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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Greece v Commission (Agriculture) French Text [2011] EUECJ C-321/09 (07 April 2011) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2011/C32109.html Cite as: [2011] EUECJ C-321/09, [2011] EUECJ C-321/9 |
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ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
7 avril 2011 (*)
«Pourvoi – FEOGA – Dépenses exclues du financement communautaire pour non-conformité aux règles communautaires – Dépenses effectuées par la République hellénique»
Dans l’affaire C-321/09 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 7 août 2009,
République hellénique, représentée par M. I. Chalkias, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant:
Commission européenne, représentée par Mme H. Tserepa-Lacombe et M. F. Jimeno Fernández, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. E. Levits, faisant fonction de président de la cinquième chambre, M. M. Safjan (rapporteur) et Mme M. Berger, juges,
avocat général: M. Y. Bot,
greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 septembre 2010,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, la République hellénique demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 11 juin 2009, Grèce/Commission (T-33/07, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation partielle de la décision 2006/932/CE de la Commission, du 14 décembre 2006, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «Garantie» (JO L 355, p. 96, ci-après la «décision litigieuse»), dans la mesure où elle met à la charge de la requérante des corrections financières dans les secteurs de l’huile d’olive, du coton, des raisins secs, des agrumes et du contrôle financier.
Le cadre juridique
2 Le règlement (CEE) n° 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1287/95 du Conseil, du 22 mai 1995 (JO L 125, p. 1, ci-après le «règlement n° 729/70»), établit les règles générales applicables au financement de la politique agricole commune. Le règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), abroge le règlement n° 729/70 et s’applique aux dépenses effectuées à partir du 1er janvier 2000.
3 En vertu des articles 1er, paragraphe 2, sous b), et 3, paragraphe 1, du règlement n° 729/70 ainsi que des articles 1er, paragraphe 2, sous b), et 2, paragraphe 2, du règlement n° 1258/1999, la section «Garantie» du FEOGA finance, dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles, les interventions destinées à la régularisation des marchés agricoles entreprises selon les règles communautaires.
4 Aux termes de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 qui reprend, presque à l’identique, les termes de l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 729/70:
«La Commission décide des dépenses à écarter du financement communautaire […] lorsqu’elle constate que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires.
Préalablement à toute décision de refus de financement, les résultats des vérifications de la Commission ainsi que les réponses de l’État membre concerné font l’objet de notifications écrites à l’issue desquelles les deux parties tentent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre.
À défaut d’accord, l’État membre peut demander l’ouverture d’une procédure visant à concilier les positions respectives dans un délai de quatre mois, dont les résultats font l’objet d’un rapport communiqué à la Commission et examiné par elle avant qu’elle ne se prononce sur un éventuel refus de financement.
La Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté.
Un refus de financement ne peut pas porter sur:
a) les dépenses […] qui ont été effectuées plus de vingt-quatre mois avant que la Commission n’ait notifié par écrit à l’État membre concerné les résultats des vérifications;
b) les dépenses relatives à une mesure ou action […] pour laquelle le paiement final a été effectué plus de vingt-quatre mois avant que la Commission n’ait notifié par écrit à l’État membre concerné le résultat des vérifications.
[…]»
5 L’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 1258/1999 dispose que le règlement n° 729/70 est abrogé.
6 Selon l’article 20, second alinéa, du règlement n° 1258/1999, celui-ci s’applique aux dépenses effectuées à partir du 1er janvier 2000.
7 Les modalités de la procédure d’apurement des comptes sont fixées par le règlement (CE) n° 1663/95 de la Commission, du 7 juillet 1995, établissant les modalités d’application du règlement n° 729/70 en ce qui concerne la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section «garantie» (JO L 158, p. 6), tel que modifié par le règlement (CE) n° 2245/1999 de la Commission, du 22 octobre 1999 (JO L 273, p. 5, ci-après le «règlement n° 1663/95»).
8 L’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1663/95 dispose:
«1. Si, à l’issue d’une enquête, la Commission considère que les dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires, elle communique les résultats de ses vérifications à l’État membre concerné et indique les mesures correctives à prendre pour garantir à l’avenir le respect des règles précitées.
La communication fait référence au présent règlement. L’État membre répond dans un délai de deux mois et la Commission peut modifier sa position en conséquence. Dans des cas justifiés, la Commission peut accorder une prorogation de ce délai.
Après l’expiration du délai accordé pour la réponse, la Commission convoque une discussion bilatérale et les deux parties essayent d’arriver à un accord sur les mesures à prendre, ainsi que sur l’évaluation de la gravité de l’infraction et du préjudice financier causé à la Communauté européenne. Après cette discussion et après toute date fixée par la Commission, en consultation avec l’État membre, après la discussion bilatérale pour la communication d’informations supplémentaires ou, si l’État membre n’accepte pas la convocation dans un délai fixé par la Commission, après l’échéance de ce délai, cette dernière communique formellement ses conclusions à l’État membre en faisant référence à la décision 94/442/CE de la Commission [...]. Sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa du présent paragraphe, cette communication évaluera les dépenses qu’elle envisage d’exclure au titre de l’article 5, paragraphe 2, point c), du règlement […] n° 729/70.
L’État membre informe la Commission dans les meilleurs délais des mesures correctives prises pour assurer le respect des règles communautaires et de la date effective de leur mise en œuvre. La Commission adopte, le cas échéant, une ou plusieurs décisions en application de l’article 5, paragraphe 2, point c), du règlement […] n° 729/70 pour exclure jusqu’à la date effective de mise en œuvre des mesures correctives les dépenses affectées par le non-respect des règles communautaires.
2. Les décisions visées à l’article 5, paragraphe 2, point c), du règlement […] n° 729/70 doivent être prises après examen de tout rapport établi par l’organe de conciliation en application des dispositions de la décision 94/442/CE.»
