« Agriculture Organisation commune des marchés Mesures transitoires à adopter en raison de l'adhésion de nouveaux États membres Règlement (CE) n° 832/2005, établissant des mesures transitoires dans le secteur du sucre Recours en annulation Collégialité Concept de 'stock' Circonstances dans lesquelles les stocks se sont constitués Motivation Bonne administration Bonne foi Non-discrimination Droit de propriété Proportionnalité »
- L'organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (ci-après l'« OCM du sucre ») était régie à l'époque des faits ayant donné lieu à la présente affaire par le règlement (CE) n° 1260/2001 du Conseil, du 19 juin 2001, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (JO L 178, p. 1).
- Le considérant 2 dudit règlement prévoit que l'OCM du sucre vise à stabiliser le marché de ce produit afin de maintenir les garanties nécessaires en ce qui concerne l'emploi et le niveau de vie des producteurs de betteraves et de canne à sucre de la Communauté européenne. à ces fins, elle réglemente la production et l'importation du sucre et prévoit des mécanismes de stabilisation du marché visant à garantir l'écoulement de la production communautaire.
- Aux termes des articles 10 et 11 du règlement n° 1260/2001, la production communautaire de sucre repose sur l'application d'un système de quotas. Ce système comporte la fixation, pour chacune des régions de production de la Communauté, des quantités à produire, les États membres devant les répartir, sous forme de quotas de production quota A et quota B , entre les différentes entreprises productrices établies sur leur territoire. Ces quantités correspondent à une campagne de commercialisation annuelle, qui commence le 1er juillet d'une année et se termine le 30 juin de l'année suivante. Le sucre produit par une entreprise dans le cadre des quotas A et B est dénommé respectivement « sucre A » et « sucre B ». Toute quantité de sucre produite en sus des quotas A et B est dénommée « sucre C ».
- Les garanties d'écoulement prévues dans le cadre de l'OCM du sucre consistent, d'une part, dans un régime de soutien des prix, qui repose, aux termes des articles 6 à 9 du règlement n° 1260/2001, sur un système d'intervention destiné à garantir les prix et l'écoulement des produits, les prix appliqués par les organismes d'intervention étant fixés par le Conseil de l'Union européenne et, d'autre part, dans un régime de restitutions à l'exportation, prévu aux articles 27 à 30 du règlement n° 1260/2001, qui vise à permettre la commercialisation de la production communautaire sur le marché mondial si ladite commercialisation s'avère nécessaire pour stabiliser le marché communautaire du sucre en couvrant la différence entre les prix dans la Communauté et les prix sur le marché mondial.
- Le sucre A et le sucre B peuvent être commercialisés librement dans le marché commun et jouissent de ces garanties d'écoulement, le sucre B profitant d'une garantie à un prix plus bas que le sucre A. Le sucre C n'est, en revanche, éligible ni au régime de soutien des prix ni à celui des restitutions à l'exportation. Il doit, en principe, être écoulé en dehors de la Communauté pour être vendu sur le marché mondial, aux termes de l'article 13 du règlement n° 1260/2001.
- En vertu de l'article 15, paragraphe 1, sous a), b) et c), dudit règlement, avant la fin de chaque campagne de commercialisation, sont constatés, notamment, la quantité prévisible de sucre A et de sucre B produite au titre de la campagne en cours, la quantité prévisible de sucre écoulée pour la consommation à l'intérieur de la Communauté pendant la campagne en cours et l'excédent exportable en soustrayant la première de ces deux quantités de la seconde. Cet excédent exportable est, en principe, celui pour lequel les restitutions à l'exportation sont perçues.
- En vertu des articles 15 et 16 du règlement n° 1260/2001, l'OCM du sucre organise le financement intégral par les producteurs eux-mêmes des charges à l'écoulement des excédents de sucre, au moyen de cotisations à la production et de cotisations complémentaires. Ce régime d'autofinancement constitue la contrepartie des garanties d'écoulement de la production communautaire, en imposant aux producteurs la responsabilité ultime des coà»ts nécessaires pour assurer l'écoulement des quantités mises sur le marché pour une campagne donnée. Le montant des cotisations est fixé après la fin de chaque campagne en fonction d'un bilan de fonctionnement du marché communautaire établi par la Commission des Communautés européennes sur la base des données transmises par les États membres. Le paiement des restitutions à l'exportation est l'une des mesures financées par les producteurs en fonction de leur quota de production.
II Sur le traité d'adhésion et l'acte d'adhésion
- Aux termes de l'article 2, paragraphe 3, du traité entre le Royaume de Belgique, le Royaume de Danemark, la République fédérale d'Allemagne, la République hellénique, le Royaume d'Espagne, la République française, l'Irlande, la République italienne, le Grand-duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas, la République d'Autriche, la République portugaise, la République de Finlande, le Royaume de Suède, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (États membres de l'Union européenne) et la République tchèque, la République d'Estonie, la République de Chypre, la République de Lettonie, la République de Lituanie, la République de Hongrie, la République de Malte, la République de Pologne, la République de Slovénie et la République slovaque relatif à l'adhésion de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque à l'Union européenne (JO L 236, p. 17, ci-après le « traité d'adhésion »), signé à Athènes le 16 avril 2003 :
« Par dérogation au paragraphe 2, les institutions de l'Union peuvent arrêter avant l'adhésion les mesures visées à l'article 6, paragraphe 2, deuxième alinéa, à l'article [...] 41 de l'acte [relatif aux conditions d'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations aux traités sur lesquels est fondée l'Union européenne]. Ces mesures n'entrent en vigueur que sous réserve et à la date de l'entrée en vigueur du présent traité. »
- En vertu de l'article 41, premier alinéa, de l'acte relatif aux conditions d'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations aux traités sur lesquels est fondée l'Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33, ci-après l'« acte d'adhésion »), annexé au traité d'adhésion :
« Si des mesures transitoires sont nécessaires pour faciliter la transition du régime en vigueur dans [la République tchèque, la République d'Estonie, la République de Chypre, la République de Lettonie, la République de Lituanie, la République de Hongrie, la République de Malte, la République de Pologne, la République de Slovénie et la République slovaque] au régime résultant de l'application de la politique agricole commune dans les conditions indiquées dans le présent acte, ces mesures sont adoptées par la Commission selon la procédure visée à l'article 42, paragraphe 2, du règlement [...] n° 1260/2001 [...], ou, le cas échéant, aux articles correspondants des autres règlements portant organisation des marchés agricoles, ou selon la procédure de comitologie prévue par la législation applicable. Les mesures transitoires visées par le présent article peuvent être prises durant une période de trois ans à compter de la date de l'adhésion et ne doivent pas s'appliquer au-delà de cette période [...] »
- Aux termes de l'annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion :
« Tout stock de produits, qu'il soit privé ou public, en libre pratique sur le territoire des nouveaux États membres à la date d'adhésion et dépassant la quantité qui pourrait être considérée comme constituant un report normal de stocks doit être éliminé aux frais des nouveaux États membres.
Le concept de 'report normal de stocks' est défini pour chaque produit en fonction de critères et d'objectifs propres à chaque organisation commune de marché. »
Antécédents du litige
I Sur le règlement (CE) n° 60/2004
- Le 14 janvier 2004, la Commission a adopté, sur la base de l'article 2, paragraphe 3, du traité d'adhésion, ainsi que sur la base de l'article 41, premier alinéa, de l'acte d'adhésion, le règlement (CE) n° 60/2004, établissant des mesures transitoires dans le secteur du sucre en raison de l'adhésion de la République tchèque, de la République d'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie à l'Union européenne (JO L 9, p. 8).
- En substance, le règlement n° 60/2004 instaure, par dérogation transitoire aux règles communautaires applicables, un système d'élimination par la République tchèque, la République d'Estonie, la République de Chypre, la République de Lettonie, la République de Lituanie, la République de Hongrie, la République de Malte, la République de Pologne, la République de Slovénie et la République slovaque (ci-après les « nouveaux États membres ») des stocks excédentaires de sucre, d'isoglucose et de fructose existant dans lesdits États.
- Ainsi, l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 60/2004 dispose que la Commission détermine au plus tard le 31 octobre 2004, pour chaque nouvel État membre, conformément à la procédure visée à l'article 42, paragraphe 2, du règlement n° 1260/2001, la quantité de sucre en l'état ou de sucre sous forme de produits transformés, isoglucose et fructose dépassant la quantité considérée comme un stock de report normal au 1er mai 2004 (ci-après l'« excédent ») et qui doit être éliminée du marché aux frais des nouveaux États membres. L'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 60/2004 prévoit aussi la manière dont la Commission doit déterminer l'excédent. à cet égard, la Commission doit tenir compte de l'évolution observée au cours de l'année précédant l'adhésion par rapport aux années précédentes quant aux quantités importées et exportées de sucre en l'état ou de sucre sous forme de produits transformés, tels que l'isoglucose et le fructose, à la production, à la consommation et aux stocks desdits produits ainsi que des circonstances dans lesquelles ces stocks se sont constitués.
- L'article 6, paragraphe 2, du règlement n° 60/2004 dispose que chaque nouvel État membre concerné assure, sans intervention communautaire, l'élimination du marché d'une quantité de sucre ou d'isoglucose égale à l'excédent lui ayant été attribué par la Commission selon la procédure visée au paragraphe 1. L'élimination de l'excédent peut s'accomplir ou bien en l'exportant sans restitution de la part de la Communauté, ou bien en l'utilisant dans le secteur des combustibles, ou bien, enfin, en procédant à sa dénaturation sans recevoir d'aide pour l'alimentation animale, conformément aux titres III et IV du règlement (CEE) n° 100/72 de la Commission, du 14 janvier 1972, établissant les modalités d'application relatives à la dénaturation du sucre en vue de l'alimentation animale (JO L 12, p. 15). En tout état de cause, elle doit être assurée au plus tard le 30 avril 2005.
- Aux termes du paragraphe 3 du même article, pour l'application du paragraphe 2, chaque nouvel État membre doit disposer le 1er mai 2004 d'un système d'identification des stocks excédentaires, échangés ou transformés, de sucre en l'état ou de produits transformés, isoglucose et fructose, auprès des principaux opérateurs concernés. Le nouvel État membre en cause doit utiliser ce système pour contraindre les opérateurs concernés à éliminer du marché à leurs propres frais une quantité équivalente de sucre ou d'isoglucose de leur stock excédentaire. Les opérateurs concernés doivent fournir la preuve de cette élimination au plus tard le 30 avril 2005 et, dans le cas contraire, le nouvel État membre doit facturer un montant égal à la quantité en question multipliée par les taxes à l'importation les plus élevées applicables au produit concerné au cours de la période comprise entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2005, augmenté de 1,21 euro par 100 kg en équivalent de sucre blanc ou de matière sèche, montant qui est imputé à son budget national.
- L'article 6, paragraphe 4, du règlement n° 60/2004 établit que, lorsque les stocks excédentaires sont éliminés par leur exportation, les opérateurs concernés peuvent en apporter la preuve jusqu'au 31 juillet 2005.
- L'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 60/2004 dispose que, le 31 juillet 2005 au plus tard, les nouveaux États membres doivent communiquer à la Commission la preuve de l'élimination de l'excédent leur ayant été attribué selon la méthode visée à l'article 6, paragraphe 1, dudit règlement. Si cette preuve n'est pas fournie dans le délai pour tout ou partie de l'excédent en cause, le paragraphe 2 du même article prévoit que le nouvel État membre concerné doit acquitter un montant égal à la quantité non éliminée multipliée par les taxes à l'importation les plus élevées applicables au sucre blanc relevant du code NC 1701 99 10 au cours de la période comprise entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2005, montant qui sera imputé au budget communautaire le 30 novembre 2005 au plus tard et pris en compte pour le calcul des cotisations à la production pour la campagne 2004/2005.
- Le règlement n° 60/2004 est entré en vigueur le 1er mai 2004, en application de son article 9.
II Sur le règlement (CE) n° 651/2005
- Le 28 avril 2005, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 651/2005 modifiant le règlement n° 60/2004 (JO L 108, p. 3), sur la base de l'article 41, premier alinéa, de l'acte d'adhésion.
- Les modifications du règlement n° 60/2004 introduites par le règlement n° 651/2005 affectent uniquement les dates et délais de référence contenus dans ce premier règlement.
- Ainsi, les dates visées à l'article 6, paragraphe 1, premier alinéa, et à l'article 6, paragraphe 2, du règlement n° 60/2004, respectivement le 31 octobre 2004 et le 30 avril 2005, deviennent le 31 mai et le 30 novembre 2005. La date visée au paragraphe 3, deuxième et troisième alinéas, de l'article précité, le 30 avril 2005, devient le 30 novembre 2005. De même, la date citée dans la phrase introductive de l'article 6, paragraphe 4, du règlement n° 60/2004, le 31 juillet 2005, devient le 28 février 2006, et celle citée au quatrième alinéa de cette même disposition, le 1er mai 2005, devient le 30 novembre 2005. Quant à la date visée à l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 60/2004, le 31 juillet 2005, elle devient le 31 mars 2006 et la période citée au paragraphe 2, qui s'étendait du 1er mai 2004 au 30 avril 2005, s'étend désormais du 1er mai 2004 au 30 novembre 2005. Enfin, la date de versement du montant dà» au budget communautaire est également modifiée, le 30 novembre 2005 devenant le 31 décembre des années 2006 à 2009.
- Le règlement n° 651/2005 est entré en vigueur le 29 avril 2005, en application de son article 2.
III Sur le règlement attaqué
- Le 31 mai 2005, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 832/2005, relatif à la détermination des quantités excédentaires de sucre, d'isoglucose et de fructose pour la République tchèque, l'Estonie, Chypre, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, Malte, la Pologne, la Slovénie et la Slovaquie (JO L 138, p. 3, ci'après le « règlement attaqué »). L'article 1er de ce règlement fixe l'excédent qui doit être éliminé du marché communautaire par chacun des cinq nouveaux États membres pour lesquels l'existence d'un excédent a finalement été constatée, à savoir la République de Chypre, la République de Lettonie, la République de Malte, la République slovaque et, enfin, la République d'Estonie. Pour ce dernier État membre, l'excédent a été fixé à 91 464 tonnes.
Procédure et conclusions des parties
- Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 aoà»t 2005, la République d'Estonie a introduit, en vertu de l'article 230 CE, un recours visant à l'annulation du règlement attaqué.
- Par acte déposé au greffe du Tribunal le 12 décembre 2005, la République de Lettonie a demandé à intervenir dans l'affaire au soutien des conclusions de la République d'Estonie, ce qui a été accordé par ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal du 10 février 2006.
- Le 27 mars 2006, la République de Lettonie a déposé un mémoire en intervention.
- La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la première chambre, à laquelle la présente affaire a donc été attribuée.
- Le 12 février 2009, le Tribunal a posé des questions écrites à la Commission, qui a déféré à cette demande dans le délai imparti.
- Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale.
- Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience du 22 avril 2009.
- La République d'Estonie, soutenue, s'agissant de son premier chef de conclusions, par la République de Lettonie, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
annuler le règlement attaqué ;
condamner la Commission aux dépens.
- La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
rejeter le recours;
condamner la République d'Estonie aux dépens.
En droit
- La République d'Estonie fait valoir que seules 48 733 tonnes de l'excédent lui ayant été attribué par la Commission en vertu du règlement attaqué étaient détenues par des opérateurs économiques, les 42 731 tonnes restantes étant constituées de stocks détenus par les ménages estoniens pour leur consommation (ci-après les « réserves ménagères »), ainsi que cela ressort des derniers calculs de la Commission sur la base des chiffres non contestés fournis par elle.
- Dans ce contexte, la République d'Estonie fait uniquement valoir que les réserves ménagères n'auraient pas dà» être incluses dans ledit excédent et demande l'annulation du règlement attaqué dans la mesure où elles l'ont été.
- à cet égard, elle invoque huit moyens, soutenue pour certains d'entre eux par la République de Lettonie. Le premier moyen est tiré d'une violation du principe de collégialité. Le deuxième moyen est tiré d'une violation du règlement n° 60/2004. Le troisième moyen est tiré d'une violation de l'obligation de motivation. Le quatrième moyen est tiré d'une violation du principe de bonne administration. Le cinquième moyen est tiré d'une violation du principe de bonne foi. Le sixième moyen est tiré d'une violation du principe de non-discrimination. Le septième moyen est tiré d'une violation du droit de propriété. Le huitième moyen est tiré d'une violation du principe de proportionnalité.
- Par ailleurs, la République de Lettonie a soulevé un moyen additionnel dans le cadre de son mémoire en intervention tiré de la violation des droits de la défense.
- Enfin, la République d'Estonie demande au Tribunal, à titre liminaire, d'exiger que la Commission lui transmette certains documents et lui explique les différences entre ces documents et un ensemble de documents que la République d'Estonie a versé au dossier. La Commission, quant à elle, demande au Tribunal d'écarter ces derniers documents du dossier. Ces deux demandes doivent être examinées préalablement.
I Sur les demandes faites à titre liminaire par la République d'Estonie et par la Commission
A Sur la demande liminaire de la République d'Estonie
1. Arguments des parties
- La République d'Estonie relève que certains documents en sa possession qui auraient dà» être présentés à la Commission lors de sa réunion du 20 avril 2005 (ci-après l'« annexe 18 »), au cours de laquelle la Commission a habilité trois de ses membres à adopter le règlement attaqué, montrent que, pour cette dernière, la question de savoir si les réserves ménagères faisaient partie de l'excédent estonien était uniquement politique.
- Pour établir l'authenticité de l'annexe 18, la République d'Estonie aurait demandé à la Commission, le 27 juin 2005, une copie des documents présentés lors de sa réunion du 20 avril 2005. En réponse, elle aurait reçu, le 25 aoà»t 2005, certains documents parmi lesquels une communication adressée à la Commission par l'un de ses membres chargé des questions d'agriculture et de développement rural, Mme Fischer Boel (ci'après la « communication de Mme Fischer Boel »). Une version incomplète de cette communication figurerait à l'annexe 18. Or, cette dernière comporterait des éléments prouvant que la Commission ne voulait pas tenir compte de la situation particulière de la République d'Estonie, ainsi qu'un projet de règlement, faisant défaut dans les documents transmis par la Commission. Partant, la République d'Estonie demande au Tribunal d'exiger que la Commission lui transmette l'intégralité des documents lui ayant été soumis lors de sa réunion du 20 avril 2005 et lui explique les différences entre l'annexe 18 et les documents transmis le 25 aoà»t 2005 pour préserver le principe d'égalité des armes.
- La Commission répond qu'elle a déjà satisfait à cette demande. Elle précise que l'annexe 18 est un ensemble de documents préliminaires s'inscrivant dans le cadre des discussions entre ses services en vue de la réunion du 20 avril 2005, qui diffèrent des documents finalement soumis.
2. Appréciation du Tribunal
- Il importe de relever que la République d'Estonie ne conteste finalement pas que la Commission lui a fourni le 25 aoà»t 2005 tous les documents soumis au collège des membres de la Commission (ci'après le « collège ») lors de sa réunion du 20 avril 2005. Ces documents figurent, en effet, déjà dans le dossier et y ont été versés par la République d'Estonie, qui n'a pas fait valoir que d'autres documents, non communiqués par la Commission, avaient été soumis au collège lors de ladite réunion. Partant, la demande de production de documents formulée par la République d'Estonie doit être considérée comme dépourvue d'objet et il convient d'interpréter ses arguments uniquement en ce sens que, les documents lui ayant été transmis par la Commission le 25 aoà»t 2005 présentant des différences importantes par rapport à ceux qui constituent l'annexe 18 et auxquels elle avait eu accès d'une manière qu'elle n'explicite pas, elle demande au Tribunal d'ordonner à la Commission d'expliquer les raisons de ces différences.
- Or, il y a lieu de relever que la Commission a déjà fourni les éclaircissements demandés.
- En effet, la Commission a expliqué que l'annexe 18 est un ensemble de documents préliminaires, préparés en vue de sa réunion du 20 avril 2005. Elle a également expliqué que ces documents diffèrent des documents finalement soumis au collège lors de ladite réunion précisément en raison de leur caractère préliminaire.
- L'explication fournie par la Commission est compréhensible et plausible. Il est tout à fait normal que le membre de la Commission qui soumet à celle-ci des documents en vue de préparer l'adoption d'une mesure dispose de plusieurs versions desdits documents et choisisse parmi celles-ci celle qui lui semble la plus appropriée pour être soumise au collège en vue de l'adoption de la mesure en question. Il s'ensuit que l'explication fournie par la Commission rend superflue la poursuite de l'examen de la demande de la République d'Estonie.
B Sur la demande liminaire de la Commission
1. Arguments des parties
- La Commission fait valoir que l'annexe 18 est un ensemble de documents internes et préliminaires s'inscrivant dans le cadre des discussions entre ses services et demande au Tribunal de l'écarter du dossier.
- à cet égard, elle relève qu'il pourrait être porté gravement atteinte à la franchise et à la transparence dans lesquelles doit se dérouler le débat en son sein si les documents internes, préliminaires et préparatoires des délibérations du collège, étaient mis à la disposition des parties qui contestent devant les juridictions communautaires le résultat desdites délibérations, notamment en ce qu'ils font ressortir des points de vue exprimés par le service juridique, ces derniers méritant une protection particulière, et alors qu'ils ont été obtenus d'une manière irrégulière.
- Par ailleurs, le contrôle du juge communautaire s'exercerait sur l'acte final et non sur des projets ou des documents préparatoires, qui ne refléteraient que des points de vue provisoires.
- Enfin, la République d'Estonie n'aurait jamais demandé à avoir accès à l'annexe 18. Sa demande d'accès aux documents du 27 juin 2005, par ailleurs satisfaite, concernerait uniquement les documents soumis au collège lors de la réunion du 20 avril 2005 ainsi que ceux concernant la méthodologie appliquée pour la détermination des excédents.
