paragraphe 2, premier tiret), l’envoi d’une recommandation à l’État membre intéressé pour qu’il prenne les mesures qu’il estime les plus compatibles avec son propre équilibre économique (paragraphe 2, second tiret) ou encore par la voie d’autres «recommandations nécessaires» (paragraphe 3). Le gouvernement espagnol observe que, selon la Cour, lesdits articles visent deux domaines distincts, le premier abolissant et interdisant certaines interventions des États membres dans le domaine que le traité soumet à la compétence communautaire, le second tendant à parer aux atteintes à la concurrence que l’exercice des pouvoirs retenus par les États membres ne peut manquer d’entraîner (arrêt De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, précité, p. 47). Dans ces conditions, si la Commission considérait que les mesures litigieuses avaient des répercussions sensibles sur les conditions de la concurrence, elle aurait dû agir au titre de l’article 67 CA et non pas au titre de l’article 4, sous c), CA.
  106. Dans le même sens, selon les autorités basques, l’article 4, sous c), CA ne viserait que les aides instituées en faveur des entreprises sidérurgiques ou en faveur de la production de charbon et d’acier. Une subvention directe constituerait néanmoins une aide au sens de cette disposition, même lorsqu’elle est octroyée «horizontalement», c’est-à-dire aussi bien aux entreprises relevant du traité CECA (ci-après les «entreprises CECA») qu’aux autres entreprises. En revanche, une intervention autre qu’une subvention, notamment une mesure fiscale, ne saurait être constitutive d’une aide au sens dudit article que si la mesure vise spécifiquement les entreprises CECA ou la production de charbon et d’acier.
  107. Si la thèse de la Commission était suivie, toute déduction fiscale, même relevant d’un régime d’imposition horizontal applicable aux entreprises CECA comme aux autres entreprises, serait toujours prohibée au titre du traité CECA, de telle sorte que les entreprises sidérurgiques risqueraient d’être imposées plus lourdement que les autres entreprises, à l’égard desquelles la mesure fiscale en cause ne serait interdite que dans la mesure où elle affecte les échanges ou est susceptible de fausser la concurrence. Une telle interprétation, qui aurait des effets dommageables pour l’industrie sidérurgique, par rapport au sort réservé aux autres industries, serait manifestement contraire aux buts dudit traité, en particulier à ses articles 2, 3 et 67.
  108. Les autorités basques soulignent que les distorsions de concurrence qui seraient engendrées par des mesures fiscales générales, s’appliquant à toutes les industries, devraient être combattues, le cas échéant, en ayant recours à l’article 67 CA ou par une procédure en matière d’aides d’État engagée au titre du traité CE.
  109. Selon la Commission, il est de jurisprudence constante que la notion d’aide visée par le traité CECA est la même que celle utilisée dans le cadre du traité CE (voir, notamment, arrêt du 1er décembre 1998, Ecotrade, C-200/97, Rec. p. I-7907, point 35). À cet égard, l’article 1er, paragraphe 1, du code des aides viserait sans ambiguïté les «aides à la sidérurgie financées par un État membre, par des collectivités territoriales […], sous quelque forme que se soit […]», le paragraphe 2 du même article ne dressant qu’une liste indicative des éléments d’aide.
  110. En outre, la circonstance que les mesures litigieuses ont un caractère horizontal n’impliquerait pas qu’elles échappent au régime de contrôle des aides établi par le traité CECA. De même, le fait que l’article 67 CA établit une procédure destinée à permettre à la Commission de contrôler les mesures d’État susceptibles d’exercer une influence négative sur la concurrence dans les industries du charbon et de l’acier n’impliquerait pas non plus que les dispositions de ce traité en matière d’aides d’État ne sont pas applicables. De surcroît, les distorsions de concurrence visées audit article doivent être entendues, selon la Commission, comme les distorsions entre entreprises sidérurgiques uniquement.
  111. Il est possible que le gouvernement espagnol considère que le régime de contrôle des aides instauré par le traité est très strict, mais ce grief de lege ferenda ne saurait fonder un recours en annulation formé contre une décision de la Commission qui ne ferait qu’appliquer le droit positif, aussi rigoureux soit-il.
  112. Appréciation de la Cour

