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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> ELF Aquitaine v Commission (Competition) French Text [2011] EUECJ C-521/09 (29 September 2011) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2011/C52109.html Cite as: [2011] EUECJ C-521/9, [2011] EUECJ C-521/09 |
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ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
29 septembre 2011 (*)
«Pourvoi – Ententes – Articles 81 CE et 53 de l’accord EEE – Marché de l’acide monochloracétique – Règles relatives à l’imputabilité des pratiques anticoncurrentielles d’une filiale à sa société mère – Présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante – Droits de la défense – Obligation de motivation»
Dans l’affaire C-�521/09 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 11 décembre 2009,
Elf Aquitaine SA, établie à Courbevoie (France), représentée par Mes E. Morgan de Rivery, S. Thibault-Liger et E. Lagathu, avocats,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant:
Commission européenne, représentée par MM. A. Bouquet et F. Castillo de la Torre, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, MM. A. Arabadjiev, A. Rosas, A. Ó Caoimh (rapporteur) et Mme P. Lindh, juges,
avocat général: M. P. Mengozzi,
greffier: M. B. Fülöp, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 novembre 2010,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 février 2011,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, Elf Aquitaine SA (ci-après «Elf Aquitaine») demande à la Cour l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 30 septembre 2009, Elf Aquitaine/Commission (T-�174/05, ci-�après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours visant, à titre principal, l’annulation de la décision C(2004) 4876 final de la Commission, du 19 janvier 2005, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/E-1/37.773 – AMCA) (ci-après la «décision litigieuse»), et, à titre subsidiaire, l’annulation ou la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée.
Les antécédents du litige et la décision litigieuse
2 Il ressort des informations figurant aux points 3 à 7 de l’arrêt attaqué que la Commission européenne a commencé son enquête sur une entente concernant l’acide monochloracétique (ci-après l’«AMCA») à la fin de l’année 1999, à la suite d’une dénonciation par l’un des participants à cette entente. Les 14 et 15 mars 2000, la Commission a procédé à des vérifications sur place dans les locaux, notamment, d’une filiale de la requérante. Les 7 et 8 avril 2004, elle a adressé une communication des griefs à douze sociétés, parmi lesquelles Elf Aquitaine et cette filiale (anciennement dénommée Elf Atochem SA, puis Atofina SA, et, au moment du pourvoi, Arkema SA, ci-après «Atofina» ou «Arkema»).
3 Il ressort du point 8 de l’arrêt attaqué que, dans la décision litigieuse, la Commission a considéré, pour l’essentiel, que les entreprises concernées par cette décision avaient participé à un cartel, en méconnaissance de l’article 81 CE.
4 Ainsi qu’il résulte des points 9 à 12 de l’arrêt attaqué, dans la décision litigieuse, la Commission, rejetant les arguments contraires avancés par Elf Aquitaine, a considéré que le fait que cette dernière détenait 98 % des actions d’Atofina était suffisant pour lui imputer la responsabilité des actes de sa filiale. Elle a, en outre, estimé que le fait qu’Elf Aquitaine n’avait pas participé à la production et à la vente de l’AMCA n’empêchait pas de la considérer comme formant une unité économique avec les unités opérationnelles du groupe.
5 Il ressort du point 30 de l’arrêt attaqué que l’amende infligée dans la décision litigieuse à Elf Aquitaine et à Arkema, au titre de la responsabilité conjointe et solidaire, s’élève à 45 millions d’euros.
Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
6 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’ensemble des onze moyens soulevés devant lui et condamné la requérante aux dépens. Ce faisant, le Tribunal a émis notamment les considérations exposées ci-après.
7 Par son premier moyen, la requérante a fait valoir que la décision litigieuse violait doublement ses droits de la défense, puisque, d’une part, elle avait été adoptée au terme d’une procédure dans le cadre de laquelle le principe d’égalité des armes avait été enfreint (première branche) et, d’autre part, elle avait été prise par la Commission en méconnaissance de l’obligation de tenir compte des éléments résultant de la procédure administrative (seconde branche).
8 Aux points 54 à 72 de l’arrêt attaqué, en rejetant le premier moyen dans son intégralité, le Tribunal a jugé ce qui suit:
«[...]
64 Il convient également de rejeter le grief selon lequel l’imputation à la requérante de la responsabilité de l’infraction commise par Arkema serait insuffisamment étayée, dans la décision [litigieuse], pour justifier sa responsabilité. En effet, il ressort explicitement [...] de [cette] décision [...] que la Commission a rappelé les principes applicables à l’imputation aux sociétés mères des infractions commises par leurs filiales. Le fait que la Commission n’a diligenté aucune enquête à son égard, ne lui a pas adressé de demande de renseignements et ne l’a pas contactée avant l’envoi de la communication des griefs ne saurait remettre en cause le fait que la Commission pouvait l’informer des griefs retenus à son égard, pour la première fois, dans la communication des griefs. En effet, la requérante a été en mesure de faire utilement connaître son point de vue au cours de la procédure administrative sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués par la Commission dans sa communication des griefs, tant dans ses observations en réponse à la communication des griefs que lors de l’audition auprès du conseiller-auditeur.
[...]»
9 En rejetant comme non fondé le deuxième moyen soulevé devant lui, tiré d’une insuffisance de motivation, le Tribunal a jugé ce qui suit:
«85 [...], il ressort du considérant 258 de la décision [litigieuse] que ‘[l]a Commission considère que le fait qu’Elf Aquitaine détienne 98 % des actions dans Atofina est suffisant en lui-même pour imputer la responsabilité des actions d’Atofina à Elf Aquitaine. La Commission estime que les arguments mentionnés [par Elf Aquitaine] ne constituent pas des preuves suffisantes pour que la présomption, basée sur la détention de 98 % des actions, soit écartée’. Elle précise, dans le même considérant, que ‘ces arguments sont des affirmations qui n’écartent pas la présomption selon laquelle Elf Aquitaine est responsable des actes de sa filiale Atofina’ et qu’elle ne considère pas que des ‘documents fournissant un aperçu général de la gestion commerciale soient suffisants pour écarter la présomption’.
86 Il y a lieu de constater que, bien que la Commission ait explicitement affirmé, au considérant 258 de la décision [litigieuse], que la détention de 98 % du capital était suffisante pour imputer la responsabilité des actions d’Atofina à Elf Aquitaine, elle a néanmoins précisé, dans la suite dudit considérant, que les preuves apportées par la requérante ne permettaient pas de renverser la présomption. Or, de telles considérations s’inscrivent dans la jurisprudence communautaire relative à l’imputation à la société mère des comportements infractionnels de sa filiale. Il en résulte que le raisonnement de la Commission est suffisamment explicite et permet de comprendre les raisons pour lesquelles elle a écarté les arguments avancés par Elf Aquitaine.
87 Quant au prétendu défaut de motivation concernant les raisons pour lesquelles les arguments d’Elf Aquitaine ont été écartés, force est de constater que la Commission a mentionné, au considérant 257 de la décision [litigieuse], lesdits arguments tels qu’ils avaient été exposés par Elf Aquitaine dans sa réponse à la communication des griefs. Elle y a répondu aux considérants 258 à 261 de la décision [litigieuse].
88 En particulier, il y a lieu de relever que la Commission a considéré qu’Elf Aquitaine s’était limitée à formuler des affirmations et que les documents qu’elle avait fournis ne donnaient qu’un aperçu général de la gestion commerciale de la société.
89 Une telle réponse aux arguments avancés par Elf Aquitaine, quoique succincte, permet de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission a rejeté ceux-ci. En effet, la Commission a répondu aux points essentiels des arguments d’Elf Aquitaine, en considérant l’ensemble des éléments de preuves apportés par celle-ci.
90 En tout état de cause, il n’incombait pas à la Commission de répondre à toutes les objections de la requérante. En effet, la Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision [...]»
10 Aux points 97 à 99 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le troisième moyen soulevé devant lui, tiré de la contradiction des motifs entre l’imputation de l’infraction à Elf Aquitaine et la reconnaissance de la participation à un niveau de responsabilité peu élevé d’Atofina à l’infraction. À cet égard, il a considéré notamment, au point 97 de l’arrêt attaqué:
«[...] le niveau de responsabilité du personnel ayant participé à l’entente importe peu, puisque ce n’est pas une relation d’instigation relative à l’infraction entre la société mère et la filiale, ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu’elles constituent une seule entreprise, au sens de l’article 81 CE, qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société mère d’un groupe de sociétés. Dès lors, le fait que la société mère n’avait pas connaissance de l’infraction commise par sa filiale ne saurait suffire pour écarter sa responsabilité.»
11 Pareil énoncé apparaît, dans d’autres contextes, aux points 152, 167 et 186 de l’arrêt attaqué.
12 Ainsi qu’il ressort du point 100 de l’arrêt attaqué, le quatrième moyen soulevé devant le Tribunal, tiré d’une violation des règles gouvernant l’imputabilité à une société mère des infractions commises par sa filiale, se divisait en trois branches.
13 Dans le cadre de la première branche, la requérante a soutenu en particulier que la Commission ne jouit pas d’une marge discrétionnaire pour déterminer le critère pertinent de l’imputabilité des infractions.
14 Le Tribunal a rejeté cette branche aux points 105 à 109 de l’arrêt attaqué. Au point 105 de l’arrêt attaqué le Tribunal a fait observer:
«[...] la Commission ne prétend pas disposer d’un pouvoir discrétionnaire pour imputer à une société la responsabilité des infractions commises par une autre société. En effet, si la Commission a affirmé au considérant 260 de la décision [litigieuse] qu’elle disposait d’‘une marge discrétionnaire concernant l’imputation de responsabilité à la société mère dans de telles circonstances’, ce n’est qu’après avoir souligné, au considérant 258 de la décision [litigieuse], que la requérante n’avait pas réussi à renverser la présomption d’autonomie de sa filiale. En outre, il ressort clairement de la décision [litigieuse] que l’observation formulée au considérant 260 visait uniquement à écarter l’argument tiré de l’absence d’imputation, dans des décisions antérieures adressées à Atofina, du comportement de cette dernière à la société mère. De surcroît, au cours de l’audience et dans ses écritures, la Commission a indiqué qu’elle considérait effectivement que sa marge d’appréciation intervient au stade où, lorsqu’elle est en mesure d’imputer la responsabilité d’une infraction à plusieurs sociétés d’un groupe, elle choisit de l’imputer à toutes les sociétés du groupe ou seulement à celles qui ont directement participé à l’infraction.»
