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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Agapiou Josephides v Commission and EACEA French Text [2010] EUECJ T-439/08 (21 October 2010) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2010/T43908.html Cite as: ECLI:EU:T:2010:442, EU:T:2010:442, [2010] EUECJ T-439/08, [2010] EUECJ T-439/8 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)
21 octobre 2010 (*)
« Accès aux documents – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Documents relatifs à l’attribution d’un centre d’excellence Jean Monnet à l’université de Chypre – Documents émanant d’un tiers – Refus partiel d’accès – Recours en annulation – Délai de recours – Irrecevabilité – Exception d’illégalité – Exception relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu – Exception relative à la protection des intérêts commerciaux – Obligation de motivation »
Dans l’affaire T-439/08,
Kalliope Agapiou Joséphidès, demeurant à Nicosie (Chypre), représentée par Me C. Joséphidès, avocat,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par Mme M. Owsiany-Hornung et M. G. Rozet, en qualité d’agents,
et
Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » (EACEA), représentée par M. H. Monet, en qualité d’agent,
parties défenderesses,
ayant pour objet une demande d’annulation, d’une part, de la décision de l’EACEA, du 1er août 2008, relative à une demande d’accès aux documents concernant l’attribution d’un centre d’excellence Jean Monnet à l’université de Chypre et, d’autre part, de la décision C (2007) 3749 de la Commission, du 8 août 2007, relative à une décision individuelle d’attribution de subventions dans le cadre du programme pour l’éducation et la formation tout au long de la vie, sous-programme Jean Monnet,
LE TRIBUNAL (septième chambre),
composé, lors du délibéré, de MM. N. J. Forwood, président, E. Moavero Milanesi (rapporteur) et J. Schwarcz, juges,
greffier : Mme T. Weiler, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 mars 2010,
rend le présent
Arrêt
Cadre juridique
1 Aux termes de son article 2, paragraphe 3, le règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), s’applique à tous les documents détenus par une institution, c’est-à-dire établis ou reçus par elle et en sa possession, dans tous les domaines d’activité de l’Union européenne.
2 Selon l’article 4 du règlement n° 1049/2001 :
« 1. Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où la divulgation porterait atteinte à la protection :
[…]
b) de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, notamment en conformité avec la législation communautaire relative à la protection des données à caractère personnel.
2. Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection :
– des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle,
– des procédures juridictionnelles et des avis juridiques,
[…]
à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.
[…]
4. Dans le cas de documents de tiers, l’institution consulte le tiers afin de déterminer si une exception prévue au paragraphe 1 ou 2 est d’application, à moins qu’il ne soit clair que le document doit ou ne doit pas être divulgué.
[…]
6. Si une partie seulement du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions susvisées, les autres parties du document sont divulguées.
[…] »
3 L’article 7 du règlement n° 1049/2001 prévoit :
« 1. Les demandes d’accès aux documents sont traitées avec promptitude. Un accusé de réception est envoyé au demandeur. Dans un délai de quinze jours ouvrables à partir de l’enregistrement de la demande, l’institution soit octroie l’accès au document demandé et le fournit dans le même délai conformément à l’article 10, soit communique au demandeur, dans une réponse écrite, les motifs de son refus total ou partiel et l’informe de son droit de présenter une demande confirmative conformément au paragraphe 2 du présent article.
[…]
4. L’absence de réponse de l’institution dans le délai requis habilite le demandeur à présenter une demande confirmative. »
4 L’article 8 du règlement n° 1049/2001 énonce ce qui suit :
« 1. Les demandes confirmatives sont traitées avec promptitude. Dans un délai de quinze jours ouvrables à partir de l’enregistrement de la demande, l’institution soit octroie l’accès au document demandé et le fournit dans le même délai conformément à l’article 10, soit communique dans une réponse écrite, les motifs de son refus total ou partiel. Si elle refuse totalement ou partiellement l’accès, l’institution informe le demandeur des voies de recours dont il dispose, à savoir former un recours juridictionnel contre l’institution et/ou présenter une plainte au médiateur, selon les conditions prévues respectivement aux articles 230 [CE] et 195 [CE].
[…]
3. L’absence de réponse de l’institution dans le délai requis est considérée comme une réponse négative et habilite le demandeur à former un recours juridictionnel contre l’institution et/ou à présenter une plainte au médiateur, selon les dispositions pertinentes du traité. »
5 L’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2005/56/CE de la Commission, du 14 janvier 2005, instituant l’Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » pour la gestion de l’action communautaire dans les domaines de l’éducation, de l’audiovisuel et de la culture, en application du règlement (CE) n° 58/2003 du Conseil (JO L 24, p. 35), dispose :
« Il est institué une agence exécutive […] pour la gestion de l’action communautaire dans les domaines de l’éducation, de l’audiovisuel et de la culture, dont le statut et les principales règles de fonctionnement sont régis par le règlement (CE) n° 58/2003. »
6 Selon l’article 7 de la décision 2005/56, « l’agence est soumise au contrôle de la Commission et doit rendre compte régulièrement de l’exécution des programmes qui lui sont confiés, selon les modalités et la fréquence précisées dans l’acte de délégation ».
7 Aux termes de l’article 16 de la décision C (2007) 1842 de la Commission, du 26 avril 2007, portant délégation à l’Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » en vue de l’exécution de tâches liées à la mise en œuvre de programmes communautaires dans les domaines de l’éducation, de l’audiovisuel et de la culture comprenant, notamment, l’exécution de crédits inscrits au budget communautaire (ci-après l’« acte de délégation ») :
« 1. Le règlement […] n° 1049/2001 […] s’applique aux documents détenus par l’Agence.
2. Le comité de direction arrête les modalités pratiques d’application du règlement n° 1049/2001.
3. Les décisions prises par l’Agence en application de l’article 8 du règlement n° 1049/2001 peuvent faire l’objet d’une plainte auprès du médiateur ou d’un recours devant la Cour de justice des Communautés européennes, dans les conditions prévues respectivement aux articles 195 [CE] et 230 [CE]. »
8 L’article 23, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 58/2003 du Conseil, du 19 décembre 2002, portant statut des agences exécutives chargées de certaines tâches relatives à la gestion de programmes communautaires (JO L 11, p. 1), dispose :
« L’agence exécutive est soumise aux dispositions du règlement […] n° 1049/2001 […] lorsqu’elle est saisie d’une demande d’accès à un document qu’elle détient.
Les dispositions particulières nécessaires à la mise en œuvre de ces dispositions sont arrêtées par le comité de direction, au plus tard six mois après l’institution de l’agence exécutive. »
9 En application de l’article 23, paragraphe 1, second alinéa, du règlement n° 58/2003, le comité de direction de l’Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » (EACEA) a adopté la décision du 13 juin 2003, relative à la mise en œuvre du règlement n° 1049/2001 (ci-après la « décision du comité de direction »). Selon l’article 2, premier et deuxième alinéas, de cette décision, les demandes d’accès à un document doivent être envoyées à l’EACEA, qui doit répondre aux demandes initiales et confirmatives dans un délai de quinze jours ouvrables à compter de la date d’enregistrement de la demande.
10 En vertu de l’article 4 de la décision du comité de direction :
« Les décisions confirmatives doivent être traitées par le directeur de l’Agence dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la demande […]
Dans le cas où le refus initial est confirmé, totalement ou partiellement, le directeur informe le demandeur de son droit de présenter une plainte au médiateur ou de former un recours juridictionnel devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes dans les conditions prévues respectivement aux articles 195 [CE] et 230 [CE].
L’absence de réponse de l’institution dans le délai requis doit être considérée comme une réponse négative et habilite le demandeur à présenter une plainte au médiateur ou à former un recours juridictionnel devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes selon les conditions prévues respectivement aux articles 195 [CE] et 230 [CE]. »
Faits à l’origine du litige
11 La requérante, Mme Kalliope Agapiou Joséphidès, enseigne au département des sciences sociales et politiques de l’université de Chypre et y est titulaire, depuis 2001, d’une chaire Jean Monnet en « Intégration politique européenne ».
12 Par décision C (2007) 3749, du 8 août 2007, relative à une décision individuelle d’attribution de subventions dans le cadre du programme pour l’éducation et la formation tout au long de la vie, sous-programme Jean Monnet (ci-après la « décision de la Commission »), la Commission des Communautés européennes a attribué une subvention de 74 739 euros à l’université de Chypre, qui avait soumis le 13 mars 2007 une demande de subvention (ci-après la « demande de subvention ») pour l’attribution d’un centre d’excellence Jean Monnet dans le domaine des « institutions et politiques européennes » (ci-après le « centre d’excellence »). À la suite de la décision de la Commission, une convention a été signée entre l’EACEA et l’université de Chypre (ci-après la « convention de subvention »).
13 N’ayant pas été associée à l’élaboration de la demande de subvention et, afin de connaître dans quelle mesure son nom et sa qualité de titulaire d’une chaire Jean Monnet avaient été utilisés par l’université de Chypre aux fins de l’attribution du centre d’excellence, la requérante a, le 3 mars 2008, adressé à la Commission une demande d’accès aux documents portant sur la demande de subvention, la décision de la Commission et la convention de subvention.
14 Sa demande étant restée sans réponse, la requérante l’a réitérée par courrier électronique du 27 mai 2008. Par lettre du même jour, la Commission a informé la requérante que, le 12 mars 2008, sa demande d’accès aux documents du 3 mars 2008 avait été transmise à l’EACEA (ci-après la « décision du 12 mars 2008 »).
15 Par lettre du 2 juin 2008, l’EACEA, après avoir indiqué que les candidatures soumises dans le cadre d’un appel à propositions étaient considérées comme des documents émanant de tiers, au sens du règlement n° 1049/2001, et qu’elles ne pouvaient, à ce titre, être diffusées sans l’accord préalable de l’organisme soumissionnaire afin de vérifier si une exception prévue par le règlement n° 1049/2001 était applicable, a indiqué que les documents demandés ne pourraient être obtenus que par le biais du recteur de l’université de Chypre ou du responsable académique du centre d’excellence.