9 L’article 12, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1201/89 de la Commission, du 3 mai 1989, portant modalités d’application du régime d’aide pour le coton (JO L 123, p. 23), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1740/97 de la Commission, du 5 septembre 1997 (JO L 244, p. 1, ci-après le «règlement n° 1201/89»), prévoit:
«1. L’organisme désigné à cet effet par l’État membre producteur vérifie:
a) l’exactitude des déclarations des superficies ensemencées par un contrôle par sondage sur place qui porte sur au moins 5 % des déclarations;
[…]
f) par des contrôles croisés, la correspondance des parcelles agricoles mentionnées dans les contrats avec celles déclarées par les producteurs dans leurs demandes d’aide ‘surfaces’».
Les antécédents du litige
10 Le Tribunal a exposé les faits du litige, pertinents pour l’appréciation du présent pourvoi, dans les termes suivants:
«[…]
2. Sur la correction financière appliquée aux dépenses dans le secteur du coton
50 Dans le cadre des enquêtes portant les références HO/1999/506, ΗΟ/2001/05 et ΗΟ/2001/20, la Commission a effectué des vérifications en Grèce du 8 au 12 novembre 1999 et du 19 au 23 novembre 2001.
51 À la suite d’un échange de correspondance, une réunion bilatérale entre la Commission et les autorités grecques a eu lieu le 1er octobre 2004. Par lettre du 21 septembre 2005, la Commission a formellement communiqué ses conclusions aux autorités grecques. À la suite de l’avis de l’organe de conciliation du 22 mars 2006, la Commission a communiqué sa position finale à la République hellénique par lettre du 17 juillet 2006.
52 Dans le rapport de synthèse (point 14.1.1), les insuffisances suivantes dans le secteur du coton, justifiant l’application d’une correction financière, ont notamment été relevées:
‘– Environnement de contrôle des superficies ensemencées en coton
[…] [L’harmonisation du régime d’aide à la production de coton avec le système intégré de gestion et de contrôle] concerne notamment l’identification des superficies ensemencées et les modalités de dépôt des déclarations de culture. […] [D]es contrôles croisés sont obligatoires à partir de la campagne 1998/1999 [selon l’article 12, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 1201/89]. Or, les autorités grecques n’ont pas mis en place de système permettant leur exécution:
– contrairement à l’article 10, paragraphe 2, du règlement n° 1201/89, les modèles de contrats, mis à la disposition des égreneurs par [l’organisme du coton], ne prévoyaient pas l’indication de la référence numérique des parcelles, mais seulement leur localisation générale. Ceci empêchait tout contrôle croisé.
– La communication entre les directions régionales de l’agriculture et les bureaux régionaux de [l’organisme du coton] était inexistante […]
– Réalisation tardive des contrôles sur place
[…] [L]es contrôles sur place étaient réalisés très tardivement, souvent bien après la récolte.
[…]
– Taux de contrôle de 5 % non atteint pour la campagne 1999/2000 dans le nome de Karditsa
[…]
– Absence de sanctions en cas d’écart détecté lors des contrôles des superficies
[…]’
[…]
6. Décision [litigieuse]
61 Par la décision [litigieuse], la Commission a, notamment, écarté du financement communautaire des dépenses déclarées par la République hellénique pour les exercices 1999 à 2004 du FEOGA dans les secteurs de l’huile d’olive, du coton, des raisins secs, des agrumes et du contrôle financier pour un montant de 244 229 257,47 euros.
62 La décision [litigieuse] vise 17 types de corrections sur les dépenses déclarées par la République hellénique, à savoir:
[…]
– secteur du coton:
– une correction forfaitaire de 2 % d’un montant de 13 809 328,47 euros au titre de l’exercice financier 1999 concernant la campagne 1998/1999;
– une correction forfaitaire de 2 % d’un montant de 12 772 949,94 euros au titre de l’exercice financier 2000 concernant la campagne 1999/2000;
– une correction forfaitaire de 2 % d’un montant de 10 861 691,99 euros au titre de l’exercice financier 2001 concernant la campagne 2000/2001;
– une correction forfaitaire de 2 % d’un montant de 9 386,27 euros au titre de l’exercice financier 2002 concernant la campagne 2000/2001
[…]»
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
11 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 mars 2007, la requérante a introduit un recours, fondé sur l’article 230 CE, ayant pour objet l’annulation de la décision litigieuse pour la partie concernant les corrections financières mises à sa charge.
12 En ce qui concerne la correction relative au secteur du coton, la République hellénique invoquait, notamment, un moyen tiré de l’interprétation erronée de l’article 12, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1201/89 en ce qui concerne le pourcentage de contrôles dans le nome de Karditsa. Elle faisait en particulier valoir que ladite disposition imposerait une obligation de contrôle pour 5 % des déclarations seulement dans l’ensemble du territoire et non dans chaque nome du territoire grec et que cette obligation avait été respectée.
13 Le Tribunal, après avoir reconnu que, en exigeant la réalisation de 5 % de contrôles dans chaque nome, la Commission a appliqué de manière erronée l’article 12, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1201/89 et que le moyen devait, par conséquent, être accueilli, a jugé:
«210 Il y a toutefois lieu d’examiner si la décision [litigieuse] doit être annulée pour autant qu’elle exclut du financement communautaire les dépenses effectuées par la République hellénique dans le secteur du coton, au titre de l’exercice financier 2000, concernant la campagne 1999/2000.
211 À cet égard, l’absence de respect du taux de contrôle de 5 % des déclarations dans le nome de Karditsa ne constitue pas un élément essentiel dans l’argumentation de la Commission.
212 Selon les points 14.1.1 et 14.1.5 du rapport de synthèse, des défaillances concernant l’environnement de contrôle des superficies ensemencées en coton, la réalisation tardive des contrôles sur place, le taux de contrôle de 5 % non atteint dans le nome de Karditsa et l’absence de sanctions en cas d’écarts ont fondé la correction. Or, il résulte du point 14.1.1 du rapport de synthèse que la Commission a jugé les défaillances concernant l’environnement de contrôle des superficies et la réalisation tardive des contrôles sur place comme étant des défaillances principales. Selon le point 14.1.5 du rapport de synthèse et la position finale de la Commission du 17 juillet 2006, le respect du taux minimal de contrôle dans le nome de Karditsa a au contraire été jugé comme étant un élément mineur [afin] de justifier la correction.