15 Aux points 121 à 126 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté comme non fondée la deuxième branche du quatrième moyen soulevé devant lui, tirée du fait que l’application de la présomption d’imputabilité, non étayée par des éléments de preuve concrets, enfreindrait le principe d’autonomie de la filiale.
16 La troisième branche du quatrième moyen était tirée d’une violation du régime probatoire gouvernant l’imputabilité des infractions au sein des groupes de sociétés. Le Tribunal a rejeté cette branche aux points 150 à 176 de l’arrêt attaqué.
17 Dans ce cadre, au point 157 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé:
«[...] le grief de la requérante selon lequel la Commission a méconnu le régime probatoire gouvernant l’imputabilité des infractions au sein des groupes de sociétés ne saurait être accueilli. En effet, dans la mesure où la quasi-totalité du capital était détenue, à l’époque de l’infraction, par Elf Aquitaine, c’est à bon droit que la Commission pouvait présumer son absence d’autonomie et considérer qu’il appartenait à Elf Aquitaine d’apporter des éléments de preuve démontrant que sa filiale déterminait de façon autonome sa ligne d’action sur le marché.»
18 Au point 158 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que c’était dans ces circonstances qu’il convenait d’analyser les éléments de preuve apportés par Elf Aquitaine afin de renverser la présomption appliquée par la Commission. À cette fin, il a relevé, au point 159 de l’arrêt attaqué, ce qui suit:
«[...] la Commission reprend, au considérant 257 de la décision [litigieuse], les arguments avancés par Elf Aquitaine dans sa réponse à la communication des griefs, notamment les arguments selon lesquels celle-ci n’aurait jamais participé, ni directement ni indirectement, à l’entente sur l’AMCA, elle serait une ‘holding pure’, sans fonctions opérationnelles, Atofina jouirait d’une autonomie complète pour ce qui est de sa politique commerciale et de son comportement sur le marché, les documents figurant dans le dossier de la Commission se référeraient exclusivement à Atofina et les tiers considéreraient également que seule Atofina opérait sur le marché. Elle en conclut au considérant suivant que ces arguments sont de simples affirmations qui n’écartent pas la présomption selon laquelle Elf Aquitaine est responsable des actes de sa filiale, et relève que des documents fournissant un aperçu général de la gestion commerciale sont insuffisants pour écarter cette présomption.»
19 Ensuite, aux points 160 à 176 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté plusieurs arguments soulevés par la requérante en vue de renverser la présomption appliquée à son égard dans la décision litigieuse.
20 Aux points 184 à 188 et 192 à 199 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le cinquième moyen dans ses trois branches, tirées respectivement des violations du principe de responsabilité du fait personnel, de celui de légalité et de celui de la présomption d’innocence.
21 Aux points 200 à 207 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le sixième moyen soulevé devant lui, tiré d’une violation du principe de bonne administration.
22 Ainsi qu’il ressort du point 208 de l’arrêt attaqué, la requérante, par son septième moyen soulevé devant le Tribunal, a soutenu que la nouvelle approche de la Commission concernant le critère de l’imputabilité des infractions des filiales de groupes à leurs sociétés mères, telle qu’appliquée dans la décision litigieuse, créait une insécurité juridique, de sorte que le Tribunal devait annuler la décision litigieuse en tant qu’elle concernait la requérante. En effet, la Commission appliquerait des critères d’imputabilité différents de ceux retenus dans la décision litigieuse à l’encontre d’Akzo Nobel NV et de Clariant AG et de ceux appliqués en ce qui concerne Atofina dans sa décision C(2003) 4570 final, du 10 décembre 2003, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/E-2/37.857 – Peroxydes organiques) (JO 2005, L 110, p. 44, ci-après la «décision peroxydes organiques»).
23 En rejetant, aux points 210 à 216 de l’arrêt attaqué, ce moyen, le Tribunal a jugé notamment, au point 213 de l’arrêt attaqué:
«En l’espèce, si la Commission a décidé d’imputer la responsabilité de l’infraction constatée à l’entreprise composée de la société mère et de sa filiale, alors que dans sa pratique antérieure elle se serait abstenue de le faire, sa décision ne saurait toutefois enfreindre le principe de sécurité juridique. [...] Dès lors, dans la mesure où, en l’espèce, la Commission a considéré à juste titre qu’Elf Aquitaine et sa filiale Arkema constituaient ensemble une entreprise, et a infligé l’amende aux deux sociétés conjointement et solidairement, elle n’a pas violé le principe de sécurité juridique.»
24 Aux points 220 et suivants de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté, l’un après l’autre, les huitième à onzième moyens soulevés devant lui, avant de conclure, au point 244 de l’arrêt attaqué, que le recours introduit devant lui devait être rejeté dans son intégralité.
Les conclusions des parties
25 Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour:
– à titre principal d’annuler intégralement l’arrêt attaqué;
– de faire droit aux conclusions présentées en première instance;
– d’annuler, en conséquence, les articles 1er, sous d), 2, sous c), 3 et 4, point 9, de la décision litigieuse;
– à titre subsidiaire, d’annuler ou de réduire l’amende de 45 millions d’euros infligée conjointement et solidairement à Arkema et à Elf Aquitaine par l’article 2, sous c), de la décision litigieuse au titre de son pouvoir de pleine juridiction, et
– en tout état de cause, de condamner la Commission aux dépens, y compris ceux encourus par la requérante devant le Tribunal.
26 La Commission demande à la Cour de:
– rejeter le pourvoi, et
– condamner la requérante aux dépens.
Sur le pourvoi
27 À titre principal, la requérante invoque cinq moyens, tirés, respectivement:
– d’une erreur de droit du Tribunal en ce que celui-ci n’aurait pas tiré les conséquences de la nature répressive des sanctions relevant de l’application de l’article 101 TFUE;
– d’une violation des droits de la défense résultant de l’interprétation erronée des principes d’équité et d’égalité des armes;
– d’erreurs de droit sur l’obligation de motivation;
– d’une violation de l’article 263 TFUE résultant du non-respect des limites du contrôle de la légalité, et
– d’une violation des règles gouvernant l’imputabilité des sanctions en matière du droit de la concurrence.
28 À titre subsidiaire, la requérante soulève un sixième moyen, faisant valoir que les erreurs de droit et les violations commises par le Tribunal doivent à tout le moins conduire à l’annulation ou à la réduction de l’amende infligée à la requérante.
Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit du Tribunal en ce que celui-ci n’aurait pas tiré les conséquences de la nature répressive des sanctions relevant de l’application de l’article 101 TFUE
Argumentation des parties
29 La requérante fait valoir que le caractère répressif – au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH») – des sanctions infligées au titre de l’article 101 TFUE ne peut être contesté.
30 Dans ces conditions, selon la requérante, le Tribunal a, notamment aux points 185 à 187 ainsi que 194 et 197 de l’arrêt attaqué, appliqué de manière erronée les principes de responsabilité du fait personnel et de la personnalité des peines ainsi que de la présomption d’innocence garantis par l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la CEDH.
31 Ainsi, d’une part, de façon générale, le Tribunal aurait appliqué de manière erronée ces derniers principes uniquement à l’entreprise formée par Elf Aquitaine et Arkema, soit une entité dépourvue de toute personnalité juridique, et non à ces deux sociétés en tant que personnes morales distinctes, lesquelles auraient seules les attributs nécessaires pour pouvoir bénéficier de manière effective et concrète des droits subjectifs issus des principes susmentionnés. Ce faisant, le Tribunal aurait anéanti le caractère effectif et concret des droits subjectifs issus des principes susvisés en ne permettant pas aux seules entités dotées des attributs pour le faire d’en revendiquer le bénéfice, ce qui lui aurait finalement permis de limiter l’accès au juge.
32 D’autre part, de façon plus spécifique, l’approche susvisée aurait amené le Tribunal à exclure la requérante du champ d’application:
– du principe de la présomption d’innocence, en niant à son égard toute valeur à l’enquête préalable, et
– des principes de responsabilité du fait personnel et de la personnalité des peines, en affirmant, aux points 97, 152, 167 et 186 de l’arrêt attaqué, que l’imputation de la responsabilité à une société mère ne se fonde pas sur «une relation d’instigation relative à l’infraction entre la société mère et la filiale, ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction», écartant ainsi la pertinence du faisceau d’indices invoqué par la requérante tendant à démontrer qu’elle n’avait commis personnellement aucune infraction, qu’elle ignorait la commission de l’infraction litigieuse et que sa filiale disposait d’une autonomie sur le marché.
33 De surcroît, la requérante soutient que le Tribunal n’a pas valablement pu invoquer, aux points 210 et 212 de l’arrêt attaqué, un principe d’efficacité du droit de la concurrence de l’Union à l’encontre d’un justiciable pour amoindrir ses droits fondamentaux au profit d’un renforcement des pouvoirs de la Commission.
34 La Commission soutient notamment que le premier moyen du pourvoi ne correspond pas à un moyen présenté en première instance et qu’il ne vise directement aucune partie de l’arrêt attaqué.
Appréciation de la Cour
35 Selon l’article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, le pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal. Ainsi, la compétence de la Cour, dans le cadre du pourvoi, est en effet limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges. Une partie ne saurait donc modifier l’objet dudit litige en soulevant pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle aurait pu soulever devant le Tribunal mais qu’elle n’a pas soulevé, dès lors que cela reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (voir en ce sens, notamment, arrêts du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C-�136/92 P, Rec. p. I-�1981, point 59; du 30 mars 2000, VBA/VGB e.a., C-�266/97 P, Rec. p. I-�2135, point 79, ainsi que du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C-�280/08 P, non encore publié au Recueil, point 34). Un tel moyen doit donc être considéré comme irrecevable au stade du pourvoi.