  113. Selon une jurisprudence constante de la Cour, la notion d’aide au sens de l’article 4, sous c), CA doit être interprétée à l’instar de ce que la Cour a jugé à propos de l’article 87 CE (voir, notamment, arrêts Ecotrade, précité, point 35, et du 20 septembre 2001, Banks, C-390/98, Rec. p. I-6117, point 33).
  114. Ainsi, la notion d’aide est plus générale que celle de subvention parce qu’elle comprend non seulement des prestations positives, telles que les subventions elles-mêmes, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d’une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques (voir, notamment, arrêts De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, précité, p. 39; du 15 mars 1994, Banco Exterior de España, C-387/92, Rec. p. I-877, point 13; Ecotrade, précité, point 34; du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke, C-143/99, Rec. p. I-8365, point 38, et du 12 décembre 2002, Belgique/Commission, précité, point 32).
  115. En outre, le terme «aide», au sens de l’article 4, sous c), CA, implique nécessairement des avantages accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État ou constituant une charge supplémentaire pour l’État ou pour les organismes désignés ou institués à cet effet (voir, notamment, arrêts du 24 janvier 1978, Van Tiggele, 82/77, Rec. p. 25, points 23 à 25; du 17 mars 1993, Sloman Neptun, C-72/91 et C-73/91, Rec. p. I-887, points 19 et 21; du 7 mai 1998, Viscido e.a., C-52/97 à C-54/97, Rec. p. I-2629, point 13; Ecotrade, précité, point 35, et du 12 décembre 2002, Commission/Belgique, précité, point 33).
  116. Il y a lieu d’ajouter que, au point 43 de son arrêt du 10 décembre 1969, Commission/France (6/69 et 11/69, Rec. p. 523), la Cour a jugé que l’article 67 CA, en prévoyant à son paragraphe 2, premier tiret, des situations permettant à la Commission d’autoriser les États membres, par dérogation à l’article 4 CA, à octroyer des aides, ne distingue pas entre les aides spécifiques au secteur du charbon et de l’acier et celles qui ne s’appliquent à celui-ci que par l’effet d’une mesure plus générale. En outre, aux points 44 et 45 du même arrêt, la Cour a jugé qu’un taux de réescompte préférentiel à l’exportation constitue une aide qui ne peut être autorisée par la Commission, dans la mesure où elle concerne le secteur couvert par le traité CECA, que dans les circonstances prévues à l’article 67, paragraphe 2, premier tiret, CA.
  117. Il ressort de ce qui précède que la Commission n’a pas interprété de manière erronée la notion d’aide d’État, au sens de l’article 4, sous c), CA, en considérant, à l’instar de ce que la Cour a jugé dans le contexte du traité CE, qu’une mesure d’aide même indirecte, telle que les mesures litigieuses, peut être qualifiée d’aide prohibée par le traité CECA.
  118. La première branche du troisième moyen doit en conséquence être rejetée comme non fondée.
  119. – Sur la seconde branche du troisième moyen