213 Il convient en outre de constater que la Commission a appliqué une correction forfaitaire de 2 % au titre des exercices 1999 et 2000. Selon l’annexe 2 du document n° VI/5330/97, ce pourcentage constitue le taux de correction le moins élevé et peut être appliqué lorsqu’un État membre effectue correctement les contrôles clés mais omet complètement d’effectuer un ou plusieurs contrôles secondaires.
214 Étant donné que la République hellénique n’a pas été en mesure d’infirmer les constatations de la Commission concernant les défaillances principales identifiées dans le secteur du coton, le fondement de la correction n’est pas remis en cause par le fait qu’il ait été fait droit au troisième moyen.»
14 Pour contester la correction relative au secteur du coton, la République hellénique soulevait aussi un moyen tiré d’une violation du principe de sécurité juridique en raison de la durée excessive de la procédure. L’argumentation qu’elle a fait valoir au soutien de ce moyen a été rappelée par le Tribunal dans les termes suivants:
«216 La République hellénique fait valoir que la décision [litigieuse] porte sur les campagnes 1997/1998 à 2000/2001. Une mission d’enquête aurait eu lieu du 9 au 12 novembre 1999 en vue de contrôler les campagnes 1997/1998 et 1998/1999 et une seconde mission aurait eu lieu du 19 au 23 novembre 2001 pour un contrôle correspondant aux campagnes 1999/2000 et 2000/2001.
217 La Commission aurait adressé ses observations un an après la première mission d’enquête, dans sa lettre du 31 octobre 2000. Dans ce courrier, différentes observations et recommandations de portée secondaire auraient été formulées et auraient donné l’impression que le contrôle dans le secteur du coton avait été suffisant et qu’il ne serait pas question de correction financière. La Commission ferait référence à l’instauration d’une série de dispositions importantes et indiquerait que l’absence d’application des dispositions du [système intégré de gestion et de contrôle (ci-après le ‘SIGC’)] n’aurait pas nécessairement de conséquences directes sur les aides communautaires.
218 Après plus d’un an, la Commission aurait indiqué à la République hellénique qu’une nouvelle mission de contrôle serait organisée du 19 au 23 novembre 2001. Dans le même temps, la Commission lui aurait adressé sa lettre du 12 novembre 2001, qui n’aurait aucun rapport avec l’enquête de 1999, mais se rapporterait à un contrôle effectué par la Cour des comptes.
219 La République hellénique admet qu’elle n’a pas répondu à la lettre de la Commission du 31 octobre 2000 avant la deuxième lettre de celle-ci, mais souligne que sa lettre du 14 janvier 2002 ferait référence aux lettres antérieures de la Commission du 31 octobre 2000 et du 12 novembre 2001. La lettre de la Commission du 4 février 2002 mentionnerait uniquement les constatations résultant de l’enquête du 19 au 23 novembre 2001. L’Opekepe aurait répondu par lettre du 30 avril 2002.
220 Ensuite, la Commission aurait envoyé la lettre du 2 septembre 2004 pour inviter la République hellénique à une réunion bilatérale portant sur les campagnes 1997/1998 à 2000/2001 et sur le contrôle effectué par la Cour des comptes. La Commission lui aurait communiqué le procès-verbal de cette réunion le 30 novembre 2004. La République hellénique aurait soumis ses observations par lettre du 31 janvier 2005. La Commission aurait communiqué formellement ses conclusions concernant ces campagnes par lettre du 21 septembre 2005.
221 Eu égard à tout ce qui précède, il y aurait eu violation du principe de sécurité juridique [...] ainsi que de celui de confiance légitime, à tout le moins pour les campagnes 1997/1998 et 1998/1999. Ce point de vue aurait été partagé par l’organe de conciliation. Même en l’absence de réponse de la part de l’État membre à une lettre de la Commission, celle-ci aurait dû continuer la procédure prévue. La notion de ‘période raisonnable’ et le principe de sécurité juridique s’appliqueraient en toute hypothèse.»
15 Le Tribunal a refusé de faire droit à ce moyen, notamment pour les motifs suivants:
«227 S’agissant du principe de confiance légitime, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime, qui constitue un des principes fondamentaux de la Communauté, s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration communautaire, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées (voir arrêts du Tribunal du 19 mars 2003, Innova Privat-Akademie/Commission, T-273/01, Rec. p. II-1093, point 26, et la jurisprudence citée, et du 18 janvier 2006, Regione Marche/Commission, T-107/03, non publié au Recueil, point 129).
228 En l’espèce, il ne ressort pas des éléments du dossier que la Commission a donné à la République hellénique l’assurance qu’elle n’appliquerait pas de corrections financières pour les campagnes 1997/1998 à 2000/2001. La République hellénique fait référence à la lettre de la Commission du 31 octobre 2000 pour fonder son affirmation. Dans la première partie de l’annexe de cette lettre, la Commission indique qu’une série de dispositions importantes concernant l’accomplissement de contrôles a été instaurée. Cependant, elle fait état de problèmes concernant le SIGC. Dans la deuxième partie de cette annexe, la Commission expose, notamment, des observations et recommandations concernant des contrôles croisés avec le SIGC et des contrôles sur place. Quant aux contrôles croisés qui auraient révélé qu’environ 1 000 parcelles avaient été déclarées deux fois, la Commission constate des problèmes de communication entre les différentes autorités grecques compétentes. De plus, dans la partie introductive de la lettre, la Commission indique que la République hellénique n’a pas complètement rempli les exigences des règlements [(CE) n° ]1554/95 [du Conseil, du 29 juin 1995, fixant les règles générales du régime d’aide au coton et abrogeant le règlement (CEE) n° 2169/81 (JO L 148, p. 48)] et [n° ]1201/89. En outre, elle invoque la possibilité de corrections financières. La lettre du 31 octobre 2000 ne saurait donc fonder la confiance légitime de la République hellénique dans l’absence d’application de corrections financières pour les campagnes 1997/1998 et 1998/1999.