36 En l’espèce, par son premier moyen, la requérante reproche au Tribunal non pas d’avoir nié le caractère «pénal», au sens de la jurisprudence relevant de l’article 6 de la CEDH, des amendes infligées au titre de l’article 81 CE, mais, pour l’essentiel, d’avoir violé les droits fondamentaux dont elle bénéficie en tant que personne morale jugée responsable d’une infraction à laquelle sont attachées des sanctions qui, à son avis, ont un tel caractère. Dans la mesure où, vu de cette perspective, le présent moyen ne modifie pas l’objet du litige devant le Tribunal, il n’y a pas lieu de le rejeter comme irrecevable (voir, par analogie, arrêt du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil, C-�229/05 P, Rec. p. I-�439, points 66 et 67).
37 Cela étant, ainsi qu’il ressort notamment des points 27, 87 et 99 du présent arrêt, les reproches spécifiques soulevés par Elf Aquitaine dans le cadre de ce moyen recoupent, en substance, ceux soulevés dans le cadre d’autres moyens du pourvoi, en particulier, les deuxième et cinquième. Ces reproches n’ayant donc pas d’autonomie réelle par rapport à ces autres moyens, il n’y pas lieu de les examiner ici.
38 De même, en tant que le premier moyen reproche, de manière générale, au Tribunal d’avoir appliqué, à tort, les principes de responsabilité du fait personnel et de la personnalité des peines ainsi que de la présomption d’innocence non à la seule requérante, mais à l’«entreprise» constituée notamment d’Elf Aquitaine et de sa filiale Arkema, ce moyen revient à faire valoir une violation substantielle de ces principes à l’égard de la requérante et à mettre en cause l’interprétation du Tribunal de la notion d’«entreprise», au sens de l’article 81 CE. Ces allégations recoupant certains aspects des deuxième et cinquième moyens, il convient de les aborder dans le cadre de l’examen de ces derniers moyens.
39 Concernant le reproche formulé au point 33 du présent arrêt, il suffit de relever que, contrairement aux prétentions de la requérante, le Tribunal n’a pas affirmé, aux points 210 et 212 de l’arrêt attaqué, qu’un principe d’efficacité du droit de la concurrence de l’Union pourrait être invoqué à l’encontre d’un justiciable pour amoindrir ses droits fondamentaux.
40 Ledit reproche reposant ainsi sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué, il convient de le rejeter comme non fondé.
41 Eu égard à ce qui précède, il convient d’aborder en prochain lieu le cinquième moyen.
Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation des règles gouvernant l’imputabilité des sanctions en matière du droit de la concurrence
Sur la première branche du cinquième moyen selon laquelle le caractère répressif des sanctions relevant de l’application de l’article 101 TFUE renforcerait le caractère inadmissible en droit de l’Union de la présomption de responsabilité de facto irréfragable appliquée à la requérante
– Argumentation des parties
42 La requérante fait valoir que le caractère répressif des sanctions relevant de l’application de l’article 101 TFUE et la confusion institutionnelle des pouvoirs dans le chef de l’autorité de poursuite auraient dû empêcher de façon dirimante le Tribunal de valider l’application faite par la Commission de la présomption de responsabilité en lieu et place de l’exigence d’une preuve de l’immixtion de la requérante dans la gestion de sa filiale.
43 Il en serait d’autant plus ainsi qu’une telle présomption serait de facto irréfragable, dans la mesure où ce caractère irréfragable anéantit notamment les règles gouvernant la charge de la preuve et la présomption d’innocence.
44 Selon la requérante, le caractère irréfragable de la présomption, telle qu’interprétée par le Tribunal, résulte de la combinaison des éléments suivants:
– l’affirmation figurant aux points 86 et 150 de l’arrêt attaqué selon laquelle le lien capitalistique est à lui seul suffisant pour appliquer la présomption d’absence d’autonomie de la filiale;
– l’admission par le Tribunal, au point 105 de l’arrêt attaqué, d’un pouvoir discrétionnaire de la Commission pour imputer la responsabilité de l’infraction dès lors que la société mère détient 98 % ou plus du capital de sa filiale, et
– le mode d’appréciation que le Tribunal, aux points 160 et suivants de l’arrêt attaqué, a fait du faisceau d’indices fourni par la requérante et visant à démontrer l’absence d’interférence par celle-ci dans la gestion de sa filiale.
45 À ce dernier égard, de l’avis de la requérante, le Tribunal repousse la valeur probante dudit faisceau d’indices en exigeant d’elle des preuves d’une absence d’interférence, lesquelles seraient nécessairement négatives. Le Tribunal exigerait une «probatio diabolica» qui, de façon générale, serait inadmissible dans le système de preuve de l’Union. Selon la requérante, un tel système de preuve irréfragable doit notamment être condamné en ce qu’il enfreint le droit à un accès à un contrôle juridictionnel effectif.
46 Selon la requérante, le Tribunal a renversé de manière illicite la charge de la preuve incombant à l’autorité de poursuite, notamment en repoussant l’un après l’autre les indices du faisceau que la requérante aurait, conformément à l’arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission (C-�97/08 P, Rec. p. I-�8237, point 65), soumis à la Commission. Ainsi, selon la requérante, le Tribunal a introduit un déséquilibre inadmissible entre, d’une part, la requérante, sur laquelle pèserait une charge impossible à assumer, et, d’autre part, la Commission, laquelle pourrait se contenter d’une présomption de responsabilité pour appliquer des sanctions répressives, tout en jouissant d’un prétendu pouvoir discrétionnaire pour appliquer ou non une telle présomption.
47 La requérante fait en outre valoir que le Tribunal, contrairement à ce qu’il énonce au point 171 de l’arrêt attaqué, n’a pas apprécié les éléments du faisceau d’indices pris dans leur ensemble. Selon la requérante, conformément aux prescriptions découlant de l’arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, précité, ce faisceau portait sur les liens organisationnels, économiques et juridiques entre sa filiale et elle-même qu’elle considère de nature à démontrer qu’elles ne constituent pas une entité économique unique. Or, la force probante de ce faisceau résulterait de la concordance de l’ensemble des indices et non nécessairement de chacun des indices pris isolément.
48 La Commission estime que le Tribunal, aux points 172 et 173 de l’arrêt attaqué, a indiqué que la présomption d’absence d’autonomie de la filiale n’est pas irréfragable. Elle considère également que le moyen soulevé devant le Tribunal relatif à l’imputabilité a été rejeté, car, ainsi qu’il ressortirait notamment des points 163 à 165, 167 et 169 de l’arrêt attaqué, la requérante se serait limitée à s’appuyer sur des affirmations non étayées par des éléments de preuve. Pour la Commission, le simple fait d’avoir exigé des éléments de preuve à l’appui d’une simple affirmation ne transforme pas la présomption concernée en une présomption irréfragable.
49 Selon la Commission, la détention par une société mère de la totalité ou de la quasi-totalité du capital d’une filiale permet seulement de présumer, jusqu’à preuve du contraire, que ces sociétés font partie d’une même «entreprise» aux termes de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. En l’occurrence, la requérante ne saurait reprocher à la Commission d’avoir considéré que la présomption n’était pas renversée alors qu’elle s’est bornée à présenter des affirmations d’«autonomie» insuffisamment étayées ou des arguments non pertinents pour déterminer si la filiale et la société mère formaient une unité économique.
50 En ce qui concerne l’argumentation de la requérante exposée au point 47 du présent arrêt, la Commission soutient que, en réalité, la requérante semble mettre en cause l’appréciation des preuves par le Tribunal, ce qui serait irrecevable en pourvoi. Au demeurant, le Tribunal aurait procédé à une appréciation d’ensemble. S’il n’a pas eu l’occasion d’apprécier certains prétendus indices, ce serait simplement, selon la Commission, parce que la plupart de ces indices n’étaient pas étayés par des éléments de preuve.
– Appréciation de la Cour
51 En tant que, dans la première branche du cinquième moyen, la requérante fait valoir une confusion des rôles de la Commission en matière de politique de la concurrence de l’Union, force est de constater qu’elle tente, en méconnaissance de l’article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure, de modifier l’objet du litige devant le Tribunal. Dans cette mesure, elle doit donc être considérée comme irrecevable, en application de la jurisprudence exposée au point 35 du présent arrêt.
52 Néanmoins, il y a lieu de considérer la première branche du cinquième moyen comme recevable en tant qu’elle est dirigée, indépendamment des considérations tirées de cette confusion, à l’encontre de l’application, dans l’arrêt attaqué, d’une présomption selon laquelle, en substance, une société mère détenant la totalité ou la quasi-totalité du capital social de sa filiale peut être tenue responsable du comportement infractionnel de cette filiale aux règles de l’Union en matière de concurrence.
53 À cet égard, il convient de rappeler d’emblée qu’il est de jurisprudence constante que la notion d’entreprise désigne toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. Sur ce point, la Cour a précisé, d’une part, que la notion d’entreprise, placée dans ce contexte, doit être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales et, d’autre part, que, lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (voir arrêts du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, C-�90/09 P, non encore publié au Recueil, points 34 et 35 et jurisprudence citée, ainsi que du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C-�201/09 P et C-�216/09 P, non encore publié au Recueil, point 95).
54 Il résulte d’une jurisprudence constante que le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (voir arrêts précités Akzo Nobel e.a./Commission, point 58, ainsi que General Química e.a./Commission, point 37).
55 En effet, dans une telle situation, la société mère et sa filiale faisant partie d’une même unité économique et formant ainsi une seule entreprise au sens de l’article 81 CE, la Commission peut adresser une décision imposant des amendes à la société mère sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction (voir arrêts précités Akzo Nobel e.a./Commission, point 59, ainsi que General Química e.a./Commission, point 38).
56 À cet égard, la Cour a précisé que, dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l’Union, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une telle influence (ci-�après la «présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante») (voir, notamment, arrêts du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission, 107/82, Rec. p. 3151, point 50; Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 60; General Química e.a./Commission, précité, point 39, ainsi que ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., précité, point 97).
57 Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce effectivement une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme tenue solidairement au paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (voir arrêts du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C-�286/98 P, Rec. p. I-�9925, point 29; Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 61; General Química e.a./Commission, précité, point 40, ainsi que ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., précité, point 98).