- La République d'Estonie conteste les arguments de la Commission.
2. Appréciation du Tribunal
- Eu égard au fait que la Commission a expressément admis lors de l'audience, à la suite d'une question du Tribunal, que l'annexe 18 ne contient pas des avis de son service juridique, comme il ressort par ailleurs du dossier, il convient de considérer que sa demande d'écarter ladite annexe de celui-ci repose sur trois fondements, à savoir, premièrement, le caractère interne et préliminaire de ces documents, deuxièmement, l'obtention desdits documents par des moyens éventuellement irréguliers et, troisièmement, l'absence de pertinence de ces documents pour la présente affaire.
- S'agissant des premier et deuxième fondements, il y a lieu de relever que ni un éventuel caractère confidentiel des documents en question, ni le fait qu'ils ont pu être obtenus irrégulièrement ne s'opposent à ce qu'ils soient maintenus dans le dossier (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, Franchet et Byk/Commission, T-48/05, non encore publié au Recueil, point 74).
- En effet, d'une part, il n'existe pas de disposition prévoyant expressément l'interdiction de tenir compte de preuves illégalement obtenues (arrêt Franchet et Byk/Commission, point 51 supra, point 75).
- En outre, le Tribunal a parfois accepté de tenir compte de pièces dont il n'était pourtant pas établi qu'elles avaient été obtenues par des moyens légitimes (arrêt Franchet et Byk/Commission, point 51 supra, point 78).
- Ainsi, dans certaines situations, il n'a pas été nécessaire à la partie requérante de démontrer qu'elle avait obtenu légalement le document confidentiel invoqué au soutien de sa thèse. Le Tribunal a estimé, en procédant à une mise en balance des intérêts à protéger, qu'il convenait d'apprécier si des circonstances particulières, telles que le caractère décisif de la production du document aux fins d'assurer le contrôle de la régularité de la procédure d'adoption de l'acte attaqué (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 mars 2001, Dunnett e.a./BEI, T-192/99, Rec. p. II'813, points 33 et 34) ou d'établir l'existence d'un détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 février 1996, Lopes/Cour de justice, T-280/94, RecFP p. I'A'77 et II'239, point 59), justifiaient de ne pas procéder au retrait d'un document (arrêt Franchet et Byk/Commission, point 51 supra, point 79).
- D'autre part, la Cour n'a pas exclu que même des documents internes puissent, dans certains cas, figurer légitimement au dossier d'une affaire (ordonnances de la Cour du 19 mars 1985, Tordeur, 232/84, non publiée au Recueil, point 8, et du 15 octobre 1986, LAISA/Conseil, 31/86, non publiée au Recueil, point 5).
- Il convient de considérer que les circonstances permettant de maintenir ces documents internes dans ledit dossier sont, notamment, celles qui peuvent être prises en compte pour maintenir dans le dossier d'une affaire des documents éventuellement obtenus par des moyens non légitimes et qui sont visées au point 54 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêt Dunnett e.a./BEI, point 54 supra, point 33).
- Or, à la lumière de ce qui précède, il y a lieu de relever que le cadre spécifique du présent recours permet de considérer que les documents constituant l'annexe 18 doivent être maintenus dans le dossier. En effet, ils ont été invoqués, précisément, afin d'établir l'existence de plusieurs irrégularités de la procédure d'adoption du règlement attaqué ainsi que l'existence d'un détournement de pouvoir, ce qui justifie de ne pas procéder à leur retrait aux termes de la jurisprudence citée au point 54 ci-dessus.
- S'agissant, enfin, du troisième fondement en vertu duquel la Commission demande au Tribunal d'écarter l'annexe 18 du dossier et selon lequel les documents qui composent ladite annexe ne sont pas pertinents pour la solution du litige, il y a lieu de relever que l'absence de pertinence d'un document pour le traitement d'une affaire ne suffit pas en tant que telle à justifier son retrait du dossier.
- Par conséquent, il y a lieu de rejeter la demande liminaire de la Commission.
II Sur le premier moyen, tiré d'une violation du principe de collégialité
A Arguments des parties
- La République d'Estonie fait valoir que la Cour a jugé que le collège ne saurait se limiter à manifester sa volonté d'agir d'une certaine manière sans avoir à intervenir dans la rédaction de l'acte qui entérine ladite volonté et dans sa mise en forme définitive. Ce raisonnement s'appliquerait a fortiori en l'espèce, le règlement attaqué ayant des conséquences sérieuses pour de nombreuses personnes ainsi que pour le budget des États membres concernés. La Cour aurait aussi jugé que les actes affectant la situation juridique du destinataire doivent être examinés et adoptés par le collège. La République d'Estonie en déduit que l'article 13 du règlement intérieur de la Commission, qui autorise cette dernière à habiliter ses membres à adopter le texte définitif d'un acte dont elle a défini la substance lors de ses délibérations, doit être interprété en ce sens que toute modification du libellé d'un règlement, et notamment du dispositif de celui-ci, est interdite après la prise de décision par le collège.
- Or, le règlement attaqué aurait été adopté en violation du principe de collégialité dans la mesure où, lors de la réunion de la Commission du 20 avril 2005, premièrement, il aurait été décidé de charger Mme Fischer Boel de poursuivre des contacts avec les nouveaux États membres en vue de procéder à une vérification ultime de leurs excédents en tenant notamment compte des dernières données chiffrées disponibles ainsi que de la question de savoir dans quelle mesure les réserves ménagères devaient être incluses dans le calcul de ces excédents. Deuxièmement, il aurait été décidé de saisir le comité de gestion du sucre d'un projet de règlement fixant l'excédent de chaque nouvel État membre. Troisièmement, il aurait été décidé d'habiliter Mme Fischer Boel à adopter, en accord avec le président de la Commission et un troisième membre de cette dernière, ledit projet en cas d'absence d'avis négatif de la part du comité ou, si l'évolution de la situation le justifiait, de l'adopter elle-même par la voie de la procédure orale. Ainsi, le fait que Mme Fischer Boel ait été habilitée à adopter le règlement attaqué sans que le collège ait approuvé un projet définitif violerait le principe de collégialité.
- Même si la décision du collège était nécessaire uniquement en ce qui concerne le contenu du règlement attaqué et non son libellé exact, il serait clair que Mme Fischer Boel était chargée de décider si les réserves ménagères devaient être incluses dans les excédents. L'étendue de son pouvoir d'appréciation apparaîtrait d'ailleurs clairement lorsque les excédents déterminés définitivement dans le règlement attaqué sont comparés avec ceux déterminés initialement dans le projet du 20 avril 2005, à savoir, pour la République d'Estonie, 91 464 tonnes au lieu de 91 466 ; pour la République de Chypre, 40 213 tonnes au lieu de 40 249 ; pour la République de Lettonie, 10 589 tonnes au lieu de 20 080 ; pour la République de Malte, 2 452 tonnes au lieu de 13 210 et, enfin, pour la République slovaque, 10 225 tonnes au lieu de 17 419. Enfin, la communication de Mme Fischer Boel et le document méthodologique joint, qui serait à la base de la décision du collège et encadrerait le mandat de Mme Fischer Boel, ne contiendraient que des orientations vagues, établiraient qu'une certaine flexibilité pouvait être acceptée pour ce qui est considéré comme étant un report normal de stocks et n'expliqueraient pas quelles circonstances particulières justifiaient la réduction des excédents.
- La Commission elle-même serait consciente de cet état de fait, car elle constaterait dans son mémoire en défense, d'une part, qu'elle avait approuvé une orientation et non une décision et, d'autre part, que, le 19 mai 2005, la République d'Estonie avait encore la possibilité d'exposer des arguments supplémentaires. Enfin, une lettre de la Commission du 22 aoà»t 2005 montrerait que les excédents de chaque État membre ont seulement été arrêtés lors de la réunion d'experts du 19 mai 2005, ce que la Commission confirmerait dans son mémoire en défense. Partant, le 20 avril 2005, la Commission n'aurait pas pu adopter le règlement attaqué.
- La Commission conteste les arguments de la République d'Estonie.
B Appréciation du Tribunal
- Il importe de rappeler que le fonctionnement de la Commission est régi par le principe de collégialité (arrêt de la Cour du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C-137/92 P, Rec. p. I'2555, point 62). Ce principe a été expressément mentionné dans l'article 217, paragraphe 1, CE dans sa rédaction modifiée par le traité de Nice, en vertu duquel la Commission remplit sa mission dans le respect des orientations politiques définies par son président, qui décide de son organisation interne afin d'assurer la cohérence, l'efficacité et la collégialité de son action.
- Aux termes d'une jurisprudence établie, ledit principe découle de l'article 219 CE, en vertu duquel les délibérations de la Commission sont acquises à la majorité du nombre des membres prévu à l'article 213 CE et la Commission ne peut siéger valablement que si le nombre de membres fixé dans son règlement intérieur est présent. Il repose sur l'égalité des membres de la Commission dans la participation à la prise de décision et implique notamment que les décisions soient délibérées en commun et que tous les membres du collège soient collectivement responsables, sur le plan politique, de l'ensemble des décisions arrêtées (arrêts de la Cour du 23 septembre 1986, AKZO Chemie et AKZO Chemie UK/Commission/Commission, 5/85, Rec. p. 2585, point 30, et Commission/BASF e.a., point 65 supra, point 63).
- Néanmoins, le recours à la procédure d'habilitation pour l'adoption de mesures de gestion ou d'administration est compatible avec le principe de collégialité.
- En effet, limité à des catégories déterminées d'actes d'administration et de gestion, ce qui exclut par hypothèse les décisions de principe, un tel système d'habilitation apparaît nécessaire, compte tenu de l'augmentation considérable du nombre des actes décisionnels que la Commission est appelée à prendre, pour mettre celle-ci en mesure de remplir sa fonction (arrêt AKZO Chemie et AKZO Chemie UK/Commission, point 66 supra, point 37, et arrêt du Tribunal du 27 avril 1995, AAC e.a./Commission, T-442/93, Rec. p. II'1329, point 84).
- Il y a donc lieu d'examiner si le règlement attaqué doit être considéré comme une mesure de gestion ou d'administration ou comme une décision de principe.
- à cet égard, il importe de relever que, malgré sa nature normative, le règlement attaqué a pour seul but de déterminer les excédents de certains nouveaux États membres selon la procédure fixée à cet égard dans le règlement n° 60/2004, dont il constitue un acte d'exécution. Effectuer un tel calcul ne peut être considéré comme constituant une décision de principe.
- En effet, comme il ressort de la lecture des points 13 à 17 ci'dessus, c'est à l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 60/2004, tel que modifié par le règlement n° 651/2005, que l'excédent ainsi que la méthode que la Commission doit suivre pour le déterminer sont définis. C'est à l'article 6, paragraphe 2, du règlement n° 60/2004 qu'il est prévu que l'excédent ainsi calculé doit être éliminé selon des modalités précises, et non dans une disposition quelconque du règlement attaqué. Enfin, c'est à l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 60/2004 que les conséquences devant être supportées par les nouveaux États membres s'ils ne parviennent pas à satisfaire aux obligations imposées sont indiquées.
- Toutes les questions de principe pertinentes ont, partant, été réglées dans le cadre du règlement n° 60/2004, tel que modifié, le règlement attaqué étant subordonné à celui-ci et se limitant à réaliser un exercice comptable, même si ce dernier est d'une complexité certaine.
- Il convient d'ajouter que, lors de sa réunion du 20 avril 2005, le collège a habilité trois de ses membres à réaliser un tel exercice comptable sans leur accorder en même temps la faculté d'adopter de nouvelles décisions de principe ou de réexaminer l'opportunité d'appliquer celles contenues dans le règlement n° 60/2004, ainsi que cela ressort du procès-verbal de la 1698e réunion de la Commission du 20 avril 2005.
- En effet, pendant ladite réunion, le collège a tout d'abord approuvé la communication de Mme Fischer Boel. Or, la méthodologie annexée à cette communication et approuvée avec celle-ci par le collège, loin d'autoriser les membres habilités à adopter le règlement attaqué à s'écarter des questions de principe fixées dans le règlement n° 60/2004, encadre davantage leur marge d'appréciation dans la prise de décision. En particulier, elle développe les critères de détermination des excédents figurant dans le règlement n° 60/2004 et instaure une règle claire en fonction de laquelle les excédents résultent de la variation de la production, à laquelle il faut ajouter la variation des importations et soustraire la variation des exportations au cours de la période allant de mai 2003 à avril 2004, comparée avec le résultat de ces opérations pour la période équivalente des trois années précédentes.
- Certes, la méthodologie en question s'inscrit dans le cadre de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 60/2004, en vertu duquel la Commission doit prendre en compte les conditions dans lesquelles les stocks se sont constitués lors de la détermination desdits stocks. Ainsi, il est indiqué au point 2, paragraphe 3, sous b), troisième alinéa, de la méthodologie annexée à la communication de Mme Fischer Boel qu'une certaine flexibilité peut être acceptée s'agissant de ce qui doit être considéré comme un stock normal de report. Néanmoins, cette mention n'autorise nullement les membres de la Commission habilités à calculer les excédents de certains États membres d'une manière différente de celle prévue par le règlement n° 60/2004. Ils sont uniquement autorisés à évaluer les données comptables fournies par lesdits États avec une certaine souplesse, permettant d'apprécier les stocks existants dans leur contexte pour exclure du calcul des excédents des stocks dont la présence peut être expliquée par des raisons non liées à la spéculation relative à l'adhésion de ces États à l'Union européenne et ne provoquant pas de risques de perturbation sur le marché.
- La communication de Mme Fischer Boel donne, en outre, une réponse élaborée aux arguments que la République d'Estonie avait fait valoir pour démontrer que les réserves ménagères avaient été constituées dans des circonstances méritant une réévaluation des quantités concernées au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 60/2004. S'il est vrai que les membres de la Commission habilités pouvaient, aux termes de leur habilitation, entretenir des contacts ultérieurs avec les nouveaux États membres en vue de revoir leurs arguments à cet égard, il n'en reste pas moins que, ladite communication ayant été clairement approuvée par le collège, les membres en question ne pouvaient pas s'écarter de l'orientation qui y avait été définie et, par conséquent, ne pouvaient exclure les réserves ménagères du calcul des excédents que sur la base d'éléments non abordés dans ladite communication, ce qu'ils n'ont pas fait.
- Par ailleurs, s'il est vrai que les membres de la Commission habilités pouvaient, aux termes de leur habilitation, entretenir des contacts ultérieurs avec les nouveaux États membres en vue de revoir leurs arguments à cet égard, il n'en reste pas moins que le collège s'était réservé la possibilité d'adopter lui-même la décision finale si la situation l'exigeait, ce qui ne peut être interprété que comme visant la situation dans laquelle une approche divergente de celle exposée dans la communication de Mme Fischer Boel devait être suivie. En tout état de cause, ce changement d'approche n'a pas eu lieu.
- Enfin, il y a lieu de souligner, en tout état de cause, que la Commission doit, dans le respect du principe de collégialité, se voir reconnaître le pouvoir de confier à certains de ses membres la tâche de réaliser un exercice comptable, si complexe soit-il, en vue de déterminer les quantités d'un produit agricole donné existant sur le territoire de certains États membres, sous peine de porter sérieusement atteinte à sa capacité à gérer de façon efficace la politique agricole commune, domaine nécessitant une gestion simultanée et rapide des informations relatives aux productions, aux réserves et à d'autres variables résultant d'exercices de calcul tels que ceux effectués dans le cadre du règlement attaqué.
- Il s'ensuit que le présent moyen doit être rejeté.
III Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation du règlement n° 60/2004
- La République d'Estonie fait valoir que le règlement attaqué a été adopté en violation du règlement n° 60/2004. à cet égard, elle invoque deux arguments qui peuvent être présentés sous la forme de deux branches séparées. Premièrement, elle relève que le règlement n° 60/2004 ne permet pas l'inclusion des réserves ménagères dans le calcul des excédents. Deuxièmement, elle relève que la Commission n'a pas tenu compte des circonstances particulières la caractérisant lors de la détermination de son excédent, en violation de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 60/2004.
- Cependant, à titre liminaire, les parties s'opposent sur le caractère contraignant du règlement n° 60/2004 par rapport au règlement attaqué. Le caractère opérant du présent moyen dépendant de cette question, elle doit être traitée avant d'examiner les deux branches visées au point précédent.
A Sur le caractère contraignant du règlement n° 60/2004 par rapport au règlement attaqué
1. Arguments des parties
- La République d'Estonie fait valoir que le règlement n° 60/2004 étant la base légale du règlement attaqué, la violation du premier devrait entraîner l'annulation du second, même s'ils ont été adoptés par la même institution (arrêts de la Cour du 10 mars 1971, Deutsche Tradax, 38/70, Rec. p. 145, et du 29 mars 1979, ISO/Conseil 118/77, Rec. p. 1277), sans qu'il soit important à cet égard qu'ils l'aient été selon la même procédure.
- La Commission admet que le règlement attaqué est fondé sur le règlement n° 60/2004, mais elle estime qu'il peut légalement déroger aux dispositions de ce dernier, car ces deux règlements ont été adoptés par la même institution selon la même procédure, à la différence des actes qui ont donné lieu à la jurisprudence invoquée par la République d'Estonie. Enfin, il pourrait même être considéré que le règlement attaqué applique directement l'acte d'adhésion, même s'il est fondé sur l'article 6 du règlement n° 60/2004, puisque le choix de cette base juridique n'a pas eu d'influence sur la procédure applicable [arrêt de la Cour du 10 décembre 2002, British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, C-491/01, Rec. p. I'11453, points 93 à 98].
2. Appréciation du Tribunal
- Il y a lieu de relever que, en adoptant le règlement attaqué, la Commission n'a pas réalisé un exercice théorique de comptabilité, mais a mis en œvre l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 60/2004 au titre duquel elle devait déterminer l'excédent de chaque nouvel État membre. Ce règlement prévoit également les modalités d'élimination des quantités ainsi déterminées et les conséquences pour les nouveaux États membres de leur non-élimination, et ce uniquement dans la mesure où ces quantités ont été fixées conformément à ses dispositions. Le règlement n° 60/2004 est, enfin, visé parmi les bases juridiques du règlement attaqué ainsi que dans les considérants 1 à 3 de ce dernier. Dans ces circonstances, il convient de conclure que celui-ci constitue un acte d'exécution du règlement n° 60/2004. Or, comme la République d'Estonie le fait valoir, la Cour a conclu, dans l'arrêt Deutsche Tradax, point 82 supra (point 10), qu'il ne saurait être admis qu'un règlement d'application adopté en vertu d'une habilitation contenue dans une disposition du règlement de base dont il est dérivé puisse déroger aux dispositions de ce règlement.
- Certes, ainsi que la Commission le relève, dans ledit arrêt, la Cour s'est prononcée sur deux règlements adoptés par le Conseil selon des procédures différentes, le premier après et le second sans consultation de l'Assemblée des Communautés européennes. Néanmoins, la règle dégagée dans cet arrêt est tout à fait applicable en l'espèce.
- En effet, premièrement, il y a lieu de souligner que la Cour ne s'est nullement référée à l'existence des deux procédures d'adoption pour parvenir à la conclusion susvisée.
- Deuxièmement, ladite conclusion a été reprise par la suite dans la jurisprudence sans que la juridiction saisie se soit interrogée sur la différence ou l'identité des procédures d'adoption des actes mis en cause devant elle (voir, en ce sens, arrêt ISO/Conseil, point 82 supra, point 46, et arrêt de la Cour du 2 mars 1999, Espagne/Commission, C-179/97, Rec. p. I'1251, point 20 ; arrêt du Tribunal du 30 juin 1993, Devillez e.a./Parlement, T-46/90, Rec. p. II-699, point 25).
- Troisièmement, la Cour a déjà annulé un règlement adopté par l'institution ayant adopté le règlement de base pour des motifs allant à l'encontre de la thèse avancée par la Commission.
- En effet, dans l'arrêt ISO/Conseil, point 82 supra, la Cour a annulé un règlement du Conseil imposant un droit antidumping définitif sur certains produits importés du Japon, notamment en rejetant un argument du Conseil selon lequel le règlement en cause était une mesure sui generis, fondée directement sur l'article 113 du traité CE (devenu, après modification, article 133 CE), et non sujette aux dispositions de son règlement de base, à savoir le règlement (CEE) n° 459/68 du Conseil, du 5 avril 1968, relatif à la défense contre les pratiques de dumping, primes ou subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 103, p. 38). La Cour a constaté qu'un tel argument méconnaissait le fait que toute la procédure ayant débouché sur l'adoption du règlement antidumping concerné s'était déroulée selon les formes prévues par le règlement de base précité et elle en a conclu que le Conseil, après avoir adopté un règlement général afin de mettre en œvre l'un des objectifs de l'article 113 du traité CE, ne saurait déroger aux règles ainsi établies dans l'application de celles-ci à des cas particuliers (point 46 de l'arrêt).
- Or, la procédure prévue à l'article 113 du traité CE pour l'adoption des mesures de défense commerciale, dont celles à prendre en cas de dumping, est celle visée au paragraphe 4 de ladite disposition, en vertu duquel le Conseil statue à la majorité qualifiée. En outre, il découle d'une lecture combinée du paragraphe 1 et du paragraphe 2, sous a), de l'article 17 du règlement n° 459/68 que, lorsqu'il ressort de la constatation définitive des faits et de l'enquête menée conformément aux autres dispositions dudit règlement qu'il y a dumping et préjudice, et lorsque les intérêts de la Communauté nécessitent une action communautaire, la Commission soumet une proposition au Conseil après avoir entendu les avis exprimés au sein du comité pertinent, et le règlement antidumping en cause est, le cas échéant, adopté par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée.