16 Le 3 juin 2008, la requérante a présenté à l’EACEA une nouvelle demande, à laquelle celle-ci a répondu le 24 juin 2008 en refusant l’accès aux documents demandés.
17 Par lettre du 7 juillet 2008, enregistrée à l’EACEA le 10 juillet suivant, la requérante a adressé au directeur de l’EACEA une demande par laquelle elle confirmait sa demande d’accès aux documents et demandait également l’accès au premier rapport d’activités relatif au centre d’excellence.
18 Par lettre du 1er août 2008, l’EACEA a accordé à la requérante un accès complet à la décision de la Commission ainsi qu’un accès partiel à la demande de subvention et à la convention de subvention (ci-après la « décision de l’EACEA »), après avoir consulté à deux reprises, les 17 juin et 23 juillet 2008, l’université de Chypre, au titre de l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 1049/2001 et en avoir reçu les observations les 23 juin et 28 juillet 2008. Dans sa décision, l’EACEA a estimé que les deux derniers documents susvisés contenaient des données dont la divulgation porterait atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, à la protection des intérêts commerciaux et à la protection des procédures juridictionnelles.
19 L’EACEA a également informé la requérante que le premier rapport d’activités relatif au centre d’excellence n’avait pas encore été déposé par l’université de Chypre. En outre, elle a relevé que l’intérêt invoqué par la requérante, tenant à sa défense dans le cadre d’un différend qui l’opposait à l’université de Chypre, ne constituait pas un intérêt public supérieur au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, susceptible de justifier la divulgation complète des documents demandés.
20 Dans sa décision, l’EACEA a par ailleurs précisé que les données personnelles concernant la requérante lui seraient communiquées par courrier séparé, au titre du règlement (CE) n° 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO L 8, p. 1). Ainsi, par lettre du 8 août 2008, l’EACEA a précisé à la requérante que son curriculum vitae n’avait pas été joint à la demande de subvention et que seul son nom avait été cité dans le cadre de la présentation des chaires Jean Monnet de l’université de Chypre, susceptibles d’être associées aux activités du centre d’excellence.
Procédure et conclusions des parties
21 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 septembre 2008, la requérante a introduit le présent recours.
22 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a demandé aux parties la production de certains documents. Les parties ont déféré à cette demande dans les délais impartis.
23 Par ordonnance du 29 janvier 2010, conformément à l’article 65, sous b), à l’article 66, paragraphe 1, et à l’article 67, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal a demandé à l’EACEA de produire la demande de subvention et la convention de subvention, tout en prévoyant que ces documents ne seraient pas communiqués à la requérante dans le cadre de la présente procédure. Il a été satisfait à cette demande.
24 Par courrier du 2 mars 2010, la requérante a déposé des observations sur le rapport d’audience. Sur décision du président de chambre, ces observations n’ont pas été versées au dossier.
25 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 11 mars 2010.
26 Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision de l’EACEA ;
– annuler la décision de la Commission ;
– condamner la Commission et l’EACEA aux dépens.
27 Dans la réplique, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– subsidiairement, annuler la décision du 12 mars 2008 ;
– demander à la Commission et à l’EACEA la production de tous les documents relatifs à l’affaire ;
– demander la production des documents déposés en annexe par la Commission et l’EACEA, sans les parties occultées, ainsi que toute correspondance échangée entre, d’une part, la Commission et l’EACEA et, d’autre part, les bénéficiaires du projet financé par la Commission.
28 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer la demande d’annulation de la décision de l’EACEA irrecevable en tant qu’elle est dirigée contre elle ;
– déclarer la demande d’annulation de sa décision irrecevable ;
– subsidiairement, déclarer la demande d’annulation de sa décision non fondée ;
– déclarer la demande d’annulation de la décision du 12 mars 2008 formulée à titre subsidiaire dans la réplique irrecevable ;
– rejeter la demande de mesures d’organisation de la procédure et de mesures d’instruction formulée par la requérante ;
– condamner la requérante aux dépens.
29 L’EACEA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer la demande d’annulation de la décision de la Commission irrecevable en tant qu’elle est dirigée contre elle ;
– rejeter la demande d’annulation de sa décision comme non fondée ;
– déclarer la demande d’annulation de la décision du 12 mars 2008 irrecevable en tant qu’elle est dirigée contre elle ;
– rejeter la demande de mesures d’organisation de la procédure et de mesures d’instruction formulée par la requérante ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
A – Sur la demande d’annulation de la décision de l’EACEA
1. Sur la recevabilité
a) Arguments des parties
30 La Commission fait valoir que la demande d’annulation de la décision de l’EACEA est irrecevable en tant qu’elle est dirigée contre elle, car cette décision aurait été adoptée dans le cadre des compétences propres de l’EACEA, laquelle est dotée de la personnalité juridique et bénéficie d’une délégation de pouvoirs de la part de la Commission. En effet, la compétence spécifique de l’EACEA en matière d’accès aux documents serait établie par l’article 23, paragraphe 1, du règlement n° 58/2003 et par l’article 16, paragraphe 3, de l’acte de délégation.
31 La Commission et l’EACEA exposent également que le recours est irrecevable dans la mesure où la requérante demande l’annulation de deux décisions ayant un objet différent, l’une l’accès partiel à certains documents, l’autre l’attribution d’une subvention. Selon elles, conformément à l’article 50 du règlement de procédure, seul le Tribunal est compétent pour décider la jonction de deux affaires et une telle jonction ne serait pas possible en raison de l’absence d’identité d’objet entre les deux affaires.
32 La requérante rétorque que les deux décisions dont elle demande l’annulation sont connexes, dans la mesure où la décision de l’EACEA constitue un « obstacle majeur » à la contestation de la légalité de la décision de la Commission. La requérante ajoute que la demande d’annulation de la décision de l’EACEA est recevable dans la mesure où elle est destinataire de ladite décision et où elle a introduit ladite demande dans le délai de deux mois prévu par l’article 230 CE.
b) Appréciation du Tribunal
33 À titre liminaire, il n’y a pas lieu d’examiner l’argument de la Commission et de l’EACEA selon lequel le recours serait irrecevable dans la mesure où il poursuivrait l’annulation de deux décisions ayant un objet différent, compte tenu de la conclusion tirée au point 163 ci-après s’agissant de la recevabilité de la demande d’annulation de la décision de la Commission.
34 Il convient ensuite de rappeler que, en principe, les recours doivent être dirigés contre l’auteur de l’acte attaqué, à savoir, en l’espèce, l’EACEA. Cependant, dans certains cas, le Tribunal a constaté que des actes adoptés en vertu de pouvoirs délégués étaient imputables à l’institution délégante à laquelle il appartenait de défendre l’acte en cause. Il en va notamment ainsi lorsque l’auteur de l’acte n’exerce qu’une compétence consultative, ou bien lorsque l’adoption de la décision dont l’annulation est demandée était subordonnée à un accord préalable de l’institution délégante (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 5 décembre 2007, Schering-Plough/Commission et EMEA, T-133/03, non publiée au Recueil, points 22 et 23).
35 En l’espèce, l’EACEA est un organisme de l’Union doté de la personnalité juridique, responsable de la gestion de certains volets de programmes communautaires dans les domaines de l’éducation, de l’audiovisuel et de la culture. À cet effet, certaines attributions, consistant en substance en des tâches de gestion et d’exécution budgétaire lui ont été déléguées et relèvent du contrôle de la Commission.
36 En dehors de ses fonctions de gestion et d’exécution budgétaire, l’EACEA dispose d’une compétence spécifique en matière d’accès aux documents. En effet, l’article 23, paragraphe 1, du règlement n° 58/2003 prévoit que l’EACEA est soumise aux dispositions du règlement n° 1049/2001 lorsqu’elle est saisie d’une demande d’accès à un document qu’elle détient. Ainsi, elle est tenue, en vertu de l’article 2 de la décision du comité de direction, prévoyant les modalités d’application du règlement n° 1049/2001, de répondre aux demandes d’accès initiales et confirmatives dans un délai de quinze jours ouvrables à compter de la date d’enregistrement de la demande. Il s’ensuit que la compétence de l’EACEA en matière d’accès aux documents n’est pas de nature consultative, puisque c’est à elle qu’il revient de statuer sur les demandes d’accès aux documents qui lui sont adressées.
37 De plus, les décisions prises par l’EACEA en matière d’accès aux documents ne sont pas subordonnées à un accord préalable de la Commission. À cet égard, l’article 16, paragraphe 3, de l’acte de délégation et l’article 4, troisième alinéa, de la décision du comité de direction, prévoyant que les décisions confirmatives de l’EACEA peuvent faire l’objet d’une plainte auprès du Médiateur européen ou d’un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne, ne prévoient pas que les décisions prises par l’EACEA en matière d’accès aux documents relèvent du contrôle de la Commission. Par conséquent, il convient de conclure que la décision de l’EACEA a été prise par celle-ci en vertu de compétences propres et n’est pas imputable à la Commission.
38 Faute de pouvoir imputer la décision de l’EACEA à la Commission, il y a lieu de déclarer la présente demande en annulation irrecevable dans la mesure où elle est dirigée contre la Commission.
2. Sur la compétence de l’EACEA pour adopter sa décision
a) Arguments des parties
39 La requérante affirme que l’EACEA n’est pas compétente pour traiter des demandes confirmatives en matière d’accès aux documents. Selon elle, conformément à l’article 4 de la décision 2001/937/CE, CECA, Euratom, de la Commission, du 5 décembre 2001, modifiant son règlement intérieur (JO L 345, p. 94), à l’exception des documents relatifs aux activités de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), seul le secrétaire général de la Commission est compétent pour traiter des demandes confirmatives.