58 Il ressort également de la jurisprudence que, afin de déterminer si une filiale détermine de façon autonome son comportement sur le marché, il convient de prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent cette filiale à la société mère, lesquels peuvent varier selon les cas et ne sauraient donc faire l’objet d’une énumération exhaustive (voir, en ce sens, arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, précité, points 73 et 74).
59 La présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante vise notamment à ménager un équilibre entre l’importance, d’une part, de l’objectif consistant à réprimer les comportements contraires aux règles de la concurrence, en particulier à l’article 101 TFUE, et d’en prévenir le renouvellement et, d’autre part, des exigences de certains principes généraux du droit de l’Union tels que, notamment, les principes de présomption d’innocence, de personnalité des peines et de la sécurité juridique ainsi que les droits de la défense, y compris le principe d’égalité des armes. C’est notamment pour cette raison qu’elle est, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence constante exposée au point 56 du présent arrêt, réfragable.
60 Il convient de rappeler, par ailleurs, que cette présomption repose sur le constat selon lequel, sauf circonstances tout à fait exceptionnelles, une société détenant la totalité du capital d’une filiale peut, au vu de cette seule part de capital, exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, que l’absence d’exercice effectif de ce pouvoir d’influence peut normalement le plus utilement être recherchée dans la sphère des entités à l’encontre desquelles la présomption opère.
61 Dans ces conditions, s’il suffisait à une partie intéressée de réfuter ladite présomption en avançant de simples affirmations non étayées, celle-ci serait largement privée de son utilité.
62 Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence qu’une présomption, même difficile à renverser, demeure dans des limites acceptables tant qu’elle est proportionnée au but légitime poursuivi, qu’existe la possibilité d’apporter la preuve contraire et que les droits de la défense sont assurés (voir, en ce sens, arrêt du 23 décembre 2009, Spector Photo Group et Van Raemdonck, C-�45/08, Rec. p. I-�12073, points 43 et 44, ainsi que Cour eur. D. H., arrêt Janosevic c. Suède du 23 juillet 2002, Recueil des arrêts et décisions 2002-�VII, § 101 et suivants).
63 En l’espèce, il ressort des points 46 et 47 du présent arrêt que la requérante ne conteste pas en tant que telle la licéité de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante telle qu’exposée aux points 56 et 57 du présent arrêt. Elle ne conteste pas davantage l’applicabilité, dans les circonstances de l’espèce, de pareille présomption dans un cas où une société mère détient 98 % du capital de sa filiale.
64 En revanche, l’argumentation de la requérante exposée aux points 43 à 47 du présent arrêt repose sur l’affirmation selon laquelle le Tribunal a, dans les faits, appliqué une version irréfragable de cette présomption.
65 Or, contrairement à ce que la requérante soutient, l’approche adoptée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué envers les éléments apportés par la requérante ne relève pas, prise dans son ensemble, de la probatio diabolica. En effet, ainsi qu’il résulte du point 58 du présent arrêt, il appartient à des entités souhaitant renverser la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante d’apporter tout élément relatif aux liens économiques, organisationnels et juridiques unissant la filiale en question à la société mère et qu’elles considéraient comme étant de nature à démontrer qu’elles ne constituaient pas une entité économique unique.
66 À cet égard, la simple circonstance qu’une entité ne produise pas, dans un cas donné, d’éléments de preuve de nature à renverser la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante ne signifie pas que ladite présomption ne peut, en aucun cas, être renversée.
67 Dans ces conditions, en tant que les reproches formulés au troisième tiret du point 44 ainsi qu’aux points 45 à 47 du présent arrêt soutiennent, en substance, que l’appréciation par le Tribunal des arguments avancés par la requérante démontre, du seul fait de sa conclusion – négative de la perspective de la requérante –, l’existence d’une probatio diabolica, ils doivent être rejetés.
68 Dans la mesure où, en revanche, lesdits reproches viseraient, en réalité, à obtenir de la Cour une nouvelle appréciation des faits constatés par le Tribunal, il y a lieu de les considérer comme étant irrecevables au stade du pourvoi. En effet, il résulte d’une jurisprudence constante que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où une inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve qui lui ont été soumis, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir, notamment, arrêt du 23 avril 2009, AEPI/Commission, C-�425/07 P, Rec. p. I-�3205, point 44 et jurisprudence citée).
69 Dans la mesure où, alternativement, ces mêmes reproches pourraient être interprétés comme invoquant une méconnaissance par le Tribunal de la portée de son contrôle juridictionnel, ils coïncident avec le quatrième moyen du pourvoi et il n’y a, par conséquent, pas lieu de les examiner de manière indépendante dans le cadre de la présente branche du cinquième moyen.
70 En ce qui concerne, par ailleurs, la critique, exposée au premier tiret du point 44 du présent arrêt, selon laquelle le montant de participation au capital de la filiale suffirait à lui seul à activer la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante, il convient de relever que le fait qu’il soit difficile d’apporter la preuve contraire nécessaire pour renverser une présomption n’implique pas, en soi, que celle-ci soit en fait irréfragable, surtout lorsque les entités à l’encontre desquelles la présomption opère sont les mieux à même de rechercher cette preuve dans leur propre sphère d’activités.
71 En ce qui concerne le deuxième élément invoqué par la requérante pour démontrer le caractère en fait irréfragable de la présomption appliquée par le Tribunal, exposé au deuxième tiret du point 44 du présent arrêt, il convient de relever que, à supposer que le Tribunal, au point 105 de l’arrêt attaqué, ait admis le pouvoir discrétionnaire dans le chef de la Commission dont mention dans ledit deuxième tiret, une telle admission ou un tel pouvoir n’auraient aucune incidence sur la question de savoir si la présomption appliquée dans l’arrêt attaqué est irréfragable. Il s’ensuit que cette argumentation ne saurait être accueillie.
72 Eu égard à ce qui précède, il y lieu de rejeter la première branche du cinquième moyen.
Sur la deuxième branche du cinquième moyen selon laquelle la présomption de responsabilité appliquée par le Tribunal, fondée sur le concept d’entreprise, anéantirait le principe de l’autonomie des personnes morales
– Argumentation des parties
73 La requérante fait valoir que l’arrêt attaqué enfreint le principe de subsidiarité, en perturbant considérablement le principe d’autonomie des personnes morales, l’un des fondements juridiques majeurs du droit des sociétés des États membres.
74 Selon la requérante, l’erreur de droit du Tribunal était de prétendre qu’il avait le loisir de décider que c’est par rapport à l’entreprise qu’il devait se placer pour décider de n’appliquer à la personne morale composant cette entreprise ni le principe d’autonomie ni les droits de la défense.
75 Par ailleurs, le Tribunal aurait commis une autre erreur de droit en considérant superfétatoire le fait d’exiger de la Commission qu’elle rapporte dans sa décision des indices concrets de l’absence d’autonomie de sa filiale sur le marché.
76 La Commission fait valoir que le principe de subsidiarité n’a pas été invoqué devant le Tribunal, de sorte que sa violation constituerait un moyen nouveau, irrecevable au stade du pourvoi. En tout état de cause, sur le fond, ce principe ne serait pas applicable en l’occurrence, l’Union européenne disposant d’une compétence exclusive en la matière.
77 Par ailleurs, la notion d’«entreprise» au sens du droit de la concurrence serait une notion autonome du droit de l’Union. De surcroît, l’«autonomie» d’une société ne serait pas incompatible avec la présomption formulée dans la jurisprudence de contrôle effectif d’une société mère sur certaines de ses filiales.
– Appréciation de la Cour
78 En tant que la présente branche est tirée d’une méconnaissance du principe de subsidiarité, elle doit, en application de la jurisprudence citée au point 35 du présent arrêt, être déclarée irrecevable.
79 Ensuite, il y a lieu de rejeter le reproche exposé au point 74 du présent arrêt, dès lors qu’il porte sur une considération que le Tribunal n’a pas émise, voire laissé entendre, dans l’arrêt attaqué.
80 En outre, en ce qui concerne l’argument exposé au point 75 du présent arrêt, il ressort des points 56 et 57 de celui-ci que la Commission n’est pas tenue, en vue de faire jouer la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante dans un cas donné, d’apporter des indices supplémentaires par rapport à ceux démontrant l’applicabilité et l’opération de cette présomption (voir également, en ce sens, arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 62). Le Tribunal n’a dès lors pas commis d’erreur en tant qu’il n’a pas exigé, indépendamment des éléments portant sur l’opération de la présomption en cause, des indices concrets supplémentaires de l’absence d’autonomie de sa filiale sur le marché.
81 Par ailleurs, en tant que l’argument exposé audit point 75 reproche un défaut de sanctionner la motivation de la décision litigieuse en ce qui concerne la requérante, il recoupe le troisième moyen, de sorte qu’il n’y a pas lieu de l’examiner dans le cadre de la présente branche du cinquième moyen.
82 Il convient dès lors de rejeter la deuxième branche du cinquième moyen.
Sur la troisième branche du cinquième moyen selon laquelle la marge d’appréciation reconnue à la Commission pour l’application de la présomption de responsabilité enfreindrait les principes de légalité et de sécurité juridique
– Argumentation des parties
83 La requérante fait valoir que l’arrêt attaqué méconnaît l’exigence de clarté de la loi et de prévisibilité qu’imposeraient tant le principe de légalité que celui de sécurité juridique. Selon la requérante, il ressort des points 97, 152, 167, 186 et 194 de l’arrêt attaqué que le Tribunal estime qu’il existe deux régimes de responsabilité en matière d’infractions au droit de la concurrence. Le premier sanctionnerait la participation directe des sociétés mères à une infraction au droit de la concurrence en tant que coauteur, une telle participation étant «la manifestation de leur volonté propre». Le second sanctionnerait les sociétés mères en tant que complices des comportements infractionnels de leurs filiales détenues à 100 %, mais sans besoin d’un acte matériel de participation établissant leur complicité, ce qui apparenterait la situation à un régime de responsabilité du fait d’autrui.