- Il s'ensuit que le Conseil avait adopté le règlement antidumping en question en statuant à la majorité qualifiée, même si ledit règlement avait été précédé d'autres actes procéduraux, tout comme il aurait dà» le faire pour modifier le règlement n° 459/68, ce qui exclut le bien-fondé de la thèse de la Commission.
- Cette conclusion ne saurait être infirmée par le fait que, dans l'arrêt ISO/Conseil, point 82 supra, la Cour est parvenue à la conclusion que le Conseil avait méconnu dans un cas particulier l'application des règles générales, et cela même s'il pouvait être considéré que le règlement attaqué n'applique pas les règles générales contenues dans le règlement n° 60/2004 en ce qui concerne un cas particulier, mais en ce qui concerne toutes les situations auxquelles ces règles ont vocation à s'appliquer.
- En effet, dans l'arrêt ISO/Conseil, point 82 supra, la Cour a établi que le Conseil, après avoir adopté un règlement général afin de mettre en oeuvre l'un des objectifs de l'article 113 du traité CE, ne saurait déroger aux règles ainsi établies dans l'application de celles-ci à des cas particuliers pour deux motifs. Ces motifs sont que permettre une telle dérogation, premièrement, perturberait le système législatif de la Communauté et, deuxièmement, romprait l'égalité des justiciables devant la loi. Or, si le second motif suppose que le règlement d'exécution puisse être appliqué dans le temps à de nombreux destinataires, cela n'est pas le cas en ce qui concerne le premier motif, qui peut être tout à fait opposé dans le cadre de la présente affaire.
- Il y a lieu de relever, en tout état de cause, que, même si la thèse de la Commission était exacte et que la notion de « stocks » visée au règlement n° 60/2004 pouvait être modifiée lors de l'adoption du règlement attaqué, la Commission aurait dà» motiver les raisons pour lesquelles il était nécessaire de procéder à une telle modification. Cependant, la Commission n'a même pas tenté de faire valoir qu'elle avait fourni une telle motivation, alors même qu'elle se réfère à plusieurs reprises au fait que, par le règlement attaqué, elle entend appliquer le règlement n° 60/2004.
- En outre, il convient d'écarter comme non fondée la thèse de la Commission selon laquelle il pourrait être considéré que le règlement attaqué applique directement l'acte d'adhésion. La Commission elle'même reconnaît que ledit règlement est explicitement fondé sur l'article 6 du règlement n° 60/2004, comme le montre le fait que cette disposition figure dans les visas du règlement attaqué. La Commission ayant fait le choix de la base juridique qu'elle a jugée la plus appropriée en l'espèce, c'est-à -dire l'article 6 du règlement n° 60/2004, c'est aussi et notamment au regard de cette disposition qu'il y a lieu d'examiner la légalité du règlement attaqué (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 15 avril 2008, SIDE/Commission, T-348/04, Rec. p. II'625, point 69).
- Enfin, il y a lieu de relever que l'arrêt British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, point 83 supra, invoqué par la Commission à l'appui de sa thèse, ne conforte pas celle-ci. En effet, ledit arrêt concerne un acte qui avait été adopté sur le fondement de deux bases juridiques. La Cour a uniquement conclu que, malgré le fait que l'une de ces deux bases juridiques était incorrecte, l'autre base juridique visée permettait d'adopter l'acte en cause, motif pour lequel elle a considéré que ledit acte était valide. Or, ce raisonnement n'est pas applicable en l'espèce.
- Il convient donc de conclure que la légalité du règlement attaqué dépend notamment du respect par ce dernier des dispositions du règlement n° 60/2004, sur la base duquel il a été adopté. C'est à la lumière de cette conclusion qu'il convient d'analyser les deux branches constituant le présent moyen.
B Sur la première branche
- La République d'Estonie fait valoir que l'article 6 du règlement n° 60/2004 prévoit uniquement l'obligation d'éliminer l'excédent calculé à partir du sucre détenu par les opérateurs commerciaux et non des réserves ménagères. Pour étayer cette thèse, que la Commission conteste, la République d'Estonie scinde la première branche de son deuxième moyen en cinq subdivisions qu'il convient d'examiner séparément.
1. En ce qui concerne la signification du terme « stock »
a) Arguments des parties
- La République d'Estonie relève que le libellé de l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 60/2004 exclut les réserves ménagères du calcul de l'excédent.
- En effet, la définition même du terme « stock », à savoir « provision ou réserve accumulée ; spécialement : produits alimentaires détenus dans l'entrepôt d'un vendeur ou d'un fabricant », renverrait uniquement aux quantités détenues par les opérateurs. De même, la « Concepts and Definitions Database » (base de données des notions et définitions) d'Eurostat (Office statistique des Communautés européennes) ne comprendrait pas les commerces de détail et les ménages.
- Par ailleurs, l'utilisation du terme « stock » dans les règlements concernant l'OCM du sucre exclurait les réserves ménagères, comme le montreraient l'article 1er, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1998/78 de la Commission, du 18 aoà»t 1978, établissant les modalités d'application du système de compensation des frais de stockage dans le secteur du sucre (JO L 231, p. 5), l'article 1er du règlement (CEE) n° 189/77 de la Commission, du 28 janvier 1977, portant modalités d'application du régime de stock minimal dans le secteur du sucre (JO L 25, p. 27), les articles 8 et 12 du règlement (CE) n° 2038/1999 du Conseil, du 13 septembre 1999, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (JO L 252, p. 1), ainsi que l'annexe III, point IX, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1260/2001 ou l'article 10, paragraphe 4, de ce dernier règlement. Cette définition ressortirait même du point 7 du document de travail de la Commission du 16 février 2006 intitulé « Forecast balance sheet-2006/2007 of the Sugar Management Committee » (Bilan prévisionnel 2006/2007 du comité de gestion du sucre).
- Or, conformément au principe de l'interprétation systématique, un même terme devrait être interprété, sauf indication contraire, de la même manière et, en tout état de cause, l'annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion disposerait que la détermination du report normal de stocks doit être effectuée selon des critères propres à chaque organisation commune de marché.
- Il y aurait aussi lieu de souligner qu'une notion déterminée peut, dans l'espace juridique communautaire, avoir une signification particulière (arrêt de la Cour du 6 octobre 1982, Cilfit e.a., 283/81, Rec. p. 3415, point 19) et que, dans un même domaine juridique, la Cour interprète de manière identique une notion figurant dans différentes dispositions (arrêt de la Cour du 23 mars 1982, Levin, 53/81, Rec. p. 1035, points 6 et suivants).
- Enfin, la République d'Estonie estime qu'une interprétation contraire à sa thèse impliquerait que le terme « stock » puisse englober le sucre, qui, normalement, relève de la notion de « consommation », c'est-à -dire le sucre vendu aux ménages pour leur usage. Cependant l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 60/2004 contiendrait dans le même paragraphe les termes « consommation » et « stocks » et il serait peu vraisemblable que la Commission ait utilisé ces deux termes si le second incluait le premier, car cela rendrait la notion de « consommation », qui, en tout cas, serait synonyme d'achat et non d'ingestion du sucre par le consommateur, superflue.
- La Commission conteste les arguments de la République d'Estonie.
b) Appréciation du Tribunal
- Il importe de souligner, à titre liminaire, que le principe de l'élimination des excédents que le règlement n° 60/2004 entend mettre en pratique est établi par une norme de droit primaire, à savoir l'annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion, auquel le considérant 7 dudit règlement renvoie, et dans laquelle le terme « stock » occupe une position centrale. Il convient donc de considérer que le concept de « stock », visé au règlement n° 60/2004, découle de celui visé à l'annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion.
- La République d'Estonie estime que le terme « stock », ainsi circonscrit, doit faire l'objet d'une interprétation étroite, restreinte aux réserves constituées par les opérateurs commerciaux, tandis que la Commission préconise une interprétation large qui inclut également les réserves ménagères.
- Cependant, ni la Commission ni la République d'Estonie ne sont en mesure de s'appuyer sur un quelconque document de nature à démontrer que l'intention des auteurs de l'acte d'adhésion ou celle de la Commission lors de la rédaction du règlement n° 60/2004 était de doter le terme « stock » de la signification qu'elles invoquent.
- à défaut de travaux préparatoires exprimant clairement l'intention des auteurs d'une disposition, le juge communautaire ne peut se fonder que sur la portée du texte tel qu'il a été établi et lui donner le sens qui ressort de son interprétation littérale et logique (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 1er juin 1961, Simon/Cour de justice, 15/60, Rec. p. 223, 244). Il convient, partant, d'examiner le sens habituellement reconnu audit terme afin de déterminer s'il correspond à celui proposé par la Commission ou à celui proposé par la République d'Estonie.
- Or, dans le cadre de l'interprétation littérale d'une disposition, il convient de tenir compte du fait que les textes de droit communautaire sont rédigés en plusieurs langues et que les diverses versions linguistiques font également foi. L'interprétation d'une disposition de droit communautaire implique ainsi une comparaison des versions linguistiques (arrêt Cilfit e.a., point 103 supra, point 18, et arrêt du Tribunal du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, T-22/02 et T-23/02, Rec. p. II'4065, point 42).
- à cet égard, il importe de relever que le terme « stock » n'a pas une signification univoque dans les différentes versions linguistiques des actes juridiques en cause.
- Ainsi, le terme « stock » a été utilisé dans les versions française et anglaise de l'acte d'adhésion et du règlement n° 60/2004. Dans les versions espagnole, italienne, polonaise et estonienne, les termes utilisés ont été, respectivement, « existencias », « scorta », « zapas » et « varu ».
- Un examen de la signification habituelle de chacun de ces termes révèle que, en italien, en polonais et en estonien, le mot « stock » peut être utilisé indistinctement pour les réserves constituées par les opérateurs commerciaux ainsi que pour celles constituées par les ménages. En anglais, en français et en espagnol, ledit terme relève plutôt du langage commercial, mais peut également se rapporter aux réserves constituées par les ménages.
- Partant, si tant la thèse de la Commission que celle de la République d'Estonie trouvent un certain appui dans l'analyse des différentes versions linguistiques de l'acte d'adhésion et du règlement n° 60/2004, celle de la Commission s'avère plus plausible.
- En outre, il convient de relever que, pour l'interprétation d'une disposition de droit communautaire, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt de la Cour du 17 novembre 1983, Merck, 292/82, Rec. p. 3781, point 12), ainsi que de l'ensemble des dispositions du droit communautaire (arrêts Cilfit e.a., point 103 supra, point 20, et Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, point 110 supra, point 47).
- En particulier, il y a lieu de rappeler que, même lorsque les diverses versions linguistiques comportent des éléments qui semblent étayer une interprétation donnée, dans la mesure où un texte, lu dans son ensemble, reste ambigu, il y a lieu d'examiner la fonction des mots litigieux à la lumière des finalités de la réglementation en cause (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 juin 1980, Roudolff, 803/79, Rec. p. 2015, point 7).
- Partant, l'utilisation du terme « stock » n'étant pas dépourvue d'une certaine ambiguïté, il convient de l'interpréter en fonction de la finalité du règlement n° 60/2004, qui ne peut être, en ce qui concerne l'élimination des excédents, que concordante avec celle de l'annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion.
- S'agissant de l'annexe IV, point 4, paragraphe 2, dudit acte, il y a lieu de souligner que, dans son arrêt du 15 janvier 2002, Weidacher (C-179/00, Rec. p. I'501), la Cour s'est prononcée sur l'obligation pesant sur la République d'Autriche, la République de Finlande et le Royaume de Suède (ci'après les « nouveaux États membres de 1995 »), lors de l'adhésion desdits États à l'Union européenne en 1995 (ci-après l' « adhésion de 1995 »), d'éliminer à leur charge les stocks de produits agricoles se trouvant en libre pratique sur leur territoire et dépassant en quantité celle qui pouvait être considérée comme représentant un stock normal de report au titre de l'article 145, paragraphe 2, de l'acte relatif aux conditions d'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne (JO 1994, C 241, p. 9), tel que modifié (ci'après l'« acte d'adhésion de 1994 »), dont le libellé est très proche de celui de l'annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion. La Cour a ainsi conclu que les auteurs de l'acte d'adhésion de 1994 avaient considéré que l'existence au 1er janvier 1995 dans les nouveaux États membres de 1995 de stocks anormaux de produits couverts par une organisation commune des marchés agricoles constituait une source de perturbation du bon fonctionnement des mécanismes prévus par cette organisation, notamment en raison de son incidence sur la formation des prix (points 20 et 21 de l'arrêt).
- Il s'ensuit que le but de l'annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion est notamment, en ce qui concerne le sucre, d'éviter toutes perturbations du bon fonctionnement des mécanismes prévus par l'OCM du sucre et, en particulier, celles ayant une incidence sur la formation des prix et provoquées par l'accumulation de quantités de sucre anormales dans les nouveaux États membres avant leur adhésion à l'Union européenne.
- Il convient donc d'examiner si, comme la Commission le fait valoir, l'accumulation d'importantes réserves ménagères dans les nouveaux États membres avant l'adhésion est une source potentielle de perturbation des mécanismes de l'OCM du sucre.
- à cet égard, il y a lieu de rappeler que l'OCM du sucre repose en substance, comme il découle de ce qui a été exposé aux points 1 à 6 ci-dessus, sur un système d'attribution de quotas à chaque État membre, quotas que celui-ci doit, à son tour, répartir entre les producteurs situés sur son territoire.
- Ces quotas sont notamment calculés en fonction de la prévision de la demande intérieure, qui est un chiffre résultant de l'addition des consommations prévisibles de chaque État membre en fonction de données historiques. Or, l'existence de réserves ménagères anormalement élevées dans un ou plusieurs desdits États serait de nature à entraîner un important décalage entre lesdits quotas et la quantité finalement consommée. En effet, les ménages de ces États membres substitueraient dans leur consommation habituelle les quantités mises en réserve aux quantités que, autrement, ils achèteraient au prix du marché communautaire et qui relèveraient des quantités dont la production a été autorisée par la Commission sous la forme de quotas A et B, dont le prix est garanti dans le cadre de l'OCM du sucre.
- La seule façon de garantir le prix d'intervention auxdites quantités non achetées sur le marché serait de déclencher les mécanismes communautaires d'intervention, par l'achat desdites quantités au prix garanti ou par leur exportation à l'aide des mécanismes de restitution de l'exportation.
- S'agissant de l'achat au prix garanti, il y a lieu de relever que, en vertu de l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1260/2001, durant toute la campagne de commercialisation, l'organisme d'intervention désigné par chaque État membre producteur de sucre a, selon des conditions à déterminer conformément au paragraphe 5 dudit article, l'obligation d'acheter le sucre blanc et le sucre brut produits sous quota, fabriqués à partir de betteraves ou de cannes à sucre récoltées dans la Communauté qui lui sont offerts, pour autant qu'il y ait, au préalable, conclusion d'un contrat de stockage entre l'offrant et ledit organisme pour le sucre en cause.
- Il est rappelé au considérant 36 du règlement n° 1260/2001 que les dépenses assumées par les États membres par suite des obligations découlant de l'application dudit règlement incombent à la Communauté, conformément à l'article 2 du règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), applicable jusqu'à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2007, du règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 209, p. 1), et, partant, aux faits de l'espèce. En vertu notamment de ladite disposition, les interventions destinées à la régularisation des marchés agricoles dans le cadre de l'organisation commune des marchés agricoles sont financées au titre de la section « Garantie » du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA). Partant, l'achat de quantités de sucre par les organismes d'intervention porte un préjudice certain au budget communautaire.
- S'agissant de l'exportation à l'aide des restitutions applicables, la lecture de l'article 15, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 1260/2001 permet de conclure, comme il a été relevé au point 6 ci'dessus, que la différence entre la quantité prévisible de sucre A et de sucre B produite au titre de la campagne en cours et la quantité prévisible de sucre écoulée pour la consommation à l'intérieur de la Communauté pendant ladite campagne est, en principe, exportée avant la fin de la campagne en question.
- Il s'ensuit que toute quantité de sucre produite sous les quotas A et B et non commercialisée en raison de l'existence d'excédents non éliminés dans les nouveaux États membres doit être, en principe, exportée en dehors de la Communauté. Les opérateurs effectuant une telle exportation pourraient avoir recours aux restitutions à l'exportation visées aux articles 27 à 30 du règlement n° 1260/2001, qui sont à la charge des producteurs en vertu des articles 15 et 16 dudit règlement. En effet, lesdits producteurs doivent supporter les pertes générées par l'exportation, au moyen des cotisations à la production, conformément à l'article 15, paragraphes 3 à 5, du règlement n° 1260/2001 et, si ces dernières n'étaient pas suffisantes à cet égard, au moyen d'une cotisation complémentaire, conformément à l'article 16 dudit règlement.
- Le préjudice économique ainsi subi par les producteurs est, par ailleurs, contraire à l'un des objectifs de l'OCM du sucre, car, aux termes du considérant 2 du règlement n° 1260/2001, les mesures propres à stabiliser le marché du sucre visent, notamment, à assurer aux producteurs de betteraves et de cannes à sucre de la Communauté le maintien des garanties nécessaires en ce qui concerne leur emploi et leur niveau de vie, le prix d'intervention devant être fixé à un niveau leur assurant une rémunération équitable, tout en respectant les intérêts des consommateurs.
- Il ressort de ce qui précède que l'éventuelle substitution, après l'adhésion des nouveaux États membres à l'Union européenne, des réserves ménagères dans les États membres où elles existent aux quantités qui auraient été achetées par les ménages sur le marché communautaire aurait des effets préjudiciables pour la stabilité et le financement de l'OCM du sucre et en constituerait une perturbation importante.
- La gravité de ladite perturbation ne doit pas être sous-estimée. En effet, si les réserves ménagères devaient être exclues de la notion de « stock », au sens du règlement n° 60/2004, les ressortissants des nouveaux États membres dont le prix du sucre est nettement inférieur au prix communautaire auraient intérêt à constituer les réserves les plus grandes possibles afin de retarder les conséquences, au niveau des prix, de l'application de l'OCM du sucre dans leur État de résidence. Dans la mesure où, dans la totalité des nouveaux États membres, le prix du sucre était inférieur ou très inférieur au prix communautaire, l'interprétation proposée par la République d'Estonie aboutirait à créer un environnement propice à la constitution massive de réserves ménagères, ce qui entraînerait une réduction très importante, voire une disparition dans certains cas, de la consommation de sucre dans lesdits États au cours de la période immédiatement postérieure à l'adhésion de ces derniers à l'Union européenne.
- Il importe de relever à cet égard que le décalage entre les quotas autorisés et la consommation communautaire consécutive à l'adhésion ne saurait être évité par la limitation des quotas attribués aux producteurs communautaires pour prendre en compte la consommation anormalement réduite à laquelle il serait possible de s'attendre de la part d'États membres ayant constitué ou pouvant constituer d'importantes réserves ménagères.
- En effet, les quotas de production sont déterminés, dans la logique du règlement n° 1260/2001, une seule fois pour toute la période d'application dudit règlement, en vertu de son article 11, paragraphe 2, et cela à la date d'adoption dudit règlement, c'est-à -dire bien avant l'adhésion. En conséquence, le seul moyen d'adapter la production communautaire à la demande prévisible, les quotas pour les anciens États membres ayant déjà été attribués, serait d'accorder aux nouveaux États membres des quotas plus réduits que ceux qui leur auraient été attribués si la consommation desdits États, au cours de la période immédiatement postérieure à l'adhésion, pouvait être qualifiée de normale par rapport aux campagnes de commercialisation récentes.
- Or, les quotas de production attribués aux nouveaux États membres ont été fixés dans l'annexe II, point 32, sous c) et d), de l'acte d'adhésion et, partant, à une date à laquelle il n'était pas encore possible de connaître la taille des réserves ménagères constituées dans les nouveaux États membres, car celles'ci pouvaient être constituées jusqu'à la date de l'adhésion de ces derniers à l'Union européenne.
- Par ailleurs, calculer les quotas communautaires en fonction d'une demande anormalement réduite ne ferait, en substance, que retarder la pleine application de l'OCM du sucre dans les nouveaux États membres au détriment des producteurs dont l'OCM du sucre entend préserver, selon les termes clairs du considérant 2 du règlement n° 1260/2001, leur emploi et leur niveau de vie. Or, il ressort des articles 2 et 10 de l'acte d'adhésion que ce dernier est fondé sur le principe de l'application immédiate et intégrale des dispositions du droit communautaire aux nouveaux États membres, des dérogations n'étant admises que dans la mesure où elles sont prévues expressément par les dispositions transitoires (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 9 décembre 1982, Metallurgiki Halyps/Commission, 258/81, Rec. p. 4261, point 8, et du 3 décembre 1998, KappAhl, C-233/97, Rec. p. I'8069, point 15).
- Enfin, il convient de souligner, à titre surabondant, que, dans les documents envoyés par la République d'Estonie à la Commission en anglais au cours de la période précédant l'adoption du règlement attaqué, la République d'Estonie elle-même s'est référée à plusieurs reprises aux réserves ménagères en tant que « stock ».
- Il convient donc de conclure que le terme « stock », au sens du règlement n° 60/2004 et de l'annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion, ne doit pas être interprété, contrairement à ce que la République d'Estonie fait valoir, comme excluant par principe les réserves ménagères.
- Cette conclusion ne saurait être infirmée par aucune des affirmations de la République d'Estonie.
- En effet, concernant, premièrement, l'affirmation selon laquelle la Cour interprète de manière identique une notion figurant dans différentes dispositions relevant d'un même domaine juridique et les règlements relatifs à l'OCM du sucre ne permettent pas de considérer que les réserves ménagères font partie des stocks, il importe de relever, sans qu'il soit besoin d'analyser si, dans lesdits règlements, le terme « stock » est toujours utilisé à propos des réserves constituées par les opérateurs commerciaux, que l'interprétation d'un terme figurant dans une disposition de façon conforme à la manière dont il a été utilisé dans les normes relevant du même domaine juridique ne peut aboutir à lui accorder une signification ne correspondant pas à l'objet de la disposition dans laquelle il figure, sous peine de priver celle-ci d'une partie de son effet utile.