    Arguments des parties

  120. Par la seconde branche de son troisième moyen, le gouvernement espagnol fait valoir que les mesures litigieuses sont étrangères à la notion d’aide, en l’absence d’un avantage sélectif qui caractériserait toute aide d’État tant dans le cadre du traité CE que dans celui du traité CECA. En outre, la sélectivité devrait être appréciée uniquement dans le cadre interne de l’État membre considéré.
  121. Selon le gouvernement espagnol, une mesure applicable à toutes les entreprises, et non pas seulement à une catégorie de celles-ci, n’est constitutive d’une aide d’État que dans la mesure où l’administration nationale dispose d’un certain pouvoir discrétionnaire pour l’appliquer.
  122. Or, en l’occurrence, les mesures litigieuses seraient applicables à toutes les entreprises qui remplissent les conditions objectivement fixées pour en bénéficier et son application ne dépendrait pas de l’appréciation discrétionnaire des pouvoirs publics. Ces mesures seraient liées aux investissements réalisés à l’étranger et non aux exportations elles-mêmes. Il existerait de telles incitations à l’investissement dans tous les régimes fiscaux des pays occidentaux, la politique fiscale de chaque État cherchant constamment à mettre au point des instruments susceptibles d’avoir une influence sur le volume, le rythme et la nature des investissements privés.
  123. Le gouvernement espagnol fait valoir également que l’entreprise qui a été contrainte d’investir pour pouvoir exporter se trouve dans une situation différente de celle qui ne fait du commerce qu’à l’intérieur de l’État membre concerné (où elle est déjà établie et connue) ou qui exporte vers un autre État sans chercher à étendre son infrastructure. Le fait que la réglementation fiscale nationale facilite ainsi les échanges internationaux ne serait pas contraire au principe d’égalité. En outre, la position de la Commission engendrerait des dysfonctionnements graves à l’intérieur du système fiscal espagnol, les entreprises CECA soumises à la loi espagnole perdant la possibilité d’appliquer l’une des déductions fiscales auxquelles toutes les entreprises sidérurgiques peuvent prétendre.
  124. Ledit gouvernement conteste que la charge fiscale grevant les bénéfices des entreprises puisse avoir une influence décisive sur la compétitivité de celles-ci et, en particulier, sur la formation des prix. En tout état de cause, les mesures litigieuses ne sauraient être envisagées isolément, en faisant abstraction des autres éléments constitutifs de l’impôt. Ainsi, lorsqu’un État membre ne connaît pas de déduction fiscale analogue à celle prévue par la loi n° 43/1995, cela ne signifierait pas pour autant que l’imposition effective des entreprises établies dans cet État est supérieure à celle des entreprises espagnoles.
  125. Enfin, selon le gouvernement espagnol, il n’est pas possible de pallier, par l’application des règles relatives aux aides d’État, les disparités nationales qui existent dans le domaine de la fiscalité directe, étant donné que ce domaine n’est pas harmonisé au niveau communautaire.
  126. Les autorités basques et l’Unesid partagent l’analyse du gouvernement espagnol quant au caractère général et objectif des mesures litigieuses.
  127. En ce qui concerne le prétendu avantage que lesdites mesures engendreraient pour leurs bénéficiaires, les autorités basques observent, d’une part, que la déduction fiscale que ces mesures prévoient n’est pas directement liée aux exportations. D’autre part, en poussant à l’extrême le raisonnement de la Commission, toute mesure d’allégement de la charge fiscale en faveur d’entreprises entrant dans le champ d’application de l’article 4, sous c), CA serait automatiquement qualifiée d’aide et devrait dès lors être notifiée à la Commission et autorisée par celle-ci. Cela impliquerait une immixtion manifeste dans les compétences fiscales des États membres.
  128. Les autorités basques et l’Unesid ajoutent que, si les entreprises sidérurgiques étaient exclues du champ d’application de l’article 34 de la loi n° 43/1995, il en résulterait une situation d’inégalité au détriment de ces entreprises, contraire au droit communautaire ainsi qu’à la Constitution espagnole, qui consacre le principe d’égalité devant l’impôt.