40 À titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal devait reconnaître la compétence de l’EACEA pour traiter des demandes confirmatives, la requérante fait valoir que la Commission est toutefois tenue d’encadrer le traitement de cette demande par l’EACEA afin, notamment, d’assurer l’application uniforme du règlement n° 1049/2001, ce qu’elle n’aurait pas fait en l’espèce.
41 L’EACEA conteste les arguments de la requérante.
b) Appréciation du Tribunal
42 La compétence de l’EACEA en matière d’accès aux documents est prévue à l’article 23, paragraphe 1, du règlement n° 58/2003. En outre, ainsi qu’il a été constaté aux points 34 à 38 ci-dessus, l’EACEA dispose, en matière d’accès aux documents, d’une compétence propre qui n’est pas soumise au contrôle de la Commission et qu’elle exerce tant au stade de la demande initiale qu’à celui de la demande confirmative.
43 L’argument de la requérante selon lequel le traitement des demandes confirmatives relève, en vertu de la décision 2001/937, de la compétence du secrétaire général de la Commission ne saurait être retenu, car la décision 2001/937, modifiant le règlement intérieur de la Commission et énonçant, notamment, les modalités de traitement d’une demande d’accès aux documents, n’est pas applicable à l’EACEA, entité juridique distincte de la Commission, disposant en vertu de l’article 9 du règlement n° 58/2003 de son propre règlement intérieur. De plus, selon l’article 23, paragraphe 1, du règlement n° 58/2003, les agences exécutives sont tenues de fixer elles-mêmes les modalités de mise en œuvre du règlement n° 1049/2001 et ne sont, par conséquent, pas soumises aux dispositions particulières relatives au traitement des demandes d’accès aux documents applicables à la Commission. Enfin, la décision du comité de direction prévoit, en son article 4, la compétence du directeur de l’EACEA pour traiter des demandes confirmatives.
44 En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, aucune disposition du règlement n° 1049/2001 ne prévoit l’obligation pour la Commission d’assurer une application uniforme de ce règlement, ni d’encadrer le traitement par l’EACEA d’une demande d’accès aux documents.
45 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que l’EACEA est compétente pour traiter des demandes confirmatives et, partant, l’était pour adopter la décision en cause.
3. Sur l’exception d’illégalité de la décision du comité de direction
a) Arguments des parties
46 La requérante considère que la décision du comité de direction est contraire à l’« esprit du règlement n° 1049/2001 » et à la décision 2001/937. Elle invite le Tribunal à examiner la validité de cette décision en ce qu’elle prévoit la compétence de l’EACEA pour le traitement des demandes confirmatives.
47 Selon la requérante, la Commission est compétente pour traiter des demandes confirmatives, conformément à la décision 2001/937, car elle ne doit pas être déchargée de sa responsabilité à l’égard des actions de l’EACEA et des obligations qui pèsent sur elle en vertu du règlement n° 1049/2001. Cette compétence permettrait également à la Commission d’assurer l’application uniforme dudit règlement et d’effectuer un véritable réexamen de la demande confirmative d’accès aux documents.
48 L’EACEA conteste les arguments de la requérante.
b) Appréciation du Tribunal
49 Selon une jurisprudence constante, l’article 241 CE est l’expression d’un principe général assurant à toute partie le droit de contester par voie incidente, en vue d’obtenir l’annulation d’une décision qui la concerne directement et individuellement, la validité d’un acte institutionnel antérieur constituant la base juridique de la décision attaquée, si cette partie ne disposait pas du droit d’introduire, en vertu de l’article 230 CE, un recours direct contre un tel acte, dont elle subit ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d’en demander l’annulation (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 6 mars 1979, Simmenthal/Commission, 92/78, Rec. p. 777, point 39, et du 19 janvier 1984, Andersen e.a./Parlement, 262/80, Rec. p. 195, point 6).
50 L’exception d’illégalité ne saurait être limitée aux actes ayant la forme d’un règlement au sens de l’article 241 CE. Celui-ci doit recevoir une interprétation large afin que soit assuré un contrôle de légalité effectif des actes des institutions de caractère général en faveur des personnes exclues du recours direct contre de tels actes, lorsqu’elles sont touchées par des décisions d’application qui les concernent directement et individuellement (voir, en ce sens, arrêt Simmenthal/Commission, précité, points 40 et 41, et arrêt du Tribunal du 26 octobre 1993, Reinarz/Commission, T-6/92 et T-52/92, Rec. p. II-1047, point 56).
51 L’exception d’illégalité doit être limitée à ce qui est indispensable à la solution du litige. En effet, l’article 241 CE n’a pas pour but de permettre à une partie de contester l’applicabilité de tout acte de caractère général à la faveur d’un recours quelconque. Il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l’acte général en question (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 31 mars 1965, Macchiorlati Dalmas/Haute Autorité, 21/64, Rec. p. 227, 245 ; du 13 juillet 1966, Italie/Conseil et Commission, 32/65, Rec. p. 563, 594, et du 21 février 1984, Walzstahl-Vereinigung et Thyssen/Commission, 140/82, 146/82, 221/82 et 226/82, Rec. p. 951, point 20).
52 L’EACEA fait observer que sa compétence pour traiter des demandes d’accès aux documents, y compris des demandes confirmatives, étant prévue par le règlement n° 58/2003, l’exception d’illégalité devrait être analysée comme étant dirigée contre ce règlement. Lors de l’audience, la requérante a confirmé que l’exception d’illégalité était dirigée contre la décision du comité de direction.
53 Or, les dispositions de la décision du comité de direction, qui régissent les modalités d’exercice du droit d’accès aux documents détenus par l’EACEA, présentent un caractère général, car elles s’appliquent à des situations déterminées objectivement et comportent des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite. Il s’ensuit que la requérante n’était pas en mesure de poursuivre l’annulation de la décision du comité de direction sur la base de l’article 230 CE et que ladite décision peut faire l’objet d’une exception d’illégalité.
54 En outre, il ne saurait être exclu qu’il existe, en l’espèce, un lien juridique direct entre la décision de l’EACEA et la décision du comité de direction dont la requérante invoque l’illégalité, car c’est sur la base de cette dernière décision, en tant qu’elle énonce les dispositions particulières applicables en présence d’une demande d’accès aux documents adressée à l’EACEA, que la décision de l’EACEA a été adoptée. Il n’y a donc pas lieu de considérer que l’exception d’illégalité est dirigée contre le règlement n° 58/2003.
55 La requérante soutient en substance que la décision du comité de direction est contraire au règlement n° 1049/2001 et à la décision 2001/937. Cependant, il y a lieu de relever que la requérante se borne à invoquer la prétendue violation des textes susvisés, sans préciser quelles dispositions seraient méconnues, et n’avance aucun argument suffisant au soutien de l’exception d’illégalité de la décision du comité de direction. Au demeurant, la décision du comité de direction reprend en substance les modalités d’exercice du droit d’accès aux documents prévues par le règlement n° 1049/2001 et, contrairement à ce que soutient la requérante, aucune disposition de ce règlement ou de la décision 2001/937 ne prévoit l’obligation pour la Commission d’encadrer le traitement d’une demande d’accès aux documents par l’EACEA, ni de veiller à une application uniforme du règlement n° 1049/2001.
56 Dans ces circonstances, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les arguments de l’EACEA relatifs à la recevabilité de l’exception d’illégalité, la décision du comité de direction ne saurait être jugée contraire au règlement n° 1049/2001 ou à la décision 2001/937.
57 En tout état de cause, ainsi que l’a souligné l’EACEA lors de l’audience, l’exception d’illégalité de la décision du comité de direction soulevée par la requérante est inopérante, étant donné que, à supposer même que ladite décision soit déclarée inapplicable dans le cadre de la présente affaire, l’EACEA aurait tout de même été compétente pour adopter la décision en cause en vertu de l’article 23, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 58/2003.
4. Sur le fond
58 À l’appui de la demande d’annulation de la décision de l’EACEA, la requérante invoque sept moyens tirés, premièrement, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, deuxièmement, de la violation de l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, troisièmement, de l’interprétation erronée de l’article 4, paragraphes 4 et 5, du règlement n° 1049/2001, quatrièmement, de l’interprétation erronée de l’article 4, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, cinquièmement, de l’interprétation et de l’application erronées du principe de transparence et de la notion d’intérêt public supérieur, sixièmement, de la violation de l’obligation de motivation et, septièmement, de la violation de son « droit personnel général d’accès aux documents ». Ce dernier moyen sera examiné en premier lieu.
a) Sur le septième moyen, tiré de la violation du « droit personnel général d’accès aux documents »
Arguments des parties
59 La requérante soutient que, en lui refusant l’accès à certaines données contenues dans la demande de subvention et dans la convention de subvention, l’EACEA a violé son « droit personnel général d’accès aux documents » lui permettant de vérifier l’utilisation qui a été faite des données à caractère personnel qui la concernent et qui ont été utilisées sans son consentement. Ce droit découlerait du principe de transparence, « promu » par l’article 1er, deuxième alinéa, UE, de l’article 6 UE, de l’article 255 CE, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1) et de la « nécessité démocratique de protéger les données à caractère personnel détenues par des institutions publiques sans le consentement des personnes concernées ».
60 La requérante ajoute que ce « droit personnel général d’accès aux documents » a pour objectif de lui permettre, notamment, de vérifier que la demande de subvention remplit les critères imposés par l’appel à propositions pour l’attribution d’une subvention. En outre, en utilisant sans son consentement, dans la demande de subvention, son nom et ses compétences professionnelles, l’université de Chypre aurait manqué de loyauté à son égard, ce qui justifierait son droit d’accès au dossier.