- Par ailleurs, les juridictions communautaires n'ont jamais statué sur la question de savoir si le terme « stock », tel que visé dans les différents règlements relatifs à l'OCM du sucre, n'est applicable qu'aux réserves constituées par les opérateurs.
- Enfin, les dispositions invoquées par la République d'Estonie ne sont pas susceptibles d'étayer sa thèse.
- Ainsi, la première desdites dispositions, à savoir l'article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 1998/78, dispose :
« 2. Est considéré, au sens du présent règlement :
a) comme broyeur, agglomérateur, candisier celui :
dont l'activité consiste à produire, à partir du sucre en l'état, uniquement des sucres des positions 17.01 et 17.02 du tarif douanier commun, présentant d'autres caractéristiques physiques que celles du sucre mis en oeuvre,
pour lequel, pendant une campagne sucrière, la moyenne des stocks constatés à la fin de chaque mois dans les magasins agréés n'est pas inférieure à 200 tonnes ;
b) comme commerçant spécialisé celui :
dont l'une des activités essentielles consiste à négocier du sucre en gros et qui achète, par campagne sucrière, un tonnage minimal de 10 000 tonnes de sucre communautaire ou de sucre préférentiel ou constitué des deux, pour sa revente en l'état,
qui n'exerce pas la profession de détaillant en sucre,
pour lequel, pendant une campagne sucrière, la moyenne des stocks constatés à la fin de chaque mois dans ses magasins agréés n'est pas inférieure à 500 tonnes. »
- Il n'est pas possible de conclure que cette disposition limite le concept de « stock » aux seules réserves constituées par les opérateurs commerciaux. Le règlement n° 1998/78 prévoyant notamment un système relatif à la compensation des frais de stockage de certaines personnes, il est compréhensible qu'il définisse quelles sont les personnes relevant des catégories concernées par le système de compensation en cause. Néanmoins, il n'en ressort pas que seules les personnes ainsi définies peuvent détenir des stocks.
- La deuxième disposition invoquée par la République d'Estonie, à savoir l'article 1er du règlement n° 189/77, prévoit :
« 1. Le stock minimal :
est à détenir en permanence au cours de chaque mois concerné,
ne peut pas comporter du sucre qui fait l'objet d'un report conformément aux dispositions de l'article 31 du règlement (CEE) n° 3330/74 aussi longtemps que les frais de stockage ne sont pas remboursés pour ce sucre [...]
2. La production sucrière au sens de l'article 1er, sous a), du règlement (CEE) n° 1488/76 ainsi que le stock minimal visé au paragraphe 1 sont établis conformément aux dispositions de l'article 1er du règlement (CEE) n° 700/73. »
- Il n'est pas possible de conclure que cette disposition limite le concept de « stock » aux seules réserves constituées par les opérateurs commerciaux. Par ailleurs, le règlement n° 189/77 se réfère à l'article 18 du règlement (CEE) n° 3330/74 du Conseil, du 19 décembre 1974, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (JO L 359, p. 1), qui prévoyait l'obligation pour les producteurs de sucre, et non pour tous les opérateurs, de constituer un stock minimal en fonction, notamment, de leurs quotas de production. Or, la République d'Estonie n'explique pas pour quelle raison il devrait être déduit du fait qu'une norme de droit communautaire oblige les producteurs d'un produit à constituer des stocks que seuls les opérateurs visés peuvent le faire.
- Les troisième et quatrième dispositions invoquées par la République d'Estonie, à savoir les articles 8 et 12 du règlement n° 2038/1999, prévoient :
« Article 8
1. Il est prévu, dans les conditions du présent article, un régime de péréquation des frais de stockage comportant un remboursement forfaitaire et un financement de celui-ci au moyen d'une cotisation.
2. Les frais de stockage :
du sucre blanc,
du sucre brut,
des sirops obtenus en amont du sucre à l'état solide,
des sirops obtenus par dissolution du sucre à l'état solide,
produits à partir de betteraves ou de cannes récoltées dans la Communauté, sont remboursés forfaitairement par les États membres.
Les États membres perçoivent une cotisation de chaque fabricant de sucre, selon le cas :
par unité de poids de sucre produit,
par unité de poids de sirops visés au premier alinéa, produits en amont du sucre à l'état solide et écoulés en l'état.
Le montant du remboursement est le même pour toute la Communauté. Cette règle d'uniformité s'applique également pour la cotisation.
3. Le paragraphe 2 n'est applicable ni aux sucres additionnés d'aromatisants ou de colorants du code NC 1701 ni aux sirops additionnés d'aromatisants ou de colorants du code NC 2106 90 59.
4. Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission :
a) arrête les règles générales pour l'application du présent article ;
b) fixe, en même temps que les prix d'intervention dérivés, le montant du remboursement.
5. Le montant de la cotisation est fixé annuellement selon la procédure prévue à l'article 48. Les autres modalités d'application du présent article sont arrêtées selon la même procédure.
[...]
Article 12
1. En vue d'assurer l'approvisionnement normal de l'ensemble ou d'une des zones de la Communauté, il est prévu l'obligation permanente de détenir, sur le territoire européen de la Communauté, un stock minimal :
a) pour le sucre de betterave produit dans la Communauté ;
b) pour le sucre de canne produit dans les départements français d'outre-mer et pour le sucre préférentiel visé à l'article 40.
Le stock minimal pour le sucre visé au premier alinéa, [sous] a), est égal, à une date déterminée, à un pourcentage du quota A de chaque entreprise sucrière ou au même pourcentage de sa production en sucre A lorsque celle-ci est inférieure à son quota A.
Le pourcentage fixé peut être réduit.
Le stock minimal pour le sucre visé au premier alinéa, [sous] b), est égal à un pourcentage de la quantité de sucre en cause qu'une entreprise a raffinée au cours d'une période déterminée.
2. Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, arrête les règles générales pour l'application du présent article, et notamment la date et le pourcentage visés au paragraphe 1, deuxième alinéa, ainsi que le pourcentage et la période visés au paragraphe 1, quatrième alinéa.
Selon la même procédure, une obligation équivalente à l'obligation de détenir un stock minimal peut être prévue pour les produits visés à l'article 1er, paragraphe 1, [sous] f) et h).
3. Les modalités d'application du présent article, et notamment la réduction du pourcentage visée au paragraphe 1, troisième alinéa, sont arrêtées selon la procédure prévue à l'article 48. »
- Ainsi, ces dispositions concernent une obligation pour les producteurs de sucre, et non pour tous les opérateurs du secteur, de constituer un stock minimal en fonction, notamment, de leurs quotas de production ainsi que des quantités effectives raffinées. Or, comme il a été signalé au point 144 ci'dessus, la République d'Estonie n'explique pas pour quelle raison il devrait être déduit du fait qu'une norme de droit communautaire oblige les producteurs d'un produit à constituer des stocks que seuls les opérateurs visés peuvent le faire.
- La cinquième disposition invoquée par la République d'Estonie, à savoir l'annexe III, point IX, paragraphe 1, du règlement n° 1260/2001, prévoit :
« Le contrat prévoit le paiement au vendeur d'un supplément de prix lorsque :
a) une augmentation du prix de la betterave lors de la transition d'une campagne sucrière à l'autre intervient et que
b) l'augmentation du prix d'intervention du sucre entraînée par l'augmentation du prix de la betterave n'est pas prélevée sur les stocks existant au moment de la transition.
[...] »
- Or, cette disposition ne définit pas, soit de manière expresse, soit de manière implicite, le concept de « stock » ni ne limite sa possible utilisation aux seules réserves constituées par des opérateurs.
- La sixième disposition invoquée par la République d'Estonie, à savoir l'article 10, paragraphe 4, du règlement n° 1260/2001, prévoit :
« Pour l'application du paragraphe 3, il est établi, avant le 1er octobre, pour chaque campagne de commercialisation, la quantité garantie dans le cadre des quotas sur la base des prévisions de production, d'importations, de consommation, de stockage, de report et de solde exportable ainsi que de la perte moyenne prévisible à charge du régime d'autofinancement au sens de l'article 15, paragraphe 1, [sous] d). Lorsque ces prévisions font apparaître un solde exportable au titre de la campagne de commercialisation en cause supérieur au maximum prévu par l'accord, la quantité garantie est réduite de la différence selon la procédure prévue à l'article 42, paragraphe 2. Cette différence est répartie entre le sucre, l'isoglucose et le sirop d'inuline en fonction du pourcentage représenté par la somme des quotas A et B de chaque produit dans la Communauté. Elle est ensuite répartie par État membre et par produit en l'affectant du coefficient de répartition correspondant fixé dans le tableau ci-dessous [...] »
- Or, il y a lieu de relever que cette disposition ne définit pas non plus, soit de manière expresse, soit de manière implicite, le concept de « stock » ni ne limite sa possible utilisation aux seules réserves constituées par des opérateurs.
- Enfin, la République d'Estonie n'explique pas en quoi le point 7 du document de travail de la Commission du 16 février 2006 intitulé « Forecast balance sheet-2006/2007 of the Sugar Management Committee », lequel, même s'il mentionne le mot « stock », ne contient qu'un chiffre, devrait justifier sa thèse.
- S'agissant, deuxièmement, de l'affirmation de la République d'Estonie selon laquelle l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 60/2004 contient dans le même paragraphe les termes « consommation » et « stocks » et selon laquelle il serait peu vraisemblable que la Commission ait utilisé ces deux termes si le second devait inclure le premier, il y a lieu de relever qu'il s'agit d'une affirmation erronée.
- En effet, il convient de relever, à titre liminaire, que l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 60/2004, qui entend définir le concept de « stocks anormaux », dispose que la Commission doit tenir compte, parmi d'autres éléments, de la production, de la consommation et des stocks de sucre et d'isoglucose. Ainsi, il ressort de cette disposition que le niveau des stocks est un élément devant être pris en considération pour déterminer l'existence de stocks anormaux, le terme « stock » faisant donc partie à la fois du concept à définir et de la définition elle-même. Indépendamment du fait que cela puisse témoigner d'une technique législative peu précise, cela suggère que la présence du concept de « consommation » à la fois dans le concept à définir et dans la définition du terme « stock » serait possible dans la logique du règlement n° 60/2004.
- En tout état de cause, l'utilisation du terme « consommation » dans cette disposition doit être comprise dans un sens macroéconomique, dans la mesure où le règlement n° 60/2004 vise notamment à éviter des perturbations dans l'ensemble de l'OCM du sucre.
- Or, la question essentielle pour distinguer, du point de vue macroéconomique, les quantités qui doivent être considérées comme consommées des quantités qui doivent être considérées comme stockées au sens du règlement n° 60/2004 est celle de savoir si le sucre acheté est utilisé d'une telle manière que l'acheteur devrait se procurer des quantités de sucre supplémentaires pour couvrir d'éventuels besoins futurs. En effet, si l'achat de sucre est d'une telle importance qu'il implique que les besoins futurs dudit produit seront couverts par le sucre alors acheté, les quantités ainsi achetées ont le même effet sur la consommation future que les stocks ayant été constitués par les opérateurs et doivent, donc, y être assimilées.
- Eu égard à ce qui précède, la première subdivision de la première branche doit être écartée.
2. En ce qui concerne la lecture systématique du règlement n° 60/2004
a) Arguments des parties
- La République d'Estonie fait valoir que la thèse selon laquelle les réserves ménagères ne peuvent pas être prises en compte dans le calcul de son excédent est confirmée par la lecture systématique du règlement n° 60/2004. Ainsi, les considérants 5, 6 et 8 dudit règlement, tout comme le considérant 1 du règlement attaqué, feraient uniquement référence à la nécessité d'empêcher la spéculation, celle'ci, comme toute perturbation du marché, provenant nécessairement de la revente du sucre stocké, et non de celui détenu par les ménages. C'est pourquoi le prix du sucre serait passé en Estonie, après l'adhésion, de 0,35 euro par kg à , environ, 1,10 euro par kg pour, ensuite, rester stable, alors que, en cas de spéculation, il aurait fluctué.
- La République d'Estonie souligne que l'article 6, paragraphe 2, du règlement n° 60/2004 dispose que la totalité de l'excédent doit être éliminée du marché selon l'une des modalités qu'il prévoit. Or, aucune d'entre elles ne pourrait être mise en œvre par les ménages pour éliminer leurs réserves, lesquelles auraient, par ailleurs, déjà été éliminées du marché. Ainsi, l'obligation d'éliminer les réserves ménagères ne pourrait être respectée par le paiement d'un montant visé à l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 60/2004. Ce paiement pourrait constituer une sanction ou une indemnité, mais ne permettrait pas de procéder à l'élimination du sucre ou d'éviter les perturbations du marché. De même, ladite disposition s'appliquerait uniquement si l'obligation d'élimination n'a pas pu être respectée par les opérateurs et l'article 1er du règlement attaqué imposerait expressément l'élimination de l'excédent conformément à l'article 6, paragraphe 2, du règlement n° 60/2004, ce qui empêcherait de respecter cette obligation par le paiement dudit montant.
- De plus, l'article 6, paragraphe 3, du règlement n° 60/2004, qui contiendrait le mécanisme permettant de respecter l'obligation prévue à l'article 6, paragraphe 2, dudit règlement, montrerait que ce dernier ne prévoit pas l'inclusion des réserves ménagères dans les excédents, car ledit article 6, paragraphe 3, impose aux nouveaux États membres d'adopter un système d'identification des quantités excédentaires en vue de respecter l'obligation d'élimination qui ne concerne que les opérateurs commerciaux. L'article 6, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement n° 60/2004 imposerait aux nouveaux États membres de contraindre uniquement les opérateurs à éliminer du marché une quantité équivalente de sucre ou d'isoglucose de leur quantité excédentaire individuelle.
- Enfin, la République d'Estonie estime qu'il serait erroné de conclure qu'il y a une obligation découlant de l'acte d'adhésion ou du règlement n° 60/2004 d'empêcher les ménages d'acheter des quantités de sucre. En effet, cela ne ressortirait pas de leurs dispositions et, de surcroît, l'acte d'adhésion et le règlement n° 60/2004 entrant en vigueur le 1er mai 2004, ils ne pourraient pas imposer des obligations aux nouveaux États membres avant leur adhésion à l'Union européenne.
- La Commission conteste les arguments de la République d'Estonie.
b) Appréciation du Tribunal
- En premier lieu, il y a lieu de rappeler que le principe de l'élimination des excédents que le règlement n° 60/2004 entend mettre en pratique est établi par l'annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion dont le but est d'éviter toutes perturbations du bon fonctionnement des mécanismes prévus par l'OCM du sucre et, notamment, celles causées par des éléments ayant une incidence sur la formation des prix et provoqués par l'accumulation de quantités anormales de sucre dans les nouveaux États membres avant l'adhésion (voir point 119 ci'dessus).
- En conséquence, il convient de considérer que, contrairement à ce que la République d'Estonie fait valoir, le règlement n° 60/2004 ne vise pas uniquement à combattre la spéculation liée au seul commerce, mais également à prévenir des perturbations des mécanismes prévus par l'OCM du sucre et à remédier aux éventuels effets nocifs pour la stabilité de cette dernière provoqués par l'existence de quantités anormales de sucre dans les nouveaux États membres, accumulées avant l'adhésion.
- Or, comme il a été conclu aux points 121 à 129 ci'dessus, l'existence de réserves ménagères considérables constitue une menace importante de perturbation de l'OCM du sucre.
- Par ailleurs, comme la Commission l'indique, il est clairement fait état, au considérant 7 du règlement n° 60/2004, de l'objectif d'éliminer du marché les quantités de stocks de sucre supérieures aux stocks de report normaux, aux frais du nouvel État membre. En outre, il est précisé au considérant 8 dudit règlement qu'il en va de l'intérêt tant de la Communauté que des nouveaux États membres d'empêcher l'accumulation de stocks excédentaires et, en tout cas, d'identifier les opérateurs ou les individus impliqués dans d'importants mouvements de nature spéculative. Cela confirme, comme la Commission le fait valoir à juste titre, que l'objectif du règlement n° 60/2004 n'est pas uniquement de prévenir la spéculation liée au seul commerce, mais plus généralement d'assurer l'élimination des surplus de sucre constatés dans les nouveaux États membres.
- Enfin, il est erroné de soutenir que l'analyse du marché estonien du sucre au cours de la période postérieure à l'adhésion confirme l'absence de risque de perturbation. En effet, le fait que, après l'adhésion, le prix du sucre sur ledit marché soit passé de 0,35 euro par kg à environ 1,10 euro par kg pour, ensuite, rester stable n'est qu'une conséquence logique de l'application de l'OCM du sucre en Estonie. Ladite OCM fixe un prix minimal pour le sucre en dessous duquel aucun opérateur n'aurait intérêt à vendre du sucre produit dans le cadre du quota qui lui a été attribué et en dessous duquel il ne peut pas vendre du sucre produit en dehors dudit quota, puisqu'il pèse sur l'opérateur concerné une obligation d'exportation sans restitution de la part de la Communauté. Dans ces conditions, il est parfaitement explicable que le prix du sucre en Estonie ait augmenté après l'adhésion pour, ensuite, rester stable sans devoir en tirer la conclusion d'une absence de risque de perturbation du marché.
- Par ailleurs, la perturbation du marché du sucre pouvant être provoquée par l'existence de réserves ménagères anormales n'est pas liée à la vente du sucre en dessous du prix garanti par l'OCM du sucre, mais, comme il a été souligné aux points 121 à 129 ci'dessus, à l'éventuelle chute de la consommation dans les États membres dans lesquels de telles réserves ont été constituées, ce qui aboutirait à un décalage entre les quotas accordés dans le cadre de l'OCM du sucre et la consommation communautaire, au détriment des producteurs et, éventuellement, du budget communautaire.
- En second lieu, il importe de relever que les conclusions que la République d'Estonie tire de l'impossibilité pratique d'éliminer les réserves ménagères conformément aux modalités visées à l'article 6, paragraphe 2, du règlement n° 60/2004 découlent d'une interprétation erronée dudit règlement.
- En effet, la thèse de la République d'Estonie repose, en substance, sur la prémisse que, en vertu de l'article 6 du règlement n° 60/2004, les mêmes quantités excédentaires existant dans un nouvel État membre, telles que constatées par la Commission, doivent être celles qui seront éliminées par ce dernier, à ses frais et conformément aux modalités visées audit article. Cela présuppose une identité entre le sucre considéré comme excédentaire et le sucre devant être éliminé.
- Or, une telle prémisse est erronée.
- En effet, l'article 6, paragraphe 2, du règlement n° 60/2004 prévoit que le nouvel État membre concerné assure l'élimination du marché d'une quantité de sucre ou d'isoglucose, sans intervention communautaire, égale à l'excédent déterminé par la Commission. Ledit État membre ne doit pas, ainsi, éliminer le sucre considéré comme excédentaire au 1er mai 2004, mais une quantité de sucre, même achetée ou produite après cette date, équivalente à la quantité ayant été considérée comme excédentaire par la Commission.
- Cette interprétation se voit confirmée par le fait que la Commission, en vertu de l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 60/2004, dans sa version antérieure à la modification résultant de l'adoption du règlement n° 651/2005, détermine au plus tard le 31 octobre 2004, pour chaque nouvel État membre, la quantité de sucre en l'état ou de sucre sous forme de produits transformés, isoglucose et fructose, dépassant la quantité considérée comme un stock de report normal au 1er mai 2004 et qui doit être éliminée du marché aux frais des nouveaux États membres. En vertu du paragraphe 2 de cette même disposition, le nouvel État membre concerné assure l'élimination du marché d'une quantité de sucre ou d'isoglucose, sans intervention communautaire, égale à la quantité excédentaire visée au paragraphe 1, au plus tard le 30 avril 2005. Il ressort de la lecture combinée de ces deux dispositions que la Commission dispose d'une durée de six mois à partir du 1er mai 2004 pour déterminer l'excédent qui existait à cette date et que l'État membre concerné dispose encore de six mois pour éliminer une quantité équivalente audit excédent.
- Il est donc parfaitement possible que les quantités excédentaires existant sur le territoire de l'État membre concerné en mai 2004 aient été écoulées avant la fin d'octobre 2004 et, a fortiori, avant la fin d'avril 2005.
- Certes, en vertu de l'article 6, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 60/2004, les autorités compétentes du nouvel État membre doivent disposer le 1er mai 2004, pour l'application du paragraphe 2, d'un système d'identification des quantités excédentaires, échangées ou transformées, de sucre en l'état ou de produits transformés, isoglucose et fructose, auprès des principaux opérateurs concernés. Toutefois, cela ne garantit pas que les marchandises excédentaires en possession desdits opérateurs n'échappent pas au contrôle de ces derniers et ne soient pas exportés en dehors du territoire de ces derniers et même du territoire de l'État membre concerné. En outre, ladite disposition ne concerne que les principaux opérateurs, laissant hors du système d'identification ainsi créé les quantités excédentaires de sucre en possession des opérateurs moins importants. Ces dernières quantités, isolément, auraient nécessairement un poids moindre dans la totalité de l'excédent constaté, mais, une fois agrégées, pourraient représenter une partie non négligeable, voire substantielle, dudit excédent.
- Par ailleurs, en vertu de l'article 6, paragraphe 3, deuxième, troisième et quatrième alinéas, du règlement n° 60/2004, le nouvel État membre utilise ce système pour contraindre les opérateurs concernés à éliminer du marché à leurs propres frais une quantité équivalente de sucre ou d'isoglucose de leur quantité excédentaire individuelle, les opérateurs concernés devant en fournir la preuve. à défaut d'une telle preuve, ces derniers se verront facturer par le nouvel État membre un certain montant à imputer au budget national, calculé en fonction de la quantité devant être éliminée. Cependant, cette obligation ne concerne pas que les opérateurs principaux.