229 Le laps de temps qui s’est écoulé entre la lettre du 31 octobre 2000 et l’invitation de la Commission du 2 septembre 2004 à la réunion bilatérale n’est pas, à lui seul, de nature à faire naître une espérance fondée, de sorte que le principe de confiance légitime aurait en l’espèce été violé. Tel est d’autant plus le cas au vu de la lettre de la Commission du 12 novembre 2001, qui concerne l’exercice financier 2000 dans le secteur du coton, et de l’enquête menée par la Commission dans le même secteur du 19 au 23 novembre 2001 pour les campagnes 1999/2000 et 2000/2001. En effet, selon l’article 8, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement n° 1663/95 [...], la Commission peut exclure, jusqu’à la date effective de mise en œuvre des mesures correctives, les dépenses affectées par le non-respect des règles communautaires. La lettre du 12 novembre 2001 et l’enquête menée au mois de novembre 2001 ne sont donc pas sans rapport avec les constatations de la Commission pour les campagnes 1997/1998 et 1998/1999 exposées dans sa lettre du 31 octobre 2000.
230 S’agissant du principe de sécurité juridique, il convient d’observer tout d’abord que la législation applicable à la procédure contradictoire, notamment l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 et l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95 [...], ne prévoit pas de délai particulier devant être respecté par la Commission. Le délai de 24 mois, prévu à l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, sous a), du règlement n° 1258/1999, concerne la période sur laquelle un éventuel refus de financement peut porter.
231 Il convient toutefois de rappeler que, en vertu d’un principe général de droit communautaire, la Commission est tenue de respecter, dans le cadre de ses procédures administratives, un délai raisonnable (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Aristoteleio Panepistimio Thessalonikis/Commission, T-196/01, Rec. p. II-3987, point 229).
232 À cet égard, il est de jurisprudence constante que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure administrative s’apprécie en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, du contexte dans lequel elle s’inscrit, des différentes étapes procédurales qui ont été suivies, de la complexité de l’affaire ainsi que de son enjeu pour les différentes parties intéressées (arrêts du Tribunal du 16 septembre 1999, Partex/Commission, T-182/96, Rec. p. II-2673, point 177, et Aristoteleio Panepistimio Thessalonikis/Commission, point 231 supra, point 230).
233 En l’espèce, la Commission a mené une enquête pour les campagnes 1997/1998 et 1998/1999 du 8 au 12 novembre 1999 et a communiqué les résultats de ses vérifications le 31 octobre 2000. La République hellénique a répondu par lettre du 14 janvier 2002. L’enquête pour les campagnes 1999/2000 et 2000/2001 a été menée du 19 au 23 novembre 2001 et la lettre comportant les résultats des vérifications a été envoyée le 4 février 2002. La République hellénique a répondu par lettre du 30 avril 2002. La Commission a ensuite combiné les deux enquêtes en invitant la République hellénique à la réunion bilatérale le 2 septembre 2004. Elle a communiqué formellement ses conclusions le 21 septembre 2005. La position finale de la Commission a été communiquée à la République hellénique le 17 juillet 2006. Dès lors, la procédure contradictoire a, en l’espèce, incontestablement été très longue.
234 Il convient toutefois de relativiser cette constatation étant donné le contexte de la procédure d’apurement des comptes du FEOGA.
235 Ainsi qu’il ressort, notamment, du considérant 10 du règlement n° 1258/1999, les audits de conformité et les décisions d’apurement consécutives ne sont pas liés à l’exécution du budget d’un exercice déterminé. C’est ainsi que les paiements de la Commission aux États membres dans le cadre du financement du FEOGA continuent indépendamment de l’apurement des comptes.
236 Les règlements nos 1663/95 et 1258/1999 ne fixent pas de délai pour la durée de la procédure d’apurement des comptes. Toutefois, pour garantir la sécurité juridique, l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, sous a), du règlement n° 1258/1999 détermine la période maximale sur laquelle peuvent porter les refus de financement faisant suite aux audits de conformité.
237 Comme il ressort du considérant 5 du règlement n° 1258/1999, la responsabilité du contrôle des dépenses du FEOGA, section «Garantie», incombe, en premier lieu, aux États membres et il est essentiel que la transparence et l’assistance mutuelle entre les États membres et la Commission soient effectives et complètes. Dans ce contexte, il incombe également à la République hellénique d’assurer le déroulement régulier de la procédure d’apurement des comptes. Or, celle-ci a répondu à la lettre de la Commission du 31 octobre 2000 seulement le 14 janvier 2002, ce qui a été susceptible de retarder l’examen de la Commission, et ce alors même que l’article 8, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 1663/95 prévoit un délai de deux mois pour la réponse de l’État membre. La Commission avait d’ailleurs indiqué expressément ce délai de deux mois dans sa lettre et avait également demandé à la République hellénique des données supplémentaires concernant les contrôles croisés avec le SIGC pour le nome de Fthiotis. Contrairement à ce que la République hellénique affirme, il ne ressort pas de la lettre de la Commission que celle-ci n’envisageait plus de donner suite à ses vérifications. S’il est vrai, ainsi que la République hellénique l’a fait valoir, que la procédure n’est pas suspendue s’il n’y a pas de réponse de la part de l’État membre, il n’en demeure pas moins que la poursuite de la procédure dépend également des informations fournies par l’État membre. Le retard pris par la Commission dans le traitement de la présente affaire doit donc, dans une certaine mesure, être imputé à la République hellénique, qui n’a pas, à tous les stades de la procédure, coopéré avec toute la diligence requise avec la Commission.