61 L’EACEA conteste les arguments de la requérante.
Appréciation du Tribunal
62 Tout d’abord, il y a lieu de relever que l’article 1er, deuxième alinéa, UE et l’article 255 CE ne sont pas directement applicables. En effet, selon l’arrêt de la Cour du 5 février 1963, van Gend & Loos (26/62, Rec. p. 1), les critères permettant de décider si une disposition du traité est directement applicable sont que la règle soit claire, qu’elle soit inconditionnelle, à savoir que son exécution ne doit être subordonnée à aucune condition de fond, et que sa mise en œuvre ne dépende pas de l’intervention de mesures ultérieures que pourraient prendre, avec un pouvoir d’appréciation discrétionnaire, soit les institutions de l’Union, soit les États membres.
63 Or, l’article 1er, deuxième alinéa, UE n’énonce pas une règle claire dans le sens exigé par la jurisprudence citée. De même, l’article 255 CE, en raison notamment de ses paragraphes 2 et 3, n’est pas inconditionnel et sa mise en œuvre dépend de l’adoption de mesures ultérieures (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 décembre 2001, Petrie e.a./Commission, T-191/99, Rec. p. II-3677, point 34). Cette constatation doit être étendue à la « nécessité démocratique de protéger les données à caractère personnel détenues par des institutions publiques sans le consentement des personnes concernées », que la requérante fait valoir et qui ne saurait être directement applicable.
64 En outre, l’ensemble des références effectuées aux dispositions des traités et à la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne est trop succinctement exposé et n’est aucunement étayé par des arguments visant à établir l’existence, en l’espèce, d’un « droit personnel général d’accès aux documents » relevant du droit primaire, distinct de celui mis en œuvre par le règlement n° 1049/2001 et qui aurait été méconnu par l’EACEA.
65 En tout état de cause, il est constant que la demande d’accès aux documents du 3 juin 2008 ainsi que celle du 7 juillet 2008, à la suite de laquelle la décision de l’EACEA a été adoptée, étaient fondées sur le règlement n° 1049/2001. De plus, la décision de l’EACEA ayant été adoptée sur le fondement du règlement n° 1049/2001, la légalité de cette décision doit, en conséquence, être examinée au regard de celui-ci.
66 Au vu de ce qui précède, le septième moyen doit être rejeté comme non fondé.
b) Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001
Arguments des parties
67 La requérante soutient que l’EACEA n’a pas répondu à sa demande initiale du 3 mars 2008, ni à sa demande confirmative du 27 mai 2008. En effet, dans la lettre du 2 juin 2008, l’EACEA lui aurait seulement indiqué qu’elle devait demander les documents en cause à l’université de Chypre. Ainsi, face à ce « refus implicite », la requérante aurait été contrainte de déposer une deuxième demande confirmative le 3 juin 2008, laquelle aurait été qualifiée pour la première fois de « demande initiale d’accès aux documents » dans la réponse de l’EACEA du 24 juin 2008. Ainsi, en ignorant sa demande initiale du 3 mars 2008 et ses deux demandes confirmatives des 27 mai et 3 juin 2008, l’EACEA aurait violé l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001 et la requérante aurait été contrainte de déposer une troisième demande confirmative le 7 juillet 2008.
68 La requérante affirme que la décision de l’EACEA, datée du 1er août 2008, par laquelle l’EACEA a répondu à sa demande du 7 juillet 2008, lui a été adressée au-delà du délai de quinze jours prévu par l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001.
69 En réponse aux arguments de l’EACEA, tendant à invoquer l’existence de voies de recours spécifiques en cas d’absence de réponse de l’institution à une demande d’accès aux documents, la requérante fait valoir qu’elle n’avait pas l’intention de former un recours juridictionnel contre les « décisions implicites » de l’EACEA avant d’avoir pris connaissance des documents demandés et d’avoir mesuré, ainsi, l’intérêt d’un tel recours.
70 L’EACEA conteste les arguments de la requérante.
Appréciation du Tribunal
71 Conformément aux articles 7 et 8 du règlement n° 1049/2001, le demandeur doit adresser à l’institution une demande initiale d’accès aux documents, à laquelle l’institution doit répondre dans un délai de quinze jours ouvrables à compter de son enregistrement. Par la suite, en cas de refus total ou partiel, le demandeur peut présenter, dans un délai de quinze jours ouvrables suivant la réception de la réponse de l’institution, une demande confirmative à laquelle l’institution doit, en principe, répondre dans un délai de quinze jours ouvrables à compter de l’enregistrement de la demande. En cas de refus total ou partiel, le demandeur peut former un recours juridictionnel contre l’institution et/ou présenter une plainte au Médiateur.
72 En outre, l’absence de réponse de l’institution à la demande initiale dans le délai requis habilite le demandeur à présenter une demande confirmative et l’absence de réponse à cette dernière est considérée comme une réponse négative habilitant le demandeur à former un recours juridictionnel contre l’institution et/ou à présenter une plainte au Médiateur.
73 Les articles 7 et 8 du règlement n° 1049/2001, en prévoyant une procédure en deux temps, ont pour objectif, d’une part, un traitement rapide et facile des demandes d’accès aux documents des institutions et, d’autre part, de manière prioritaire, un règlement amiable des différends pouvant éventuellement surgir. Ladite procédure, en ce qu’elle prévoit la présentation d’une demande confirmative, permet notamment à l’institution concernée de réexaminer sa position avant de prendre une décision définitive de refus susceptible de faire l’objet d’un recours devant les juridictions de l’Union. Une telle procédure permet de traiter avec davantage de promptitude les demandes initiales et, en conséquence, de répondre le plus souvent aux attentes du demandeur, tout en permettant à cette institution d’adopter une position circonstanciée avant de refuser définitivement l’accès aux documents visés par le demandeur, notamment si ce dernier réitère sa demande de divulgation de ceux-ci nonobstant un refus motivé de ladite institution (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 26 janvier 2010, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C-362/08 P, non encore publié au Recueil, points 53 et 54).
74 Il convient par ailleurs de souligner que le règlement n° 1049/2001 octroie un droit d’accès très large aux documents des institutions concernées, le bénéfice d’un tel droit n’étant pas subordonné, en application de l’article 6, paragraphe 1, de ce règlement, à une justification de la demande. En outre, en vertu de l’article 4, paragraphe 7, du règlement n° 1049/2001, les exceptions visées aux paragraphes 1 à 3 de cet article ne sauraient s’appliquer qu’au cours de la période durant laquelle la protection se justifie eu égard au contenu du document (arrêt Internationaler Hilfsfonds/Commission, précité, point 56).
75 Il s’ensuit qu’une personne peut former une nouvelle demande d’accès portant sur des documents auxquels l’accès lui a été précédemment refusé. Une telle demande oblige l’institution concernée à examiner si le refus d’accès antérieur demeure justifié au regard d’une modification de la situation de droit ou de fait intervenue entre-temps (arrêt Internationaler Hilfsfonds/Commission, précité, point 57).
76 En l’espèce, il ressort du dossier que la requérante s’était vu opposer un refus d’accès aux documents par lettre de l’EACEA du 2 juin 2008, à la suite d’une première demande d’accès du 3 mars 2008 et d’une deuxième demande d’accès du 27 mai 2008, adressées à la Commission. Or, le délai pour l’introduction d’un recours juridictionnel contre la lettre du 2 juin 2008 a expiré sans que la requérante ait introduit de recours. Par conséquent, cette procédure d’accès aux documents ne fait pas l’objet du présent litige.
77 Toutefois, la requérante a saisi l’EACEA d’une nouvelle demande d’accès datée du 3 juin 2008, à laquelle l’EACEA a répondu par lettre du 24 juin 2008 en réitérant son refus de donner accès aux documents demandés. À la suite de cette réponse, la requérante a déposé une autre demande, le 7 juillet 2008, à laquelle l’EACEA a répondu par lettre du 1er août 2008 en accordant un accès complet à la décision de la Commission et un accès partiel à la demande de subvention et à la convention de subvention. C’est cette procédure d’accès aux documents qui fait l’objet du présent recours.
78 Dans l’arrêt Internationaler Hilfsfonds/Commission, précité, la Cour a jugé que la réponse de l’institution à une nouvelle demande d’accès intervenue à la suite d’un refus antérieur était un acte attaquable et que l’institution ne saurait utilement prétendre qu’une nouvelle demande d’accès confirmative aurait dû être introduite. Selon la Cour, exiger qu’une telle démarche soit entreprise serait contraire à l’objectif de la procédure établie par le règlement n° 1049/2001, qui vise à garantir un accès rapide et facile aux documents des institutions (arrêt Internationaler Hilfsfonds/Commission, précité, point 61).
79 S’il est vrai que la requérante pouvait former un recours juridictionnel contre la décision du 24 juin 2008, en l’espèce, elle a toutefois implicitement suivi la procédure en deux temps prévue par le règlement n° 1049/2001, en déposant, à la suite de la réponse de l’EACEA du 24 juin 2008, une demande confirmative datée du 7 juillet 2008, cette demande n’étant pas subordonnée à une justification, ainsi que la Cour l’a rappelé au point 56 de l’arrêt Internationaler Hilfsfonds/Commission, précité. Par conséquent, les règles de procédure prévues par le règlement n° 1049/2001 sont applicables à la demande d’accès du 3 juin 2008 et à la demande confirmative du 7 juillet 2008.
80 Or, la demande d’accès du 7 juillet 2008 a été enregistrée par l’EACEA le 10 juillet suivant et, le 21 juillet étant un jour férié en Belgique, le délai de quinze jours ouvrables pour répondre à cette demande expirait, par conséquent, le 1er août 2008. Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, il y a lieu de constater que la décision de l’EACEA, datée du 1er août 2008, est intervenue dans le délai de quinze jours ouvrables visé à l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001.