- Enfin, l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 60/2004, en vertu duquel les États membres communiquent à la Commission la preuve que la quantité excédentaire visée à l'article 6, paragraphe 1, a été éliminée du marché conformément à l'article 6, paragraphe 2, et précisent la méthode utilisée pour ce faire, ne fait pas référence aux quantités éliminées par les opérateurs principaux en vertu du paragraphe 3, mais à une quantité englobant nécessairement ces dernières mais pouvant être supérieure, à savoir la quantité équivalente à l'excédent constaté pour l'État membre en cause.
- Il s'ensuit que l'obligation d'élimination pesant sur les nouveaux États membres pour lesquels la Commission a constaté l'existence d'excédents ne se réfère pas au sucre excédentaire accumulé au 1er mai 2004, mais, tout simplement, à une quantité équivalente à ce dernier.
- Partant, même si une partie de l'excédent constaté pour la République d'Estonie ou pour un autre nouvel État membre a été stockée sous la forme de réserves ménagères anormales et, comme la République d'Estonie le fait valoir, si l'élimination de ces réserves n'était pas possible selon les modalités d'élimination visées à l'article 6, paragraphe 2, du règlement n° 60/2004, l'État membre concerné pourrait encore remplir son obligation d'élimination en se procurant une quantité de sucre équivalente à celle de ses réserves ménagères pour l'éliminer conformément audites modalités et, ensuite, en fournir la preuve à la Commission. Cette quantité pourrait être acquise, le cas échéant, au prix du marché communautaire, auprès des opérateurs commerciaux situés dans l'État membre en cause ou auprès d'autres opérateurs communautaires. Ce faisant, l'État membre concerné provoquerait une augmentation de la demande communautaire égale à la diminution artificielle générée par ses réserves ménagères et compenserait l'effet négatif de l'existence de celles-ci sur la stabilité de l'OCM du sucre.
- Si l'État membre en cause ne parvient pas à remplir son obligation d'élimination de l'excédent constaté par la Commission, il sera tenu, conformément à l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 60/2004, de verser au budget communautaire un montant précis calculé en fonction de la quantité non éliminée.
- Cette disposition, comme la Commission le fait valoir, met en œvre un système visant à assurer que les surcoà»ts nécessaires pour faire face aux éventuelles perturbations du marché du sucre qui découlent de l'existence d'excédents non éliminés ne soient pas supportés par le budget ou par les producteurs communautaires, mais par les États membres concernés, dans le respect du point 4, paragraphe 2, de l'annexe IV de l'acte d'adhésion, en vertu duquel l'élimination des excédents doit être faite aux frais desdits États, la conséquence logique de cette dernière disposition étant que les frais liés à la non-élimination des excédents en cause doivent, eux aussi, être à la charge des États membres qui auraient dà» les éliminer.
- Enfin, il convient de rejeter l'argument de la République d'Estonie selon lequel les réserves ménagères ont été déjà éliminées du marché dans la mesure où elles ont été vendues aux consommateurs. En effet, les modalités d'élimination autorisées par le règlement n° 60/2004 sont uniquement celles prévues à son article 6, paragraphe 2, comme la République d'Estonie elle-même le souligne, et la simple vente à l'intérieur de l'État membre concerné ne figure pas parmi ces modalités.
3. En ce qui concerne la notion de « stock » retenue lors des adhésions précédentes
a) Observations liminaires
- Les articles 86 et 254 de l'acte relatif aux conditions d'adhésion du Royaume d'Espagne et de la République portugaise et aux adaptations des traités (JO 1985, L 302, p. 23, ci'après l'« acte d'adhésion de 1985 ») prévoient, en ce qui concerne l'adhésion de ces deux États (ci-après les « nouveaux États membres de 1986 ») à la Communauté européenne (ci-après l' « adhésion de 1986 »), que tout stock de produits se trouvant en libre pratique sur les territoires espagnol et portugais au 1er mars 1986 et dépassant en quantité celle qui peut être considérée comme représentant un stock normal de report doit être éliminé par les États concernés, à leur charge. L'article 142, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion de 1994 et l'article 7 du règlement (CEE) n° 3577/90 du Conseil, du 4 décembre 1990, relatif aux mesures transitoires et aux adaptations nécessaires dans le secteur de l'agriculture à la suite de l'unification allemande (JO L 353, p. 23), ont un contenu équivalent, mutatis mutandis, en ce qui concerne les stocks se trouvant respectivement sur le territoire des nouveaux États membres de 1995 lors de l'adhésion de ces derniers à l'Union européenne en 1995 et sur le territoire de l'ancienne République démocratique allemande lors de la réunification allemande. Ces quatre dispositions et l'annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion sont similaires.
- Les dispositions qui ont fixé le contenu concret de l'obligation d'élimination des excédents dans le cadre, d'une part, des adhésions de 1986 et de 1995 ainsi que lors de la réunification allemande et, d'autre part, de l'adhésion des nouveaux États membres en 2004 présentent toutefois des différences importantes.
- En effet, l'article 3, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 3770/85 du Conseil, du 20 décembre 1985, relatif aux stocks de produits agricoles se trouvant en Espagne (JO L 362, p. 18), dispose qu'est considérée comme stock de produits toute quantité de produits appartenant au Royaume d'Espagne ou à toute personne physique ou morale ou détenue par eux, à l'exception des quantités minimes. L'article 3, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 3771/85 du Conseil, du 20 décembre 1985, relatif aux stocks de produits agricoles se trouvant au Portugal (JO L 362, p. 21), est identique, mutatis mutandis, à l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 3770/85 en ce qui concerne la République portugaise. Ainsi, ces deux dispositions introduisent une règle de minimis dans la notion de « stock » retenue lors de l'adhésion de 1986, axée sur l'importance de la quantité mise en réserve et non sur la qualité de son détenteur.
- Aucune disposition parmi les normes relatives à l'adhésion de 1995 ou parmi celles relatives à la réunification allemande ne fixe, en ce qui concerne le sucre, une règle de minimis identique. Néanmoins, une telle règle ressort de l'articles 6 du règlement (CE) n° 3300/94 de la Commission, du 21 décembre 1994, arrêtant des mesures transitoires dans le secteur du sucre suite à l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède (JO L 341, p. 39), et de l'article 2, premier alinéa, du règlement (CEE) n° 2761/90 de la Commission, du 27 septembre 1990, relatif aux stocks de produits agricoles se trouvant dans le territoire de l'ancienne République démocratique allemande (JO L 267, p. 1), comme cela sera analysé ci'après.
- En revanche, le règlement n° 60/2004 ne contient pas de règle de minimis permettant expressément d'exclure les quantités minimales.
- Une seconde différence importante entre les systèmes d'élimination d'excédents de sucre mis en place, d'une part, lors des adhésions de 1986 et de 1995 et de la réunification allemande et, d'autre part, lors de l'adhésion de 2004 est la méthode de détermination des excédents.
- En ce qui concerne l'adhésion de 1986, en vertu de l'article 5, paragraphe 1, des règlements n° 3770/85 et n° 3771/85, sauf dispositions particulières concernant certains produits, est considéré comme un stock normal de report le stock de fonctionnement nécessaire aux besoins du marché pertinent pendant une période à déterminer, ces besoins étant évalués notamment en fonction de la consommation, de la transformation et des exportations traditionnelles, compte tenu des critères et des objectifs propres à chaque organisation commune de marché.
- En vertu de l'article 8, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous a), des règlements n° 3770/85 et n° 3771/85, les modalités d'application desdits règlements comportent notamment la fixation des stocks visés aux articles 86 et 254 de l'acte d'adhésion de 1985 pour les produits dont les quantités dépassent le stock normal de report. C'est pourquoi l'article 2 du règlement (CEE) n° 579/86 de la Commission, du 28 février 1986, établissant les modalités relatives aux stocks de produits du secteur du sucre se trouvant au 1er mars 1986 en Espagne et au Portugal (JO L 57, p. 21), qui applique, dans le secteur du sucre, les règlements n° 3770/85 et n° 3771/85, ne fixe pas les excédents attribués par la Commission au Royaume d'Espagne et à la République portugaise, mais le stock normal de report pour ces États à la date de leur adhésion à la Communauté. Ce sont ensuite ces derniers qui, en vertu des dispositions combinées des articles 3 et 4 du règlement n° 579/86, doivent procéder au calcul de leurs excédents. Pour ce faire, ils doivent procéder à un recensement des stocks se trouvant en libre pratique sur leur territoire à la date de l'adhésion de 1986 sur la base des déclarations des détenteurs des quantités de sucre ou d'isoglucose d'au moins 3 tonnes, ces dernières devant être réalisées avant le 13 mars 1986 auprès des autorités compétentes. Ensuite, les États en cause doivent assurer l'exportation hors de la Communauté, avant le 1er janvier 1987, d'une quantité égale à la différence entre la quantité recensée et le stock normal de report fixé par la Commission.
- Partant, dans la mesure où le recensement est effectué uniquement pour les quantités supérieures à 3 tonnes, l'obligation d'élimination ne concerne en pratique qu'une quantité équivalente à la différence entre l'ensemble des réserves individuelles de plus de 3 tonnes existant dans l'État membre concerné et le stock normal de report déterminé par la Commission, ainsi que le prévoit la règle de minimis énoncée à l'article 3, paragraphe 2, des règlements n° 3770/85 et n° 3771/85.
- En substance, le système instauré par les dispositions pertinentes concernant l'adhésion de 1995 est identique à celui du règlement n° 579/86. Ainsi, en ce qui concerne l'adhésion de 1995, les articles 5, 6 et 7 du règlement n° 3300/94 sont respectivement équivalents, mutatis mutandis, aux article 2, 3 et 4 du règlement n° 579/86. Les articles 6 et 7 du règlement n° 3300/94 mettent en pratique une règle de minimis équivalente à celle mise en oeuvre par les articles 3 et 4 du règlement n° 579/86.
- Le système mis en place par les dispositions pertinentes concernant la réunification allemande présente aussi nombre de similitudes avec celui du règlement n° 579/86. Néanmoins, il y a deux différences fondamentales.
- Ainsi, premièrement, en vertu de l'article 2 du règlement n° 2761/90, la République fédérale d'Allemagne doit procéder à un recensement et à l'établissement d'un inventaire pour la détermination des stocks privés de certains produits, y compris le sucre, se trouvant sur le territoire de l'ancienne République démocratique allemande le jour de l'unification, à l'exception des quantités minimes. Mais le second alinéa de cette même disposition prévoit que, pour l'application de l'alinéa précédent, la République fédérale d'Allemagne peut également utiliser des méthodes statistiques. Or, cette possibilité n'était pas offerte aux nouveaux États membres de 1986 ni à ceux de 1995 lors des adhésions précédentes.
- Deuxièmement, le règlement n° 2761/90 n'établissait pas l'obligation pour la République fédérale d'Allemagne d'éliminer les quantités recensées ou calculées par voie statistique et dépassant un stock de report normal, obligation pourtant visée à l'article 7 du règlement n° 3577/90.
- En tout état de cause, tous les systèmes décrits présentent une différence fondamentale avec le système créé par le règlement n° 60/2004. En effet, dans ce dernier, il n'est pas prévu qu'il appartient à la Commission de fixer les stocks normaux de report de chaque nouvel État membre pour ensuite charger celui-ci de procéder à un recensement des quantités supérieures à 3 tonnes existant sur son territoire et de calculer, en comparant le chiffre ainsi obtenu avec le chiffre correspondant aux stocks normaux de report déterminé par la Commission, son propre excédent (système relevant des adhésions de 1986 et de 1995). Il n'appartient pas non plus au nouvel État membre concerné de réaliser un recensement de ses stocks constitués des quantités non minimes (système de la réunification allemande). Bien au contraire, en vertu de l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 60/2004, la Commission détermine directement et unilatéralement l'excédent de chaque nouvel État membre.
- De plus, il découle de cette même disposition que la Commission n'effectue pas le calcul des excédents sur la base d'un éventuel recensement des principaux détenteurs de stocks dans chaque État membre, mais en prenant notamment en compte l'évolution observée au cours de l'année précédant l'adhésion par rapport aux années précédentes quant aux quantités importées et exportées de sucre en l'état ou de sucre sous forme de produits transformés, tels que l'isoglucose et le fructose, à la production, à la consommation et aux stocks de sucre et d'isoglucose et, enfin, aux circonstances dans lesquelles les stocks se sont constitués.
- Cela implique que la Commission calcule l'excédent de chaque nouvel État membre en utilisant les statistiques macroéconomiques disponibles et non en observant directement la situation réelle des stocks au niveau microéconomique. C'est pour ce motif qu'il est indiqué au considérant 9 du règlement n° 60/2004 que, pour la détermination des stocks et l'élimination des stocks excédentaires identifiés comme tels, les nouveaux États membres doivent communiquer à la Commission les statistiques les plus récentes en matière d'échanges, de production et de consommation des produits considérés, mais non un recensement sur la base duquel le calcul serait réalisé.
- Néanmoins, une certaine flexibilité est introduite dans ce système, dans la mesure où les résultats des analyses macroéconomiques peuvent être modulés en fonction des circonstances dans lesquelles les stocks se sont constitués, au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 60/2004.
- C'est à la lumière de l'ensemble de ces considérations qu'il convient de présenter puis d'examiner les arguments des parties.
b) Arguments des parties
- La République d'Estonie fait valoir que l'exclusion des réserves ménagères du concept de « stock » est conforme à l'annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion, notamment dans la mesure où cette disposition est presque identique à celles adoptées lors des adhésions de 1986 et de 1995, en vertu desquelles les nouveaux États membres de 1986 et de 1995 étaient soumis à des obligations d'élimination de leurs excédents équivalentes à l'obligation pesant sur les nouveaux États membres, ces dernières dispositions excluant manifestement les réserves ménagères du concept de « stocks devant être éliminés », seuls les stocks excédant 3 tonnes ayant été pris en compte en vue de déterminer les excédents des nouveaux États membres de 1986 et de 1995.
- Cela prouverait que la notion de « stocks privés » figurant à l'annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion ne vise pas les ménages, mais les opérateurs commerciaux, les réserves ménagères en Estonie étant en moyenne de 72 kg par ménage.
- En particulier, l'adhésion de 1995 et celle de 2004 ne pourraient pas être considérées comme différentes, en ce qui concerne les réserves ménagères, au motif que, lors de cette dernière, les risques seraient plus importants en raison de la taille des marchés des nouveaux États membres. En effet, cela ne serait vrai que dans l'hypothèse où les réserves ménagères des nouveaux États membres représenteraient un risque sérieux pour le fonctionnement du marché. Or, les 43 000 tonnes de réserves ménagères en Estonie seraient négligeables par rapport aux 13 420 682 tonnes des quotas A et B dans l'Union européenne.
- Enfin, si la Commission entendait agir de façon différente, elle aurait dà» l'indiquer expressément, notamment lorsqu'elle a fait part de sa volonté de traiter la question des stocks agricoles en tenant compte de l'expérience acquise lors des adhésions précédentes, comme le montrerait le document de la Commission du 30 janvier 2002 concernant les stocks (ci'après le « SIP ») et le confirmerait une lettre du 20 aoà»t 2003 adressée à l'ambassadeur de la République d'Estonie.
- La Commission conteste les arguments de la République d'Estonie.
c) Appréciation du Tribunal
- La thèse de la République d'Estonie consiste, en substance, à soutenir que, dans la mesure où les dispositions qui ont été adoptées lors des adhésions de 1985 et de 1995 ainsi que lors de la réunification allemande ont mis en place un système d'élimination d'excédents duquel les quantités minimes ont été en pratique exclues, le concept de « stock » visé par lesdites obligations, substantiellement identique à celui visé à l'annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion, ne peut inclure les quantités minimes, telles que celles constituées par les réserves ménagères.
- Cette thèse ne saurait être admise.
- En effet, les protocoles et annexes d'un acte d'adhésion constituent des dispositions de droit primaire qui, à moins que l'acte d'adhésion n'en dispose autrement, ne peuvent être suspendues, modifiées ou abrogées que selon les procédures prévues pour la révision des traités originaires (arrêt de la Cour du 11 septembre 2003, Autriche/Conseil, C-445/00, Rec. p. I'8549, point 62).
- Or, en principe, la portée d'une disposition de droit primaire n'est pas susceptible d'être interprétée à la lumière des dispositions de droit dérivé que les institutions ont éventuellement adoptées en vue de l'appliquer. C'est, au contraire, le droit dérivé qui doit être interprété, si une telle interprétation est nécessaire et dans la mesure du possible, dans le sens de sa conformité avec les dispositions de droit originaire (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 25 novembre 1986, Klensch e.a., 201/85 et-202/85, Rec. p. 3477, point 21).
- à cet égard, il convient de souligner que ni les dispositions, visées au point 182 supra, prévoyant une obligation d'élimination des excédants dans le cadre des adhésions de 1986 et de 1995 ainsi que lors de la réunification allemande ni l'annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion ne limitent le concept de « stock » aux quantités d'une certaine taille.
- Par ailleurs, lorsqu'une disposition de droit communautaire est susceptible de faire l'objet de plusieurs interprétations, il faut privilégier celle qui est de nature à sauvegarder son effet utile (arrêt de la Cour du 24 février 2000, Commission/France, C-434/97, Rec. p. I'1129, point 21). Partant, s'il y avait un doute quant à la taille minimale des quantités visées par le concept de « stock » figurant dans lesdites obligations, il y aurait lieu de le lever en faveur de l'interprétation pouvant assurer l'effet utile de ces dernières.
- Or, comme cela a été expliqué au point 119 ci-dessus, le but des obligations en cause est notamment, en ce qui concerne le sucre, d'éviter toutes perturbations du bon fonctionnement des mécanismes prévus par l'OCM du sucre et, en particulier, celles causées par des éléments ayant une incidence sur la formation des prix et provoquées par l'accumulation de quantités de sucre anormales dans les nouveaux États membres avant l'adhésion. Partant, lesdites obligations se verraient privées de leur effet utile si les quantités minimes étaient exclues d'emblée du concept de « stock », dans la mesure où une perturbation du marché pourrait se produire si les quantités minimes stockées étaient tellement nombreuses que, prises ensemble, elles constitueraient une partie substantielle du marché en cause.
- Cela ne s'oppose pas à ce que la Commission, dans le cadre des mesures qu'elle adopte pour mettre en œvre un système d'élimination visant à assurer l'effet utile des obligations mentionnées aux points 182 et 209 supra, décide, pour des raisons de simplification administrative ou de proportionnalité, de limiter les obligations découlant dudit système aux quantités stockées d'une importance particulière, si elle considère que, ce faisant, elle ne compromet pas l'objectif impératif d'éviter toute perturbation du marché. La décision de la Commission à cet égard ne peut que dépendre des risques que, selon elle, chaque adhésion présente pour la stabilité du marché.
- C'est uniquement dans cette optique qu'il convient de tenir compte de l'existence de différences importantes entre les dispositions qui ont défini le contenu concret de l'obligation d'élimination des excédents dans le cadre, d'une part, des adhésions de 1986 et de 1995 ainsi que lors de la réunification allemande et, d'autre part, de l'adhésion de 2004.
- Quant à l'argument de la République d'Estonie tiré du fait que la Commission aurait dà» expliquer pour quelle raison elle avait décidé d'agir d'une manière différente par rapport aux adhésions précédentes, il s'agit, en réalité, d'un grief tiré de la violation de l'obligation de motivation et il sera, partant, examiné dans le cadre du troisième moyen.
- La troisième subdivision de la première branche doit donc être écartée.
4. En ce qui concerne l'interprétation de l'article 32 CE
a) Arguments des parties
- La République d'Estonie relève que l'article 32, paragraphe 1, CE, exclut les ménages de la politique agricole commune. Les réserves ménagères ne pourraient donc pas être régies par les normes relatives à ladite politique, y compris le règlement n° 60/2004. Par ailleurs, les ménages ne pourraient pas abuser des mécanismes de l'OCM du sucre, en revendant lesdites réserves à un prix plus élevé, ou en les exportant avec une restitution de la part de la Communauté. La raison de l'achat de 1 000 000 tonnes de sucre par les organismes d'intervention à la suite de l'adhésion ne serait pas l'existence de 43 000 tonnes de réserves ménagères en Estonie, mais un niveau des restitutions à l'exportation plus bas que prévu et, surtout, l'augmentation de la production de sucre par hectare, atteignant dans la campagne 2004/2005 un rendement de 9,10 tonnes par hectare au lieu de 8,17 tonnes par hectare comme prévu, ainsi que le confirmerait le déclassement par la Commission d'environ 1 900 000 tonnes pour la campagne 2005/2006.
- La Commission conteste les arguments de la République d'Estonie.
b) Appréciation du Tribunal
- Il est certes exact que, comme le relève la République d'Estonie, l'article 32, paragraphe 1, CE dispose que « [l]e marché commun s'étend à l'agriculture et au commerce des produits agricoles ». Il n'en reste pas moins que le paragraphe 4 du même article dispose que « [l]e fonctionnement et le développement du marché commun pour les produits agricoles doivent s'accompagner de l'établissement d'une politique agricole commune ».
- Il y a lieu de rappeler à cet égard que l'étendue de la compétence communautaire en matière agricole doit être interprétée à la lumière de l'article 33 CE, qui énonce les objectifs de la politique agricole commune, et de l'article 34 CE, qui dispose, notamment, que, en vue d'atteindre les objectifs prévus à l'article 33 CE, est établie une organisation commune des marchés agricoles et que cette organisation peut comporter toutes les mesures nécessaires pour atteindre lesdits objectifs (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 21 février 1979, Stölting, 138/78, Rec. p. 713, et du 23 février 1988, Royaume'Uni/Conseil, 68/86, Rec. p. 855, point 9).
