BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?

No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!



BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback]

Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Pavlov and Famira (External relations) French Text [2011] EUECJ C-101/10 (17 March 2011)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2011/C10110_O.html

[New search] [Help]


AVIS JURIDIQUE IMPORTANT: The source of this judgment is the web site of the Court of Justice of the European Communities. The information in this database has been provided free of charge and is subject to a Court of Justice of the European Communities disclaimer and a copyright notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.



CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO Mengozzi

présentées le 17 mars 2011 (1)

Affaire C-101/10

Gentcho Pavlov

Gregor Famira

contre

Ausschuss der Rechtsanwaltskammer Wien

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberste Berufungs- und Disziplinarkommission (Autriche)]

«Relations extérieures – Accords d’association – Effet direct – Réglementation nationale excluant, avant l’adhésion de la République de Bulgarie à l’Union européenne, les ressortissants bulgares de l’inscription au tableau des avocats stagiaires – Interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité – Notion de conditions de travail – Compatibilité»





1.        La question principale soulevée par le présent renvoi préjudiciel est celle de savoir si un ressortissant bulgare qui se voit refuser en Autriche, avant l’adhésion de la République de Bulgarie à l’Union européenne, l’inscription au tableau des avocats stagiaires subit une discrimination en raison de la nationalité prohibée au sens de l’accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République de Bulgarie, d’autre part, signé le 1er mars 1993 (ci-après l’«accord d’association avec la République de Bulgarie») (2).

I –    Le cadre juridique

A –    L’accord d’association avec la République de Bulgarie

2.        L’article 7, paragraphe 1, de l’accord d’association avec la République de Bulgarie prévoit que «[l]’association comprend une période de transition d’une durée maximale de dix ans, divisée en deux étapes successives, de cinq années chacune, en principe. La première étape commence au moment de l’entrée en vigueur du présent accord».

3.        L’article 38, paragraphe 1, premier tiret, de l’accord d’association avec la République de Bulgarie énonce:

«Sous réserve des conditions et modalités applicables dans chaque État membre:

–        le traitement des travailleurs de nationalité bulgare légalement employés sur le territoire d’un État membre ne doit faire l’objet d’aucune discrimination fondée sur la nationalité, en ce qui concerne les conditions de travail, de rémunération ou de licenciement, par rapport aux ressortissants dudit État membre».

4.        L’article 42, paragraphe 1, de l’accord d’association avec la République de Bulgarie énonce:

«Compte tenu de la situation sur le marché de l’emploi de l’État membre, sous réserve de l’application de sa législation et du respect des règles en vigueur dans ledit État membre en matière de mobilité des travailleurs:

–        les possibilités d’accès à l’emploi accordées par les États membres aux travailleurs bulgares en vertu d’accords bilatéraux devraient être préservées et, si possible, améliorées,

–        les autres États membres examinent la possibilité de conclure des accords similaires».

5.         Le paragraphe 1 de l’article 45 de l’accord d’association avec la République de Bulgarie, lequel est inséré dans le chapitre intitulé «Établissement», prévoit que, «[d]ès l’entrée en vigueur du présent accord, chaque État membre réserve à l’établissement de sociétés et de ressortissants bulgares et à l’activité de sociétés et de ressortissants bulgares établis sur son territoire un traitement non moins favorable que celui accordé à ses propres sociétés et ressortissants, à l’exception des domaines visés à l’annexe XVa».

6.        L’article 45, paragraphe 5, sous a), i), de l’accord d’association avec la République de Bulgarie définit l’établissement «en ce qui concerne les ressortissants [comme] le droit d’accéder à des activités économiques et de les exercer en tant qu’indépendants et celui de créer et de diriger des sociétés, en particulier des sociétés qu’ils contrôlent effectivement. La qualité d’indépendant et de chef d’entreprise commerciale ne confère ni le droit de chercher ou d’accepter un emploi salarié sur le marché de l’emploi de l’autre partie ni l’accès au marché de l’emploi de l’autre partie. Les dispositions du présent chapitre ne s’appliquent pas aux personnes qui ne sont pas exclusivement indépendantes».

7.        L’article 45, paragraphe 5, sous c), de l’accord d’association avec la République de Bulgarie énonce qu’il faut entendre par activités économiques «notamment les activités à caractères industriel, commercial, artisanal ainsi que les professions libérales».

8.        L’article 47 de l’accord d’association avec la République de Bulgarie prévoit que, «[a]fin de faciliter aux ressortissants de la Communauté et aux ressortissants bulgares l’accès aux activités professionnelles réglementées et leur exercice en Bulgarie et dans la Communauté, le conseil d’association examine les dispositions qu’il est nécessaire de prendre pour une reconnaissance mutuelle des qualifications. Il peut prendre toutes les mesures nécessaires à cette fin».

9.        L’article 59, paragraphe 1, de l’accord d’association avec la République de Bulgarie énonce que, «[a]ux fins de l’application du titre IV, aucune disposition du présent accord ne fait obstacle à l’application, par les parties, de leurs lois et réglementations concernant l’admission et le séjour, le travail, les conditions de travail, l’établissement des personnes physiques et la prestation de services, à condition que n’en soient pas réduits à néant ou compromis les avantages que retire l’une des parties d’une disposition spécifique du présent accord. […]»

B –    Le cadre juridique national

10.      Les dispositions régissant la profession d’avocat et l’accès à cette profession en Autriche figurent respectivement dans la loi sur l’examen d’accès à la profession d’avocat (Rechtsanwaltsprüfungsgesetz (3), ci-après le «RAPG») et dans le règlement relatif à la profession d’avocat (Österreichische Rechtsanwaltsordnung (4), ci-après la «RAO»).

1.      Le RAPG

11.      L’article 1er du RAPG prévoit que «[l]’examen d’accès à la profession d’avocat doit attester des capacités et connaissances du candidat nécessaires à l’exercice de la profession d’avocat, en particulier son aptitude à entamer et assumer les démarches afférentes aux affaires à caractère public et privé confiées à un avocat ainsi que son aptitude à rédiger des documents et expertises juridiques et à présenter de manière ordonnée par écrit et oralement les éléments juridiques et factuels d’une affaire».