81 S’agissant des autres arguments de la requérante tendant à invoquer l’absence de réponse à ses demandes d’accès des 3 mars et 27 mai 2008, il convient de relever qu’ils se rapportent à une procédure d’accès aux documents achevée, dont le refus est devenu définitif, à défaut d’avoir été utilement contesté par la requérante, ainsi qu’il a été jugé au point 76 ci-dessus, et qu’ils sont, par conséquent, inopérants. Quant à la prétendue absence de réponse à la demande du 3 juin 2008, il y a lieu de relever que l’EACEA a répondu à cette demande par lettre du 24 juin 2008.
82 Au vu de ce qui précède, le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.
c) Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001
Arguments des parties
83 La requérante indique que l’EACEA n’a pas développé de bonnes pratiques administratives destinées à faciliter l’exercice de son droit d’accès aux documents.
84 L’EACEA aurait interprété de manière erronée l’article 4, paragraphes 4 et 5, du règlement n° 1049/2001 en subordonnant à tort l’accès des documents demandés à un accord préalable de l’université de Chypre, retardant ainsi l’exercice par la requérante de son droit d’accès aux documents. De même, l’EACEA n’aurait pas répondu à sa demande initiale ainsi qu’à ses deux demandes confirmatives et aurait également omis d’informer la requérante de son droit de présenter une demande confirmative auprès du secrétaire général de la Commission conformément à la décision 2001/937.
85 En outre, la décision de l’EACEA serait confuse et contradictoire, puisque celle-ci y refuserait l’accès à des informations qu’elle divulguerait par ailleurs dans ses propres courriers et y refuserait l’accès à des données qui seraient déjà accessibles au public.
86 Enfin, en réponse à l’argument de l’EACEA, selon lequel le présent moyen ne présente pas un caractère autonome, puisqu’il se rapporte en réalité à d’autres moyens également invoqués à l’appui de la présente demande en annulation, la requérante indique que les mêmes faits sont susceptibles de violer de manière simultanée plusieurs dispositions et que cette circonstance n’est pas un obstacle à l’autonomie de chacun des moyens soulevés par la requérante.
87 L’EACEA conteste les arguments de la requérante.
Appréciation du Tribunal
88 Selon l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, les institutions développent de bonnes pratiques administratives en vue de faciliter l’exercice du droit d’accès garanti par ledit règlement.
89 En l’espèce, l’EACEA a répondu promptement aux demandes d’accès des 3 juin et 7 juillet 2008, puisqu’elle a répondu à chacune de ces demandes d’accès dans le délai de quinze jours ouvrables imparti par le règlement n° 1049/2001. En outre, à la suite de la demande du 3 juin 2008, l’EACEA a effectué un réexamen approfondi de la demande d’accès aux documents, afin d’accorder un accès partiel aux documents demandés, alors que, dans les décisions précédentes, elle en avait jusqu’alors refusé l’accès. Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à soutenir que l’EACEA n’a pas mis en œuvre de bonnes pratiques administratives destinées à faciliter l’exercice du droit d’accès de la requérante.
90 Ensuite, l’argument relatif à l’interprétation erronée de l’article 4, paragraphes 4 et 5, du règlement n° 1049/2001 se confond avec le troisième moyen, analysé aux points 94 à 99 ci-après. De même, l’argument tiré du caractère confus et contradictoire de la décision de l’EACEA s’agissant du traitement de la demande d’accès doit, en réalité, être rattaché au grief tiré du défaut de motivation, en tant qu’il ne permettrait pas à la requérante de comprendre les motifs du refus de l’EACEA, et se confond avec le sixième moyen, traité aux points 146 à 151 ci-après, ou bien à la question du bien-fondé des motifs de la décision de l’EACEA et sera analysé dans le cadre du cinquième moyen, aux points 105 à 131 ci-après.
91 Dans ces circonstances, le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.
d) Sur le troisième moyen, tiré de l’interprétation erronée de l’article 4, paragraphes 4 et 5, du règlement n° 1049/2001
Arguments des parties
92 La requérante soutient que, en s’adressant à l’université de Chypre afin d’obtenir son accord sur la divulgation des documents demandés, l’EACEA n’a pas usé de son pouvoir discrétionnaire et n’a pas pris sa décision de manière indépendante, interprétant ainsi de manière erronée l’article 4, paragraphes 4 et 5, du règlement n° 1049/2001.
93 L’EACEA conteste les arguments de la requérante.
Appréciation du Tribunal
94 À titre liminaire, il y a lieu de constater que la référence à l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001, selon lequel un État membre peut demander à une institution de ne pas divulguer un document émanant de cet État sans l’accord préalable de celui-ci, est sans pertinence en l’espèce, étant donné que la demande d’accès aux documents en cause ne portait pas sur un document émanant d’un État membre. Il convient donc d’écarter comme inopérante la branche du troisième moyen tirée d’une violation de l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001.
95 S’agissant de l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 1049/2001, lorsqu’une demande d’accès porte sur des documents émanant de tiers, l’institution consulte le tiers concerné afin de déterminer si une exception prévue aux paragraphes 1 ou 2 de cet article est d’application, à moins qu’il ne soit clair que le document doit ou ne doit pas être divulgué. Il s’ensuit que les institutions ne sont pas obligées de consulter le tiers concerné s’il apparaît clairement que le document doit être divulgué ou qu’il ne doit pas l’être. Dans tous les autres cas, les institutions doivent consulter le tiers en question (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 janvier 2008, Terezakis/Commission, T-380/04, non publié au Recueil, point 54). Par ailleurs, la consultation d’un tiers autre qu’un État membre, prévue à l’article 4, paragraphe 4, dudit règlement, ne lie pas l’institution, mais doit lui permettre d’apprécier si une exception prévue aux paragraphes 1 ou 2 de cet article est d’application (voir, en ce sens, arrêt Terezakis/Commission, précité, point 60).
96 En l’espèce, concernant la demande de subvention, l’EACEA a consulté l’université de Chypre à deux reprises, par lettres des 17 juin et 23 juillet 2008. La demande de subvention comporte certaines données relatives à l’aspect financier du projet ainsi que des données concernant l’identité et les qualifications professionnelles des personnes impliquées dans le projet. Il ne saurait être considéré qu’il était manifeste que la demande de subvention n’était couverte par aucune des exceptions prévues par le règlement n° 1049/2001 et qu’il était clair que le document devait être divulgué. Dès lors, conformément à l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 1049/2001, l’EACEA était tenue de consulter l’université de Chypre aux fins de déterminer si l’une des exceptions visées à l’article 4 du règlement n° 1049/2001 s’appliquait à la demande de subvention.
97 Dans sa lettre du 17 juin 2008, l’EACEA a invité l’université de Chypre à lui donner son avis sur l’applicabilité de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001. Dans sa réponse datée du 23 juin 2008, l’université de Chypre a indiqué qu’il était évident que le document ne devait pas être divulgué, conformément à la disposition susvisée. À la suite du dépôt de la demande confirmative du 7 juillet 2008, l’EACEA a réexaminé les motifs du refus opposé à la requérante et, par lettre du 23 juillet 2008, a indiqué qu’elle considérait que certaines parties du document étaient couvertes par les exceptions visées à l’article 4, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001 et a fait part à l’université de Chypre de son intention d’accorder un accès partiel à la demande de subvention. Une version occultant les données couvertes par les exceptions susvisées, telle qu’elle serait transmise à la requérante, était annexée à ce courrier. Par lettre du 28 juillet 2008, l’université de Chypre a répondu, de manière brève, qu’elle n’avait pas d’objection à l’encontre de la proposition de l’EACEA. Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, l’EACEA, en faisant usage de son pouvoir d’appréciation, a considéré par des motifs qui lui étaient propres que la demande de subvention pouvait faire l’objet d’une divulgation partielle et a identifié elle-même les données couvertes par certaines des exceptions visées à l’article 4 du règlement n° 1049/2001.
98 Par conséquent, il convient de considérer que, en procédant à la consultation de l’université de Chypre aux fins de savoir si la demande de subvention était couverte par l’une des exceptions visées à l’article 4 du règlement n° 1049/2001, l’EACEA n’a pas interprété de manière erronée l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 1049/2001.
99 Par conséquent, le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé.
e) Sur le quatrième moyen, tiré de l’interprétation erronée de l’article 4, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001
Arguments des parties
100 La requérante prétend que l’EACEA a indiqué, dans sa décision, datée du 1er août 2008, en des termes généraux et imprécis, que la communication des documents demandés risquait de porter atteinte aux intérêts commerciaux et à la réputation de l’université de Chypre, à la « sérénité des débats judiciaires » en cas de litige futur entre l’université de Chypre et elle et à la protection de la vie privée et de l’intégrité des personnes physiques habilitées à signer la convention de subvention. Selon la requérante, ces motifs ne sauraient justifier le refus de l’EACEA de lui divulguer certains éléments tels que le résumé du projet, la description de l’organisation de l’université, la langue de correspondance choisie par le recteur de l’université ou les informations figurant sur l’accusé de réception de la demande de subvention, ni même les éléments relatifs à la partie financière, à la ventilation du budget ou à la description du projet, contenus dans la demande de subvention et dans la convention de subvention. En outre, les éléments relatifs à l’« Eligibility check list » de la demande de subvention seraient occultés sans qu’aucune justification ne soit apportée dans la décision de l’EACEA.
101 La requérante indique que les documents demandés concernent un projet réalisé par des acteurs publics, financé au moyen de ressources publiques, et devraient à ce titre faire l’objet d’une plus grande transparence, notamment pour permettre au public de vérifier que la demande de subvention remplit les conditions requises pour le financement du projet.
102 L’EACEA aurait interprété de manière extensive les exceptions au droit d’accès aux documents prévues par le règlement n° 1049/2001, méconnaissant ainsi les principes généraux de bonne administration, de proportionnalité et « de cohérence », alors que de telles exceptions devraient être interprétées strictement (arrêt de la Cour du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C-39/05 P et C-52/05 P, Rec. p. I-4723).