- Les objectifs de la politique agricole énoncés à l'article 33 CE visent en particulier à assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l'agriculture, et à stabiliser les marchés.
- Il en résulte que les objectifs de la politique agricole doivent être conçus de façon à permettre aux institutions communautaires de s'acquitter de leurs responsabilités en tenant compte des mécanismes nécessaires, à prévenir les perturbations des marchés et à assurer le revenu individuel considéré comme approprié pour ceux qui travaillent dans le secteur.
- Aux termes de l'article 34, paragraphe 2, CE, l'organisation commune sous une des formes prévues au paragraphe 1 du même article peut comporter toutes les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs définis à l'article 33 CE, notamment des réglementations des prix, des subventions tant à la production qu'à la commercialisation des différents produits, des systèmes de stockage et de report et des mécanismes communs de stabilisation à l'importation ou à l'exportation.
- Ainsi que cela découle de ce qui a été conclu préalablement, le contrôle des quantités anormales de sucre mises en réserve dans les nouveaux États membres avant leur adhésion à l'Union européenne, dont les réserves ménagères, est une condition impérative pour éviter d'éventuelles perturbations de l'OCM du sucre, à la suite, notamment, de la chute artificielle prévisible de la demande causée par la substitution desdites réserves aux quantités qui auraient été achetées sur le marché, et cela au détriment des revenus des producteurs communautaires et du budget communautaire.
- Il s'ensuit que la prise en compte des réserves ménagères pour calculer la totalité des excédents existant dans les nouveaux États membres, nécessaire pour éviter la survenance des problèmes susvisés, relève des mesures à adopter dans le cadre de la politique agricole commune. La thèse de la République d'Estonie doit donc être écartée.
5. En ce qui concerne l'interprétation de la notion de « détenteurs de stocks excédentaires » retenue par la Cour
a) Arguments des parties
- Selon la République d'Estonie, la Cour a restreint la notion de « détenteurs de stocks excédentaires » aux seuls opérateurs commerciaux (arrêt Weidacher, point 118 supra, point 42). Cette interprétation aurait été effectuée dans un contexte normatif identique à celui de la présente affaire. En particulier, la Cour renverrait à l'article 4, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 3108/94 de la Commission, du 19 décembre 1994, relatif aux mesures transitoires à prendre, du fait de l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, concernant les échanges de produits agricoles (JO L 328, p. 42), dont le contenu, en ce qui concerne la notion de « stock excédentaire », serait identique, en substance, à celui du règlement n° 60/2004.
- La Commission conteste les arguments de la République d'Estonie.
b) Appréciation du Tribunal
- Certes, comme la République d'Estonie le relève, la Cour a retenu, dans son arrêt Weidacher, point 118 supra, une définition du concept de « détenteur de stocks excédentaires » au sens du règlement n° 3108/94 ne comprenant que les opérateurs commerciaux. Elle a conclu que ladite notion, au sens de l'article 4 dudit règlement, visait toute personne qui a le pouvoir de mettre le produit stocké sur le marché et d'en tirer profit (point 45 de l'arrêt).
- Néanmoins, l'interprétation dudit arrêt par la République d'Estonie est erronée, même si l'article 145, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion de 1994, qui prévoit que les nouveaux États membres de 1995 doivent éliminer les excédents à leurs frais, et l'annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion sont très similaires et que le règlement n° 60/2004 vise à mettre en œvre ce dernier.
- à cet égard, premièrement, il convient de souligner que, dans l'arrêt Weidacher, point 118 supra, la Cour n'a pas défini la notion de « détenteurs de stocks excédentaires » visée à l'article 145, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion de 1994, ni même celle visée dans une disposition d'exécution de ce dernier. En effet, l'article 4 du règlement n° 3108/94 n'impose aucune obligation d'élimination d'une quantité quelconque de produits agricoles, mais, uniquement, une taxation sur les stocks excédentaires constatés. C'est la raison pour laquelle la Cour s'est limitée à indiquer que ladite disposition permettait d'atténuer le poids de l'obligation des nouveaux États membres de 1995, prévue à l'article 145, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion de 1994, d'éliminer de tels stocks à leurs frais, sans établir qu'elle pouvait en constituer une norme d'exécution.
- Or, à cet égard, il y a lieu de relever que le fait que les détenteurs de stocks excédentaires ne soient taxés pour la possession de ces derniers que s'ils sont des opérateurs commerciaux n'implique pas nécessairement que le concept de « stocks excédentaires devant être éliminés » ne puisse comprendre que les stocks en possession des opérateurs commerciaux.
- Par ailleurs, il y a une différence fondamentale entre l'imposition d'une taxe sur la possession de stocks excédentaires, qui ne peut en pratique viser que les personnes détenant une quantité minimale, et la prise en compte des quantités excédentaires existant dans un État membre, qui peut inclure des quantités minimes, si elle est faite, comme en l'espèce, sur la base de l'observation de certaines variables macroéconomiques.
- En conséquence, le fait que la Cour ait précisé que les détenteurs de stocks devant être imposés au titre du règlement n° 3108/94 étaient des opérateurs commerciaux n'implique pas nécessairement que les quantités qui ne sont pas en possession desdits opérateurs ne peuvent pas être comptabilisées à titre d'excédents dans le cadre de l'adoption du règlement attaqué.
- Deuxièmement, il importe de relever que la Cour, dans l'arrêt Weidacher, point 118 supra, n'entendait pas répondre à la question de savoir si la notion de « détenteurs de stocks excédentaires » visée à l'article 4 du règlement n° 3108/94 comprenait uniquement des opérateurs détenant des quantités anormales d'un produit ou également les ménages ayant constitué des réserves anormales. La Cour entendait uniquement déterminer si, comme le gouvernement autrichien le soutenait dans l'affaire ayant donné lieu audit arrêt, seule la personne qui a le pouvoir de disposer de la marchandise peut être considérée comme détentrice de celle-ci au sens de l'article 4 du règlement n° 3108/94 ou, comme la Commission le faisait valoir, si le terme « détenteurs », au sens de ladite disposition, désigne la personne qui exerce le contrôle effectif sur les stocks ou qui détient réellement et matériellement ceux-ci, ce qui inclurait le titulaire d'un droit de gage ou le transporteur, qui ne détient pas nécessairement le pouvoir d'en disposer librement (points 40, 41 et 43 de l'arrêt). C'est uniquement dans ce contexte que la Cour a établi que la notion de « détenteurs », au sens de l'article 4 du règlement n° 3108/94, visait des personnes qui, à la date du 1er janvier 1995, avaient le pouvoir de mettre le produit stocké sur le marché en vue de réaliser un profit que la taxation en cause tendait précisément à neutraliser (point 42 de l'arrêt). Partant, il ne convient pas de faire une interprétation extensive de cette conclusion.
- Troisièmement, il y a lieu de relever que la définition de « détenteurs de stocks excédentaires » retenue par la Cour dans l'arrêt Weidacher, point 118 supra, n'exclut pas uniquement les personnes autres que les opérateurs commerciaux, mais aussi les opérateurs commerciaux qui ne pourraient pas tirer un profit anormal de la vente du produit stocké. Ainsi, la Cour a conclu qu'il y avait lieu d'interpréter la notion de « détenteurs », au sens de l'article 4 du règlement n° 3108/94, comme visant des personnes qui, à la date du 1er janvier 1995, avaient le pouvoir de mettre le produit stocké sur le marché en vue de réaliser un profit que la taxation en cause au principal tendait précisément à neutraliser (point 42 de l'arrêt), c'est-à -dire un profit lié aux avantages économiques dont auraient bénéficié les opérateurs ayant constitué des stocks excédentaires à bas prix (point 22 de l'arrêt). Cependant, l'article 145, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion de 1994 obligeait les nouveaux États membres de 1995 à éliminer les excédents existant sur leur territoire et non uniquement ceux rapportant un profit anormal à leurs détenteurs. C'est pourquoi, par exemple, les dispositions combinées des articles 5 à 7 du règlement n° 3300/94 imposaient à la République d'Autriche l'élimination des quantités de sucre, calculées sur la base de l'addition des stocks supérieurs à 3 tonnes, dépassant la quantité de référence de 294 177 tonnes, alors que le prix du sucre avant 1995 était supérieur au prix communautaire, selon la Commission.
- Quatrièmement, l'interprétation de la Cour dans l'arrêt Weidacher, point 118 supra, ne peut pas être examinée en faisant abstraction du fait qu'elle a été effectuée dans un contexte normatif très différent de celui du cas d'espèce. En effet, les dispositions combinées des articles 5 à 7 du règlement n° 3300/94 avaient limité en pratique l'obligation d'élimination des stocks excédentaires aux quantités calculées uniquement sur la base de l'addition des stocks individuels supérieurs à 3 tonnes et dépassant les stocks normaux de report déterminés par la Commission pour chaque nouvel État membre de 1995. Il serait ainsi inapproprié de considérer que la notion de « détenteur » au sens de l'article 4 du règlement n° 3108/94 telle qu'interprétée par la Cour visait des personnes autres que les opérateurs commerciaux, alors que la Commission avait par la suite limité en pratique l'obligation d'élimination des excédents aux quantités supérieures aux 3 tonnes.
- En vertu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la définition en cause retenue par la Cour dans l'arrêt Weidacher, point 118 supra, n'implique pas que les réserves ménagères doivent être exclues du calcul des excédents d'un nouvel État membre, au sens du règlement n° 60/2004. La thèse de la requérante et, partant, la première branche de son deuxième moyen doivent être rejetés.
C Sur la seconde branche
- La République d'Estonie fait valoir que le règlement attaqué, en incluant dans l'excédent lui ayant été attribué les réserves ménagères, a violé l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 60/2004, aux termes duquel la Commission doit tenir compte des circonstances particulières dans lesquelles se sont constitués les stocks lors de la détermination des excédents, ce que la Commission conteste.
- à cet égard, la République d'Estonie relève que la Commission était obligée de prendre en compte trois circonstances spécifiques relatives à sa situation, à savoir la place particulière du sucre dans l'économie et la culture estoniennes, le changement de méthode au niveau de la détermination des excédents et la contribution de la Communauté à la constitution de ces derniers.
- Enfin, la République de Lettonie fait valoir que la Commission n'a pas suffisamment pris en compte le développement de l'économie des nouveaux État membres.
- Il convient d'examiner de façon indépendante, premièrement, les arguments avancés par la République d'Estonie tirés de l'absence de prise en compte par la Commission de chacune de ces trois circonstances et, deuxièmement, l'argument présenté par la République de Lettonie. à titre liminaire, il convient de déterminer la portée de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 60/2004.
1. Observations liminaires sur la portée de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 60/2004
- Il convient de rappeler que, aux termes de l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 60/2004, afin de déterminer les excédents des nouveaux États membres, la Commission tient particulièrement compte de l'évolution observée au cours de l'année précédant l'adhésion par rapport aux années précédentes quant aux quantités importées et exportées de sucre en l'état ou de sucre sous forme de produits transformés, tels que l'isoglucose et le fructose, à la production, à la consommation et aux stocks de sucre et d'isoglucose et, enfin, aux circonstances dans lesquelles les stocks se sont constitués (voir point 13 ci'dessus).
- Les règlements fixant le cadre normatif de l'élimination d'excédents de sucre lors des adhésions de 1986 et de 1995, à savoir, respectivement, les règlements n° 579/86 et n° 3300/94, ne contiennent pas de disposition analogue à celle de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 60/2004. En effet, en vertu de ces deux règlements, toutes les quantités résultant de l'addition des stocks supérieurs à 3 tonnes excédant les stocks normaux de report calculés par la Commission sont automatiquement considérées comme des excédents.
- Le système mis en place par le règlement n° 60/2004 prévoit donc une réelle flexibilité par rapport aux systèmes instaurés lors des adhésions précédentes, dans la mesure où il permet qu'une certaine réserve de sucre ne soit pas comptabilisée à titre d'excédent en fonction des circonstances dans lesquelles ladite réserve a été constituée.
- Il y a lieu, néanmoins, de souligner que le règlement n° 60/2004 n'explique pas quelles sont les circonstances particulières de constitution des stocks que la Commission doit prendre en compte ni le rôle qu'elles doivent jouer dans l'évaluation de la Commission.
- Dans ces conditions, il importe de rappeler que, comme cela a été mentionné au point 115 ci'dessus, pour l'interprétation d'une disposition de droit communautaire, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie, ainsi que de l'ensemble des dispositions du droit communautaire. La notion de « circonstances dans lesquelles les stocks se sont constitués » doit donc être interprétée notamment à la lumière de l'objectif du règlement n° 60/2004.
- à cet égard, il y a lieu de souligner que le but des mesures mises en place par le règlement n° 60/2004 est notamment d'éviter des perturbations du marché communautaire du sucre au détriment du budget communautaire et des producteurs (voir point 163 ci'dessus). Partant, il convient de conclure que la prise en compte des circonstances dans lesquelles les stocks se sont constitués au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 60/2004 ne peut avoir pour effet de générer un risque de perturbation du marché.
- Il convient donc de conclure que l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 60/2004 permet uniquement d'exclure du calcul des excédents certains stocks constitués, qui devraient être pris en compte au titre des excédents selon les autres critères visés à l'article 6, paragraphe 1, dudit règlement, mais qui ne constituent pas un risque de perturbation du marché eu égard aux circonstances de l'espèce. Il en va ainsi, par exemple, de la constitution de stocks en prévision d'une hausse très importante de la consommation ou du fait que, pour des raisons particulières, le niveau des stocks au cours de la période immédiatement antérieure à l'adhésion était anormalement bas.
- En revanche, il ne ressort pas du libellé de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 60/2004 que les circonstances en cause doivent être uniquement spécifiques à la situation d'un État membre en particulier.
- C'est à la lumière de ces considérations que la présente branche doit être examinée.
2. Sur l'importance de la consommation du sucre en Estonie
a) Arguments des parties
- La République d'Estonie relève que, s'agissant de la consommation du sucre, la situation en Estonie diffère de celle prévalant dans les autres États membres. Premièrement, les Estoniens auraient un revenu moyen beaucoup plus bas que celui des ressortissants des anciens États membres, et en dépenseraient un pourcentage pour la nourriture, les boissons et le tabac doublant celui dépensé par ces derniers. Deuxièmement, 96 % des confitures, 92 % des compotes et 54 % des jus de fruits seraient produits à domicile en Estonie, où la consommation de sucre par personne serait de 20 % supérieure à celle des anciens États membres. Troisièmement, l'Estonie ne produirait pas de sucre et, avant l'adhésion, elle n'aurait pas perçu de droits de douane sur ledit produit, le prix estonien équivalant à un tiers du prix communautaire. Du fait de cet ensemble d'éléments, ainsi que des pénuries d'approvisionnement subies par cet État à la suite de son accession à l'indépendance à l'égard de l'Union soviétique, les Estoniens auraient été très sensibles au prix du sucre. Partant, dans la mesure où ils étaient persuadés que ce dernier allait augmenter après l'adhésion de la République d'Estonie à l'Union européenne, ils auraient acheté des quantités de sucre à hauteur de 30 kg par habitant et de 72 kg par ménage en moyenne, les importations totales étant passées de 65 478 tonnes en 2002/2003 à 160 023 tonnes en 2003/2004. En revanche, à Malte et à Chypre, seuls autres États non producteurs de sucre parmi les nouveaux États membres, il n'y aurait pas de production traditionnelle de confitures et le revenu par habitant serait plus élevé. Ainsi, l'augmentation du prix du sucre ne constituerait pas une charge comparable pour les ressortissants de ces deux nouveaux États membres, qui n'en auraient donc pas constitué de réserves.
- La Commission conteste les arguments de la République d'Estonie.
b) Appréciation du Tribunal
- La thèse de la République d'Estonie revient, en substance, à soutenir que la Commission aurait dà» prendre en compte le fait que les consommateurs estoniens avaient un intérêt évident et même fondamental à constituer d'importantes réserves ménagères en prévision de la hausse attendue du prix du sucre en Estonie à la suite de l'adhésion.
- à cet égard, il y a lieu de relever qu'il est, certes, exact que les consommateurs estoniens avaient, au cours de la période immédiatement antérieure à l'adhésion, un grand intérêt à constituer des réserves de sucre pour retarder, dans la mesure du possible, l'impact sur leur budget de la hausse prévue, à hauteur de 300 %, du prix de ce produit à la suite de l'adhésion.
- Cependant, la prise en compte d'une telle circonstance pour exclure les réserves ainsi constituées de la notion d'« excédent » empêcherait d'atteindre le but visé par le règlement n° 60/2004, à savoir prévenir des perturbations dans le marché du sucre liées à la constitution d'excédents (voir point 163 ci'dessus).
- En conséquence, l'existence de raisons objectives rendant intéressante la constitution de réserves ménagères ne saurait être considérée comme une circonstance dans laquelle les stocks se sont constitués au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 60/2004.
- Quant à l'argument selon lequel le sucre est beaucoup plus utilisé en Estonie que dans les autres États membres, il y a lieu de relever que, même à le supposer avéré, cela n'impliquerait nullement que les excédents constitués sous la forme de réserves ménagères n'étaient pas de nature à créer un risque de perturbation du marché communautaire du sucre à la suite de l'adhésion.
- Par ailleurs, il ne ressort pas clairement du dossier que l'importance du sucre dans la consommation et la culture estoniennes ait eu un rôle aussi fondamental dans la constitution des réserves ménagères que le prétend la République d'Estonie. En effet, selon la République d'Estonie elle-même, la consommation per capita de sucre sur son territoire n'est que de 20 % supérieure à la moyenne communautaire.
- Enfin, les mesures mises en place par la Commission en vertu du règlement n° 60/2004 n'empêchent pas la République d'Estonie de permettre à ses ressortissants d'avoir une consommation élevée de sucre, mais uniquement de constituer des réserves d'une taille anormale, lesquelles, en pratique, retardent l'application intégrale de l'OCM du sucre sur son territoire, au détriment, notamment, des producteurs et du budget communautaires.
- à cet égard, si la République d'Estonie considérait qu'il était essentiel de garantir à ses citoyens un approvisionnement temporaire de sucre à un prix inférieur à celui résultant de l'application de l'OCM du sucre sur son territoire, conséquence directe de sa décision d'adhérer à l'Union européenne, elle aurait dà» demander, dans le cadre de ses négociations avec l'Union européenne en vue de l'adhésion, comme l'a fait, par exemple, la République de Malte, ainsi qu'il ressort de l'annexe XI, point 4, sous a), de l'acte d'adhésion, de se voir octroyer la faculté de subventionner l'acquisition d'une quantité donnée de sucre par ses ressortissants pendant une période donnée.
- Il y a donc lieu de conclure que la République d'Estonie n'est pas parvenue à démontrer que la Commission avait violé l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 60/2004 en ne prenant pas en compte le rôle du sucre et sa consommation sur son territoire.
3. Sur la modification par la Commission des critères appliqués lors des adhésions précédentes
a) Arguments des parties
- La République d'Estonie estime que, lors des adhésions précédentes, la Commission n'a pas inclus les réserves ménagères dans le calcul des excédents, mais, uniquement, les quantités supérieures à 3 tonnes. La méthode appliquée en l'espèce constituerait ainsi un changement fondamental et ne serait clairement apparue qu'après l'adhésion des nouveaux États membres à l'Union européenne, date à partir de laquelle les excédents ont été déterminés. Cela aurait empêché la République d'Estonie d'éviter la formation de réserves ménagères. Par ailleurs, la Commission aurait suscité l'attente légitime de ce que lesdites réserves ne seraient pas comptabilisées à titre d'excédents, en renvoyant de manière répétée aux adhésions précédentes. Cela ressortirait du fait que, dans le SIP, la Commission aurait indiqué que seuls les opérateurs devaient être empêchés de constituer des stocks et que l'obligation d'éliminer les stocks excédentaires pesait uniquement sur eux. Ces renvois ne seraient pas contredits par l'acte d'adhésion, dont le libellé est, en ce qui concerne les excédents, presque identique aux dispositions équivalentes adoptées lors des adhésions précédentes.
- La Commission conteste les arguments de la République d'Estonie.
b) Appréciation du Tribunal
- Par le présent argument, la République d'Estonie soulève, en substance, deux questions différentes.
- Premièrement, elle fait valoir que le fait que, lors des adhésions précédentes, les excédents des nouveaux États membres de 1986 et de 1995 avaient été calculés uniquement à partir des quantités supérieures à 3 tonnes existant sur leur territoire est une circonstance dans laquelle les stocks se sont constitués, au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 60/2004.
- Deuxièmement, la République d'Estonie fait valoir que la Commission avait créé chez elle une confiance légitime relative au fait que les réserves ménagères ne seraient pas comptabilisées à titre d'excédents.
- En ce qui concerne la première question, il y a lieu de relever que la République d'Estonie n'indique pas clairement quelle conclusion elle prétend en tirer. L'interprétation la plus plausible de ses arguments est de conclure qu'elle estime que le fait que, lors des adhésions précédentes, les excédents des nouveaux États membres de 1986 et de 1995 aient été calculés uniquement à partir des quantités supérieures à 3 tonnes implique que la Commission aurait dà» procéder de la même manière lors de la détermination des excédents dans le cadre de l'adoption du règlement attaqué.
- Cependant, il y a lieu de souligner d'emblée que les modalités de calcul d'excédents retenues lors des adhésions précédentes ne peuvent être considérées comme des circonstances dans lesquelles les stocks se sont constitués au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 60/2004.