84 Selon la requérante, si un tel régime de responsabilité du fait d’autrui existait en droit de la concurrence de l’Union, quod non, il devrait être parfaitement défini et appliqué de manière claire et constante par les institutions. Or, le pouvoir discrétionnaire reconnu par le Tribunal au point 105 de l’arrêt attaqué serait inconciliable avec cette exigence de clarté et de constance.
85 À cet égard, la requérante dénonce ce qu’elle qualifie de «double confusion» opérée par le Tribunal au point 213 de l’arrêt attaqué, en premier lieu, entre l’imputation de responsabilité à la société mère et la responsabilité de cette dernière pour le paiement de l’amende et, en second lieu, entre l’imputation de responsabilité et la fixation des amendes, dans la mesure où le Tribunal justifie la prétendue marge d’appréciation de la Commission pour imputer la responsabilité par la marge d’appréciation en matière d’amendes.
86 La Commission considère que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal ne laisse pas de marge d’appréciation ou de pouvoir discrétionnaire à la Commission pour apprécier si les conditions sont réunies pour imputer à une société mère la responsabilité d’une infraction. La «marge d’appréciation» n’interviendrait qu’au stade où, lorsque la Commission est en mesure d’imputer la responsabilité d’une infraction à plusieurs sociétés d’un groupe, elle choisit de l’imputer à toutes les sociétés du groupe ou seulement à certaines d’entre elles.
– Appréciation de la Cour
87 Contrairement à ce que soutient la requérante, tant dans le cadre de la présente branche du cinquième moyen que dans celui du premier moyen soumis à la Cour, le Tribunal n’a pas consacré, aux points 97, 152, 167, 186 et 194 de l’arrêt attaqué, «un régime de responsabilité du fait d’autrui» dans le droit de la concurrence de l’Union.
88 À cet égard, il convient de rappeler, comme le Tribunal l’a, en substance, indiqué aux points 97, 152, 167 et 186 de l’arrêt attaqué, et ainsi qu’il résulte par ailleurs des points 53 à 55 du présent arrêt, que lorsqu’une société mère et sa filiale font partie d’une seule «entreprise», au sens de l’article 101 TFUE, c’est non pas nécessairement une relation d’instigation relative à l’infraction entre la société mère et la filiale, ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société mère, mais le fait que les sociétés concernées constituent une seule entreprise, au sens de l’article 101 TFUE.
89 En outre, il ressort du point 105 dudit arrêt que le Tribunal n’y a pas davantage reconnu le «pouvoir discrétionnaire pour imputer à une société la responsabilité des infractions par une autre société» critiqué par l’argumentation de la requérante exposée au point 84 du présent arrêt. En effet, audit point 105, le Tribunal a relevé pour l’essentiel que l’observation formulée au deux cent soixantième considérant de la décision litigieuse visait uniquement à écarter l’argument tiré de l’absence d’imputation, dans des décisions antérieures adressées à Atofina, du comportement de cette dernière à la société mère. En se bornant à relever, en substance, que la Commission ne prétendait pas jouir d’un pouvoir discrétionnaire dans les termes critiqués par la requérante devant lui, le Tribunal n’a pas affirmé, contrairement à ce que laisse entendre la requérante dans le cadre de la présente branche du cinquième moyen, qu’il existe en droit de l’Union de la concurrence «un régime de responsabilité du fait d’autrui».
90 L’argumentation exposée aux points 83 et 84 du présent arrêt repose dès lors sur des prémisses erronées et il y a lieu de la rejeter.
91 De même, il s’ensuit que, en tant que le reproche reproduit au point 85 du présent arrêt ne serait pas irrecevable pour manque de clarté, il conviendrait en tout état de cause de le rejeter, dans la mesure où il va de pair avec l’argumentation exposée aux points 83 et 84 du présent arrêt.
92 Dès lors, il y a lieu de rejeter la troisième branche du cinquième moyen.
Sur la quatrième branche du cinquième moyen selon laquelle la présomption de responsabilité enfreindrait le principe d’égalité de traitement
– Argumentation des parties
93 La requérante fait valoir une violation du principe d’égalité de traitement dans la mesure où le Tribunal aurait affirmé que la requérante et les autres sociétés mères visées dans la décision litigieuse avaient été traitées de manière analogue.
94 Selon la Commission, le simple fait que la décision litigieuse, outre sa référence à la présomption du contrôle exercé par la société mère sur ses filiales à 100 %, ait ajouté davantage d’indices à l’encontre de la société mère du groupe Akzo Nobel ne signifie pas que la Commission ou le Tribunal aient commis une discrimination contre la requérante. Cela signifierait simplement que les indices pour imputer la responsabilité d’une infraction à Akzo Nobel NV étaient plus «forts», sans que cela implique que les éléments permettant d’imputer à la requérante la responsabilité du comportement infractionnel d’Atofina soient insuffisants.
– Appréciation de la Cour
95 Ainsi qu’il a été rappelé au point 63 du présent arrêt, la requérante ne conteste en l’espèce ni la licéité de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante exposée aux points 56 et 57 de cet arrêt en tant que telle ni l’applicabilité de pareille présomption dans un cas où une société mère détient 98 % du capital de sa filiale.
96 Or, il ressort des points 56, 57 et 80 du présent arrêt que la mise en œuvre de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante n’est pas subordonnée à la production d’indices supplémentaires relatifs à l’exercice effectif d’une influence de la société mère (voir également, en ce sens, arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 62).
97 Dans ces conditions, le simple fait que la Commission disposait de tels indices supplémentaires en ce qui concerne certaines sociétés mères, et non d’autres, et les a mentionnés dans la décision litigieuse ne constitue pas un défaut légal que le Tribunal était tenu de sanctionner dans l’arrêt attaqué.
98 Il s’ensuit que la quatrième branche du cinquième moyen et donc ce moyen dans son intégralité doivent être rejetés.
Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense résultant de l’interprétation erronée des principes d’équité et d’égalité des armes
99 Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que le point 64 de l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit en ce que le Tribunal y méconnaît le principe d’égalité des armes. Ainsi qu’il ressort expressément du pourvoi lui-même, cette branche rejoint ainsi le reproche, soulevé dans le cadre du premier moyen soumis à la Cour, qui est exposé au point 32, premier tiret, du présent arrêt.
100 En substance, le deuxième moyen se subdivise en deux branches, qu’il convient de traiter ensemble.
Argumentation des parties
101 La première branche est tirée d’une méconnaissance des droits de la défense de la requérante dès le tout premier stade de la procédure.
102 Selon Elf Aquitaine, le Tribunal a nié, au regard des droits de la défense de celle-ci, toute valeur à l’enquête menée préalablement à l’envoi de la communication des griefs. Elle reproche au Tribunal d’avoir admis que le principe d’égalité des armes avait été respecté bien que la requérante ait été informée des soupçons qui pesaient contre elle pour la première fois lors de la communication des griefs.
103 Une telle méconnaissance des droits de la défense de la requérante dès le tout premier stade de la procédure administrative serait inadmissible pour trois raisons:
– tout d’abord, le caractère répressif des sanctions relevant de l’application de l’article 101 TFUE n’autoriserait pas le Tribunal à considérer qu’il suffisait que les garanties découlant de l’article 6 de la CEDH s’appliquent à partir de l’envoi de la communication des griefs, à l’exclusion de la phase préalable d’enquête;
– ensuite, le droit d’être à la fois informée et entendue dès le début de l’enquête s’imposait, selon la requérante, de manière renforcée dès lors qu’elle n’avait pas été impliquée dans l’infraction et en ignorait jusqu’à l’existence au moment où celle-ci a été commise, et
– enfin, n’étant pas avertie de l’enquête et étant informée pour la première fois seulement au stade de la communication des griefs des soupçons qui pesaient sur elle, la requérante n’aurait pas été à même de prendre les mesures nécessaires pour préparer utilement sa défense. À cet égard, le Tribunal n’aurait pas répondu aux arguments développés par la requérante au cours de la plaidoirie selon lesquels elle aurait pu laisser dépérir de possibles preuves de l’autonomie de sa filiale pendant les quatre années d’enquête ayant précédé la communication des griefs, ce qui aurait irrémédiablement affecté ses droits de la défense.
104 La Commission fait valoir que, comme, en l’occurrence, elle n’a pas procédé à des actes d’enquête à l’égard de la requérante, elle n’était donc pas tenue de communiquer à cette dernière ses soupçons dès l’enquête préalable.
105 Par ailleurs, la Commission soutient notamment que, en tout état de cause, même à supposer avérée la prétendue irrégularité invoquée par la requérante, encore faudrait-il examiner si une telle irrégularité a été de nature à affecter concrètement ses droits de la défense dans le cadre de la procédure litigieuse. Or, la possibilité pour la requérante de tenter de renverser la présomption en cause, ou de soutenir que cette présomption ne serait pas applicable, n’aurait en rien été affectée par le fait que ce n’est qu’à la réception de la communication des griefs qu’elle a pris connaissance des soupçons qui pesaient sur elle. Selon la Commission, la prétendue perte des éléments de preuve de l’autonomie de la filiale durant cette période ayant été seulement mentionnée lors de l’audience, l’argument tiré de celle-ci serait irrecevable. Par ailleurs, une telle prétention ne serait étayée d’aucun indice.
106 La seconde branche du deuxième moyen est tirée de la négation de la nécessité d’une enquête impartiale.
107 La requérante soutient, à cet égard, que le Tribunal a écarté la nécessité même pour la Commission de conduire une enquête préalable de manière impartiale.
108 Une telle négation est, de l’avis de la requérante, inadmissible dès lors que, en premier lieu, une enquête impartiale serait l’étape préalable réputée nécessaire pour permettre à la Commission d’adresser, le cas échéant, un acte de poursuite tel qu’une communication des griefs.
109 En second lieu, en niant la nécessité d’une telle enquête, le Tribunal a, selon la requérante, méconnu l’exigence de la conduite impartiale de l’enquête, exigence qui serait requise notamment par le principe d’égalité des armes. De par sa position, le Tribunal, en contravention avec le droit à un procès équitable et avec le principe d’égalité, se désengagerait de tout contrôle du caractère impartial de l’enquête. L’absence d’un tel contrôle par le Tribunal du caractère impartial de l’enquête de la Commission provient, selon la requérante, de la validation par le Tribunal de l’application de la présomption de responsabilité à l’encontre de la requérante dès le tout début de l’enquête, voire au moment où l’infraction a été dénoncée pour la toute première fois à la Commission.