238 Concernant la durée d’environ un an écoulée entre l’enquête menée du 8 au 12 novembre 1999 et la lettre du 31 octobre 2000, relative aux résultats des vérifications, la Cour a déjà considéré qu’un délai d’un an et demi séparant les contrôles effectués par la Commission et la communication des résultats des contrôles n’était pas de nature à conduire à l’annulation de la décision [litigieuse] (arrêt du 22 avril 1999, Pays-Bas/Commission, C-28/94, Rec. p. I-1973, points 67 et 73 à 76).
239 Quant au délai qui s’est écoulé entre la réponse de la République hellénique du 14 janvier 2002 et l’invitation de la Commission du 2 septembre 2004 à la réunion bilatérale, il convient de tenir compte du fait que les deux enquêtes concernant les campagnes 1997/1998 à 2000/2001 figuraient à l’ordre du jour de cette réunion. Or, la réponse de la République hellénique aux constatations de la Commission s’agissant des campagnes 1999/2000 et 2000/2001 date du 30 avril 2002. De plus, il convient de prendre en considération le fait que la Commission, par sa lettre du 12 novembre 2001, a inclus dans son examen les audits effectués par la Cour des comptes concernant également l’exercice 2000 et qu’elle a organisé la réunion bilatérale non seulement pour les enquêtes menées dans le secteur du coton, mais aussi pour celles menées dans le secteur de la viande bovine.
240 En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que le dépassement d’un délai raisonnable, à le supposer établi, ne justifierait pas nécessairement l’annulation de la décision [litigieuse] (voir, en ce sens, arrêts Aristoteleio Panepistimio Thessalonikis/Commission, point 231 supra, point 233, et Regione Marche/Commission, point 227 supra, point 142). En effet, pendant la procédure contradictoire, l’État membre doit, selon la jurisprudence de la Cour, disposer de toutes les garanties requises pour présenter son point de vue (arrêts de la Cour du 29 janvier 1998, Grèce/Commission, C-61/95, Rec. p. I-207, point 39, et du 14 décembre 2000, Allemagne/Commission, C-245/97, Rec. p. I-11261, point 47). Le dépassement du délai raisonnable ne peut constituer un motif d’annulation d’une décision d’apurement des comptes que dès lors qu’il a été établi qu’il a porté atteinte auxdites garanties. En dehors de cette hypothèse spécifique, le non-respect de l’obligation de prendre une décision dans un délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure contradictoire (voir, par analogie, arrêts du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T-305/94 à T-307/94, T-313/94 à T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et T-335/94, Rec. p. II-931, point 122, et du 18 juin 2008, Hoechst/Commission, T-410/03, [Rec. p. II-881], point 227). Or, la République hellénique n’a pas soutenu qu’elle avait été empêchée, en raison de la durée de la procédure contradictoire, de faire valoir son point de vue.
241 Quant à l’arrêt du 21 mars 2002, Espagne/Commission, [C-130/99, Rec. p. I-3005], invoqué par la République hellénique, il concerne le non-respect du délai de 24 mois prévu à l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 729/70 [...] et n’est donc pas pertinent en l’espèce.»
Les conclusions des parties devant la Cour
16 Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, d’annuler partiellement la décision litigieuse et de condamner la Commission aux dépens.
17 La Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de la requérante aux dépens.
Sur le pourvoi
18 À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève deux moyens qui ont trait à la correction appliquée sur les dépenses effectuées dans le secteur du coton.
Sur le premier moyen, tiré d’une interprétation et d’une application erronées du principe de sécurité juridique en raison de la durée excessive de la procédure d’apurement
Argumentation des parties
19 La requérante reproche au Tribunal d’avoir rejeté toute violation du principe de sécurité juridique, bien qu’ayant reconnu la durée très longue de la procédure d’apurement, puisqu’elle a débuté le 9 novembre 1999 par une première enquête et n’a pris fin que par la publication de la décision litigieuse le 15 décembre 2006.
20 La violation du principe de sécurité juridique serait d’autant plus avérée que, durant toute la procédure, la Commission aurait fait montre de volte-face et de tergiversations. En effet, le rapport établi près d’un an après la fin de la première enquête qui portait sur les campagnes 1997/1998 et 1998/1999 contenait des appréciations positives concernant les contrôles effectués et ne laissait donc pas présager des corrections financières. Ce n’est que bien après le second rapport, en date du 4 décembre 2002, qui retraçait les résultats de l’enquête diligentée du 19 au 23 novembre 2001 et portant sur les campagnes 1999/2000 et 2000/2001 que la Commission a, par lettre du 2 avril 2004, invité la requérante à débattre du régime de l’aide au coton pour les campagnes de commercialisation 1997/1998 à 2000/2001. Au bout du compte, ce n’est que par lettre du 21 septembre 2005 que la Commission a notifié sa position finale, relative à l’imposition d’une correction de 2 % pour les campagnes de commercialisation 1998/1999, 1999/2000 et 2000/2001. La requérante ajoute que l’organe de conciliation, saisi par elle sur ces entrefaites, a estimé que la longueur de la procédure avait porté atteinte au principe de sécurité juridique et invité en vain la Commission à reconsidérer sa position quant à la correction portant sur la campagne 2000/2001.
21 En bref, ce comportement de la Commission aurait méconnu les principes de sécurité juridique et de confiance légitime, étant donné que la procédure a duré, sans justifications, plusieurs années et que, à tout le moins jusqu’en 2004, les actes de la Commission inclinaient à la conviction que, au moins pour les campagnes 1997/1998 et 1998/1999, aucune correction financière ne serait imposée.
22 La requérante soutient encore que l’argumentation du Tribunal tendant à justifier la longueur de la procédure d’apurement par son contexte reposerait, en ses trois branches, sur une interprétation erronée du principe de sécurité juridique.
23 Premièrement, s’il est vrai que la réglementation de l’Union applicable ne fixe pas de délais pour la durée de la procédure d’apurement des comptes, cela ne signifie pas que la Commission serait autorisée à prolonger la procédure d’apurement des comptes au-delà d’un délai raisonnable sans méconnaître le principe de sécurité juridique. Du reste, la Commission se serait elle-même engagée à ce que celle-ci ne dépasse pas 645 jours. Or, en l’espèce, elle a duré plus de 2 160 jours.