  129. En ce qui concerne la comparaison faite par la Commission avec les aciéries non assujetties à l’impôt sur les sociétés espagnol, l’Unesid invoque le principe de territorialité en matière fiscale, tout en soulignant qu’il n’existe aucun avantage spécifique accordé aux entreprises en fonction de critères discriminatoires, toutes les entreprises sidérurgiques qui opèrent depuis le territoire espagnol, qu’elles soient nationales ou étrangères, relevant du champ d’application de l’article 34 de la loi n° 43/1995.
  130. En outre, selon les autorités basques, il serait beaucoup plus contestable, du point de vue communautaire, de prévoir une déduction qui ne serait applicable qu’aux seules entreprises réalisant des investissements sur le territoire national ou sur une partie de celui-ci. En réalité, les mesures litigieuses tendraient à promouvoir les échanges internationaux, ce qui serait un objectif conforme au traité CECA.
  131. La Commission reconnaît que les différences de traitement entre les entreprises ne constituent pas toutes des aides d’État. Elle fait valoir que l’examen des régimes fiscaux et de sécurité sociale ou d’autres règles affectant les coûts des entreprises permet de constater que les règles de droit qui régissent ces interventions dans chaque État membre ne se bornent pas à établir des règles uniformes, mais comprennent des dérogations au régime commun s’appliquant à certaines catégories d’entreprises.
  132. La difficulté réside, selon la Commission, dans la nécessité de distinguer, parmi ces différenciations, celles qui découlent de l’application des principes communs à des situations particulières de celles qui favorisent certaines entreprises en s’écartant de la logique interne du régime commun (voir, en ce sens, arrêts du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, Rec. p. 709, et du 17 juin 1999, Belgique/Commission, C-75/97, Rec. p. I-3671, point 39).
  133. La Commission rappelle encore qu’il est de jurisprudence constante que, en vertu du caractère objectif de la notion d’aide, celle-ci ne se définit pas en fonction des causes ou des objectifs de la mesure visée, mais en fonction de ses effets (arrêt du 2 juillet 1974, Italie/Commission, précité, point 27).
  134. À cet égard, la Commission souligne que l’objectif de la mesure nationale est un élément qui doit être examiné durant la phase d’analyse de la compatibilité de celle-ci avec le traité, qui peut éventuellement conduire à déclarer cette mesure compatible, pour autant qu’elle puisse relever de l’une des dérogations visées à l’article 87 CE ou aux articles 2 à 5 du code des aides. En revanche, un tel objectif ne saurait servir à exclure l’existence d’une aide, celle-ci étant appréciée au cours d’une étape antérieure à celle de l’analyse de la compatibilité.
  135. En l’occurrence, le gouvernement espagnol n’aurait pas précisé quel est le principe du système fiscal auquel répond le traitement préférentiel accordé aux entreprises qui investissent à l’étranger. Tout au plus, ce gouvernement reconnaîtrait-il que les diverses autorités espagnoles utilisent la politique fiscale comme un instrument pour réaliser des objectifs de politique industrielle et commerciale.
  136. La finalité déclarée de l’incitation fiscale instaurée par les mesures litigieuses ne s’expliquerait donc pas par la logique interne des régimes fiscaux en vigueur en Espagne, mais elle serait extérieure à ces régimes. Tout en étant totalement légitime, une telle finalité ne saurait avoir pour effet d’annihiler la nature d’aide d’État desdites mesures et, partant, de faire échapper celles-ci aux exigences de la réglementation communautaire.
  137. En conséquence, la Commission estime que les mesures litigieuses ne peuvent être justifiées ni par la nature ni par l’économie du système fiscal espagnol.
  138. Quant à la prétendue utilisation de l’article 87 CE comme outil d’harmonisation fiscale, la Commission constate que la requête ne contient aucun moyen à cet égard. Dans ces conditions, dès lors que l’article 42, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure interdit la production de moyens nouveaux en cours d’instance, la Commission considère que ce moyen doit être rejeté comme irrecevable.
  139. Sur le fond, la Commission soutient que la décision attaquée n’a aucun rapport avec une harmonisation fiscale.
  140. Appréciation de la Cour