12.      L’article 2, paragraphe 1, du RAPG énonce que «[l]’examen d’avocat peut être passé après l’obtention du Doktorat der Rechte ou, pour les diplômés d’un Diplomstudium au sens de la loi du 2 mars 1978 […] relative aux études de droit, du Magisterium der Rechtswissenschaften et un stage pratique d’une durée de trois ans, dont au moins neuf mois dans une juridiction et au moins deux ans dans un cabinet d’avocat […]».

2.      La RAO

13.      L’article 1er, paragraphe 1, de la RAO prévoit que, «[p]our exercer la profession d’avocat […], aucune nomination par une autorité n’est nécessaire, il faut simplement apporter la preuve que les conditions suivantes sont remplies et être inscrit au tableau des avocats».

14.      En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, de la RAO, les conditions devant être remplies sont:

«a)       la nationalité autrichienne;

[…]

d)       le stage pratique, selon les modalités et la durée prévues par la législation;

e)       la réussite de l’examen d’accès à la profession d’avocat;

[…]»

15.      L’article 2 de la RAO est rédigé comme suit:

«1.      Le stage pratique exigé pour exercer la profession d’avocat consiste nécessairement en une activité juridique au sein d’une juridiction ou d’un parquet et chez un avocat. […] Le stage pratique chez un avocat ne peut être pris en compte que si cette activité est exercée à titre d’activité professionnelle principale sans être entravée par une autre activité professionnelle […].

2.       Le stage pratique au sens du paragraphe 1 doit durer cinq ans, dont au moins neuf mois au sein d’une juridiction ou d’un parquet et au moins trois ans chez un avocat en Autriche.

[…]»

16.      L’article 1er, paragraphe 3, de la RAO énonce que «[l]a nationalité d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la confédération suisse est considérée comme équivalant à la nationalité autrichienne».

17.      L’article 15 de la RAO énonce:

«1.      Lorsque la représentation par un avocat est prescrite par la loi, l’avocat peut se faire représenter, sous sa responsabilité, devant toute juridiction et devant toute administration, également par un avocat stagiaire habilité à représenter un avocat et effectuant son stage auprès de lui; la signature, par un avocat stagiaire, de requêtes adressées à des juridictions ou des administrations est toutefois illicite.

2.      Est habilité à représenter un avocat stagiaire ayant passé avec succès l’examen d’accès à la profession d’avocat. […]

3.      Lorsque la représentation par un avocat n’est pas prescrite par la loi, l’avocat peut également se faire représenter, sous sa responsabilité, devant toute juridiction et devant toute administration, par tout autre avocat stagiaire effectuant son stage auprès de lui; la signature, par un avocat stagiaire, de requêtes adressées à des juridictions ou des administrations est toutefois illicite.

4.      La commission du barreau est tenue de délivrer à un avocat stagiaire effectuant son stage auprès d’un avocat des attestations de l’aptitude à représenter en justice faisant apparaître son pouvoir de substitution, au sens du paragraphe 2 […] ou de son pouvoir de représentation, au sens du paragraphe 3 […]»

18.      L’article 30 de la RAO qui régit la procédure d’inscription au tableau des avocats stagiaires énonce ce qui suit:

«1.      Aux fins de l’inscription au tableau des avocats stagiaires, au moment de l’entrée dans l’étude d’avocats, une communication doit être faite à la commission, accompagnée de la preuve de la nationalité autrichienne ainsi que du respect de conditions d’accès au stage judiciaire, la durée du stage étant calculée à compter de la réception de ladite déclaration.

[…]

4.      Les personnes visées par un refus d’inscription au tableau des avocats stagiaires, la radiation de ce tableau ou le refus de la reconnaissance du stage en tant qu’avocat ont le droit de faire appel devant la commission supérieure d’appel et commission disciplinaire des avocats. […]

5.      La nationalité d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse est considérée comme équivalant à la nationalité autrichienne.»

II – Le litige au principal et les questions préjudicielles

19.      M. Gentcho Pavlov est un ressortissant bulgare qui a achevé ses études de droit à Vienne, en Autriche, en 2002 d’après la juridiction de renvoi (5). Il est, depuis 2004, employé comme travailleur salarié auprès de l’étude d’avocat de Me Famira, avocat à Vienne. M. Pavlov est titulaire d’une autorisation d’établissement au sens du droit autrichien et d’un permis de travail en Autriche.

20.      Le 2 janvier 2004, MM. Famira et Pavlov ont demandé, pour M. Pavlov, l’inscription au tableau des avocats stagiaires. Ils ont, dans le même temps, sollicité l’octroi d’une attestation du pouvoir de représentation en justice sur le fondement de l’article 15, paragraphe 3, de la RAO.

21.      Le 6 avril 2004, l’Ausschuss der Rechtsanwaltskammer Wien (commission du barreau de Vienne) a, par voie d’ordonnance, rejeté la demande en question au motif que M. Pavlov ne satisfaisait pas à la condition de nationalité posée par l’article 30 de la RAO. Au moment de la demande, M. Pavlov n’étant ni un ressortissant d’un État membre de l’Union, ni un ressortissant d’un État de l’Espace économique européen, ni un ressortissant suisse, la nationalité bulgare dont jouit M. Pavlov ne lui permet pas de satisfaire, selon l’Ausschuss der Rechtsanwaltskammer Wien, aux exigences de l’article 30 de la RAO. La réclamation dirigée contre cette ordonnance a été rejetée le 15 juin 2004 (6) par l’Ausschuss der Rechtsanwaltskammer Wien siégeant en formation plénière.

22.      Appel a été interjeté contre cette seconde ordonnance devant l’Oberste Berufungs- und Disziplinarkommission (commission supérieure disciplinaire d’appel des avocats, ci-après l’«OBDK»). Le 1er août 2006, ledit appel a été rejeté. L’OBDK a, en effet, considéré que la profession d’avocat est une profession réglementée et que cette réglementation déploie ses effets également à l’égard des avocats stagiaires. Il a statué que, aux termes de l’accord d’association avec la République de Bulgarie, les discriminations sont interdites uniquement en ce qui concerne les conditions de travail, mais que, en ce qui concerne l’accès à des professions réglementées, les États contractants ont la possibilité de mettre en place des limitations nationales.