24 À cela, la Commission rétorque que le Tribunal a vérifié avec soin le caractère raisonnable de la durée de la procédure d’apurement au regard des circonstances propres à l’affaire, de sa complexité, de son enjeu pour les parties intéressées et des différentes étapes procédurales suivies. Elle ajoute que la procédure d’apurement des comptes ne peut pas être achevée avant que ne soit écarté tout risque pour le FEOGA. Partant, la Commission ne peut accepter ou refuser des dépenses sur la base du seul critère de la durée prétendument excessive de la procédure et ne peut valablement s’engager à respecter le délai de 645 jours, ce qu’elle n’a, du reste, pas fait.
25 Deuxièmement, la requérante soutient que le fait qu’elle n’ait répondu que le 14 janvier 2002 à la lettre de la Commission du 31 octobre 2000 communiquant les résultats de la première enquête, alors que, la responsabilité du contrôle des dépenses du FEOGA incombant conjointement aux États membres et à la Commission, une bonne coopération entre les deux est indispensable, ne peut constituer une justification. L’absence de réponse ne pourrait suspendre le cours de la procédure, sauf à admettre que l’absence de coopération d’un État membre permettrait de repousser indéfiniment l’imposition de corrections financières.
26 La Commission objecte que, s’il est vrai que la procédure n’est pas suspendue en raison de l’absence de réponse de l’État membre, il n’en demeure pas moins que la poursuite de la procédure dépend également des informations fournies par l’État membre, d’autant que tant que la Commission ne dispose pas des éléments nécessaires lui permettant d’apprécier le risque pour le FEOGA, elle ne peut pas achever la procédure d’apurement.
27 Troisièmement, la requérante conteste l’argumentation du Tribunal développée aux points 238 à 241 de l’arrêt attaqué en chacun de ses points. Si elle convient que le délai d’un an et demi séparant les contrôles de la Commission et la communication des résultats ne peut à lui seul justifier l’annulation de la décision litigieuse, elle critique la durée de la procédure dans son ensemble, qui a conduit à l’imposition de corrections financières au mois de décembre 2006 portant sur les dépenses relatives à la campagne de 1997/1998. Par ailleurs, le fait que les deux enquêtes menées dans le secteur du coton figuraient à l’ordre du jour de la réunion bilatérale ne pourrait justifier le délai qui s’est écoulé entre la réponse de la République hellénique du 14 janvier 2002 et l’invitation de la Commission du 2 septembre 2004 à ladite réunion. En outre, contrairement à l’appréciation du Tribunal, le dépassement du délai raisonnable justifierait, en l’espèce, l’annulation de la décision litigieuse, dès lors que le laps de temps entre la campagne contrôlée de 1997/1998 et l’imposition, près de dix ans plus tard, d’une correction financière emportait la conviction que cette dernière n’interviendrait pas. Enfin, la requérante réitère que le non-respect du délai de 24 mois à compter de la communication des résultats de l’enquête de la Commission, rendu obligatoire par l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 729/70 pour l’imposition de corrections financières, constitue une violation du principe de sécurité juridique.
28 La Commission réplique que le Tribunal a procédé à un examen exhaustif de toutes les étapes de la procédure pour apprécier le caractère raisonnable de sa durée. En tout état de cause, le dépassement du délai raisonnable ne peut constituer un motif d’annulation d’une décision d’apurement des comptes que s’il a porté atteinte aux garanties permettant à l’État membre de présenter son point de vue dans la procédure contradictoire, ce que la requérante n’a pas prétendu. Par ailleurs, la requérante ne pourrait faire valoir une confiance légitime dans le fait qu’il n’y avait aucune raison de lui imposer une correction pour les campagnes considérées, en l’absence d’assurances données par la Commission qu’il n’y aurait pas de corrections financières. Enfin, l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, sous a), du règlement n° 1258/1999, qui détermine la période maximale (à savoir 24 mois avant la notification des résultats) avant laquelle le financement des dépenses ne peut être refusé, a pour objectif de délimiter dans le temps les dépenses qui peuvent faire l’objet de la correction. Cette disposition ne peut donc logiquement constituer un critère d’appréciation du caractère raisonnable de la durée de la procédure contradictoire qui a pour objectif d’apprécier la légalité de ces dépenses.
Appréciation de la Cour
29 Le premier moyen de la requérante peut être divisé en deux branches.
30 S’agissant, en premier lieu, de l’argumentation de la requérante relative à la prétendue contradiction entre le constat par le Tribunal de la durée très longue de la procédure d’apurement des comptes et le rejet de toute violation du principe de sécurité juridique, il importe, à titre liminaire, d’observer que les règlements nos 1663/95 et 1258/1999 ne fixent pas de délai pour la durée de la procédure d’apurement des comptes.
31 Quant à l’argument selon lequel la Commission se serait elle-même engagée à ce que la durée de la procédure d’apurement des comptes ne dépasse pas 645 jours, il s’agit d’un moyen de fond présenté pour la première fois dans le cadre du pourvoi devant la Cour et qui doit à ce titre être rejeté comme irrecevable. En effet, dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges (voir, en ce sens, arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C-266/05 P, Rec. p. I-1233, point 95).
32 Il convient, néanmoins, de rappeler que, en vertu d’un principe général du droit de l’Union, la Commission est tenue de respecter, dans le cadre de ses procédures administratives, un délai raisonnable (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C-238/99 P, C-244/99 P, C-245/99 P, C-247/99 P, C-250/99 P à C-252/99 P et C-254/99 P, Rec. p. I-8375, point 179).
33 Cependant, le caractère raisonnable d’un délai ne saurait être examiné par référence à une limite maximale précise, déterminée de manière abstraite (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité, point 192).