  141. Ainsi qu’il a été rappelé au point 90 du présent arrêt, il ressort de l’arrêt De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, précité, que la notion d’aide est plus générale que celle de subvention parce qu’elle comprend non seulement des prestations positives, telles que les subventions elles-mêmes, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d’une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques.
  142. Il en découle qu’une mesure par laquelle les autorités publiques accordent à certaines entreprises une déduction fiscale qui place les bénéficiaires dans une situation financière plus favorable que celle des autres contribuables constitue une aide d’État au sens de l’article 4, sous c), CA (voir, par analogie, arrêt Banco Exterior de España, précité, point 14).
  143. Or, il ne saurait être contesté qu'une entreprise bénéficiant d'une déduction fiscale se trouve avantagée par rapport aux entreprises auxquelles celle-ci n’est pas octroyée.
  144. Le gouvernement espagnol conteste cependant le caractère sélectif des mesures litigieuses, lesquelles s’appliqueraient de manière automatique à toute entreprise, selon des critères objectifs n’ouvrant aucune marge d’appréciation à l’administration fiscale, notamment dans le choix des entreprises bénéficiaires.
  145. Cette argumentation ne saurait être admise.
  146. En effet, la déduction fiscale instituée par la loi n° 43/1995 ne peut profiter qu’à une catégorie d’entreprises, à savoir celles qui ont des activités d’exportation et réalisent certains investissements visés par les mesures litigieuses. Or, un tel constat suffit à établir que cette déduction fiscale remplit la condition de spécificité qui constitue l’une des caractéristiques de la notion d’aide d’État, à savoir le caractère sélectif de l’avantage en cause (voir, à propos d’un taux de réescompte préférentiel à l’exportation octroyé par un État en faveur des seuls produits nationaux exportés, arrêt Commission/France, précité, points 20 et 21; à propos du remboursement d’intérêts sur les crédits à l’exportation, arrêt du 7 juin 1988, Grèce/Commission, 57/86, Rec. p. 2855, point 8; à propos d’un régime dérogatoire en matière de faillite en faveur de grandes entreprises en difficulté ayant une position débitrice particulièrement élevée envers certaines catégories de créanciers, pour la plupart à caractère public, arrêt Ecotrade, précité, point 38).
  147. Il n’est pas nécessaire, pour établir le caractère sélectif des mesures litigieuses, que les autorités nationales compétentes disposent d’un pouvoir discrétionnaire dans l’application de la déduction fiscale en cause (voir arrêt du 17 juin 1999, Belgique/Commission, précité, point 27), même si l’existence d’un tel pouvoir peut être de nature à permettre aux pouvoirs publics de favoriser certaines entreprises ou productions au détriment d’autres et donc à établir l’existence d’une aide au sens des articles 4, sous c), CA ou 87 CE.
  148. En revanche, la nature et l’économie du système fiscal de l’État membre concerné dans lequel des mesures nationales s’insèrent pourraient, en principe, valablement justifier leur caractère dérogatoire par rapport aux règles généralement applicables. Dans ce cas, lesdites mesures, en ce qu’elles répondent à la logique du système fiscal considéré, ne rempliraient pas la condition de spécificité.
  149. Il importe de rappeler, à cet égard, que, en l’état actuel du droit communautaire, la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, même s’il est de jurisprudence constante que ces derniers doivent exercer celle-ci dans le respect de ce droit (voir, notamment, arrêt du 14 septembre 1999, Gschwind, C-391/97, Rec. p. I-5451, point 20) et, par conséquent, s’abstenir de prendre, dans ce contexte, toute mesure susceptible de constituer une aide d’État incompatible avec le marché commun.
  150. Toutefois, en l’occurrence, pour justifier les mesures litigieuses par rapport à la nature ou à l’économie du système fiscal dans lequel elles s’insèrent, il ne suffit pas d’affirmer qu’elles tendent à promouvoir les échanges internationaux. Une telle finalité constitue certes un objectif économique, mais il n’a pas été établi qu’elle correspond pas à une logique globale du système fiscal en vigueur en Espagne, tel qu’il s’applique à toutes les entreprises.
  151. En outre, il est de jurisprudence constante que les aides d’État ne sont pas caractérisées par leurs causes ou leurs objectifs, mais sont définies en fonction de leurs effets (voir, notamment, arrêt du 12 décembre 2002, Belgique/Commission, précité, point 45). Aussi, la circonstance que les mesures litigieuses poursuivraient un objectif de politique commerciale ou industrielle, tel que la promotion des échanges internationaux par le soutien des investissements à l’étranger, ne suffit-elle pas à les faire échapper d’emblée à la qualification d’«aides» au sens de l’article 4, sous c), CA.
  152. Le gouvernement espagnol et les parties intervenantes invoquent également le principe d’égalité devant l’impôt dans la mesure où l’exclusion des entreprises sidérurgiques du bénéfice de l’article 34 de la loi nº 43/1995 aurait pour effet d’entraîner une discrimination de celles-ci par rapport aux autres entreprises soumises à la législation fiscale espagnole et remplissant les conditions prévues pour l’octroi de la déduction fiscale instituée par ladite disposition.
  153. À cet égard, si les principes d’égalité devant l’impôt et de capacité contributive relèvent assurément des fondements du système fiscal espagnol, ils n’imposent pas que des contribuables placés dans des situations différentes soient traités de manière identique. Or, il suffit de constater que les entreprises sidérurgiques, en ce qu’elles sont couvertes par les dispositions spécifiques du traité CECA, ne sont pas dans la même situation que les autres entreprises.
  154. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que les mesures litigieuses présentaient un caractère sélectif.
  155. En outre, pour considérer que lesdites mesures relevaient de l'interdiction prévue à l’article 4, sous c), CA, la Commission n’était pas tenue de démontrer qu’elles avaient une incidence sur les échanges entre les États membres ou sur la concurrence, à la différence de ce qui prévaut dans le cadre du traité CE (arrêts du 21 juin 2001, Moccia Irme e.a./Commission, C-280/99 P à C-282/99 P, Rec. p. I-4717, points 32 et 33; du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C-74/00 P et C-75/00 P, Rec. p. I-7869, point 102, et du 12 décembre 2002, Belgique/Commission, précité, point 75).
  156. Il résulte de tout ce qui précède que la seconde branche du troisième moyen ne saurait être accueillie et que, partant, celui-ci doit être rejeté.
  157. Sur les moyens et arguments soulevés par les parties intervenantes