23.      Les demandeurs ayant formé un pourvoi devant lui, le Verfassungsgerichtshof (Cour constitutionnelle) a annulé, le 8 octobre 2007, cette décision en considérant que, en ne saisissant pas la Cour de justice à titre préjudiciel aux fins d’interpréter les dispositions pertinentes de l’accord d’association avec la République de Bulgarie, l’OBDK avait violé le droit des plaignants à une procédure devant le juge naturel garanti par la Constitution nationale. L’affaire a donc été renvoyée devant l’OBDK.

24.      Le 17 avril 2008, l’OBDK a partiellement fait droit à l’appel dirigé contre l’ordonnance du 15 juin 2004 puisqu’elle l’a annulée ensemble avec l’ordonnance du 6 avril 2004 eu égard à la modification de la situation juridique née du fait de l’adhésion de la République de Bulgarie à l’Union. Du fait de la survenance de ce nouvel élément, l’OBDK a jugé la situation suffisamment claire pour pouvoir statuer sans introduire de demande de décision préjudicielle devant la Cour. Ce faisant, elle a renvoyé l’affaire devant l’Ausschuss der Rechtsanwaltskammer Wien afin qu’elle statue après un complément de procédure. La décision du 17 avril 2008 de l’OBDK a fait l’objet, elle aussi, d’un recours devant le Verfassungsgerichtshof.

25.      Par décision du 2 juillet 2009, le Verfassungsgerichtshof a annulé la nouvelle décision de l’OBDK du 17 avril 2008. Il lui reproche, en substance, de ne pas avoir réglé la question relative aux années 2004 à 2006 en s’abstenant d’introduire un renvoi préjudiciel devant la Cour, question qui, en dépit de l’adhésion de la République de Bulgarie à l’Union depuis le 1er janvier 2007, gardait toute sa pertinence pour M. Pavlov dans la mesure où, d’une part, il ne pourrait passer l’examen d’accès à la profession d’avocat qu’après un stage pratique d’au moins deux ans auprès d’un avocat (article 2, paragraphe 1, du RAPG) et où, d’autre part, pour être inscrit au tableau des avocats, il lui faudrait justifier d’un stage pratique d’au moins trois ans auprès d’un avocat (en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de la RAO).

26.      Se trouvant dès lors confrontée à une difficulté liée à l’interprétation du droit de l’Union, l’OBDK a décidé de surseoir à statuer et, par décision de renvoi en date du 23 février 2010, de saisir la Cour, sur le fondement de l’article 267 TFUE, des deux questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 38, paragraphe 1, de l’accord [d’association] devait-il être appliqué directement, dans la période allant du 2 janvier 2004 au 31 décembre 2006, dans le cadre de la procédure d’inscription d’un ressortissant bulgare au tableau des avocats stagiaires?

2)      [En cas de réponse affirmative à la première question, l]’article 38, paragraphe 1, de l’accord [d’association] s’opposait-il, d’une part, à l’application de l’article 30, paragraphes 1 et 5, [de la RAO], exigeant, entre autres, comme condition de l’inscription, la preuve de la nationalité autrichienne ou d’une nationalité jugée équivalente, à la demande d’inscription au tableau des avocats stagiaires autrichiens et d’obtention d’une attestation de l’aptitude à représenter en justice au sens de l’article 15, paragraphe 3, [de la RAO] introduite le 2 janvier 2004 par un ressortissant bulgare employé auprès d’un avocat autrichien, et, d’autre part, au rejet de cette demande fondé sur la seule nationalité, nonobstant le respect des autres conditions et la présence d’une autorisation d’établissement et d’un permis de travail?»

III – La procédure devant la Cour

27.      Les requérantes au principal, le gouvernement autrichien et la Commission européenne ont déposé des observations écrites et, lors de l’audience qui s’est tenue le 13 janvier 2011, ont également formulé oralement leurs observations.

IV – Analyse juridique

A –    Remarque préliminaire sur la qualité de juridiction de l’OBDK

28.      De manière préalable, il convient de vérifier si l’OBDK constitue une juridiction au sens de l’article 267 TFUE, susceptible, à ce titre, de saisir la Cour de questions préjudicielles.

29.      La Cour a déjà récemment eu à se prononcer sur cette question dans l’arrêt Koller (7) dans lequel elle a affirmé que «l’OBDK, dont il est constant que sa juridiction est obligatoire, présente, ainsi que l’a exposé Mme l’avocat général au point 52 de ses conclusions, tous les éléments nécessaires pour pouvoir être qualifiée de juridiction au sens de l’article [267 TFUE]» (8).

30.      Dans ces conditions, il y a dès lors lieu de poursuivre l’analyse, la Cour étant compétente afin de répondre à la juridiction de renvoi.

B –    Sur la première question

31.      Par sa première question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’article 38, paragraphe 1, premier tiret, de l’accord d’association avec la République de Bulgarie est une disposition du droit de l’Union dotée de l’effet direct et si elle devait être considérée comme ayant un tel effet au cours de la période allant du 2 janvier 2004 au 31 décembre 2006, dans le cadre de la procédure d’inscription d’un ressortissant bulgare au tableau des avocats stagiaires.

32.      Selon une jurisprudence constante qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause, une disposition d’un accord conclu par la Communauté avec des pays tiers doit être considérée comme étant d’application directe lorsque, eu égard à ses termes ainsi qu’à l’objet et à la nature de l’accord, elle comporte une obligation claire et précise qui n’est subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l’intervention d’aucun acte ultérieur (9). Il faut donc procéder à l’examen de l’article 38, paragraphe 1, premier tiret, de l’accord d’association avec la République de Bulgarie en fonction de ces trois critères.

33.      Quant aux termes mêmes de l’article 38, paragraphe 1, premier tiret, de l’accord d’association avec la République de Bulgarie, et comme l’ont justement fait remarqué les requérants au principal ainsi que le gouvernement autrichien dans leurs observations écrites, la Cour s’est déjà prononcée sur le fait de savoir si l’article 37, paragraphe 1, premier tiret, de l’accord d’association entre les Communautés européennes et la République de Pologne, qui a un libellé quasi identique (10) à celui de l’article 38, paragraphe 1, premier tiret, de l’accord d’association avec la République de Bulgarie, avait un effet direct (11). La Cour a alors considéré que ledit article 37, paragraphe 1, premier tiret «consacre, dans des termes clairs, précis et inconditionnels, l’interdiction pour chaque État membre de traiter de manière discriminatoire par rapport à ses propres ressortissants, en raison de leur nationalité, les travailleurs polonais visés par cette disposition, en ce qui concerne leurs conditions de travail, de rémunération ou de licenciement. […] Cette règle d’égalité de traitement prescrit une obligation de résultat précise et elle est, par essence, susceptible d’être invoquée par un justiciable devant une juridiction nationale pour demander à cette dernière d’écarter des dispositions discriminatoires de la réglementation d’un État membre, sans que l’adoption de mesures d’application complémentaires soit requise à cet effet» (12). L’emploi de l’expression «[s]ous réserve des conditions et modalités applicables dans chaque État membre» n’est, par ailleurs, pas susceptible de remettre en cause ce constat (13).