34 Il est, en effet, de jurisprudence constante que le caractère raisonnable de la durée de la procédure s’apprécie en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire ainsi que du comportement du requérant et de celui des autorités compétentes (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité, point 187; voir également, en ce qui concerne la procédure juridictionnelle devant le juge de l’Union, arrêt du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C-120/06 P et C-121/06 P, Rec. p. I-6513, point 212).
35 Il en résulte que la mise en évidence, à l’issue d’un premier examen, de la durée trop longue de la période en cause en considération de la procédure diligentée ne suffit pas. Il faut encore vérifier si elle ne peut être justifiée par des circonstances propres à l’affaire (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité, point 193).
36 Il importe encore de préciser que, à cet effet, le Tribunal constate et apprécie souverainement les faits pertinents, sous réserve du cas de dénaturation de ceux-ci, puis, sous le contrôle de la Cour, les qualifie juridiquement au regard du principe du respect d’un délai raisonnable (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité, point 194).
37 Or, il convient de constater que, après avoir relevé, au point 233 de l’arrêt attaqué, la durée très longue de la procédure d’apurement, le Tribunal a, ainsi qu’il ressort des points 234 à 239 de l’arrêt attaqué, vérifié avec soin le caractère raisonnable de la durée de la procédure d’apurement au regard des critères d’appréciation, rappelés ci-dessus, des circonstances propres à l’affaire.
38 Le Tribunal a, en particulier, relevé, au point 237 de l’arrêt attaqué, que la requérante n’a répondu à la lettre de la Commission du 31 octobre 2000 que le 14 janvier 2002, alors même que l’article 8, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 1663/95 prévoit un délai de deux mois pour la réponse de l’État membre et en a déduit que le retard pris par la Commission dans le traitement de la présente affaire devait, dans une certaine mesure, être imputé au défaut de coopération avec toute la diligence requise de la requérante car, même si la procédure n’est pas suspendue du fait de l’absence de réponse de la part de l’État membre, il n’en demeure pas moins que la poursuite de la procédure dépend également des informations fournies par ce dernier.
39 Le Tribunal a encore observé, au point 238 de l’arrêt attaqué, qu’un délai d’un an et demi séparant l’enquête de la Commission et la communication de ses résultats est acceptable, ce dont la requérante, dans le cadre de son pourvoi, a expressément convenu.
40 Le Tribunal a, enfin, au point 239 de l’arrêt attaqué, justifié le délai qui s’est écoulé entre la réponse de la République hellénique du 14 janvier 2002 et l’invitation de la Commission du 2 septembre 2004 à la réunion bilatérale notamment par le fait que les deux enquêtes menées dans le secteur du coton figuraient à l’ordre du jour de ladite réunion et que celle-ci portait non seulement sur les enquêtes menées dans ledit secteur, mais aussi sur celles menées dans celui de la viande bovine.
41 À la lumière de l’ensemble de ces constatations et appréciations énoncées dans l’arrêt attaqué, il apparaît que le Tribunal a, à bon droit, conclu que le principe de sécurité juridique, dont le principe du caractère raisonnable de la durée des procédures administratives constitue une expression, n’a pas été violé.
42 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument tiré du non-respect du délai de 24 mois à compter de la communication des résultats de l’enquête, imposé à présent par l’article 7, paragraphe 4, sous a), du règlement n°1258/99, qui a remplacé le règlement n° 729/70. Contrairement à ce que soutient la requérante, ce délai n’impose pas de date limite pour l’imposition de corrections financières, mais prévoit qu’un refus de financement ne peut pas porter sur les dépenses effectuées plus de 24 mois avant la communication écrite par la Commission à l’État membre concerné des résultats des vérifications qu’elle a menées.
43 Il convient donc de rejeter la première branche du premier moyen relative à la prétendue contradiction entre le constat par le Tribunal de la durée très longue de la procédure d’apurement des comptes et le rejet de toute violation du principe de sécurité juridique.
44 Par la seconde branche du premier moyen, la requérante soutient que tant la durée de la procédure que les prises de position de la Commission au cours de la procédure ont fait naître dans son chef la confiance légitime que des corrections financières ne lui seraient pas imposées.
45 Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout justiciable dans le chef duquel une institution de l’Union européenne a fait naître des espérances fondées du fait d’assurances précises qu’elle lui aurait fournies (voir, en ce sens, arrêts du 25 octobre 2007, Komninou e.a./Commission, C-167/06 P, point 63, ainsi que du 17 septembre 2009, Commission/Koninklijke FrieslandCampina, C-519/07 P, Rec. p. I-8495, point 84). En revanche, nul ne peut se prévaloir d’une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies une institution de l’Union (voir, notamment, arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C-182/03 et C-217/03, Rec. p. I-5479, point 147).
46 En l’absence d’assurances précises fournies par la Commission, la durée d’une procédure d’apurement des comptes ne saurait donc faire naître des espérances fondées que des corrections financières ne seraient pas imposées à l’État membre concerné.
47 S’agissant des prises de position de la Commission, le Tribunal a, au point 228 de l’arrêt attaqué, relevé que, dans sa lettre du 31 octobre 2000, la Commission a indiqué qu’une série de dispositions importantes concernant l’accomplissement de contrôles a été instaurée mais a fait état de problèmes concernant le SIGC, qu’elle a constaté des problèmes de communication entre les différentes autorités grecques compétentes, des contrôles croisés ayant révélé qu’environ 1 000 parcelles avaient été déclarées deux fois, qu’elle a encore indiqué que la requérante n’avait pas complètement rempli les exigences des règlements nos 1554/95 et 1201/89 et, enfin, mentionné la possibilité de corrections financières.
48 Or, il résulte des articles 256 TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est dès lors seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans les cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises et, d’autre part, pour apprécier ces faits. Ladite appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments qui lui ont été présentés, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, notamment, ordonnance du 5 février 2010, Mergel e.a./OHMI, C-80/09 P, point 25 et jurisprudence citée).
49 La requérante n’ayant ni contesté l’exactitude de ces faits ni prétendu que leur appréciation était entachée d’une dénaturation, il y a lieu de considérer la constatation et l’appréciation qui en a été faite par le Tribunal comme définitive.