- Par ailleurs, eu égard à ce qui a été exposé aux points 245 à 248 ci-dessus, la prise en compte des circonstances dans lesquelles les stocks se sont constitués ne peut avoir pour effet de générer un risque de perturbation des mécanismes prévus par l'OCM du sucre. Or, si toute quantité de sucre inférieure à 3 tonnes devait être, de ce fait, exclue du calcul des excédents d'un nouvel État membre, la quantité totale de sucre existant sur le territoire de cet État le jour de l'adhésion pourrait être très importante, ce qui compromettrait le but du règlement n° 60/2004, consistant à éviter toute perturbation desdits mécanismes.
- Ainsi, il convient de considérer que le fait que la Commission, dans les dispositions d'application des obligations d'élimination d'excédents figurant dans les actes d'adhésion de 1985 et de 1994, a limité la portée desdites obligations aux quantités supérieures à 3 tonnes montre uniquement qu'elle a estimé que l'existence d'excédents calculés à partir de quantités inférieures ne posait pas un risque pour la stabilité du marché communautaire du sucre, compte tenu des circonstances particulières existant lors desdites adhésions. Or, une telle démarche ne peut pas préjuger la question de savoir si l'existence d'excédents calculés à partir de quantités inférieures à 3 tonnes est de nature à générer un risque de perturbation des mécanismes de l'OCM du sucre dans le contexte de l'adhésion.
- Quant à la seconde question, il y a lieu de rappeler que le principe de protection de la confiance légitime ne peut être invoqué à l'encontre d'une réglementation communautaire que dans la mesure où la Communauté elle-même a créé au préalable une situation susceptible d'engendrer une confiance légitime (voir arrêt Weidacher, point 118 supra, point 31, et la jurisprudence citée). Ledit principe, qui s'inscrit parmi les principes fondamentaux de la Communauté, suppose que l'institution communautaire concernée ait fourni aux intéressés des assurances précises ayant fait naître chez eux des espérances fondées (arrêt du Tribunal du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement, T-222/99, T-327/99 et T-329/99, Rec. p. II'2823, point 183).
- Or, il y a lieu de relever que la Communauté n'a pas créé au préalable, en l'espèce, une situation susceptible de créer une confiance légitime à l'égard de la République d'Estonie ou des opérateurs estoniens relative au fait que les réserves ménagères ne seraient pas prises en compte lors du calcul de l'excédent estonien.
- En effet, s'il est indiqué au point 8, paragraphe 1, sous 2), du SIP que la question des excédents devait être traitée en tenant compte de l'expérience acquise lors des adhésions de 1986 et de 1995 ainsi que lors de la réunification allemande, cela n'implique pas que les mesures adoptées lors de l'adhésion de 2004 devaient être identiques à celles adoptées lors des adhésions précédentes.
- Par ailleurs, les dispositions applicables s'agissant des adhésions de 1986 et de 1995 qui sont citées, à titre informatif, au point 8, paragraphe 1, sous 2), du SIP sont celles figurant dans les actes d'adhésion de 1985 et de 1994, et prévoient une obligation d'élimination des excédents non soumise à une règle de minimis contrairement à leurs dispositions d'exécution, qui ont introduit une telle règle.
- Partant, la République d'Estonie n'est parvenue à présenter aucun document faisant état d'assurances précises de la part de la Commission selon lesquelles les réserves ménagères ne seraient pas prises en compte lors du calcul de l'excédent estonien. Elle n'est pas non plus parvenue à avancer une preuve quant à des assurances précises de la part de la Commission selon lesquelles les mesures d'exécution de l'obligation d'élimination figurant à l'annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion seraient identiques aux mesures adoptées en application des dispositions équivalentes des actes d'adhésion de 1985 et de 1994.
- Dans ces circonstances, la République d'Estonie ne pouvait ignorer le caractère très ouvert de la rédaction de l'annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion, aux termes duquel les nouveaux États membres étaient obligés d'assurer à leurs frais l'élimination de tous les excédents existant sur leur territoire.
- Il y a donc lieu de conclure que le fait que les réserves ménagères n'aient pas été incluses dans le calcul des excédents lors des adhésions précédentes ne peut être considéré comme une circonstance dans laquelle les stocks se sont constitués lors de l'adhésion de 2004, au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 60/2004.
4. Sur la contribution de la Commission à la constitution des réserves ménagères en Estonie
a) Arguments des parties
- La République d'Estonie fait valoir que, au cours de l'année précédant l'adhésion, 87 % des importations estoniennes de sucre provenaient de l'Union européenne et étaient encouragées par des subventions communautaires jugées illégales par l'organe d'appel de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ce qui serait contraire au principe de bonne foi. La Commission aurait même empêché la République d'Estonie de restreindre les importations communautaires à titre de mesures de sauvegarde, alors que cela aurait évité la constitution d'excédents, lesdites importations n'étant pas remplaçables au cours d'une période aussi réduite.
- La Commission rejette les arguments de la République d'Estonie.
b) Appréciation du Tribunal
- La thèse de la République d'Estonie part, en substance, de la prémisse que l'existence de réserves ménagères, et, plus généralement, de l'excédent estonien, est notamment due au fait que l'Union européenne a subventionné des exportations de sucre vers son territoire. Elle en conclut que la Commission est obligée de prendre en compte cette circonstance au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 60/2004 pour exclure du calcul de son excédent les réserves ménagères.
- Cette thèse ne saurait être acceptée.
- En effet, à supposer même qu'une relation de cause à effet entre la constitution des réserves ménagères en Estonie et les exportations communautaires subventionnées vers la République d'Estonie puisse être établie, cette relation ne rendrait pas moins dangereuse pour la stabilité de l'OCM du sucre l'existence desdites réserves. Elles seraient susceptibles de provoquer des perturbations sur le marché communautaire du sucre, pour les raisons mentionnées aux points 121 à 134 ci-dessus, et ce quels que soient les motifs pour lesquels elles ont été constituées.
- En conséquence, au vu des considérations figurant aux points 245 à 248 ci'dessus, il y a lieu de conclure que l'existence d'exportations communautaires subventionnées vers la République d'Estonie ne doit pas être prise en compte comme une circonstance dans laquelle les stocks se sont constitués au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 60/2004.
- Par ailleurs, et en tout état de cause, la prémisse sur laquelle la thèse de la République d'Estonie est fondée est erronée.
- En effet, il est constant entre les parties que le prix du sucre sur le marché international équivalait, avant l'adhésion, à moins d'un tiers du prix communautaire. Partant, même si la Commission avait disposé des moyens d'éliminer toute possibilité pour la République d'Estonie de s'approvisionner en sucre auprès des opérateurs communautaires, les importateurs estoniens auraient conservé de toute manière un intérêt évident à se diriger vers les producteurs de sucre non communautaires en vue de constituer des stocks soit pour les écouler dans la Communauté élargie à grand profit, soit pour fournir aux ressortissants estoniens les quantités qu'ils demandaient afin de constituer des réserves ménagères.
- La République d'Estonie estime que ce changement de sources d'approvisionnement n'aurait pas été possible, dans la mesure où les importateurs estoniens auraient rencontré des difficultés pour substituer du jour au lendemain leurs fournisseurs traditionnels communautaires par des fournisseurs établis en dehors de la Communauté.
- Cet argument ne saurait être admis. En effet, la République d'Estonie ne fournit aucune raison pour laquelle il serait manifeste que, dans un marché comme celui du sucre, un opérateur expérimenté n'aurait pas été en mesure d'acheter sur le marché international des quantités importantes de sucre dans le délai de trois mois et demi, allant de la date de publication au Journal officiel du règlement n° 60/2004 à la date d'adhésion des nouveaux États membres à l'Union européenne, et cela d'autant plus que les opérateurs estoniens auraient pu payer pour le sucre non communautaire le double du prix de marché et, pourtant, conserver une grande marge commerciale.
- Par ailleurs, il y a lieu de relever que rien n'indique que les opérateurs estoniens n'auraient pu constituer des excédents avant la date de publication du règlement n° 60/2004 en vue de leur vente dans la Communauté élargie ou sur le marché domestique. Or, dans ce cas, l'adoption par la Commission dans le cadre dudit règlement de mesures décourageant les exportations communautaires vers l'Estonie n'aurait pas suffi à assurer l'élimination des excédents en cause.
- Il y a donc lieu de rejeter l'ensemble des arguments de la République d'Estonie.
5. Sur la prise en compte insuffisante par la Commission du développement de l'économie des nouveaux États membres.
a) Arguments des parties
- La République de Lettonie estime que la Commission n'a pas suffisamment pris en compte, au titre de l'article 6, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous c), du règlement n° 60/2004, le développement économique des nouveaux États membres ainsi que la rapidité objective de l'accroissement des besoins en ressources liée à celle de l'accroissement du pouvoir d'achat des habitants et au développement du secteur du tourisme. Ainsi, l'essentiel de l'excédent en Lettonie résulterait d'une augmentation de la capacité de production et de la consommation, ce qui n'aurait pas été pris en compte dans les formules rigides de la Commission. De plus, celle-ci aurait dà» déterminer non seulement l'excédent de chaque nouvel État membre, mais aussi son stock de report normal au 1er mai 2004, ce qui aurait davantage garanti que les circonstances de constitution des stocks feraient l'objet d'une analyse appropriée. Ce faisant, la Commission aurait également violé le principe de protection de la confiance légitime.
- La Commission conteste les arguments de la République de Lettonie.
b) Appréciation du Tribunal
- L'article 115, paragraphe 2, second alinéa, du règlement de procédure du Tribunal soumet la recevabilité d'une demande d'intervention au respect, notamment, de la condition prévue à l'article 44, paragraphe 1, sous c), dudit règlement, en vertu de laquelle la requête doit, en particulier, contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Elle doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du statut de la Cour de justice et du règlement de procédure (arrêts du Tribunal du 12 janvier 1995, Viho/Commission, T-102/92, Rec. p. II'17, point 68, et du 10 septembre 2008, Italie/Commission, T-181/06, non publié au Recueil, point 139).
- à la lumière de ces considérations, il convient de constater que les éléments invoqués par la République de Lettonie à l'appui de sa thèse sont trop vagues pour être examinés. En effet, il est impossible de déterminer sur la base desdits arguments la manière dont la Commission aurait dà» prendre en compte l'évolution de l'économie des nouveaux États membres pour modifier en conséquence son calcul des excédents sur la base d'une consommation prétendument supérieure.
- Par ailleurs, l'essentiel des arguments de la République de Lettonie concernent, en substance, sa propre évolution économique et, même à les supposer fondés, ils n'auraient aucune incidence sur la question de savoir si, lors du calcul de l'excédent attribuable à la République d'Estonie, la Commission a pris suffisamment en compte les conditions dans lesquelles les stocks se sont constitués sur son territoire.
- Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que tant le grief de la République de Lettonie que l'ensemble du présent moyen doivent être rejetés.
IV Sur le troisième moyen, tiré d'une violation de l'obligation de motivation
A Arguments des parties
- La République d'Estonie estime que la Commission n'a pas expliqué dans le règlement attaqué pour quelles raisons les réserves ménagères ont été incluses dans l'excédent en cause, ce qui est d'autant plus grave eu égard aux circonstances de l'espèce.
- à cet égard, premièrement, elle fait valoir que, lorsqu'une mesure vise un cas particulier, les exigences de motivation sont plus strictes (arrêts de la Cour du 28 octobre 1982, Lion e.a., 292/81 et-293/81, Rec. p. 3887, points 18 et suivants, et du 11 mai 1983, Klöckner-Werke/Commission, 311/81 et-30/82, Rec. p. 1549, points 30 et suivants). Elle estime que le règlement attaqué ne concerne que cinq nouveaux États membres et porte sur une seule situation qui n'est pas susceptible de se répéter, à savoir la transition du régime en vigueur dans ces États à l'OCM du sucre. Or, lorsque le nombre de personnes est déterminé et qu'il n'y a pas de possibilités d'application futures, un règlement constituerait plutôt un faisceau de décisions.
- Deuxièmement, la République d'Estonie relève qu'une décision doit être détaillée de manière circonstanciée, notamment lorsqu'elle produit des effets sérieux et importants. Or, le montant à acquitter par la République d'Estonie si elle n'élimine pas ses excédents étant de 45,7 millions d'euros, soit 1,35 % de son budget, la Commission serait soumise à une obligation de motivation accrue.
- Troisièmement, la République d'Estonie souligne que, par rapport aux adhésions précédentes, la Commission a changé de pratique au niveau du calcul des excédents et qu'elle a introduit une méthode atypique dans le contexte de la politique agricole commune, alors que la modification d'une pratique exige également une motivation détaillée.
- Enfin, quatrièmement, le règlement attaqué ne contiendrait aucune motivation concernant la manière dont les circonstances particulières auxquelles fait référence l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 60/2004 ont été prises en compte, à l'exception d'une indication apodictique au considérant 3. Cela empêcherait tout contrôle de la légalité du règlement attaqué, alors que l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 60/2004 laissant à la Commission un large pouvoir d'appréciation, le niveau requis de motivation dans cette situation serait plus élevé.
- à cet égard, la République d'Estonie relève que les motifs pour lesquels les réserves ménagères ont été incluses dans le calcul des excédents en cause ne lui ont pas été communiqués, même dans le cadre du comité de gestion du sucre ou lors de la réunion du 19 mai 2005, et invite la Commission à transmettre au Tribunal les documents présentés lors de cette réunion.
- La Commission conteste les arguments de la République d'Estonie.
B Appréciation du Tribunal
- Il y a lieu de relever que le règlement attaqué n'est pas l'acte normatif qui a prévu que les réserves ménagères seraient prises en compte à titre d'excédents.
- En effet, l'acte normatif qui a consacré une telle prise en compte est uniquement le règlement n° 60/2004. Ce dernier a instauré un système de calcul d'excédents qui est très différent de ceux mis en place par les règlements n° 579/86 et n° 3300/94 pour les adhésions de 1986 et de 1995 et qui étaient notamment fondés sur l'organisation d'un recensement par les autorités nationales des quantités supérieures à 3 tonnes existant sur leur territoire pour ensuite les comparer à une quantité fixée par la Commission à titre de stock normal de report et ainsi éliminer tout éventuel excédent (voir point 195 et 196 ci'dessus).
- à cet égard, il y a lieu de relever qu'il est clairement indiqué au considérant 7 du règlement n° 60/2004 que la détermination des stocks excédentaires sera réalisée par la Commission sur la base de l'évolution des échanges et des tendances en matière de production et de consommation dans les nouveaux États membres, pour la période comprise entre le 1er mai 2000 et le 30 avril 2004. Quant au considérant 9 dudit règlement, il y est indiqué que, pour la détermination des stocks excédentaires, les nouveaux États membres doivent communiquer à la Commission les statistiques les plus récentes en matière d'échanges, de production et de consommation des produits considérés (voir point 197 ci'dessus).
- L'article 6 du règlement n° 60/2004 dispose ainsi que, pour déterminer les excédents, il est particulièrement tenu compte de l'évolution observée au cours de l'année précédant l'adhésion par rapport aux années précédentes quant aux quantités importées et exportées de sucre en l'état ou de sucre sous forme de produits transformés, tels que l'isoglucose et le fructose, à la production, à la consommation et aux stocks de sucre et d'isoglucose et, enfin, aux circonstances dans lesquelles les stocks se sont constitués.
- Il est donc manifeste que, comme il a déjà été expliqué précédemment, le règlement n° 60/2004 fixe une méthode de détermination des excédents axée sur l'observation des tendances macroéconomiques et non sur celle des quantités mises effectivement en réserve dans un État membre en particulier. Il inclut également une clause de flexibilité finale permettant de modifier le résultat de cet examen en fonction de circonstances particulières justifiant l'exclusion de certaines quantités de sucre, dès lors que l'existence de ces quantités ne constitue pas un risque de perturbation des mécanismes de l'OCM du sucre, ainsi que cela ressort de l'interprétation de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 60/2004 effectuée aux points 245 à 248 ci-dessus. La Commission elle-même à l'annexe I de la communication de Mme Fischer Boel relève que l'objet de ladite annexe est de fixer une méthodologie pour déterminer les excédents des nouveaux États membres au niveau macroéconomique, comme l'exige l'article 6 du règlement n° 60/2004, lequel ne contient aucune disposition excluant du calcul des excédents les quantités minimes.
- Le considérant 3 du règlement attaqué mentionne les variables macroéconomiques qui ont été prises en compte en pratique par la Commission pour le calcul des excédents. Ainsi, il y est expliqué que, d'une manière générale, la Commission considère que les quantités excédentaires de sucre résultent de l'augmentation de la production, à laquelle il faut ajouter les importations et soustraire les exportations pour la période comprise entre le 1er mai 2003 et le 30 avril 2004, comparées à la moyenne de ces mêmes quantités au cours de la même période pendant les trois années précédentes.
- Il est également manifeste qu'une telle méthode de détermination des excédents implique nécessairement la prise en compte des réserves ménagères au même titre que celles constituées par les opérateurs. En effet, en ce qui concerne la République d'Estonie, État non producteur de sucre, l'excédent calculé pour la campagne 2003/2004 doit nécessairement résulter de la différence entre les importations effectuées lors de cette campagne et la moyenne des importations effectuées lors des trois campagnes précédentes à laquelle il faut soustraire la différence entre les exportations effectuées lors de cette campagne et la moyenne des exportations effectuées lors des trois campagnes précédentes. Or, une telle méthode, qui prend en principe en compte uniquement les importations et les exportations, ne permet pas d'exclure les réserves ménagères de la quantité ainsi obtenue, sauf à considérer que l'existence desdites réserves est une circonstance dans laquelle les stocks se sont constitués au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 60/2004.
- Le fait que cette méthode a été effectivement appliquée ressort non seulement des considérants du règlement attaqué, mais également, et cela de façon très nette, des documents soumis à plusieurs reprises à la République d'Estonie lors du comité de gestion du sucre et, en dernier lieu, lors de la réunion du groupe d'experts du 19 mai 2005, ces documents ayant été produits avant l'adoption dudit règlement et étant connus de la République d'Estonie.
- Dans ces circonstances, il convient de conclure, d'une part, que le règlement attaqué est suffisamment motivé quant à la question de savoir pour quelles raisons les réserves ménagères n'ont pas été exclues du calcul de l'excédent estonien et, d'autre part, que la motivation dudit règlement ne devait pas forcément contenir les raisons pour lesquelles la Commission s'était écartée de la pratique adoptée lors des adhésions précédentes, dans la mesure où le fait de s'en écarter est une conséquence logique et nécessaire du règlement n° 60/2004, dont la légalité n'a pas été mise en cause par la République d'Estonie dans le cadre du présent recours.
V Sur le quatrième moyen, tiré d'une violation du principe de bonne administration
A Arguments des parties
- La République d'Estonie fait valoir que la Commission a violé le principe de bonne administration en adoptant le règlement attaqué, dès lors que, celui-ci étant un faisceau de cinq décisions concernant les nouveaux États membres concernés, elle était tenue de préparer soigneusement et impartialement sa décision. La Commission n'aurait pas pris en compte les circonstances particulières relatives à la situation de la République d'Estonie alors qu'elle en avait été informée. Mme Fischer Boel aurait pris cette décision en se fondant sur des considérations sans lien avec l'affaire, commettant ainsi un abus de pouvoir. Elle aurait essayé, d'une part, d'éviter le risque que d'autres nouveaux États membres ne contestent les bases de calcul concernant d'autres produits ou qu'ils n'invoquent des circonstances particulières et, d'autre part, d'éviter de créer des précédents pour les adhésions à venir.
- Par ailleurs, la Commission aurait dà» évaluer l'incidence de son propre comportement sur la situation créée, notamment en ce qu'elle avait déclaré qu'elle utiliserait la même méthode de calcul que lors des précédentes adhésions.
- Enfin, en vertu du principe de bonne administration, le collège devrait, avant toute prise de décision, être au courant des faits essentiels. Pourtant, il se serait prononcé sur la question de l'inclusion des réserves ménagères dans l'excédent estonien alors que la version définitive de la communication de Mme Fischer Boel ne comportait pas les arguments de la République d'Estonie concernant notamment les conséquences graves de cette décision sur son budget, ni les considérations de Mme Fischer Boel en la matière, ni des chiffres effectifs, ni une comparaison avec la République de Malte et la République de Chypre.
- La Commission estime que le présent moyen doit être rejeté.
B Appréciation du Tribunal
- Il convient de relever que, par le présent moyen, tout en invoquant le principe de bonne administration, d'une part, la République d'Estonie reprend en substance les raisons pour lesquelles elle estime que la Commission a violé l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 60/2004 en adoptant le règlement attaqué sans tenir compte des circonstances particulières relatives à sa situation. Ces arguments ont été examinés et rejetés dans le cadre de la seconde branche du deuxième moyen. D'autre part, la République d'Estonie reprend les raisons pour lesquelles elle estime que le principe de collégialité a été violé en l'espèce. Ces arguments ont été examinés et rejetés dans le cadre du premier moyen.
- Il convient, partant, de rejeter le présent moyen dans son ensemble.
VI Sur le cinquième moyen, tiré d'une violation du principe de bonne foi
A Arguments des parties
- La République d'Estonie fait valoir que le principe de bonne foi interdit aux signataires d'un accord international d'adopter des actes privant cet accord de son objet et de son but. Partant, après la signature de l'acte d'adhésion, la Commission serait tenue de s'abstenir de toute mesure susceptible de favoriser une quelconque perturbation du marché ou la spéculation. Or, elle aurait omis de prendre des mesures contre l'augmentation des exportations communautaires et aurait empêché la République d'Estonie de le faire. Cela serait d'autant plus grave que la Commission aurait indiqué qu'elle tiendrait compte des effets sur les stocks causés par la libéralisation des échanges entre les États candidats et l'Union européenne et qu'elle appliquerait les mêmes principes que lors des adhésions précédentes.