34.      Quant à la nature et à l’objet de l’accord d’association avec la République de Bulgarie, la Cour a déjà eu l’occasion d’affirmer que, «aux termes de son dix-septième considérant, ainsi que de son article 1er, paragraphe 2, l’accord d’association a pour objet d’instituer une association destinée à promouvoir le développement d’échanges et de relations économiques harmonieuses entre les parties contractantes afin de favoriser le développement dynamique et la prospérité de la République de Bulgarie, en vue de faciliter son adhésion à la Communauté. En outre, la circonstance que l’accord d’association vise essentiellement à favoriser le développement économique de la Bulgarie et comporte dès lors un déséquilibre dans les obligations assumées par la Communauté envers le pays tiers concerné n’est pas de nature à empêcher la reconnaissance par cette dernière de l’effet direct de certaines dispositions dudit accord» (14).

35.      Par ailleurs, l’article 59, paragraphe 1, de l’accord d’association avec la République de Bulgarie n’est pas de nature à s’opposer à cette conclusion, la Cour ayant jugé qu’«il découle seulement de cette disposition que les autorités des États membres demeurent compétentes pour appliquer, dans le respect des limites fixées par l’accord d’association, les législations nationales» (15). Dès lors, ledit article ne concerne pas la mise en œuvre par les États membres des dispositions de l’accord d’association avec la République de Bulgarie relatives aux conditions de travail ni ne vise à subordonner l’exécution ou les effets de l’obligation d’égalité de traitement prescrite par l’article 38, paragraphe 1, premier tiret, à l’adoption de mesures nationales complémentaires (16).

36.      Toutes les conditions posées par la jurisprudence de la Cour pour qu’une disposition insérée dans un accord international conclu par la Communauté puisse bénéficier de l’effet direct sont réunies en ce qui concerne l’article 38, paragraphe 1, premier tiret, de l’accord d’association avec la République de Bulgarie.

37.      Je propose donc à la Cour de répondre à la première question en ce sens que l’article 38, paragraphe 1, premier tiret, de l’accord d’association avec la République de Bulgarie satisfait aux conditions requises d’une disposition du droit de l’Union pour qu’elle soit dotée de l’effet direct et pouvait donc être appliqué directement dans la période allant du 2 janvier 2004 au 31 décembre 2006.

C –    Sur la seconde question

38.      L’article 38, paragraphe 1, premier tiret, de l’accord d’association avec la République de Bulgarie énonce une interdiction de discrimination en raison de la nationalité des ressortissants bulgares ayant la qualité de travailleur, étant légalement employés sur le territoire d’un État membre et pour ce qui concerne «les conditions de travail, de rémunération ou de licenciement».

39.      La Cour a déjà été amenée à se prononcer sur la compatibilité d’une règle nationale avec une disposition au libellé semblable à celui de l’article 38, paragraphe 1, premier tiret, de l’accord d’association avec la République de Bulgarie. Son analyse, dans pareil cas de figure, a consisté à déterminer, en premier lieu, si la règle visée était bien relative aux conditions de travail, puis, en second lieu, à vérifier si la règle constituait bien une discrimination interdite par l’accord d’association avec la République de Bulgarie. À cet égard, la Cour a considéré qu’il faut procéder en trois temps: d’abord, il s’agit de déterminer si l’accord d’association avec la République de Bulgarie interdit bien les discriminations; ensuite, il convient d’examiner la portée de cette interdiction de discrimination, et notamment le fait de savoir si cette portée peut être comparable à celle conférée à une disposition identique contenue dans le traité CE; enfin, si les deux questions précédentes ont reçu une réponse positive, il reste à vérifier si la discrimination est susceptible d’une justification objective (17).

40.      Une fois n’est pas coutume, je propose de commencer l’analyse par l’examen du caractère discriminatoire du refus opposé au requérant au principal, avant d’établir si l’inscription au tableau des avocats stagiaires relève de la notion de «conditions de travail» au sens de l’article 38, paragraphe 1, premier tiret, de l’accord d’association avec la République de Bulgarie.

1.      Sur l’existence d’une discrimination sur le fondement de la nationalité

41.      Dans la présente affaire, il n’est pas difficile de constater que l’accord d’association avec la République de Bulgarie, en son article 38, fait bien obligation aux parties contractantes de ne pas discriminer les travailleurs bulgares en raison de leur nationalité. Quant à la question de savoir si l’article 38, paragraphe 1, premier tiret, de l’accord d’association avec la République de Bulgarie peut recevoir une interprétation aussi large que celle que la Cour a dégagée dans le contexte de sa jurisprudence consacrée à l’article 45, paragraphe 2, TFUE, je relève que la Cour n’autorise pas une telle attitude de manière systématique et globale, mais commande, au contraire, de se référer à la finalité poursuivie par chacune des dispositions concernées dans le cadre qui lui est propre (18). Ainsi, le fait que la Cour a jugé, à l’occasion de l’arrêt Kondova, que l’interprétation conférée par la jurisprudence à l’article 43 CE ne pouvait être étendue aux dispositions de l’accord d’association avec la République de Bulgarie relative à la liberté d’établissement (19) ne préjuge pas du résultat de l’analyse à mener en ce qui concerne les dispositions relatives à la circulation des travailleurs contenues dans ce même accord.