50 Au vu de ces constatations et de ces appréciations, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de qualification juridique en estimant que la Commission n’avait pas donné à la requérante l’assurance qu’elle n’appliquerait pas de corrections financières.
51 Il convient donc de rejeter la seconde branche du premier moyen, selon laquelle tant la durée de la procédure que les prises de position de la Commission au cours de la procédure auraient fait naître dans son chef la confiance légitime que des corrections financières ne lui seraient pas imposées.
52 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le premier moyen dans son ensemble comme non fondé.
Sur le second moyen, tiré d’une erreur et d’une contradiction dans la motivation de l’arrêt attaqué portant sur le pourcentage minimal de contrôles
Argumentation des parties
53 La requérante rappelle, à cet égard, que le Tribunal a vu une interprétation et une application erronées de l’article 12, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1201/89 dans le fait, pour la Commission, d’avoir exigé la réalisation de 5 % de contrôles dans chaque nome et d’avoir notamment fondé la correction financière sur le non-respect du taux minimal de contrôle dans le nome de Karditsa pendant la campagne 1999/2000. Bien qu’ayant estimé devoir, en conséquence, accueillir ledit moyen, le Tribunal a refusé d’annuler, dans cette mesure, la décision litigieuse, dès lors que le non-respect du taux de contrôle de 5 % des déclarations dans le nome de Karditsa ne constituait qu’un motif secondaire, les défaillances concernant l’environnement de contrôle des superficies ensemencées en coton et la réalisation tardive des contrôles sur place ayant été les motifs principaux de la correction financière.
54 En outre, le Tribunal aurait inclus dans l’arrêt attaqué une motivation contradictoire en rappelant des mentions du rapport de synthèse de la Commission indiquant que l’ensemble des trois défaillances a fondé la correction financière et d’autres énonçant que le non-respect du pourcentage minimal de contrôles n’a été qu’un motif secondaire.
55 Enfin, selon un principe général du droit, même une motivation non nécessaire doit être correcte et fondée car elle peut influer sur la formulation et l’adoption de la position finale de l’organe décisionnel.
56 La Commission rétorque que, le Tribunal ayant constaté que le non-respect du taux de contrôle de 5 % dans le nome de Karditsa ne constituait pas un élément essentiel de justification de la correction financière imposée, il en a, à bon droit, conclu que le fondement de la correction financière n’était pas remis en cause par la reconnaissance du bien-fondé du moyen d’annulation relatif au taux minimal de contrôle, étant donné que la requérante était restée en défaut d’infirmer les constatations de la Commission concernant les défaillances principales observées.
57 La Commission objecte également que le Tribunal n’a pas constaté que la décision litigieuse contenait une motivation contradictoire ou erronée en ce qui concerne l’appréciation du caractère principal ou mineur des défaillances justifiant la correction dans le secteur du coton.
Appréciation de la Cour
58 Le second moyen soulevé par la requérante peut être divisé en trois branches.
59 Concernant, en premier lieu, le grief tiré du fait que le Tribunal aurait repris, au point 212 de l’arrêt attaqué, une motivation contradictoire figurant dans le rapport de synthèse, dans la mesure où elle indiquerait, d’une part, que ce seraient tout à la fois les défaillances concernant l’environnement de contrôle des superficies ensemencées en coton, la réalisation tardive des contrôles sur place et la non-réalisation d’un taux de contrôle de 5 % dans le nome de Karditsa qui ont fondé la correction financière dans le secteur du coton et, d’autre part, que le non-respect du pourcentage minimal de contrôles n’a été qu’un motif secondaire, force est de constater qu’il ne saurait y avoir de contradiction dans le fait de relever simultanément que plusieurs défaillances dans le contrôle ont fondé une correction financière mais que certaines d’entre elles ont été considérées comme des «défaillances principales», tandis qu’une autre n’a été vue que comme étant «un élément mineur» afin de justifier la correction.
60 La deuxième branche du second moyen consiste à invoquer une erreur et une contradiction dans la motivation de l’arrêt attaqué qui a consisté à accueillir le moyen tiré d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 12, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1201/89 résidant dans le fait, pour la Commission, d’avoir exigé la réalisation de 5 % de contrôles dans chaque nome, tout en ayant refusé d’annuler la décision litigieuse, au motif que le non-respect du taux minimal de contrôles dans le nome de Karditsa n’aurait pas constitué un élément essentiel de la correction imposée.
61 Il importe de rappeler, à cet égard, que, selon une jurisprudence établie, un motif erroné ne saurait justifier l’annulation de l’acte qui en est entaché s’il revêt un caractère surabondant et qu’il existe d’autres motifs qui suffisent à le fonder (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 1990, COFAZ/Commission, C-169/84, Rec. p. I-3083, point 16, et, par analogie, arrêt du 12 novembre 1996, Ojha/Commission, C-294/95 P, Rec. p. I-5863, point 52).
62 Le Tribunal a donc pu, à bon droit, relever l’erreur de droit commise par la Commission dans le fait d’avoir exigé un taux de contrôle de 5 % dans chaque nome et juger qu’il n’y avait pas lieu, pour autant, d’annuler la décision litigieuse, après avoir constaté que la correction financière avait été principalement fondée sur les défaillances concernant l’environnement de contrôle des superficies et la réalisation tardive des contrôles sur place.
63 S’agissant, en troisième et dernier lieu, de l’argument tiré d’un prétendu principe général du droit, selon lequel même une motivation non nécessaire doit être correcte et fondée, force est de constater que le moyen manque en fait, dans la mesure où un tel principe n’existe pas.
64 Au vu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le second moyen dans son entièreté comme non fondé.
65 Aucun des deux moyens soulevés par la requérante à l’appui de son pourvoi n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter celui-ci dans son intégralité.
Sur les dépens
66 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:
1) Le pourvoi est rejeté.
2) La République hellénique est condamnée aux dépens.
Signatures
* Langue de procédure: le grec.