- La Commission conteste les arguments de la République d'Estonie.
B Appréciation du Tribunal
- Dans le cadre du présent moyen, la République d'Estonie avance en substance les mêmes arguments qu'elle a faits valoir dans le cadre de ses deuxième et quatrième moyens. Ces arguments doivent, donc, être rejetés pour les mêmes raisons que lesdits moyens.
VII Sur le sixième moyen, tiré d'une violation du principe de non-discrimination
- La République d'Estonie fait valoir que le règlement attaqué viole le principe de non-discrimination à trois égards, qu'il convient d'examiner séparément.
A Discrimination par rapport à la République de Malte et à la République de Chypre
1. Arguments des parties
- La République d'Estonie estime qu'elle a été traitée de façon discriminatoire par rapport à la République de Malte et à la République de Chypre, ces deux nouveaux États membres et elle étant traités de la même façon, alors que la moitié de l'excédent estonien est constitué des réserves ménagères tandis que les excédents maltais et chypriote sont détenus par les seuls opérateurs. Cette discrimination ressortirait également de la lecture de l'annexe 18 et serait d'autant plus grave si, comme le montre l'évolution du calcul de l'excédent maltais entre le projet de règlement (13 210 tonnes) et le règlement attaqué (2 452 tonnes), des circonstances particulières ont effectivement été prises en compte pour la République de Malte.
- La Commission conteste les arguments de la République d'Estonie.
2. Appréciation du Tribunal
- La thèse de la République d'Estonie consiste, en substance, à soutenir que l'excédent estonien a été calculé de la même manière que les excédents chypriote et maltais, alors que des circonstances particulières relatives à sa situation auraient dà» conduire la Commission à lui accorder un traitement différencié. Cependant, les raisons pour lesquelles la République d'Estonie estime devoir bénéficier d'un tel traitement ne sont pas de nature à étayer sa thèse.
- En effet, ces raisons sont, en substance, celles invoquées pour faire valoir que la Commission aurait dà» tenir compte du rôle particulier de la consommation du sucre en République d'Estonie, exposées dans le cadre de la seconde branche du deuxième moyen. Or, dans la mesure où il a été conclu que ces raisons ne pouvaient pas amener la Commission à exclure les réserves ménagères de la République d'Estonie du calcul de l'excédent de cette dernière, comme il a été souligné aux points 252 à 260 ci'dessus, il ne pourra être considéré que, en ne prenant pas compte lesdites raisons, la Commission a traité de façon discriminatoire la République d'Estonie.
- Par ailleurs, dans la mesure où l'argument de la République d'Estonie peut être compris en ce sens que la Commission a réduit l'excédent maltais en tenant compte de l'existence d'une circonstance particulière relative à la situation de la République de Malte alors qu'elle ne l'a pas fait avec la République d'Estonie, il convient de relever que l'existence d'une telle condition spécifique, qui n'est pas mentionnée dans le règlement attaqué, ne peut affecter la légalité du calcul de l'excédent estonien ni témoigner d'une discrimination envers la République d'Estonie.
- En effet, la République d'Estonie n'indique pas si la réduction à laquelle la République de Malte a eu droit devait également lui être accordée au motif que sa situation et celle de la République de Malte, qui a permis à cette dernière d'obtenir la réduction en cause, relèvent de la même circonstance particulière.
- Par ailleurs, si l'argument de la République d'Estonie devait être compris en ce sens que l'excédent total de la République de Malte a été réduit de façon erronée, il y aurait lieu de souligner que cette erreur de la part de la Commission, à la supposer établie, ne saurait mettre en cause le règlement attaqué à l'égard de la République d'Estonie. En effet, cet État membre ne peut demander l'application d'une méthode de calcul de son excédent autre que la méthode lui étant applicable et, en tout état de cause, l'erreur commise n'aurait d'incidence sur le règlement attaqué qu'en tant qu'il concerne la République de Malte (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 mars 2002, Italie/Conseil, C-340/98, Rec. p. I'2663, points 90 et 91).
- Il y a donc lieu de conclure que la République d'Estonie n'est pas parvenue à démontrer que la Commission, en adoptant le règlement attaqué, l'avait traitée de façon discriminatoire par rapport à la République de Malte et à la République de Chypre.
B Discrimination par rapport à certains États membres ayant adhéré précédemment à la Communauté
1. Arguments des parties
- La République d'Estonie estime qu'elle est traitée de façon discriminatoire par rapport aux États membres ayant adhéré précédemment à la Communauté, puis à l'Union européenne, car, dans des situations de fait et juridiques identiques, les réserves ménagères de ces derniers n'ont pas été prises en compte pour la détermination de leurs excédents, ce que la Commission conteste.
2. Appréciation du Tribunal
- Il convient de relever que les mesures transitoires à adopter en matière agricole lors de chaque élargissement doivent être adaptées aux risques concrets de perturbations des marchés agricoles que cet élargissement peut comporter. Partant, les institutions ne sont pas tenues d'appliquer des mesures transitoires identiques dans le cadre de deux élargissements successifs.
- En particulier, la Commission pouvait prendre en compte, parmi les différences existant lors des élargissements de 1995 et de 2004, le fait que le but d'éviter des perturbations sur le marché communautaire du sucre en raison de l'accumulation d'excédents était plus difficile à atteindre en 2004, en raison de la taille beaucoup plus importante des marchés des nouveaux État membres et de leur capacité de production très supérieure, ainsi que du fait que certains nouveaux États membres, tels que la République d'Estonie, n'appliquaient aucun droit à l'importation de sucre, ce produit pouvant être simplement acheté sur le marché international, éléments dont la Commission fait état dans ses mémoires sans être contestée sur ce point par la République d'Estonie. De plus, les différences de prix entre la Communauté et les nouveaux États membres étaient, elles aussi, plus grandes. Le cumul de ces deux éléments rendait le risque de déstabilisation du marché du sucre substantiellement plus important et justifiait, par conséquent, l'adoption de mesures transitoires plus sévères.
- Il y a donc lieu de conclure que la République d'Estonie n'est pas parvenue à démontrer que la Commission l'avait traitée de façon discriminatoire par rapport aux États membres ayant adhéré à la Communauté, puis à l'Union européenne, lors des adhésions précédentes.
C Discrimination par rapport à l'ensemble des anciens États membres
1. Arguments des parties
- La République d'Estonie estime qu'elle a été traitée de façon discriminatoire par rapport à l'ensemble des anciens États membres. En effet, en vertu du règlement attaqué, elle serait tenue d'exiger que ses opérateurs éliminent une quantité de sucre en plus de leur quantité excédentaire pour remplir son obligation d'élimination, étant donné qu'il est impossible d'éliminer les réserves ménagères. Partant, ses opérateurs seraient dans une situation moins favorable que celle des anciens États membres. Enfin, si le règlement n° 60/2004 devait être interprété de telle manière que ce serait à la République d'Estonie d'assumer les conséquences de l'existence desdites réserves, en acquittant le montant visé à l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 60/2004, alors elle ferait l'objet d'une discrimination par rapport aux anciens États membres, qui auparavant n'ont jamais dà» supporter une telle charge.
- La Commission, à titre principal, estime que les arguments de la République d'Estonie sont dirigés contre le règlement n° 60/2004 et non contre le règlement attaqué et sont donc irrecevables et, à titre subsidiaire, conteste lesdits arguments.
2. Appréciation du Tribunal
- Sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité des arguments de la République d'Estonie, il convient de souligner que les opérateurs estoniens ne sont pas tenus, en vertu du règlement n° 60/2004, d'éliminer une quantité de sucre supérieure à leur excédent individuel. Il appartient uniquement à la République d'Estonie elle-même d'assurer l'élimination d'une quantité de sucre équivalente à l'excédent déterminé par la Commission (voir point 171 ci'dessus).
- En ce qui concerne la prétendue discrimination dont ferait l'objet la République d'Estonie vis-à -vis des anciens États membres, en ce qu'elle devrait payer le montant visé à l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 60/2004 si elle ne parvenait pas à éliminer une quantité de sucre équivalente à son excédent, il y a lieu de relever que la situation de l'agriculture dans les nouveaux États membres était radicalement différente de celle existant dans les anciens États membres (arrêt de la Cour du 23 octobre 2007, Pologne/Conseil, C-273/04, Rec. p. I'8925, point 87). Partant, il y a lieu de constater que, en ce qui concerne l'existence d'excédents, la situation des anciens États membres et celle de la République d'Estonie avant l'élargissement ne peuvent être considérées comme comparables.
- En effet, les opérateurs situés dans les anciens États membres et ceux situés en Estonie étaient soumis avant l'élargissement à des normes, à des quotas et à des mécanismes de soutien à la production différents. D'ailleurs, tandis que les institutions communautaires pouvaient empêcher la formation de stocks excédentaires sur le territoire des anciens États membres au moyen des mesures prévues dans le cadre de l'OCM du sucre, elles ne pouvaient pas empêcher la formation de stocks excédentaires sur le territoire des nouveaux États membres avant leur adhésion à l'Union européenne. C'est pour cette raison que l'annexe IV, point 4, paragraphes 1 à 4, de l'acte d'adhésion prévoit l'obligation pour les nouveaux États membres d'éliminer à leurs frais leurs stocks excédentaires sans pour autant prévoir une obligation parallèle pour les anciens États membres, ce qui a été accepté par la République d'Estonie en signant l'acte d'adhésion.
- Il y a donc lieu de conclure que la République d'Estonie n'est pas parvenue à démontrer l'existence d'une discrimination à son égard par rapport aux anciens États membres.
- Le présent moyen doit ainsi être rejeté dans son ensemble.
VIII Sur le septième moyen, tiré d'une violation du droit de propriété
A Arguments des parties
- La République d'Estonie fait valoir que le règlement attaqué viole le droit de propriété, reconnu et protégé dans le cadre du marché commun agricole, des restrictions ne pouvant y être apportées que si elles répondent à des objectifs d'intérêt général poursuivis par la Communauté et ne constituent pas une intervention démesurée qui porterait atteinte à sa substance même. Or, obliger les citoyens estoniens à éliminer le sucre acheté pour leur consommation constituerait une telle intervention, car ce sucre ne pourrait pas générer un risque de spéculation ou de perturbation du marché. Par ailleurs, cela constituerait une expropriation sans que, pour autant, les ménages, simples consommateurs, bénéficient directement de l'OCM du sucre. Enfin, si les opérateurs étaient obligés d'éliminer une quantité excédant leur stock excédentaire individuel, cela constituerait également une violation du droit de propriété.
B Appréciation du Tribunal
- Il convient d'écarter d'emblée la thèse de la République d'Estonie.
- En effet, aucune disposition du règlement n° 60/2004 n'oblige les ménages estoniens à éliminer une quelconque quantité de sucre ni les opérateurs estoniens à éliminer une quantité supplémentaire de sucre par rapport à leur excédent individuel. Seule la République d'Estonie est tenue d'assurer l'élimination d'une quantité de sucre équivalente à l'excédent déterminé par la Commission ou d'acquitter le montant visé à l'article 7, paragraphe 2, dudit règlement si elle ne parvient pas à respecter son obligation.
- Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que la République d'Estonie n'est pas parvenue à démontrer une quelconque violation du droit de propriété du fait de l'adoption du règlement attaqué.
IX Sur le huitième moyen, tiré d'une violation du principe de proportionnalité
A Arguments des parties
- La République d'Estonie fait valoir que le règlement attaqué viole le principe de proportionnalité, car l'élimination des réserves ménagères ne serait pas nécessaire pour éviter la spéculation et les perturbations du marché, objectifs poursuivis par le règlement n° 60/2004. En effet, d'une part, l'existence de ces réserves ne créerait un risque de perturbation que si elles pouvaient être revendues, ce qui ne serait pas à la portée des ménages, comme le prouverait le fait que le prix du sucre en Estonie a triplé après l'adhésion pour ensuite rester stable. D'autre part, ces réserves n'inciteraient pas à la spéculation, comme le montrerait le fait qu'elles n'ont jamais été prises en compte lors des adhésions précédentes. Enfin, l'inclusion desdites réserves dans l'excédent attribué à la République d'Estonie aurait pour effet de doubler le montant devant être payé en cas de non-respect des obligations prévues par le règlement n° 60/2004.
- La République de Lettonie ajoute que, compte tenu des erreurs de calcul de la Commission, le règlement attaqué ne pourrait pas atteindre l'objectif poursuivi par le règlement n° 60/2004, qui ne serait pas de grever le budget des nouveaux États membres, mais celui des entreprises ayant stocké du sucre à des fins spéculatives en utilisant les différences relatives aux droits à l'importation.
B Appréciation du Tribunal
- Les considérations développées aux points 121 à 129 et 162 à 167 ci-dessus amènent nécessairement à rejeter les arguments avancés par la République d'Estonie.
- Quant aux arguments de la République de Lettonie, il y a lieu de relever qu'ils ne permettent pas d'identifier les prétendues erreurs de calcul de la Commission qui ne permettraient pas d'atteindre l'objectif poursuivi par le règlement attaqué ainsi que par le règlement n° 60/2004. Par ailleurs, il y a lieu de souligner que, contrairement à ce que la République de Lettonie fait valoir, l'objectif de ces règlements n'est pas de grever le budget des entreprises ayant stocké du sucre à des fins spéculatives en utilisant les différences relatives aux droits à l'importation et non celui des nouveaux États membres, mais de prévenir les possibles perturbations de l'OCM du sucre, à la suite de l'adhésion de ces derniers, liées à l'existence d'excédents sur leur territoire, et ce, notamment, en garantissant que ces excédents seront éliminés à la charge exclusive desdits États.
- Le présent moyen doit, partant, être rejeté.
X Sur le premier moyen additionnel soulevé par la République de Lettonie, tiré d'une violation des droits de la défense
A Arguments des parties.
- La République de Lettonie indique qu'elle n'a pas eu la possibilité de faire connaître son point de vue sur le règlement attaqué et de présenter ses objections dans un délai raisonnable s'agissant de la méthodologie à partir de laquelle les excédents ont été calculés, ce que la Commission conteste.
B Appréciation du Tribunal
- La République de Lettonie invoque, en substance, une violation de ses propres droits de la défense. Ses arguments sont, partant, inopérants, car, même à les supposer recevables et fondés, ils ne pourraient avoir aucune incidence sur la légalité du règlement attaqué en ce qui concerne la République d'Estonie.
- Le présent moyen doit ainsi être rejeté.
XI Sur le second moyen additionnel soulevé par la République de Lettonie, tiré d'une violation du principe de protection de la confiance légitime
A Arguments des parties
- La République de Lettonie estime que la Commission a violé le principe de protection de la confiance légitime, car elle aurait dà» déterminer, pour chaque nouvel État membre, non seulement l'excédent correspondant, mais aussi le stock de report normal au 1er mai 2004, ce que la Commission conteste.
B Appréciation du Tribunal
- Il y a lieu de rappeler que l'article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l'article 53, premier alinéa, dudit statut, et l'article 116, paragraphe 4, du règlement de procédure confèrent à l'intervenant le droit d'exposer de manière autonome non seulement des arguments, mais aussi des moyens, pour autant que ceux-ci viennent au soutien des conclusions d'une des parties principales et ne soient pas d'une nature totalement étrangère aux considérations qui fondent le litige tel qu'il a été constitué entre la partie requérante et la partie défenderesse, ce qui aboutirait à en altérer l'objet (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T-171/02, Rec. p. II'2123, point 152).
- Or, le présent moyen additionnel soulevé par la République de Lettonie est d'une nature totalement étrangère aux considérations développées à l'appui des moyens invoqués par la République d'Estonie dans le cadre du présent recours et doit être rejeté comme étant irrecevable. En effet, si la République d'Estonie a avancé, dans le cadre de la seconde branche du deuxième moyen, un argument pouvant être interprété, en partie, comme étant tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, elle l'a fait par rapport à la circonstance que, lors des adhésions précédentes, les quantités inférieures à 3 tonnes n'avaient pas été prises en compte pour le calcul des excédents, et non à une prétendue confiance légitime en ce que le stock de report normal et non l'excédent devait être calculé.
- à titre surabondant, il y a lieu de relever que, bien que l'annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l'acte d'adhésion dispose que tout stock de produits en libre pratique sur le territoire des nouveaux États membres à la date d'adhésion et dépassant la quantité qui pourrait être considérée comme constituant un report normal de stocks doit être éliminé aux frais desdits États, cette disposition n'oblige pas la Commission à calculer cette quantité excédentaire en deux étapes, c'est-à -dire en calculant d'abord le stock de report normal et, ensuite, la quantité dépassant ce chiffre et devant être éliminée.
- à cet égard, il convient de relever que, lorsqu'elle exerce les compétences que le Conseil, voire les auteurs de l'acte d'adhésion, lui confère en matière de politique agricole commune, pour l'exécution des règles qu'il établit, la Commission peut être amenée à faire usage d'un large pouvoir d'appréciation, de sorte que seul le caractère manifestement inapproprié d'une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l'objectif que l'institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité d'une telle mesure (voir arrêt Weidacher, point 118 supra, point 26, et la jurisprudence citée). Partant, il y a lieu de conclure qu'elle est libre, dans l'exercice de cette large marge d'appréciation, d'appliquer une méthode de calcul simplifiée, de laquelle peut ressortir de façon directe l'excédent à éliminer. Il reviendrait à la République de Lettonie de démontrer que la méthode choisie par la Commission est manifestement inappropriée. Néanmoins, les arguments que la République de Lettonie fait valoir à ce propos ne sont pas de nature à mettre en cause le bien-fondé de la méthode utilisée par la Commission. En effet, la République de Lettonie se limite à soutenir, sans étayer nullement son affirmation, d'une part, que, si, la Commission avait appliqué la méthode qu'elle estime adéquate, elle aurait pu mieux garantir que les circonstances de la constitution des stocks seraient correctement analysées et, d'autre part, que, ce faisant, elle a violé le principe de protection de la confiance légitime sans se référer à aucune assurance précise de la part de la Commission indiquant qu'elle procéderait de la manière que la République de Lettonie estime appropriée.
- Il s'ensuit que le moyen additionnel soulevé par la République de Lettonie doit être également rejeté sur le fond.
- Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son ensemble.
Sur les dépens
- Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La République d'Estonie ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
- La République de Lettonie supportera ses propres dépens, en application de l'article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) La République d'Estonie est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission des Communautés européennes.
3) La République de Lettonie supportera ses propres dépens.
Tiili
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Dehousse
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Wiszniewska-Białecka
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Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 octobre 2009.
Signatures
Table des matières
Cadre juridique
I Sur l'OCM du sucre
II Sur le traité d'adhésion et l'acte d'adhésion
Antécédents du litige
I Sur le règlement (CE) n° 60/2004
II Sur le règlement (CE) n° 651/2005
III Sur le règlement attaqué
Procédure et conclusions des parties
En droit
I Sur les demandes faites à titre liminaire par la République d'Estonie et par la Commission
A Sur la demande liminaire de la République d'Estonie
1. Arguments des parties
2. Appréciation du Tribunal
B Sur la demande liminaire de la Commission
1. Arguments des parties
2. Appréciation du Tribunal
II Sur le premier moyen, tiré d'une violation du principe de collégialité
A Arguments des parties
B Appréciation du Tribunal
III Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation du règlement n° 60/2004
A Sur le caractère contraignant du règlement n° 60/2004 par rapport au règlement attaqué
1. Arguments des parties
2. Appréciation du Tribunal
B Sur la première branche
1. En ce qui concerne la signification du terme « stock »
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
2. En ce qui concerne la lecture systématique du règlement n° 60/2004
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
3. En ce qui concerne la notion de « stock » retenue lors des adhésions précédentes
a) Observations liminaires
b) Arguments des parties
c) Appréciation du Tribunal
4. En ce qui concerne l'interprétation de l'article 32 CE
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
5. En ce qui concerne l'interprétation de la notion de « détenteurs de stocks excédentaires » retenue par la Cour
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
C Sur la seconde branche
1. Observations liminaires sur la portée de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 60/2004
2. Sur l'importance de la consommation du sucre en Estonie
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
3. Sur la modification par la Commission des critères appliqués lors des adhésions précédentes
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
4. Sur la contribution de la Commission à la constitution des réserves ménagères en Estonie
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
5. Sur la prise en compte insuffisante par la Commission du développement de l'économie des nouveaux États membres.
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
IV Sur le troisième moyen, tiré d'une violation de l'obligation de motivation
A Arguments des parties
B Appréciation du Tribunal
V Sur le quatrième moyen, tiré d'une violation du principe de bonne administration
A Arguments des parties
B Appréciation du Tribunal
VI Sur le cinquième moyen, tiré d'une violation du principe de bonne foi
A Arguments des parties
B Appréciation du Tribunal
VII Sur le sixième moyen, tiré d'une violation du principe de non-discrimination
A Discrimination par rapport à la République de Malte et à la République de Chypre
1. Arguments des parties
2. Appréciation du Tribunal
B Discrimination par rapport à certains États membres ayant adhéré précédemment à la Communauté
1. Arguments des parties
2. Appréciation du Tribunal
C Discrimination par rapport à l'ensemble des anciens États membres
1. Arguments des parties
2. Appréciation du Tribunal
VIII Sur le septième moyen, tiré d'une violation du droit de propriété
A Arguments des parties
B Appréciation du Tribunal
IX Sur le huitième moyen, tiré d'une violation du principe de proportionnalité
A Arguments des parties
B Appréciation du Tribunal
X Sur le premier moyen additionnel soulevé par la République de Lettonie, tiré d'une violation des droits de la défense
A Arguments des parties.
B Appréciation du Tribunal
XI Sur le second moyen additionnel soulevé par la République de Lettonie, tiré d'une violation du principe de protection de la confiance légitime
A Arguments des parties
B Appréciation du Tribunal
Sur les dépens
* Langue de procédure : l'estonien.