42.      La Cour n’a jamais eu directement à se pencher sur l’interprétation de ces dispositions. Néanmoins, la jurisprudence Pokrzeptowicz-Meyer (20) peut s’avérer utile à notre analyse. Dans cet arrêt, la Cour devait déterminer la portée de l’interdiction de discrimination sur le fondement de la nationalité en ce qui concerne les conditions de travail contenue dans l’accord d’association avec la République de Pologne. Il est à noter que cette interdiction de discrimination est quasi identique à celle prévue à l’article 38, paragraphe 1, premier tiret, de l’accord d’association avec la République de Bulgarie (21), et qu’elle revêtait, selon le constat opéré par la Cour, une similitude avec le libellé de l’article 39, paragraphe 2, du traité (22).

43.      La Cour a alors affirmé qu’il ressort de la comparaison des objectifs et du contexte de l’accord d’association avec la République de Pologne, d’une part, et de ceux du traité, d’autre part, qu’il n’existe aucun motif de donner à la disposition contenue dans l’accord d’association concerné une portée différente à celle retenue par la Cour relativement à la disposition équivalente dans le traité.

44.      Ce raisonnement est transposable à l’article 38, paragraphe 1, premier tiret, de l’accord d’association avec la République de Bulgarie, ses objectifs étant comparables à ceux poursuivis par l’accord d’association liant la Communauté à la République de Pologne avant son adhésion (23). Certes, comme la Cour a eu l’occasion de le préciser, une disposition telle que ledit article 38 n’énonce pas un principe de libre circulation des travailleurs bulgares à l’intérieur de l’Union (24), mais il institue en leur faveur, à partir du moment où ils sont légalement employés sur le territoire d’un État membre, un droit à l’égalité de traitement dans les conditions de travail de même portée que celui reconnu en des termes similaires par le traité aux ressortissants de l’Union (25).

45.      Par ailleurs, ni les observations écrites déposées par les parties intéressées ni les débats lors de l’audience n’ont permis de faire émerger une raison objective de nature à pouvoir justifier la différence de traitement entre ressortissants autrichiens et ressortissants bulgares quant à l’accès au tableau des avocats stagiaires.

46.      La conclusion intermédiaire qu’il faut tirer de ce qui précède est la suivante: nous sommes bien en présence d’une discrimination qui ne semble pas pouvoir être justifiée. Toutefois, le nœud gordien n’est pas tranché, car, résolument, le fait de savoir si l’article 38, paragraphe 1, premier tiret, de l’accord d’association avec la République de Bulgarie vise une situation telle que celle en cause au principal n’est pas encore établi.

2.      Sur la notion de «conditions de travail»

47.      Il est constant que M. Pavlov est titulaire d’une «autorisation d’établissement» au sens du droit autrichien (26) ainsi que d’un permis de travail en Autriche. Par ailleurs, M. Pavlov est employé depuis 2004 par M. Famira. M. Pavlov est donc un travailleur appartenant au marché régulier de l’emploi pouvant se prévaloir, en principe, en tant que travailleur salarié, de l’article 38, paragraphe 1, premier tiret, de l’accord d’association avec la République de Bulgarie.

48.      Il ressort également du dossier que la seule raison pour laquelle l’inscription au tableau des avocats stagiaires a été refusée à M. Pavlov est le fait que, pour cette inscription, la réglementation autrichienne requiert la nationalité autrichienne ou une nationalité assimilée à celle-ci, qu’il n’a pas.

49.      Par conséquent, pour se prononcer sur la compatibilité de l’application, dans le cas d’espèce, de cette réglementation avec l’article 38 de l’accord d’association avec la République de Bulgarie, il faut analyser si elle concerne, ou non, une condition de travail.

50.      À cet égard, l’on pourrait considérer que, compte tenu du fait que M. Pavlov a été engagé par M. Famira comme avocat stagiaire, il relève des conditions de travail d’un avocat stagiaire d’être inscrit au tableau des avocats stagiaires pour une série de raisons: d’une part, l’inscription au tableau des avocats stagiaires marque le point de départ du délai devant être pris en compte pour le calcul de la durée du stage et constitue, d’une certaine manière, une des conditions préalables pour être autorisé à passer l’examen d’avocat et donc pour obtenir le titre d’avocat (27). D’autre part, seul l’avocat stagiaire inscrit peut solliciter le pouvoir de représentation («kleine Legitmationsurkunde») qui lui permettra de représenter l’avocat pour lequel il travaille devant les juridictions et administrations (28). Pareille interprétation pourrait, par ailleurs, paraître confirmée par le fait que l’administration de l’emploi autrichienne aurait autorisé M. Famira à engager M. Pavlov en tant qu’avocat stagiaire. Par conséquent, le refus d’inscrire une personne au tableau des avocats stagiaires pourrait être conçu comme une limitation des activités que ladite personne peut être amenée à exercer dans le cadre de son «emploi», et donc comme ayant une incidence directe sur ses conditions de travail, au sens de la jurisprudence développée par la Cour en la matière, dont l’arrêt Deutscher Handballbund, précité, prononcé dans le cadre d’un renvoi préjudiciel émanant d’une juridiction allemande, constitue un exemple significatif.

51.      Dans cet arrêt Deutscher Handballbund, la Cour a dû se prononcer sur la compatibilité avec l’article 38 de l’accord d’association avec la République slovaque (29) d’une règle nationale émanant de la fédération allemande de handball qui prévoyait de délivrer des licences distinctes aux ressortissants d’États tiers, avec pour conséquence que seul un nombre limité de joueurs titulaires de ce type particulier de licence pouvait être aligné lors de compétitions officielles. Dans l’affaire au principal, le requérant, de nationalité slovaque, qui était régulièrement employé par un club allemand, avait attaqué en justice le refus opposé à sa demande d’obtenir une licence non assortie de la mention propre aux ressortissants des États tiers.

52.      La Cour, après avoir confirmé l’effet direct de l’article 38 de l’accord d’association avec la République slovaque, a affirmé que l’interprétation donnée à l’article 48, paragraphe 2, du traité CE devait être étendue audit article 38 (30). Elle en a conclu que la règle sportive en cause était relative aux conditions de travail dans la mesure où elle avait «une incidence directe sur la participation aux rencontres de championnat et de coupe d’un joueur professionnel slovaque, déjà régulièrement employé selon les dispositions nationales de l’État membre d’accueil» (31).

53.      Dès lors, on pourrait penser que le refus d’inscrire M. Pavlov au tableau des avocats stagiaires puisse pareillement être interprété comme ayant une incidence directe sur sa participation aux activités propres à cet «emploi».