110 À cet égard, la requérante fait valoir que le caractère nécessairement partial de l’enquête à son encontre résulte de la concentration, dans le chef de la direction générale de la concurrence au sein de la Commission, des trois pouvoirs distincts d’enquête, de poursuite et de décision. Selon elle, il ne pourrait être admis une telle confusion de pouvoirs dans le chef de la Commission compte tenu du caractère désormais clairement répressif des sanctions relevant de l’application de l’article 101 TFUE.
111 Pour sa part, la Commission considère que la requérante n’est pas parvenue à démontrer que le Tribunal a refusé de contrôler l’impartialité de son enquête. En ce qui concerne l’argumentation de la requérante tirée de la concentration de pouvoirs dans le chef de la Commission (voir point 110 du présent arrêt), cette dernière fait valoir à titre principal qu’elle est irrecevable et, à titre subsidiaire, qu’elle est, en tout état de cause, dépourvue de fondement.
Appréciation de la Cour
112 Selon une jurisprudence constante, et ainsi que cela est confirmé à l’article 6, paragraphe 3, TUE, les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect. La Cour a ainsi itérativement jugé que le respect des droits de la défense dans la conduite des procédures administratives en matière de politique de la concurrence constitue un principe général du droit de l’Union (voir, notamment, arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C-�534/07 P, Rec. p. I-�7415, point 26 ainsi que jurisprudence citée).
113 S’agissant d’une procédure d’application de l’article 81 CE, il ressort de la jurisprudence que la procédure administrative devant la Commission se subdivise en deux phases distinctes et successives dont chacune répond à une logique interne propre, à savoir une phase d’instruction préliminaire, d’une part, et une phase contradictoire, d’autre part. La phase d’instruction préliminaire, qui s’étend jusqu’à la communication des griefs, est destinée à permettre à la Commission de rassembler tous les éléments pertinents confirmant ou non l’existence d’une infraction aux règles de concurrence et de prendre une première position sur l’orientation ainsi que sur la suite ultérieure à réserver à la procédure. Pour sa part, la phase contradictoire, qui s’étend de la communication des griefs à l’adoption de la décision finale, doit permettre à la Commission de se prononcer définitivement sur l’infraction reprochée (voir notamment, en ce sens, arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C-�238/99 P, C-�244/99 P, C-�245/99 P, C-�247/99 P, C-�250/99 P à C-�252/99 P et C-�254/99 P, Rec. p. I-�8375, points 181 à 183, ainsi que Prym et Prym Consumer/Commission, précité, point 27).
114 S’agissant de la phase d’instruction préliminaire, la Cour a précisé que celle-ci a pour point de départ la date à laquelle la Commission, dans l’exercice des pouvoirs que lui a conférés le législateur de l’Union, prend des mesures impliquant le reproche d’avoir commis une infraction et entraînant des répercussions importantes sur la situation des entités suspectées (voir arrêts Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité, point 182, ainsi que du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C-�105/04 P, Rec. p. I-�8725, point 38).
115 Ce n’est qu’au début de la phase contradictoire administrative que l’entité concernée est informée, moyennant la communication des griefs, de tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure. Par conséquent, c’est seulement après l’envoi de la communication des griefs que l’entreprise concernée peut pleinement se prévaloir de ses droits de la défense (voir, en ce sens, arrêts Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité, points 315 et 316; Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, précité, point 47, ainsi que du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C-�407/04 P, Rec. p. I-�829, point 59).
116 Cela étant, les mesures d’instruction prises par la Commission au cours de la phase d’instruction préliminaire, en particulier les mesures de vérification et les demandes de renseignements, peuvent, dans certaines situations, impliquer par nature le reproche d’une infraction aux règles de l’Union en matière de la concurrence et sont susceptibles d’avoir des répercussions importantes sur la situation des entités concernées.
117 Il importe, dès lors, d’éviter que les droits de la défense puissent être irrémédiablement compromis au cours de cette phase de la procédure administrative dès lors que les mesures d’instruction prises peuvent avoir un caractère déterminant pour l’établissement de preuves du caractère illégal de comportements d’entreprises de nature à engager leur responsabilité (voir, en ce sens, arrêts du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission, 46/87 et 227/88, Rec. p. 2859, point 15, ainsi que du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-�204/00 P, C-�205/00 P, C-�211/00 P, C-�213/00 P, C-�217/00 P et C-�219/00 P, Rec. p. I-�123, point 63).
118 Ainsi, s’agissant de l’observation d’un délai raisonnable, la Cour a jugé, en substance, que l’appréciation de la source d’éventuelles entraves à l’exercice efficace des droits de la défense ne doit pas être limitée à la phase contradictoire de la procédure administrative, mais doit s’étendre à l’ensemble de cette procédure en se référant à la durée totale de celle-ci (voir, en ce sens, arrêts Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, précité, points 49 et 50, ainsi que du 21 septembre 2006, Technische Unie/Commission, C-�113/04 P, Rec. p. I-�8831, points 54 et 55).
119 Des considérations similaires s’appliquent à la question de savoir si, et dans quelle mesure, la Commission est tenue de fournir à l’entité concernée, dès le stade de la phase d’instruction préliminaire, certains éléments d’information sur l’objet et le but de l’instruction, qui la mettraient en mesure de préserver l’efficacité de sa défense dans le cadre de la phase contradictoire.
120 Cela ne veut cependant pas dire que la Commission, dès avant la première mesure prise à l’égard d’une entité donnée, est tenue, en toute hypothèse, d’avertir cette entité de la possibilité même des mesures d’instruction ou des poursuites fondées sur le droit de l’Union de la concurrence, surtout si, de par un tel avertissement, l’efficacité de l’enquête de la Commission risquerait d’être indûment compromise (voir, en ce sens, arrêt Dalmine/Commission, précité, point 60).
121 En outre, la Cour a déjà jugé que le principe de la responsabilité personnelle ne s’oppose pas à ce que la Commission envisage d’abord de sanctionner la société auteur d’une infraction aux règles de la concurrence avant d’explorer si, éventuellement, l’infraction peut être imputée à sa société mère (voir arrêt du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C-�125/07 P, C-�133/07 P, C-�135/07 P et C-�137/07 P, Rec. p. I-�8681, point 82).
122 Ainsi, pour autant que le destinataire d’une communication des griefs soit mis en mesure de faire utilement connaître son point de vue au cours de la procédure contradictoire administrative sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués par la Commission, cette dernière n’est pas par principe tenue, contrairement à ce que soutient la requérante, d’adresser une mesure d’enquête à ce destinataire préalablement à l’envoi de la communication des griefs.
123 Cette conclusion ne saurait être remise en cause en l’espèce par les arguments exposés aux points 109 et 110 du présent arrêt.
124 En effet, l’argument figurant au point 110 du présent arrêt doit être considéré comme irrecevable, pour identité de motifs avec ceux figurant aux points 35 et 51 de cet arrêt.
125 De même, quant à l’argumentation exposée au point 109 du présent arrêt, s’il est vrai qu’il ressort du dossier soumis au Tribunal que la requérante a fait état devant ce dernier de l’absence de toute mesure d’enquête préalable prise directement à son égard, il n’en ressort cependant pas que la requérante lui a demandé de sanctionner un prétendu caractère partial de l’instruction de l’affaire par la Commission ou ladite absence de mesure d’enquête en tant que telle.
126 Il s’ensuit que l’argumentation exposée audit point 109 doit être rejetée comme irrecevable en application de la jurisprudence exposée au point 35 du présent arrêt.
127 Pour ce qui concerne l’argument exposé au premier tiret du point 103 du présent arrêt, il suffit de relever que celui-ci porte sur une considération que le Tribunal n’a pas émise ou laissé entendre, dans l’arrêt attaqué, de sorte qu’il y a lieu de le rejeter.
128 Ensuite, en ce qui concerne l’argumentation exposée au deuxième tiret du point 103 du présent arrêt, il résulte des points 88 et 121 du présent arrêt que la responsabilité personnelle ne s’oppose pas à ce que la Commission, après avoir envisagé, dans un premier temps, de sanctionner la société auteur d’une infraction aux règles de la concurrence, explore si, éventuellement, l’infraction peut être imputée à sa société mère.
129 En ce qui concerne, enfin, l’argumentation figurant au troisième tiret du point 103 du présent arrêt, même à supposer que celle-ci soit, nonobstant la jurisprudence exposée au point 35 du présent arrêt, recevable en tant qu’elle est issue d’une ampliation lors de l’audience devant le Tribunal d’un moyen énoncé dans la requête introductive de première instance, force est de constater qu’il s’agit de simples affirmations qui ne sont étayées par aucun élément concret.
130 Cette argumentation générale, abstraite et non circonstanciée, ne serait pas finalement de nature à établir en l’occurrence la réalité d’une violation des droits de la défense, laquelle doit être examinée en fonction de circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce (voir, par analogie, arrêt Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, précité, points 52 à 61).
131 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.
Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs de droit sur l’obligation de motivation
Sur la première branche du troisième moyen, tirée d’une erreur de droit sur la notion de motivation et d’une inexactitude matérielle des constatations du Tribunal en ce que ce dernier a considéré comme suffisante la motivation succincte de la décision litigieuse
Argumentation des parties
132 Par la première branche de son troisième moyen, la requérante fait valoir, en premier lieu, que le Tribunal s’est à tort fondé sur une conception erronée de l’obligation de motivation.
133 Elf Aquitaine estime que le Tribunal aurait dû constater que la motivation de la décision litigieuse portant sur son imputabilité de l’infraction en cause était insuffisante pour lui permettre de savoir si cette décision était bien fondée ou si elle était éventuellement entachée de vices sur le fond ou sur la forme.