103 Selon la requérante, dans l’arrêt Suède et Turco/Conseil, précité, la Cour a également jugé, concernant la protection des avis juridiques, que le risque invoqué à l’appui du refus de communication d’un tel document devait être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique. Or, en l’espèce, compte tenu de la nature du projet et du fait que les personnes physiques et les institutions en cause agissent à titre professionnel, les risques auxquels se réfère l’EACEA seraient hypothétiques et invoqués de manière vague et imprécise. À titre d’exemple, elle fait valoir que le motif avancé à l’appui du refus de divulguer la signature du recteur de l’université, tenant à la possibilité de falsifier ladite signature, est dépourvu de fondement, dès lors que cette signature est reproduite dans un grand nombre de prospectus publicitaires. La requérante considère que l’EACEA serait en tout état de cause tenue de veiller à ce que de tels risques ne se produisent pas.
104 L’EACEA conteste les arguments de la requérante.
Appréciation du Tribunal
105 Selon une jurisprudence constante, les exceptions à l’accès aux documents doivent être interprétées et appliquées de manière stricte, de façon à ne pas tenir en échec l’application du principe général consistant à conférer au public le plus large accès possible aux documents détenus par les institutions (arrêt de la Cour du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C-64/05 P, Rec. p. I-11389, point 66, et arrêt du Tribunal du 6 juillet 2006, Franchet et Byk/Commission, T-391/03 et T-70/04, Rec. p. II-2023, point 84). Par ailleurs, le principe de proportionnalité exige que les dérogations ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (arrêt de la Cour du 6 décembre 2001, Conseil/Hautala, C-353/99 P, Rec. p. I-9565, point 25).
106 En outre, l’examen requis pour le traitement d’une demande d’accès à des documents doit revêtir un caractère concret. En effet, d’une part, la seule circonstance qu’un document concerne un intérêt protégé par une exception ne saurait suffire à justifier l’application de cette dernière (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 13 septembre 2000, Denkavit Nederland/Commission, T-20/99, Rec. p. II-3011, point 45). Une telle application ne saurait, en principe, être justifiée que dans l’hypothèse où l’institution a préalablement apprécié, premièrement, si l’accès au document porterait concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé et, deuxièmement, dans les hypothèses visées à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001, s’il n’existait pas un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document visé. D’autre part, le risque d’atteinte à l’intérêt protégé doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 7 février 2002, Kuijer/Conseil, T-211/00, Rec. p. II-485, point 56).
107 Un examen concret et individuel de chaque document est également nécessaire dès lors que, même dans l’hypothèse où il est clair qu’une demande d’accès vise des documents couverts par une exception, seul un tel examen peut permettre à l’institution d’apprécier la possibilité d’accorder un accès partiel au demandeur, conformément à l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001 (arrêts du Tribunal du 12 octobre 2000, JT’s Corporation/Commission, T-123/99, Rec. p. II-3269, point 46, et Franchet et Byk/Commission, précité, point 117).
108 Il appartient ainsi à l’institution d’examiner, premièrement, si le document faisant l’objet de la demande d’accès entre dans le champ d’application de l’une des exceptions prévue à l’article 4 du règlement n° 1049/2001, deuxièmement, si la divulgation de ce document porterait concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé et, troisièmement, dans l’affirmative, si le besoin de protection s’applique à l’ensemble du document (arrêt Terezakis/Commission, précité, point 88).
109 C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner l’application que l’EACEA a faite des exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, pour accorder un accès partiel à la demande de subvention et à la convention de subvention.
– Sur la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001, relatif à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu
110 Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001, les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu.
111 Il est constant que la demande de subvention et la convention de subvention comportent des données concernant des personnes physiques identifiables et entrent donc dans le champ d’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001.
112 S’agissant de la question de savoir si l’EACEA a dûment procédé à un examen concret et individuel des documents demandés, il y a lieu de relever que, selon la décision de l’EACEA, la demande de subvention comportait des données relatives aux personnes physiques impliquées dans le projet de centre d’excellence, telles que leurs coordonnées personnelles, leur curriculum vitae, ainsi que des informations relatives à leur conduite et à leur moralité, et la divulgation de ces données risquait de porter atteinte à la protection de la vie privée des personnes concernées. En ce qui concerne la convention de subvention, l’EACEA a exposé que la divulgation de la signature des personnes physiques habilitées à signer cette convention risquait de porter atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité des personnes concernées. En conséquence, elle a décidé d’occulter l’ensemble de ces données et n’a accordé à la requérante qu’un accès partiel aux documents susvisés, conformément à l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001.
113 Pour parvenir à cette décision, l’EACEA a exposé lors de l’audience avoir distingué deux types de données, d’une part, les données publiques des personnes qui agissent en tant que représentant officiel de l’université de Chypre et, d’autre part, les données privées, et estimé que la divulgation de ces dernières présentait un risque pour la protection de la vie privée et de l’intégrité des personnes concernées. Il convient de considérer que, s’agissant de données à caractère personnel qui se rapportent à des personnes identifiables, l’EACEA a pu à juste titre considérer que leur divulgation constituait une ingérence potentielle dans la vie privée des personnes concernées.
114 S’agissant du caractère raisonnablement prévisible du risque invoqué, l’EACEA a précisé, lors de l’audience, avoir constaté, au terme d’un examen détaillé de la nature publique ou privée des données contenues dans les documents demandés, que le curriculum vitae du responsable académique du centre d’excellence, mis en ligne sur le site Internet de l’université de Chypre, était différent de celui qui était joint à la demande de subvention. À cet égard, elle a insisté sur le fait que la manière dont une personne choisit de se présenter sur le plan professionnel fait partie de la sphère privée de sa vie professionnelle et donc de sa vie privée. S’agissant de la convention de subvention, l’EACEA a indiqué avoir constaté que la signature de la personne habilitée à signer, telle qu’elle était reproduite dans la convention de subvention, n’était pas la même que celle figurant sur les documents publics de l’université de Chypre et qu’elle a jugé opportun, par conséquent, de ne pas prendre le risque de la divulguer.
115 L’EACEA a également souligné la difficulté de s’assurer du caractère public de chacune des données à caractère personnel concernant, comme en l’espèce, des représentants officiels d’une institution, dans le délai de quinze jours imparti par le règlement n° 1049/2001 pour répondre aux demandes d’accès aux documents. Sur ce point, elle a expliqué que les auteurs de demandes de subvention pouvaient parfois indiquer des numéros de téléphone « spéciaux », qui ne sont pas nécessairement les numéros de téléphone officiels de l’institution qu’ils représentent. Ainsi, n’ayant pas obtenu, dans le délai imparti, la certitude que les données en cause étaient publiques, l’EACEA a estimé par prudence devoir occulter ces données pour qu’il soit satisfait au principe de protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu.
116 Les affirmations de l’EACEA démontrent que celle-ci a effectué un examen concret de la demande d’accès aux documents et qu’elle s’est appuyée sur des circonstances propres à l’espèce pour accréditer l’existence d’un risque réel d’atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité des personnes concernées. Ce risque était d’autant plus prévisible que la divulgation d’un document, qu’il contienne ou non des données à caractère personnel, acquiert un effet erga omnes, empêchant l’institution de s’opposer à ce que ce document soit communiqué à d’autres demandeurs et permettant à toute personne d’avoir accès aux données à caractère personnel en cause.
117 Enfin, estimant que le besoin de protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu ne s’appliquait pas à l’ensemble du document, mais qu’il était limité aux données à caractère personnel pour lesquelles le risque d’atteinte à la vie privée et à l’intégrité des personnes concernées avait été constaté, l’EACEA a procédé à une divulgation partielle de la demande de subvention et de la convention de subvention, ce qui confirme que l’EACEA a effectué un examen concret et individuel de chaque document.
118 Il y a également lieu de relever que la plupart des données en cause ont un caractère accessoire, ne présentant pas un intérêt substantiel dans le contexte de la présente demande d’accès aux documents. La requérante a d’ailleurs reconnu, lors de l’audience, que certaines de ces données étaient « dérisoires et sans importance » et qu’elles étaient pour la plupart facilement accessibles pour elle.
119 Dès lors, il convient de considérer que, en occultant les données à caractère personnel en cause, l’EACEA n’a pas dépassé les limites de ce qui était approprié et nécessaire par rapport à l’intérêt protégé, ni méconnu l’objectif visant à assurer le plus large accès possible aux documents demandés et, contrairement à ce que soutient la requérante, n’a pas procédé à une interprétation extensive de l’exception visée à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001.
120 En conséquence, en procédant à un examen détaillé des documents demandés, en identifiant les données concernées par la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu et en accordant un accès partiel auxdits documents, l’EACEA a effectué un examen concret et individuel des documents demandés, selon la jurisprudence citée au point 106 ci-dessus.
121 Il résulte de ce qui précède que l’EACEA n’a pas interprété de manière erronée l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 en accordant un accès partiel à la demande de subvention et à la convention de subvention.
– Sur la violation de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, relatif à la protection des intérêts commerciaux
122 Conformément à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, à moins qu’un intérêt public ne justifie la divulgation du document visé.
123 Ainsi qu’il a été exposé au point 108 ci-dessus, il appartient à l’institution concernée d’examiner, premièrement, si le document faisant l’objet de la demande d’accès entre dans le champ d’application de l’une des exceptions prévues à l’article 4 du règlement n° 1049/2001, deuxièmement, si la divulgation de ce document porterait concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé et, troisièmement, dans l’affirmative, si le besoin de protection s’applique à l’ensemble du document.
124 Il y a lieu de constater que la demande de subvention et la convention de subvention contiennent des informations potentiellement confidentielles et relatives aux relations d’affaires entre les parties contractantes, entrant dans le champ d’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001.