54.      Mais, à mon avis, une telle invocation de cette jurisprudence n’est pas possible car elle présupposerait que l’«emploi» de M. Pavlov, assimilable à toute autre relation de travail salariée, soit celui d’avocat stagiaire.

55.      Certes, M. Pavlov a été embauché par M. Famira comme avocat stagiaire. Toutefois, la qualification d’avocat stagiaire qui lui est donnée dans le contrat de travail ne saurait suffire, dans le cas d’espèce, à lier les autorités nationales. Ainsi qu’il a été démontré lors de l’audience, l’une des raisons d’être de la commission du barreau de Vienne est précisément la vérification que les personnes qui prétendent devenir avocat stagiaire remplissent bien les conditions requises par la législation nationale pour être inscrit comme tel. Si l’on devait considérer que le seul lien contractuel entre M. Pavlov et M. Famira suffit pour que l’on considère M. Pavlov déjà installé dans un «emploi» qualifié d’avocat stagiaire et pour que l’on conclue à ce que ses conditions de travail sont atteintes par le refus de son inscription au tableau des avocats stagiaires, cela reviendrait à considérer que les organisations professionnelles auxquelles les États membres ont confié diverses missions de vérification sont, en fait comme en droit, liées par la qualification de l’emploi mentionnée par le contrat de travail. Le risque serait alors réel de voir les législations nationales contournées, laissant ainsi l’accès libre à des activités ou professions qui sont pourtant réputées être réglementées.

56.      Pour la même raison que je viens d’évoquer par rapport à ce qui est mentionné dans le contrat de travail de M. Pavlov, je ne considère pas que la décision de l’administration pour l’emploi qui a autorisé son embauche comme avocat stagiaire soit de nature à créer un quelconque droit à l’inscription audit tableau: le gouvernement autrichien a, de bon droit, soutenu pendant l’audience qu’il ne relève pas de la compétence de cette administration, mais de celle de la commission du barreau, de vérifier que le candidat à l’inscription remplit bien les conditions requises par la législation nationale à cet effet. Du point de vue fonctionnel, M. Pavlov ne peut être considéré comme techniquement déjà légalement employé en tant qu’avocat stagiaire au moment où il a introduit la demande d’inscription au tableau.

57.      La jurisprudence de la Cour en la matière atteste du fait que les conditions de travail sont constituées par le régime juridique applicable à la relation de travail concernée ainsi que par des avantages, matériels ou non, consentis aux travailleurs, mais pas par les conditions d’accès à une profession en elles-mêmes. Pour exemple, la Cour a notamment jugé qu’une loi nationale visant à éviter au travailleur qui reprend son emploi dans son ancienne entreprise les désavantages résultant de l’absence due au service militaire, en prévoyant notamment que le temps passé sous les drapeaux est pris en considération pour la durée du service dans l’entreprise, «se situe dans le cadre des conditions d’emploi et de travail » (32); que l’octroi d’une indemnité de séparation visant à compenser les inconvénients subis par le travailleur séparé de son foyer constitue un complément de rémunération et «fait, à ce titre, partie des conditions de travail» (33); qu’une législation réservant aux seuls chercheurs nationaux l’inscription à l’organigramme du conseil national de la recherche a une incidence sur les conditions de travail en ce que ladite inscription détermine la durée du contrat et l’évolution de la carrière (34); qu’une disposition nationale selon laquelle les ressortissants d’un État tiers avec lequel la Communauté a conclu un accord d’association ne peuvent pourvoir un emploi de lecteurs de langue étrangère qu’au moyen de contrats de travail à durée déterminée viole le principe de non-discrimination sur le fondement de la nationalité en ce qui concerne les conditions de travail (35). Ce panel de mesures considérées par la Cour comme relevant de la notion de «conditions de travail» n’est, en aucune manière, comparable avec l’objet de la législation en cause au principal, laquelle concerne l’accès au tableau des avocats stagiaires.

58.      Sur ce type de législation, comme les parties n’ont pas manqué de l’indiquer, la Cour a déjà eu à connaître de litiges portant sur l’activité d’avocat stagiaire dans des affaires parmi lesquelles celle ayant donné lieu à l’arrêt Morgenbesser (36). Dans cet arrêt, elle a affirmé que l’activité d’avocat stagiaire n’est pas une profession réglementée séparable de celle de la profession d’avocat (37). Même si, dans ce cas, la Cour n’a pas pris position sur le fait de savoir si l’inscription au tableau des avocats stagiaires relevait des conditions de travail, elle nous a toutefois enseigné que l’activité d’avocat stagiaire doit être considérée comme constituant la partie pratique de la formation nécessaire pour accéder à la profession d’avocat (38). Cet enseignement nous avait, par ailleurs, déjà été annoncé par l’arrêt Lawrie-Blum(39), à l’occasion duquel la Cour a examiné un problème tout à fait similaire à celui qui se pose dans notre affaire, bien que concernant une profession différente.

59.      Dans cet arrêt Lawrie-Blum, la Cour devait se prononcer sur le refus opposé par les autorités allemandes de laisser accéder une ressortissante britannique au stage pratique nécessaire pour enseigner en lycée au seul motif qu’elle ne possédait pas la nationalité allemande. En s’exprimant sur ce problème, elle n’a pas considéré être en présence d’une condition de travail, mais a jugé, au contraire, que «l’accomplissement du stage et la possession du diplôme du deuxième examen d’État sont indispensables, en droit, en ce qui concerne l’accès à la profession d’enseignant» (40). La requérante au principal avait donc subi une discrimination dans l’accès à l’emploi (41), mais pas dans ses conditions de travail.

60.      Or, cette jurisprudence éclaire d’une manière non équivoque la portée de l’article 38, paragraphe 1, premier tiret, de l’accord d’association avec la République de Bulgarie, lequel ne couvre pas l’accès à l’emploi. Ce fait est confirmé, par ailleurs, par l’article 42, paragraphe 1, du même accord qui, pour ce qui concerne l’accès à l’emploi des ressortissants bulgares, d’un côté, fait renvoi aux accords bilatéraux en la matière et, d’un autre côté, souhaite que cet accès soit à l’avenir amélioré (42).