    Arguments des parties

  158. Les autorités basques soulèvent deux moyens supplémentaires à l’appui des conclusions du royaume d’Espagne.
  159. D’une part, elles font grief à la Commission d’avoir automatiquement étendu, sans la moindre argumentation spécifique, la décision attaquée aux dispositions provinciales basques, en se bornant à relever que celles-ci présentent un caractère analogue à l’article 34 de la loi nº 43/1995.
  160. À cet égard, la Commission aurait commis, à tout le moins, une erreur d’appréciation en s’abstenant d’adopter une position similaire en ce qui concerne les règles en vigueur dans la Communauté autonome de Navarre.
  161. En tout état de cause, il aurait fallu tenir compte du fait que les mesures litigieuses s’intègrent dans des systèmes fiscaux autonomes et distincts, notamment en matière d’impôts directs.
  162. D’autre part, la Commission n’aurait pas envisagé la possibilité que les mesures litigieuses ne soient que partiellement constitutives d’une aide.
  163. Elle aurait dû préciser dans quelle mesure l’article 34 de la loi n° 43/1995, tout comme l’article 43 des mesures litigieuses, était créateur d’aides et, s’agissant d’entreprises réalisant simultanément des activités sidérurgiques et non sidérurgiques, quelle était la proportion de l’aide.
  164. À supposer que les mesures litigieuses soient constitutives d’une aide, l’Unesid reproche également à la Commission de ne pas avoir mis en œuvre la procédure établie par le protocole n° 10, concernant la restructuration de la sidérurgie espagnole, de l’acte relatif aux conditions d’adhésion du royaume d’Espagne et de la République portugaise et aux adaptations des traités (JO 1985, L 302, p. 23, ci-après l’«acte d’adhésion»). En effet, les avis sollicités en application du paragraphe 7 de l’annexe dudit protocole, intitulée «Procédures et critères des aides», auraient permis de constater que plusieurs systèmes juridiques nationaux contiennent des règles analogues aux mesures litigieuses, règles qui ont été jusqu’à présent reconnues comme d’authentiques mesures générales non susceptibles d’être considérées comme des aides publiques.
  165. Par ailleurs, l’Unesid fait valoir que le fait qu’une mesure d’État entre dans le champ d’application de l’article 4, sous c), CA, sans qu’elle relève pour autant des catégories d’un code des aides préalablement adopté par les institutions communautaires, ne signifie pas qu’elle doive de ce seul fait être déclarée incompatible avec le traité CECA ni que, pour cette raison, l’État membre soit tenu de mettre fin à la mesure concernée.
  166. La Commission aurait ainsi manifestement méconnu la portée de l’article 95 CA en s’abstenant de saisir le Conseil de l’Union européenne afin d’obtenir l’avis de celui-ci sur une éventuelle approbation des mesures litigieuses à titre dérogatoire. S’il est vrai que la décision de recourir ou non à cet article relève du pouvoir discrétionnaire de la Commission, celle-ci n’en serait pas moins chargée, aux termes de l’article 8 CA, d’«assurer la réalisation des objets fixés par le présent traité dans les conditions prévues par celui-ci». Dès lors, si les circonstances révèlent qu’une aide publique donnée est justifiée en ce qu'elle s’inscrit dans le cadre de la réalisation des objectifs du traité, la Commission devrait examiner concrètement l’opportunité de faire application de l’article 95, premier alinéa, CA en motivant le choix qu’elle a effectué, conformément aux articles 5 CA et 15 CA.
  167. En l’occurrence, il serait possible d’admettre le maintien de l’article 34 de la loi nº 43/1995 pour les entreprises CECA au regard des objectifs énoncés aux articles 2 et 3, sous d) et g), CA. Or, toute analyse économique et sociale à cet égard ferait défaut dans la décision attaquée.
  168. Après avoir développé des considérations générales sur les deux types de distorsions dues, d’une part, aux disparités entre les dispositions générales des différents États membres et, d’autre part, à un traitement plus favorable réservé à certaines entreprises ou à certains groupes d’entreprises que celui qui résulte de l’application de la règle générale en vigueur dans un État membre, la Commission observe que le caractère sélectif d’une aide est indépendant du fait qu’elle découle de l’application de critères objectifs. En effet, une mesure pourrait être sélective même si les critères établis pour son application sont absolument clairs, objectifs et exclusifs de tout pouvoir discrétionnaire de l’administration dans le cadre de sa mise en oeuvre.