134 Contrairement à ce que le Tribunal a jugé aux points 81, 82 et 89 de l’arrêt attaqué, il ne suffisait pas en l’occurrence, selon la requérante, qu’elle puisse comprendre de la décision litigieuse simplement que la Commission lui reprochait d’exercer une influence déterminante sur la politique commerciale d’Atofina. Au contraire, la décision litigieuse n’étant pas, à la différence de la communication des griefs, un acte préparatoire, sa motivation aurait dû être suffisamment précise pour permettre, d’une part, à la requérante de connaître les raisons pour lesquelles cette décision avait été prise et d’évaluer son argumentation afin de décider d’introduire ou non un recours et, d’autre part, au Tribunal d’exercer son contrôle de légalité si la décision litigieuse devait lui être déférée.
135 En effet, selon Elf Aquitaine, cette motivation devait être d’autant plus précise que i) la requérante n’avait pas été avertie des poursuites menées contre elle avant de recevoir la communication des griefs; ii) ces poursuites se fondaient exclusivement sur une présomption de responsabilité non confortée par le moindre élément factuel concret et qui s’est révélée impossible à renverser; iii) la Commission s’éloignait de sa pratique décisionnelle habituelle, et iv) la décision litigieuse aboutissait à remettre en cause plusieurs droits fondamentaux de la requérante.
136 S’agissant du troisième argument énuméré au point précèdent, sous iii), du présent arrêt, la requérante fait notamment valoir que la Commission a reconnu, au cinq cent soixante-quatorzième considérant du résumé de sa décision du 1er octobre 2008 relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité instituant la Communauté européenne et de l’article 53 de l’accord EEE (COMP/C.39181 – Cires pour bougies) (résumé publié au JO 2009, C 295, p. 17) que la décision litigieuse marque une rupture par rapport à sa pratique décisionnelle antérieure, notamment à l’égard de la requérante. À cet égard, celle-ci renvoie également à la décision peroxydes organiques (citée au point 22 du présent arrêt) dans laquelle, dans des circonstances très similaires à celles de l’espèce, elle ne se serait vu adresser aucun grief pour le comportement collusoire de sa filiale, Atofina.
137 Elf Aquitaine fait valoir, en second lieu, que le constat par le Tribunal du caractère suffisant de la motivation de la décision litigieuse repose sur des constatations factuelles matériellement inexactes, dans la mesure où cette motivation serait non pas seulement succincte, mais, selon la requérante, insuffisante, voire totalement absente.
138 D’une part, la décision litigieuse n’aurait apporté aucune réponse à certains arguments spécifiques soulevés comme suite à la communication des griefs.
139 D’autre part, la Commission se serait contentée, dans la décision litigieuse, d’écarter en bloc et sans explication les autres arguments de la requérante, de façon générale et indiscriminée. Par exemple, la Commission n’indiquerait pas quels documents parmi ceux qui lui étaient soumis ne fourniraient, à ses yeux, «qu’un aperçu général de la gestion commerciale».
140 Dès lors, selon la requérante, le Tribunal aurait dû annuler la décision litigieuse pour défaut de motivation.
141 La Commission considère, tout d’abord, que la présente branche doit être déclarée irrecevable, dès lors qu’elle n’identifierait pas de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt attaqué ou les arguments juridiques invoqués à l’appui de cette branche.
142 Elle soutient, ensuite, que la jurisprudence et la pratique décisionnelle de la Commission en matière de responsabilité des sociétés mères étaient bien connues dès le début de la procédure ayant mené à la décision litigieuse.
143 Selon la Commission, bien qu’il ne semble pas y avoir, du point de vue des faits pertinents, d’importantes différences objectives entre la procédure ayant mené à la décision litigieuse et celle à l’origine de la décision peroxydes organiques, la différence d’approche de la Commission dans la décision litigieuse pourrait s’expliquer, d’une part, par le fait que l’arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission (T-�203/01, Rec. p. II-�4071), s’interpose entre la date de la communication des griefs afférente à la décision peroxydes organiques et la date de la communication des griefs afférente à la décision litigieuse et, d’autre part, par un changement d’approche de la part de la Commission autour des années 2002 et 2003.
Appréciation de la Cour
144 Selon une jurisprudence constante, il résulte des articles 256 TFUE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (voir, notamment, arrêt du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C-�407/08 P, non encore publié au Recueil, point 43 et jurisprudence citée).
145 Contrairement à l’affirmation de la Commission exposée au point 141 du présent arrêt, la présente branche satisfait aux exigences de cette jurisprudence et elle est recevable.
146 Quant au fond, il convient de rappeler d’emblée que l’obligation de motivation prévue à l’article 253 CE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-�fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C-�367/95 P, Rec. p. I-�1719, point 67, ainsi que du 22 mars 2001, France/Commission, C-�17/99, Rec. p. I-�2481, point 35).
147 Dans cette perspective, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêts précités France/Commission, point 35, et Deutsche Telekom/Commission, point 130).
148 Ainsi, dans le cadre des décisions individuelles, il ressort d’une jurisprudence constante que l’obligation de motiver une décision individuelle a pour but, outre de permettre un contrôle judiciaire, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (voir notamment, en ce sens, arrêts du 2 octobre 2003, Corus UK/Commission, C-�199/99 P, Rec. p. I-�11177, point 145, ainsi que du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-�189/02 P, C-�202/02 P, C-�205/02 P à C-�208/02 P et C-�213/02 P, Rec. p. I-�5425, point 462).
149 La motivation doit donc, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que la décision lui faisant grief. L’absence de motivation ne saurait être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de la décision au cours de la procédure devant les instances de l’Union (voir arrêts du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, point 22; du 26 septembre 2002, Espagne/Commission, C-�351/98, Rec. p. I-�8031, point 84; du 29 avril 2004, IPK-München et Commission, C-�199/01 P et C-�200/01 P, Rec. p. I-�4627, point 66, ainsi que Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 463).
150 Il est de jurisprudence constante que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, notamment, arrêts Commission/Sytraval et Brink’s France, précité, point 63; du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C-�413/06 P, Rec. p. I-�4951, points 166 et 178, ainsi que Deutsche Telekom/Commission, précité, point 131).
151 Il ressort également de la jurisprudence que la motivation d’un acte doit cependant être logique, ne présentant notamment pas de contradiction interne entravant la bonne compréhension des raisons sous-tendant cet acte (voir, par analogie, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, précité, point 169 ainsi que jurisprudence citée).
152 Lorsque, comme en l’espèce, une décision d’application des règles de l’Union en matière du droit de la concurrence concerne une pluralité de destinataires et porte sur l’imputabilité de l’infraction, elle doit comporter une motivation suffisante à l’égard de chacun de ses destinataires, particulièrement de ceux d’entre eux qui, aux termes de cette décision, doivent supporter la charge de cette infraction. Ainsi, à l’égard d’une société mère tenue pour responsable du comportement infractionnel de sa filiale, une telle décision doit, en principe, contenir un exposé circonstancié des motifs de nature à justifier l’imputabilité de l’infraction à cette société (voir, par analogie, arrêt du 2 octobre 2003, Aristrain/Commission, C-�196/99 P, Rec. p. I-�11005, points 93 à 101).
153 S’agissant plus particulièrement d’une décision de la Commission qui s’appuie de manière exclusive, à l’égard de certains destinataires, sur la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante, il y a lieu de constater que la Commission est en tout état de cause – sous peine de rendre cette présomption, dans les faits, irréfragable – tenue d’exposer de manière adéquate à ces destinataires les raisons pour lesquelles les éléments de fait et de droit invoqués n’ont pas suffi à renverser ladite présomption. Le devoir de la Commission de motiver ses décisions sur ce point résulte notamment du caractère réfragable de ladite présomption, dont le renversement requerrait des intéressés de produire une preuve portant sur les liens économiques, organisationnels et juridiques entre les sociétés concernées.
154 Cela étant, il convient de rappeler que la Commission n’est pourtant pas tenue dans un tel contexte de prendre position sur des éléments qui sont manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires (voir, par analogie, arrêts Commission/Sytraval et Brink’s France, précité, point 64; du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C-�341/06 P et C-�342/06 P, Rec. p. I-�4777, point 89, ainsi que Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, précité, point 167).
155 Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que, si une décision de la Commission se plaçant dans la ligne d’une pratique décisionnelle constante peut être motivée d’une manière sommaire, notamment par une référence à cette pratique, lorsqu’elle va sensiblement plus loin que les décisions précédentes, il incombe à la Commission de développer son raisonnement d’une manière explicite (voir, notamment, arrêts du 26 novembre 1975, Groupement des fabricants de papiers peints de Belgique e.a./Commission, 73/74, Rec. p. 1491, point 31, ainsi que du 11 décembre 2008, Commission/Département du Loiret, C-�295/07 P, Rec. p. I-�9363, point 44).
156 Par la présente branche du troisième moyen, la requérante soutient, pour l’essentiel, que le Tribunal aurait dû sanctionner une insuffisance de motivation entachant la décision litigieuse en tant que celle-ci concerne la requérante.
157 Ainsi qu’il ressort du point 87 de l’arrêt attaqué et des éléments du dossier soumis au Tribunal, les arguments avancés par la requérante en réponse à la communication des griefs afin de renverser la présomption appliquée par la Commission sont énumérés, de manière succincte, au deux cent cinquante-septième considérant de la décision litigieuse. La prise de position de la Commission à l’égard de ces éléments figure aux deux cent cinquante-huitième à deux cent soixante et unième considérants de cette décision.
158 Au regard de ces considérants, le Tribunal, ayant exposé l’essentiel du deux cent cinquante-huitième considérant de ladite décision au point 85 de l’arrêt attaqué, constate, au point suivant, que «bien que la Commission ait explicitement affirmé, [audit considérant], que la détention de 98 % du capital était suffisante pour imputer la responsabilité des actions d’Atofina à Elf Aquitaine, elle a néanmoins précisé, dans la suite dudit considérant, que les preuves apportées par la requérante ne permettaient pas de renverser la présomption».