125 S’agissant du caractère concret de l’examen de la demande d’accès aux documents, il y a lieu de relever que, selon la décision de l’EACEA, la divulgation du projet que l’université de Chypre s’est engagée à réaliser, de la ventilation du budget prévisionnel de ce projet, de la méthodologie et de l’expertise avancées par l’université de Chypre ainsi que des clauses spécifiques à la gestion de ce projet, contenues dans la demande de subvention et dans la convention de subvention, risquait de porter atteinte aux intérêts commerciaux de l’université de Chypre, puisque ces données concernaient le savoir-faire spécifique de cette dernière pour la réalisation de ce type de projets et leur divulgation aurait permis aux tiers de porter une appréciation concrète sur la manière dont cette université exécutait ses obligations contractuelles et, par suite, de porter atteinte à sa réputation.
126 S’agissant des données relatives au budget, il convient de rappeler que des éléments relatifs à la structure des coûts d’une entreprise constituent des secrets d’affaires dont la divulgation à des tiers est susceptible de porter atteinte aux intérêts commerciaux de celle-ci (arrêt Terezakis/Commission, précité, point 95). Or, à la suite de la production de la demande de subvention et de la convention de subvention, le Tribunal a pu constater que les éléments relatifs au budget du projet en cause, occultés dans le cadre de l’accès partiel accordé à la requérante, constituaient effectivement des éléments de coûts spécifiques en rapport avec ce projet, dont la divulgation était de nature à porter atteinte aux intérêts commerciaux de l’université de Chypre.
127 Quant à la description du projet que l’université de Chypre s’est engagée à réaliser, aux clauses spécifiques à ce projet, de même qu’à la méthodologie et à l’expertise que ladite université a mis en avant dans le cadre de la demande de subvention, il y a lieu de relever que ces éléments ont trait au savoir-faire spécifique de l’université de Chypre et contribuent à la singularité et à l’attractivité des candidatures de cette dernière dans le cadre d’appels à propositions tel que celui qui était en cause, lequel avait pour objet de sélectionner une ou plusieurs candidatures, au terme, notamment, d’un examen comparatif des projets proposés. Ainsi, eu égard notamment au contexte concurrentiel dans lequel elles s’inscrivent, il y a lieu de considérer que les informations en cause sont de nature confidentielle.
128 Lors de l’audience, l’EACEA a précisé que le risque tenant à l’atteinte aux intérêts commerciaux devait être considéré comme réel, car les universités qui présentent une demande de subvention en vue de l’attribution d’un centre d’excellence sont en concurrence les unes par rapport aux autres, seules les demandes les plus attractives étant sélectionnées. Elle a ajouté à cet égard que le taux d’attribution des centres d’excellence était de un pour deux centres demandés et qu’il était fréquent, dans la pratique, qu’une université, dont le projet n’a pas été retenu, présente une nouvelle demande dans les années suivantes. Ainsi, la description des projets retenus présente un intérêt certain pour les universités évincées, en vue d’obtenir un centre d’excellence.
129 Enfin, ayant considéré que l’application de l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001 ne concernait pas l’intégralité des documents demandés, l’EACEA a procédé à une divulgation partielle de ces documents, en occultant les informations susvisées. Il en résulte que l’EACEA a procédé à un examen concret et individuel des documents demandés au sens de la jurisprudence et que l’occultation des données en cause n’a pas dépassé les limites de ce qui était approprié et nécessaire au regard de l’intérêt protégé.
130 Il s’ensuit que l’EACEA n’a pas interprété de manière erronée l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001.
131 Il résulte de tout ce qui précède que le quatrième moyen doit être rejeté comme non fondé.
f) Sur le cinquième moyen, tiré de l’interprétation et de l’application erronées du principe de transparence et de la notion d’intérêt public supérieur
Arguments des parties
132 La requérante estime que l’EACEA a méconnu son obligation d’assurer l’accès le plus large possible aux documents demandés et que celle-ci a interprété et appliqué de manière erronée le principe de transparence. Elle se réfère à cet égard aux considérants 10 et 11 du règlement n° 1049/2001, ainsi qu’à l’article 1er de ce règlement, lequel renvoie à l’article 255 CE.
133 Selon la requérante, ainsi qu’il ressort du point 45 de l’arrêt Suède et Turco/Conseil, précité, l’EACEA aurait, notamment, dû procéder à une mise en balance des intérêts spécifiques devant être protégés par la non-divulgation des documents demandés et de l’intérêt général à ce que les documents en cause soient rendus accessibles. La requérante considère que l’EACEA a interprété de manière erronée son obligation de vérifier de sa propre initiative l’existence d’un intérêt public supérieur et qu’elle s’est déchargée de cette obligation en la faisant peser sur la requérante. À défaut de fondement suffisant pour justifier la décision de refuser l’accès à certaines données en vertu d’un régime d’exception, l’EACEA aurait dû rendre accessible l’ensemble des documents demandés.
134 La requérante soutient qu’il existe en l’espèce un intérêt public supérieur tenant au fait que la divulgation des documents en cause est de nature à accroître la transparence et à rendre accessible le projet à un public élargi, à augmenter l’efficacité du projet en permettant une meilleure utilisation des fonds publics, à renforcer la participation des citoyens européens au processus d’intégration et à leur permettre de participer au contrôle de la pertinence des projets retenus et de l’usage des fonds publics. La requérante précise que, dans l’arrêt Suède et Turco/Conseil, précité, la Cour a dégagé un certain nombre de principes généraux applicables à toutes les institutions dans le cadre du droit d’accès aux documents et, par conséquent, également à la présente espèce, nonobstant le fait que ledit arrêt concerne l’exception relative à la protection des avis juridiques.
135 L’EACEA conteste les arguments de la requérante.
Appréciation du Tribunal
136 Le règlement n° 1049/2001 prévoit que l’application des exceptions consacrées par son article 4, paragraphes 2 et 3, est écartée si la divulgation du document en cause est justifiée par un intérêt public supérieur. Dans ce contexte, il y a lieu de mettre en balance, d’une part, l’intérêt spécifique devant être protégé par la non-divulgation du document concerné et, d’autre part, notamment, l’intérêt général à ce que ce document soit rendu accessible, eu égard aux avantages découlant, ainsi qu’il est précisé au considérant 2 du règlement n° 1049/2001, d’une transparence accrue, à savoir une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel ainsi qu’une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration des citoyens dans un système démocratique (voir, en ce sens, arrêt Suède et Turco/Conseil, précité, point 45).
137 En l’espèce, contrairement à ce que soutient la requérante, l’EACEA a procédé à la mise en balance de la protection des intérêts commerciaux de l’université de Chypre et d’un éventuel intérêt public supérieur, puisque, au point 5 de la décision de l’EACEA, cette dernière a estimé que la défense des intérêts de la requérante dans le cadre d’un différend l’opposant à l’université de Chypre ne constituait pas un intérêt général de nature à justifier la levée de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001.
138 La requérante prétend néanmoins qu’il existe en l’espèce un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents en cause, tenant à la possibilité d’accroître la transparence du projet subventionné, de renforcer la participation des citoyens au processus décisionnel et d’augmenter l’efficacité dudit projet tout en optimisant l’utilisation des fonds publics.
139 S’agissant d’une demande d’accès portant sur des documents relatifs à une procédure administrative, il découle du considérant 6 du règlement n° 1049/2001 que l’intérêt du public à obtenir la communication d’un document au titre du principe de transparence n’a pas le même poids selon qu’il s’agit d’un document relevant d’une procédure administrative ou d’un document relatif à une procédure dans le cadre de laquelle l’institution de l’Union intervient en qualité de législateur.
140 En l’espèce, la demande de subvention et la convention de subvention s’inscrivent dans le cadre de l’attribution d’une subvention et ne relèvent pas d’une procédure dans laquelle l’institution intervient en qualité de législateur. De plus, cette procédure a déjà fait l’objet d’une certaine publicité, étant donné que l’appel à propositions contenant les critères d’éligibilité du projet à subventionner a été publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2006, C 313, p. 42) et que, ainsi que le fait valoir l’EACEA, l’identité de la personne morale bénéficiaire de la subvention, la nature du projet subventionné, le montant de ladite subvention ont été publiés, ce qui n’est pas contesté par la requérante. Il s’ensuit que, un accès aux informations essentielles concernant la procédure d’attribution de la subvention à l’université de Chypre ayant été garanti, la requérante ne saurait prétendre que la transparence et la participation des citoyens au processus décisionnel constituent, en l’espèce, un intérêt public supérieur au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 justifiant la divulgation des données en cause.
141 De même, l’efficacité du projet subventionné dépend prioritairement de sa mise en œuvre par l’université de Chypre et ne saurait constituer un intérêt public supérieur justifiant la divulgation complète des documents susvisés. Cette affirmation n’est pas remise en cause par les arguments avancés par la requérante sur ce point, lesquels ne sont pas suffisamment étayés.
142 Par ailleurs, l’intérêt particulier que peut faire valoir un demandeur à l’accès à un document le concernant personnellement ne saurait être pris en compte en tant qu’intérêt public supérieur au sens des dispositions de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt Franchet et Byk/Commission, précité, point 137). Il s’ensuit que, dans la décision de l’EACEA, celle-ci a pu à juste titre relever que l’intérêt privé dont se prévalait la requérante, à savoir la défense de ses intérêts dans le cadre d’un différend l’opposant à l’université de Chypre, ne constituait pas un intérêt public supérieur au sens de la disposition susvisée.
143 Dans ces circonstances, l’EACEA n’ayant pas interprété de manière erronée le principe de transparence et la notion d’intérêt public supérieur, le cinquième moyen doit être rejeté comme non fondé.
g) Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation
Arguments des parties
144 La requérante indique qu’il incombait à l’EACEA de préciser, premièrement, de quelle manière la divulgation des documents demandés est susceptible de porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à l’article 4 du règlement n° 1049/2001 et, deuxièmement, dans les hypothèses visées à l’article 4, paragraphes 2 et 3, de ce règlement, s’il n’existe pas un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document concerné. La motivation de la décision de l’EACEA ne permettrait pas à la requérante de comprendre les raisons du refus opposé à sa demande d’accès aux documents.