  169. En l’occurrence, selon la Commission, la simple lecture des mesures litigieuses suffirait pour établir leur caractère dérogatoire par rapport à la règle générale et, partant, la nature sélective de l’incitation fiscale, puisque cette dernière ne joue qu’en faveur des entreprises qui exercent des «activités d’exportation». En effet, une telle incitation ne présenterait pas un caractère général, en tant qu’elle s’appliquerait à tous les contribuables soumis à l’impôt sur les sociétés, mais elle ne concernerait que ceux qui réalisent certaines activités liées à l’exportation. Une telle incitation fiscale instituerait un avantage manifeste pour ses bénéficiaires en les plaçant dans une situation économique plus favorable que celle des autres contribuables, tels que les aciéries imposables en Espagne qui ne jouissent pas de cet avantage et les aciéries imposables dans d’autres États membres (voir point 19 des motifs de la décision attaquée).
  170. La Commission fait valoir, en premier lieu, en ce qui concerne la prétendue extension automatique de la décision attaquée aux normes régionales basques et l’omission de l’avantage fiscal de même nature applicable dans la Communauté autonome de Navarre, que lesdites normes sont clairement visées par la décision attaquée et que leur similitude avec l’article 34 de la loi n° 43/1995, qui présente les mêmes caractéristiques essentielles, permettait de procéder par renvoi, ainsi que l’a fait cette décision, pour éviter toute redondance. En outre, tout au long de la procédure préalable à l’adoption de celle-ci, les autorités espagnoles n’auraient jamais informé la Commission de l’existence d’une disposition fiscale analogue audit article 34 ainsi qu’aux mesures litigieuses et qui aurait été applicable dans la Communauté autonome de Navarre. Par conséquent, la prétendue erreur d’appréciation dénoncée par les autorités basques ne serait que la conséquence d’un manque de collaboration, voire d’une négligence, de la part des autorités espagnoles.
  171. En deuxième lieu, quant au grief tiré d’un comportement arbitraire ou de la violation du principe de proportionnalité, en raison du fait qu’elle n’aurait pas examiné la circonstance que les mesures litigieuses pouvaient n’être que partiellement constitutives d’une aide, la Commission considère que cet exercice de délimitation des effets de la décision attaquée correspond à la phase d’exécution de celle-ci, dans le cadre de laquelle les autorités espagnoles devront identifier, entreprise par entreprise, les investissements au regard desquels le bénéfice de la déduction fiscale ne serait pas conforme au traité CECA.
  172. En troisième lieu, quant à la prétendue violation de la procédure prévue par l’acte d’adhésion, ce grief serait dénué de tout fondement, le protocole nº 10 de cet acte n’ayant, conformément à l’article 52 de celui-ci, été appliqué que durant une période de trois ans à compter de la date de l’adhésion du royaume d’Espagne aux Communautés et concerné les seules aides liées aux plans de restructuration des entreprises sidérurgiques espagnoles.
  173. En dernier lieu, la Commission ne conteste pas qu’elle est habilitée, au titre de l’article 95 CA, à autoriser des aides au cas par cas, mais ce pouvoir est, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, extraordinaire et discrétionnaire. Cela signifierait que la Commission est tenue de motiver l’exercice de ce pouvoir, mais qu’elle n’a, en revanche, aucune obligation d’expliquer les raisons, et moins encore les raisons économiques, pour lesquelles elle n’a pas eu recours à cette disposition pour autoriser une aide à titre individuel.
  174. Certes, l’exercice de cette compétence est soumis au contrôle juridictionnel, mais celui-ci se limiterait à vérifier s’il y a eu violation d’une disposition du traité ou d’un acte pris pour son exécution ou si un détournement de pouvoir a été commis.
  175. En outre, les objectifs du traité auxquels l’Unesid fait référence seraient énoncés de manière incomplète par cette dernière. En effet, parmi ces objectifs, figurerait également, conformément à l’article 5, premier alinéa, troisième tiret, CA, l’établissement, le maintien et le respect de conditions normales de concurrence.
  176. Appréciation de la Cour