159 S’il est vrai qu’aux deux cent cinquante-neuvième à deux cent soixante et unième considérants de la décision litigieuse, la Commission répond à certains des arguments soulevés par la requérante devant elle, il n’en demeure pas moins que ces considérants ne répondent pas à plusieurs autres arguments pour lesquels la seule prise de position figurant dans la décision litigieuse est constituée par ledit deux cent cinquante-huitième considérant. Conformément à la jurisprudence exposée aux points 54 à 58 du présent arrêt, ces arguments portaient en particulier sur des aspects économiques, organisationnels et juridiques en vue de démontrer que, à l’époque des faits en cause, Atofina déterminait de façon autonome son comportement sur le marché et n’appliquait pas pour l’essentiel les instructions qui lui étaient données par sa société mère.
160 En substance, il s’agit des arguments suivants:
– Elf Aquitaine ne serait qu’une «holding pure» sans fonctions opérationnelles, au sein d’un groupe caractérisé par une gestion décentralisée de ses filiales;
– la gestion de l’activité d’Atofina sur le marché n’aurait pas été subordonnée aux instructions d’Elf Aquitaine;
– Atofina n’aurait pas informé Elf Aquitaine de son action sur le marché;
– Atofina disposerait du pouvoir de contracter sans autorisation préalable d’Elf Aquitaine;
– Atofina disposerait d’une autonomie financière par rapport à Elf Aquitaine;
– Atofina aurait toujours défini sa stratégie juridique de manière autonome, et
– la perception des tiers.
161 Certes, ainsi qu’il ressort des points 150 et 154 du présent arrêt, et ainsi que l’indique le Tribunal au point 90 de l’arrêt attaqué, la Commission n’est pas nécessairement tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés.
162 Toutefois, il ressort également du point 150 du présent arrêt que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce.
163 Selon la requérante, la décision litigieuse et la procédure dans laquelle elle s’insère sont caractérisées en particulier par la circonstance selon laquelle ladite décision, notamment en s’appuyant à l’égard de la requérante uniquement sur une présomption de responsabilité pour les actions de sa filiale, sans apporter d’éléments complémentaires tendant à démontrer une immixtion dans le comportement commercial de cette filiale, s’est éloignée de la pratique décisionnelle habituelle de la Commission.
164 À cet égard, la Commission soutient que la jurisprudence et sa pratique décisionnelle en matière de responsabilité des sociétés mères étaient bien connues dès le début de la procédure ayant mené à la décision litigieuse. Toutefois, dans ses mémoires, elle indique que «la pratique de la Commission quant à l’utilisation de la présomption basée sur la détention de la totalité du capital n’était pas toujours identique». En outre, si la Commission affirme avoir décidé, «autour de 2002-2003», d’appliquer une telle présomption de manière plus systématique, elle ne renvoie à aucune décision ou autre document qui ferait ressortir un tel changement d’approche. Par ailleurs, elle n’aborde pas directement l’affirmation de la requérante selon laquelle le cinq cent soixante-quatorzième considérant de la décision du 1er octobre 2008 citée au point 136 du présent arrêt aurait reconnu que la décision litigieuse marque une rupture par rapport à la pratique décisionnelle antérieure, notamment à l’égard de la requérante.
165 Il est en tout état de cause constant en l’espèce, ainsi qu’il résulte notamment des points 136 et 143 du présent arrêt, que, dans la décision peroxydes organiques, la requérante ne s’est pas vu infliger conjointement et solidairement avec sa filiale une amende afférente au comportement infractionnel de cette dernière, alors qu’il apparaît qu’il n’existe pas de différences objectives, de la perspective de la requérante du moins, concernant les liens entre elle et sa filiale dans les deux cas.
166 La décision litigieuse et la procédure dans laquelle elle s’insère sont en outre caractérisées par les circonstances suivantes:
– dès lors que l’amende afférente au comportement infractionnel d’Atofina est infligée conjointement et solidairement à cette dernière et à la requérante, un facteur multiplicateur plus important est utilisé pour le calcul du montant de départ de l’amende, de sorte que le montant final de celle-ci est susceptible d’être beaucoup plus élevé que dans le cas où seule la filiale serait destinataire d’une amende;
– l’amende est infligée à la requérante sur l’unique fondement d’une «présomption selon laquelle Elf Aquitaine est responsable des actes de sa filiale Atofina», présomption qui n’est pas nécessairement identique dans son application à la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante, exposée aux points 56 et 57 du présent arrêt;
– ainsi qu’il ressort de la partie du présent arrêt consacrée au deuxième moyen, la requérante n’a été formellement avertie de la possibilité de se voir imputer la responsabilité du comportement infractionnel de sa filiale qu’au stade de la communication des griefs, soit quatre années après le début des enquêtes de la Commission;
– en réponse à la communication des griefs, la requérante, ainsi qu’il ressort du dossier devant le Tribunal, a apporté toute une série d’arguments, s’appuyant notamment sur la jurisprudence de l’Union, sur la pratique décisionnelle de la Commission et sur certains documents joints en annexe.
167 Dans ces conditions, ainsi qu’il découle des points 146 à 155 du présent arrêt, et en particulier des points 148, 152, 153 et 155 de celui-ci, il incombait au Tribunal, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, en particulier le changement d’approche – non contesté dans la présente procédure – envers la requérante entre la décision peroxydes organiques et la décision litigieuse, de porter une attention particulière à la question de savoir si cette dernière décision contient un exposé circonstancié des raisons pour lesquelles la Commission considérait que les éléments présentés par la requérante n’étaient pas suffisants pour renverser la présomption appliquée dans cette décision.
168 Or, ainsi qu’il ressort du point 85 de l’arrêt attaqué, le deux cent cinquante-huitième considérant de la décision litigieuse, lequel est la seule prise de position de la Commission correspondant aux arguments énumérés au point 160 du présent arrêt, ne consiste qu’en une série de simples affirmations et négations, répétitives et nullement circonstanciées. Dans les circonstances particulières de l’espèce, en l’absence de précisions complémentaires, cette série d’affirmations et de négations n’est pas de nature à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise ou à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Par exemple, à cause de la formulation dudit considérant, il apparaît très difficile, voire impossible, de savoir en particulier si le faisceau d’indices apporté par la requérante en vue de renverser la présomption qui lui est appliquée par la Commission a été rejeté parce qu’il n’emportait pas la conviction ou parce que, aux yeux de la Commission, le simple fait que la requérante détienne 98 % du capital dans Atofina suffisait pour imputer la responsabilité des actions d’Atofina à la requérante, quels que soient les indices fournis par cette dernière en réponse à la communication des griefs.
169 Dès lors, le deux cent cinquante-huitième considérant de la décision litigieuse ne saurait être interprété comme motivant à suffisance de droit la position de la Commission sur plusieurs arguments détaillés de la requérante.
170 Eu égard à ce qui précède, il échet de constater que, dans les circonstances particulières de l’espèce, le Tribunal, compte tenu de la jurisprudence exposée aux points 147 à 155 du présent arrêt, a commis une erreur de droit en considérant, au point 91 de l’arrêt attaqué, que la décision litigieuse était conforme à l’article 253 CE et en ne sanctionnant pas un défaut de motivation entachant la décision litigieuse en ce qu’elle concerne l’amende infligée à la requérante.
171 Il s’ensuit que la première branche du troisième moyen est fondée.
Sur la seconde branche du troisième moyen ainsi que sur les quatrième et sixième moyens
172 Pour l’essentiel, la seconde branche du troisième moyen est tirée du caractère incompréhensible et circulaire de certains éléments du raisonnement du Tribunal.
173 Par son quatrième moyen, la requérante fait valoir que, aux points 160 et suivants de l’arrêt attaqué, le Tribunal a outrepassé les limites de son contrôle de légalité en substituant sa propre motivation à celle, insuffisante, de la Commission.
174 Ainsi qu’il ressort du point 27 du présent arrêt, le sixième moyen est soulevé à titre subsidiaire.
175 Eu égard à la réponse donnée à la première branche du troisième moyen, il n’y a pas lieu d’examiner la seconde branche de celui-ci ni les quatrième ou sixième moyens.
176 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le pourvoi et d’annuler l’arrêt attaqué.
Sur le recours devant le Tribunal
177 Conformément à l’article 61, premier alinéa, seconde phrase, du statut de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer définitivement sur le litige lorsque celui-ci est en état d’être jugé. Tel est le cas en l’espèce.
178 Ainsi qu’il ressort du point 9 du présent arrêt, le deuxième moyen soulevé devant le Tribunal est tiré d’une insuffisance de motivation. Par ce moyen, la requérante fait valoir, en substance, une insuffisance de motivation entachant la décision litigieuse en tant que celle-ci lui impute la responsabilité du comportement infractionnel de sa filiale sur le seul fondement du niveau de détention du capital de cette dernière, sans autre explication.
179 Compte tenu des développements figurant aux points 144 à 171 du présent arrêt, dans le cadre de la première partie du troisième moyen du pourvoi, ledit deuxième moyen soulevé devant le Tribunal doit être considéré comme fondé.
180 Il y a lieu, dès lors, d’annuler la décision litigieuse en tant qu’elle impute à la requérante, sans motivation adéquate aux circonstances particulières de l’espèce, l’infraction en question et lui applique une amende.
181 Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’aborder les autres moyens du recours devant le Tribunal.
Sur les dépens
182 L’article 122, premier alinéa, du règlement de procédure prévoit que, lorsque le pourvoi n’est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.
183 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’article 69, paragraphe 3, premier alinéa, de ce même règlement prévoit toutefois que la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.
184 Tant la requérante que la Commission ayant partiellement succombé sur certains chefs dans le cadre du pourvoi, il convient de décider qu’elles supportent leurs propres dépens liés à cette procédure.
185 En revanche, en ce qui concerne les dépens afférents au recours en première instance, la Commission ayant en définitive succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens de la procédure de première instance, la requérante ayant conclu en ce sens.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:
1) L’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 30 septembre 2009, Elf Aquitaine/Commission (T-�174/05), est annulé.
2) La décision C(2004) 4876 final de la Commission, du 19 janvier 2005, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/E-�1/37.773 – AMCA), est annulée en tant qu’elle impute à Elf Aquitaine SA l’infraction en question et lui applique une amende.
3) Elf Aquitaine SA et la Commission européenne supportent chacune leurs propres dépens afférents au présent pourvoi.
4) La Commission européenne est condamnée aux dépens de la première instance.
Signatures
* Langue de procédure: le français.