145 L’EACEA conteste les arguments de la requérante.
Appréciation du Tribunal
146 La motivation exigée par l’article 253 CE doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et de défendre leurs droits et au juge d’exercer son contrôle (voir arrêt du Tribunal du 18 janvier 2000, Mehibas Dordtselaan/Commission, T-290/97, Rec. p. II-15, point 92, et la jurisprudence citée).
147 S’agissant des décisions en matière d’accès aux documents des institutions, il incombe à l’auteur d’une telle décision de fournir les explications quant au point de savoir, premièrement, comment l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à l’article 4 du règlement n° 1049/2001 que cette institution invoque et, deuxièmement, dans les hypothèses visées aux paragraphes 2 et 3 de cet article, s’il n’existe pas un intérêt public supérieur justifiant néanmoins la divulgation du document concerné (voir, en ce sens, arrêt Suède et Turco/Conseil, précité, point 49).
148 Il y a lieu de relever que, dans sa décision, l’EACEA a exposé les motifs permettant de comprendre qu’un accès complet à la demande de subvention et à la convention de subvention aurait porté atteinte aux intérêts visés à l’article 4, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001. Par ailleurs, en ce qui concerne l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux de l’université de Chypre, il ressort du point 5 de la décision de l’EACEA que celle-ci a considéré qu’aucun intérêt public supérieur ne justifiait la divulgation des données couvertes par cette exception.
149 Il convient également de constater que les explications fournies par l’EACEA dans sa décision ont permis à la requérante de défendre ses droits et au juge d’exercer son contrôle.
150 Il s’ensuit que l’EACEA n’a pas méconnu l’obligation de motivation et que le sixième moyen doit, par conséquent, être rejeté.
151 Au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter la demande d’annulation de la décision de l’EACEA comme non fondée.
B – Sur la demande d’annulation de la décision de la Commission
1. Arguments des parties
152 La Commission soutient que, dans la mesure où il est dirigé contre sa décision, datée du 8 août 2007, le recours est manifestement tardif. Elle rappelle que le délai de deux mois prévu par l’article 230, cinquième alinéa, CE court à compter du moment où le tiers concerné a eu une connaissance exacte du contenu et des motifs de l’acte dont l’annulation est demandée, à condition que ce dernier en demande le texte intégral dans un délai raisonnable à compter du jour où il en a eu connaissance. Or, la requérante reconnaîtrait elle-même, dans ses écrits et dans sa lettre du 3 mars 2008, qu’elle a eu connaissance de la décision de la Commission au courant du mois d’octobre 2007. Dès lors, en s’adressant à la Commission le 3 mars 2008, la requérante aurait demandé le texte intégral de l’acte visé plus de quatre mois après en avoir eu connaissance, soit au-delà d’un délai raisonnable au sens de la jurisprudence.
153 L’EACEA fait valoir que la demande en annulation dirigée contre la décision de la Commission est irrecevable en tant qu’elle est dirigée contre elle, puisque ladite décision a été adoptée dans le cadre de l’exercice des compétences propres de la Commission. En effet, l’article 9, paragraphe 2, de la décision n° 1720/2006/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 novembre 2006, établissant un programme d’action dans le domaine de l’éducation et de la formation tout au long de la vie (JO L 327, p. 45), prévoit que les décisions de sélection des projets sont arrêtées conformément à la procédure de comitologie, dans le cadre de laquelle l’EACEA n’aurait pas de compétence décisionnelle.
154 La requérante soutient tout d’abord qu’elle a introduit le présent recours dans le délai de deux mois prévu par l’article 230 CE à compter du jour où elle a eu connaissance de la décision de la Commission. Après avoir eu connaissance, au courant du mois d’octobre 2007, de l’existence de l’attribution d’un centre d’excellence à l’université de Chypre, elle s’est tout d’abord adressée à cette université, par lettre du 30 octobre 2007, afin de vérifier dans quelle mesure son nom et ses qualités professionnelles avaient été utilisées dans le cadre de la demande et de l’attribution du centre d’excellence. Après avoir appris de manière informelle, en février 2008, que son nom et la chaire Jean Monnet dont elle est titulaire étaient effectivement impliqués dans le projet de centre d’excellence, la requérante a adressé à la Commission le 3 mars 2008 sa demande d’accès aux documents concernant le dossier relatif à l’attribution du centre d’excellence, soit dans un délai « manifestement raisonnable ».
155 La requérante considère enfin que la demande d’annulation de la décision de la Commission n’est pas dirigée contre l’EACEA.
2. Appréciation du Tribunal
156 Il convient tout d’abord de prendre acte du fait que la requérante, dans la réplique, a renoncé à diriger la présente demande en annulation contre l’EACEA.
157 S’agissant de la prétendue tardiveté de cette demande en annulation, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 230, cinquième alinéa, CE, les demandes en annulation doivent être formées dans un délai de deux mois, à compter de la publication de l’acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance.
158 Selon une jurisprudence constante, à défaut de publication ou de notification, il appartient à celui qui a connaissance de l’existence d’un acte qui le concerne d’en demander le texte intégral dans un délai raisonnable. Sous cette réserve, le délai de recours ne saurait courir qu’à partir du moment où le tiers concerné a une connaissance exacte du contenu et des motifs de l’acte en cause de manière à pouvoir faire fruit de son droit de recours (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 février 1998, Commission/Conseil, C-309/95, Rec. p. I-655, point 18 ; ordonnance du Tribunal du 21 novembre 2005, Tramarin/Commission, T-426/04, Rec. p. II-4765, point 48, et arrêt du Tribunal du 20 novembre 2008, Italie/Commission, T-185/05, Rec. p. II-3207, point 68).
159 À cet égard, la jurisprudence a considéré qu’un délai de deux mois, à compter de la connaissance de l’existence d’une décision pour demander la communication du texte intégral de ladite décision, n’était pas un délai raisonnable (ordonnance de la Cour du 5 mars 1993, Ferriere Acciaierie Sarde/Commission, C-102/92, Rec. p. I-801, point 19).
160 En l’espèce, la requérante affirme avoir eu connaissance de l’existence de la décision de la Commission au courant du mois d’octobre 2007. Selon la jurisprudence, elle était tenue d’en demander le texte intégral dans un délai raisonnable. Or, il ressort du dossier que la requérante s’est adressée à la Commission pour obtenir le texte intégral de la décision de la Commission le 3 mars 2008, soit plus de quatre mois après avoir eu connaissance de l’existence de cette décision.
161 Il s’ensuit, selon la jurisprudence citée au point 159 ci-dessus, que le texte intégral de la décision de la Commission n’a pas été demandé dans un délai raisonnable et que la présente demande en annulation doit par conséquent être considérée comme tardive.
162 Cette constatation ne saurait être infirmée par les arguments de la requérante tendant à mettre en avant les prétendues démarches effectuées auprès de l’université de Chypre afin d’obtenir le texte intégral de la décision de la Commission. En effet, la requérante affirme avoir demandé à l’université de Chypre, par lettre du 30 octobre 2007, de lui indiquer dans quelle mesure son nom et sa qualité de titulaire d’une chaire Jean Monnet dans cette université avaient été impliqués dans la demande de subvention pour l’attribution du centre d’excellence et, le cas échéant, de lui donner accès au dossier. Or, il ne ressort pas de la lettre du 30 octobre 2007, produite par la requérante dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure adoptées par le Tribunal, que la requérante ait précisément demandé la communication du texte intégral de la décision de la Commission. Il s’ensuit que la requérante ne peut prétendre avoir demandé le texte intégral de la décision de la Commission dans un délai raisonnable au sens de la jurisprudence.
163 Partant, la demande d’annulation de la décision de la Commission doit être rejetée comme irrecevable.
C – Sur la demande subsidiaire d’annulation de la décision du 12 mars 2008
1. Arguments des parties
164 Dans la réplique, la requérante demande au Tribunal, à titre subsidiaire, d’annuler la décision du 12 mars 2008.
165 La Commission soutient que la demande d’annulation de la décision du 12 mars 2008 est irrecevable en vertu de l’article 44, paragraphe 1, et de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure. Cette décision ayant déjà été connue par la requérante au moment de l’introduction du présent recours, elle ne saurait constituer un fait nouveau justifiant la production d’arguments nouveaux en cours de procédure au sens des articles précités.
166 L’EACEA fait observer que la demande d’annulation de la décision du 12 mars 2008 est irrecevable en tant qu’elle est dirigée contre elle, car il s’agit d’un acte qui a été adopté par la Commission dans l’exercice de ses compétences propres.
167 Lors de l’audience, la requérante n’a avancé aucun argument relatif à la recevabilité de la demande d’annulation de la décision du 12 mars 2008.
2. Appréciation du Tribunal
168 Il convient de constater que le chef de conclusions tendant à l’annulation de la décision du 12 mars 2008 est irrecevable en vertu de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, car il a été soulevé pour la première fois dans la réplique et il n’est pas fondé sur des éléments de fait ou de droit qui se seraient révélés pendant la procédure, étant donné que la lettre de la Commission du 27 mai 2008, de même que celle de l’EACEA du 2 juin 2008, faisait expressément référence à cette décision.
169 Il s’ensuit que le chef de conclusions en annulation dirigé contre la décision du 12 mars 2008 doit être rejeté comme irrecevable.
170 Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité, sans qu’il soit nécessaire d’adopter les mesures d’organisation de la procédure et les mesures d’instruction demandées par la requérante.
Sur les dépens
171 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission et de l’EACEA.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (septième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Mme Kalliope Agapiou Joséphidès est condamnée aux dépens.
Forwood |
Moavero Milanesi |
Schwarcz |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 octobre 2010.
Signatures
* Langue de procédure : le français.