61.       L’accès aux activités de l’avocat stagiaire puis de l’avocat autrichiens est, en outre, indéniablement régi par des dispositions nationales législatives et réglementaires réservant ces activités aux personnes qui remplissent certaines conditions et interdisant l’accès à celles qui ne les remplissent pas. Dès lors, ce que demande M. Pavlov, ce n’est pas de bénéficier d’un traitement égal dans son emploi, mais bien d’accéder à une profession réglementée, accès qui, pour les ressortissants bulgares, avant l’adhésion de leur État à l’Union, n’est pas régi par les dispositions de l’article 38, paragraphe 1, premier tiret. Il n’est pas possible de déduire de cet article la volonté des parties contractantes d’éliminer toute discrimination fondée sur la nationalité dans l’accès des ressortissants bulgares aux professions réglementées. À cet égard, il doit être tenu compte du fait que l’article 38, paragraphe 1, premier tiret, est inséré dans le chapitre premier du titre IV de l’accord, intitulé «Circulation des travailleurs», tandis que l’accord d’association avec la République de Bulgarie mentionne les professions réglementées en son article 47 inséré dans le chapitre consacré à l’établissement. Ce fait signifie de manière assez claire que les parties contractantes n’entendaient pas régir la question de l’accès aux professions réglementées par le biais de l’article 38 de l’accord. Cet article 47 prévoit ponctuellement et spécifiquement qu’à l’avenir, le conseil d’association facilite l’accès aux professions réglementées et leur exercice par l’adoption de mesures relatives à la reconnaissance des diplômes. Par conséquent, il faut en conclure que l’accord ne contient pas, à l’égard de l’accès auxdites professions, une interdiction de discriminer comparable à celle contenue dans l’article 38, paragraphe 1, premier tiret.

62.      Cette conclusion n’est pas contredite par l’article 45 de l’accord d’association avec la République de Bulgarie qui énonce que «chaque État membre réserve à l’établissement de sociétés et de ressortissants bulgares et à l’activité des sociétés et ressortissants bulgares établis sur son territoire un traitement non moins favorable que celui accordé à ses propres sociétés et ressortissants». Par rapport à cet article 45, les articles 42 et 47 du même accord constituent des normes spéciales qui, en tant que telles, excluent l’application dudit article au cas d’espèce.

63.      Enfin, aussi désolante et insatisfaisante puisse être la situation à laquelle a été confrontée M. Pavlov, force est de constater qu’il n’est pas possible d’affirmer que l’accord d’association avec la République de Bulgarie contient l’énoncé d’un quelconque principe général de non-discrimination sur le fondement de la nationalité qui serait applicable en dehors de l’exercice, par les ressortissants bulgares, d’une activité économique, dans la mesure où ladite situation n’est pas couverte par les dispositions relatives à la circulation des travailleurs, et qu’elle ne peut pas l’être davantage par les dispositions relatives à l’accès aux professions réglementées.

64.      La Cour s’est souvent montrée généreuse dans son interprétation des accords d’association et parfois même de partenariat. Mais d’une manière ou d’une autre, l’assimilation prônée par la Cour entre la portée des dispositions contenues dans les différents accords internationaux de la Communauté et celles contenues dans le traité trouvait toujours un élément de rattachement dans le texte même de l’accord concerné. Dans la présente affaire, cet élément de rattachement fait défaut. Sans doute sommes-nous en train d’éprouver les limites intrinsèques au principe de l’association de l’Union avec un État tiers qui, bien qu’ayant pour objet de préparer l’adhésion, ne fournit manifestement pas une protection aussi globale et complète que celle offerte par les traités fondateurs de l’Union. Sauf à s’affranchir de la volonté des parties contractantes et à prendre le risque concomitant de réduire l’intérêt de l’adhésion elle-même, il ne me semble pas possible de considérer que les États membres se sont obligés, par le biais de l’accord d’association avec la République de Bulgarie, à supprimer toute discrimination sur le fondement de la nationalité jusques et y compris dans l’accès aux professions réglementées.

65.      Dans ces conditions, et pour l’ensemble des raisons qui précèdent, je propose à la Cour de répondre que ni l’article 38, paragraphe 1, premier tiret, ni aucune autre disposition de l’accord d’association avec la République de Bulgarie n’a vocation à s’appliquer dans une situation dans laquelle un ressortissant bulgare se voit refuser, avant l’adhésion de la Bulgarie à l’Union, l’inscription au tableau des avocats stagiaires en raison du fait que la réglementation nationale applicable prévoit que seuls les ressortissants autrichiens ou assimilés peuvent accéder à la profession d’avocat en Autriche.

V –    Conclusion

66.      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions posées par l’Oberste Berufungs- und Disziplinarkommission:

«1)      L’article 38, paragraphe 1, premier tiret, de l’accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République de Bulgarie, d’autre part, signé le 1er mars 1993, satisfait aux conditions requises d’une disposition du droit de l’Union pour qu’elle soit dotée de l’effet direct et il pouvait donc être appliqué directement dans la période allant du 2 janvier 2004 au 31 décembre 2006.

2)      Ni l’article 38, paragraphe 1, premier tiret, ni aucune autre disposition dudit accord d’association n’a vocation à s’appliquer dans une situation dans laquelle un ressortissant bulgare se voit refuser, avant l’adhésion de la République de Bulgarie à l’Union européenne, l’inscription au tableau des avocats stagiaires en raison du fait que la réglementation nationale applicable prévoit que seuls les ressortissants autrichiens ou assimilés peuvent accéder à la profession d’avocat en Autriche.»


1 – Langue originale: le français.


2 – JO 1994, L 358, p. 3.


3 – BGBl. 556/1985, dans la version du BGBl. I, 71/1999 applicable à l’espèce.


4 – RGBl. 96/1868, dans la version du BGBl. I, 128/2004 applicable à l’espèce.


5 – En 2004 selon M. Pavlov.


6 – Le 6 juillet 2004 selon M. Pavlov.


7 – Arrêt du 22 décembre 2010 (C-118/09, non encore publié au Recueil).


8 – Ibidem (point 23).


9 – Arrêts du 27 septembre 2001, Kondova (C-235/99, Rec. p. I-6427, point 31); du 29 janvier 2002, Pokrzeptowicz-Meyer (C-162/00, Rec. p. I-1049, point 19 et jurisprudence citée), et du 8 mai 2003, Wählergruppe Gemeinsam (C-171/01, Rec. p. I-4301, point 53 et jurisprudence citée).