  177. En ce qui concerne la couverture, par la décision attaquée, des normes régionales basques, il suffit de constater que les autorités basques n’ont invoqué aucun élément de nature à démontrer que les considérations justifiant cette décision en ce qui concerne l’article 34 de la loi nº 43/1995 n’étaient pas transposables auxdites normes régionales en raison des particularités de celles-ci.
  178. Par ailleurs, la circonstance que la décision attaquée ne vise pas certaines dispositions fiscales similaires applicables dans d’autres régions d’Espagne n’est pas de nature à remettre en cause sa légalité.
  179. Quant au grief tiré de ce que la Commission n’aurait pas examiné la possibilité que les mesures litigieuses ne soient que partiellement constitutives d’aides au sens de l’article 4, sous c), CA, il manque en fait dans la mesure où il ressort clairement du point 15 des motifs de la décision attaquée que celle-ci ne concerne que l’application desdites mesures au regard des seules règles du traité et, par voie de conséquence, des entreprises CECA.
  180. Pour ce qui est du grief tiré de ce que la Commission n’aurait pas mis en œuvre la procédure établie par l’annexe du protocole nº 10 de l’acte d’adhésion, il suffit de constater, ainsi que la Commission l’a relevé à bon droit, que, conformément à l’article 52 de cet acte, ledit protocole n’est demeuré applicable que pendant une période de trois ans à compter de la date de l’adhésion du royaume d’Espagne aux Communautés et que, en tout état de cause, il ne concerne que les plans de restructuration des entreprises sidérurgiques espagnoles.
  181. Enfin, s’agissant du grief tiré d’une erreur manifeste d’appréciation quant à l’applicabilité de l’article 95, premier alinéa, CA, il y a lieu de rappeler que celui-ci permet à la Commission d’adopter, selon la procédure qu’il prévoit, des décisions autorisant, à titre dérogatoire, l’octroi d’aides qui sont nécessaires au bon fonctionnement du marché commun du charbon et de l’acier.
  182. Certaines de ces décisions autorisent l’octroi d’aides ponctuelles à des entreprises sidérurgiques désignées, d’autres habilitent la Commission à déclarer compatibles avec le marché commun certains types d’aides en faveur de toute entreprise remplissant les conditions prévues (ordonnance du 3 mai 1996, Allemagne/Commission, C-399/95 R, Rec. p. I-2441, point 20)
  183. Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, la Commission exerce ce pouvoir lorsqu’elle considère que l’aide en cause est nécessaire aux fins de la réalisation des objectifs du traité. En outre, la logique inhérente à ce système d’autorisation implique, s’agissant de l’adoption d’une décision individuelle par la Commission, que l’État membre concerné adresse à cette dernière une demande tendant à la mise en œuvre de la procédure prévue à l’article 95 CA avant que la nécessité de l’aide auregard de la réalisation des objectifs du traité ne soit examinée par la Commission (arrêt du 12 décembre 2002, Belgique/Commission, précité, points 84 et 85).
  184. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient l’Unesid, la Commission n’était nullement tenue, en l’espèce, d’engager d’office, préalablement à l’adoption de la décision attaquée, la procédure prévue à l’article 95, premier alinéa, CA en vue d’autoriser les mesures litigieuses sur le fondement de cette disposition.
  185. Il résulte de ce qui précède que les moyens et arguments soulevés par les parties intervenantes doivent être rejetés.
  186. Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

  187. Sur les dépens

  188. Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du royaume d’Espagne et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens. Conformément à l’article 69, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement, les parties intervenantes supportent leurs propres dépens.

  189. Par ces motifs,

    LA COUR (deuxième chambre)

    déclare et arrête:

    1) Le recours est rejeté.

    2) Le royaume d’Espagne est condamné aux dépens.

    3) La Diputación Foral de Álava, la Diputación Foral de Vizcaya, la Diputación Foral de Guipúzcoa, les Juntas Generales de Guipúzcoa, le Gobierno del País Vasco et l’Unión de Empresas Siderúrgicas (Unesid) supportent leurs propres dépens.

    Timmermans

    Puissochet

    Cunha Rodrigues

    Schintgen

    Colneric

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 juillet 2004.

    Le greffier

    Le président de la deuxième chambre

    R. Grass

    C. W. A. Timmermans


    1 – Langue de procédure: l'espagnol.


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