10 – L’article 37, paragraphe 1, premier tiret, de l’accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République de Pologne, d’autre part, conclu et approuvé au nom de la Communauté par la décision 93/743/Euratom, CECA, CE du Conseil et de la Commission, du 13 décembre 1993 (JO L 348, p. 1) énonce, en effet, que «[s]ous réserve des conditions et modalités applicables dans chaque État membre: – les travailleurs de nationalité polonaise légalement employés sur le territoire d’un État membre ne doivent faire l’objet d’aucune discrimination fondée sur la nationalité, en ce qui concerne les conditions de travail, de rémunération ou de licenciement, par rapport aux ressortissants dudit État membre».


11 – Arrêt Pokrzeptowicz-Meyer, précité (points 19 et suiv.).


12 – Ibidem (points 21 et 22).


13 – Ibidem (point 23).


14 – Arrêt Kondova, précité (points 36 et 37).


15 – Ibidem (point 38).


16 – Pour un raisonnement similaire tenu à propos de l’article 45, paragraphe 1, de l’accord d’association avec la République de Bulgarie, voir arrêt Kondova, précité (point 38).


17 – Voir arrêts Pokrzeptowicz-Meyer, précité; du 8 mai 2003, Deutscher Handballbund (C-438/00, Rec. p. I-4135); Wählergruppe Gemeinsam, précité, et du 12 avril 2005, Simutenkov (C-265/03, Rec. p. I-2579).


18 – Arrêts du 1er juillet 1993, Metalsa (C-312/91, Rec. p. I-3751, point 11), et Kondova, précité (point 52).


19 – Voir arrêt Kondova, précité (points 50 à 55).


20 – Arrêt précité à la note 9.


21 – Voir note 10 des présentes conclusions.


22 – Arrêt Pokrzeptowicz-Meyer, précité (point 32).


23 – Je note, à cet égard, que tant l’article 1er de l’accord d’association avec la République de Pologne que l’article 1er de l’accord d’association avec la République de Bulgarie énumèrent les objectifs poursuivis par l’association et que ces objectifs sont très proches. Ces deux accords ont, par ailleurs, une structure très similaire. Sur les objectifs poursuivis par l’accord d’association avec la République de Bulgarie selon la Cour, voir point 34 des présentes conclusions.


24 – Il est significatif de souligner que, alors que le titre III de l’accord d’association avec la République de Bulgarie s’intitule «Libre circulation des marchandises», le titre IV porte seulement le titre de «Circulation des travailleurs, droit d’établissement, prestation de services».


25 – À propos de l’interdiction de discrimination sur le fondement de la nationalité en ce qui concerne les conditions de travail incluse dans l’accord d’association avec la République de Pologne, voir arrêt Pokrzeptowicz-Meyer, précité (points 40 et 41); à propos de la disposition correspondante contenue dans l’accord d’association avec la République slovaque, voir arrêt Deutscher Handballbund, précité (points 34 et 35), et, à propos de la disposition relative à la circulation des travailleurs russes dans l’accord de partenariat conclu entre la Russie et la Communauté, voir arrêt Simutenkov, précité (point 6).


26 – Il a toutefois été affirmé lors de l’audience, et sans que cela n’ait été contesté par les autres parties intéressées présentes, que cette autorisation d’établissement doit être entendue en droit autrichien comme un titre légal autorisant le séjour en Autriche de M. Pavlov sans pour autant lui conférer un accès au marché du travail autrichien.


27 – À cet égard, les représentants de MM. Pavlov et Famira ont soutenu durant l’audience que l’accès à la profession d’avocat – et donc au titre professionnel – n’était pas déterminant car tous les avocats stagiaires n’auraient pas vocation à devenir avocats. Je remarque cependant qu’il nous faut retenir que la raison d’être de l’inscription au tableau des avocats stagiaires ainsi que sa finalité principale résident bien dans la perspective, une fois le stage pratique terminé et l’examen passé, d’obtenir le titre d’avocat et d’être habilité à exercer cette profession.


28 – Sur le fondement de l’article 15, paragraphe 3, de la RAO, pour ce qui concerne les cas dans lesquels la représentation par un avocat n’est pas prescrite par la loi. Il est à noter que ce pouvoir a été demandé de manière concomitante à la demande d’inscription au tableau des avocats stagiaires introduite par MM. Pavlov et Famira.


29 – Dont le libellé est quasi identique à celui de l’article 38, paragraphe 1, premier tiret, de l’accord d’association avec la République de Bulgarie puisqu’il dispose que «[s]ous réserve des conditions et modalités applicables dans chaque État membre: – les travailleurs de nationalité slovaque légalement employés sur le territoire d’un État membre ne doivent faire l’objet d’aucune discrimination fondée sur la nationalité, en ce qui concerne les conditions de travail, de rémunération ou de licenciement, par rapport aux ressortissants dudit État membre» [accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République slovaque, d’autre part (JO 1994, L 359, p. 1)].


30 – Arrêt Deutscher Handballbund, précité (points 33 et suiv.).


31 – Ibidem (point 46). La Cour adoptera un raisonnement similaire dans l’arrêt Simutenkov, précité (points 32 et 37).


32 – Arrêt du 15 octobre 1969, Württembergische Milchverwertung-Südmilch (15/69, Rec. p. 363, point 5).


33 – Arrêt du 12 février 1974, Sotgiu (152/73, Rec. p. 153, point 8 in fine). La frontière entre conditions de travail et rémunération se fait ici plus floue.


34 – Arrêt du 16 juin 1987, Commission/Italie (225/85, Rec. p. 2625).


35 – Arrêt Pokrzeptowicz-Meyer, précité (point 39).


36 – Arrêt du 13 novembre 2003 (C-313/01, Rec. p. I-13467).


37 – Ibidem (point 52); voir également arrêt du 10 décembre 2009, Pesla (C-345/08, Rec. p. I-11677, point 23).


38 – Arrêts Morgenbesser, précité (point 51), et Pesla, précité (point 23).


39 – Arrêt du 3 juillet 1986 (66/85, Rec. p. 2121).


40 – Ibidem (point 6).


41 – Ibidem (point 8).


42 – Voir point 4 des présentes conclusions.


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2011/C10110_O.html