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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Danfoss and Sauer-Danfoss (Taxation) French Text [2011] EUECJ C-94/10 (24 March 2011)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2011/C9410_O.html

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AVIS JURIDIQUE IMPORTANT: The source of this judgment is the web site of the Court of Justice of the European Communities. The information in this database has been provided free of charge and is subject to a Court of Justice of the European Communities disclaimer and a copyright notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.



CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 24 mars 2011(1)

Affaire C-94/10

Danfoss A/S

Sauer-Danfoss ApS

contre

Skatteministeriet


(demande de décision préjudicielle formée par le Vestre Landsret [Danemark])

«Impôts indirects – Droit d’accise national prélevé en méconnaissance du droit de l’Union – Répercussion de la taxe par le contribuable sur ses clients – Demandes de restitution et/ou de dommages et intérêts exercées contre l’État par la personne assumant la charge économique»





I –    Introduction

1.        Un État membre, qui a prélevé des impôts en méconnaissance du droit de l’Union, est tenu, en principe, de les restituer au contribuable. Cette règle résulte d’une jurisprudence constante. Il reste cependant à déterminer si, selon le droit de l’Union, la personne, qui a dû supporter, en définitive, la charge économique de l’impôt en raison du fait que le contribuable a répercuté sur elle ledit impôt, par exemple, par l’intermédiaire du prix d’achat, peut disposer, elle aussi, d’un recours direct contre l’État.

2.        Dans la présente affaire, le Vestre Landsret danois demande à la Cour de répondre à cette question. Le Landsret est appelé à statuer sur des recours introduits contre le ministère du Trésor danois, et par lesquels deux entreprises industrielles réclament le remboursement des droits d’accise que le Danemark a prélevées jusqu’au mois de novembre 2001 sur les lubrifiants et huiles hydrauliques, bien que le droit de l’Union prévoyait une exonération du droit d’accise harmonisé pour les huiles minérales utilisées autrement que comme carburant de moteur ou comme combustible. Les entreprises pétrolières, auprès desquelles cette accise avait été prélevée, ont répercuté cette dernière sur les requérantes par l’intermédiaire du prix d’achat.

II – Cadre juridique

A –    Droit de l’Union

1.      La directive sur l’accise

3.        La directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise  (2) (ci-après la «directive sur l’accise») fixe, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, le régime des produits soumis à accise et autres impositions indirectes frappant directement ou indirectement la consommation de ces produits, à l’exclusion de la Taxe sur la valeur ajoutée et des impositions établies par la Communauté. Selon le paragraphe 2 de cette disposition, les dispositions particulières portant sur les structures et les taux des droits des produits soumis à accise figurent dans des directives spécifiques.

4.        L’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive sur l’accise dispose ce qui suit:

«1. La présente directive est applicable, au niveau communautaire, aux produits suivants tels que définis dans les directives y afférentes

- les huiles minérales,

- l’alcool et les boissons alcooliques,

- les tabacs manufacturés.

2. Les produits mentionnés au paragraphe 1 peuvent faire l’objet d’autres impositions indirectes poursuivant des finalités spécifiques, à condition que ces impositions respectent les règles de taxation applicables pour les besoins des accises ou de la taxe sur la valeur ajoutée pour la détermination de la base d’imposition, le calcul, l’exigibilité et le contrôle de l’impôt».

2.      La directive relative aux accises sur les huiles minérales

5.        L’article premier, paragraphe 1, de la directive 92/81/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur les huiles minérales (3) (ci-après la «directive relative aux accises sur les huiles minérales») dispose que les États membres appliquent aux huiles minérales une accise harmonisée conformément à la présente directive

6.        L’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), de ladite directive est ainsi libellé:

«Outre les dispositions générales de la directive 92/12/CEE concernant les utilisations exonérées de produits soumis à accises et sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent les produits suivants de l’accise harmonisée, selon les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et claire de ces exonérations et d’empêcher la fraude, l’évasion ou les abus:

a) les huiles minérales utilisées autrement que comme carburant ou combustible

b) les huiles minérales fournies en vue d’une utilisation comme carburant pour la navigation aérienne autre que l’aviation de tourisme privée».

B –    Le droit danois

7.        Au Danemark, la loi n° 1029 du 19 décembre 1992, relative à la taxation des huiles minérales (ci après «loi THM»), a institué une accise sur les lubrifiants et huiles hydrauliques.

8.        En vertu de l’article premier, alinéa premier, point 12 de ladite loi, dans sa version pertinente pour le litige au principal, les lubrifiants et huiles hydrauliques (ci-après ensemble «lubrifiants») ont été frappés d’un droit d’accise au taux de 1,78 DKK par litre (ci-après «accise sur les lubrifiants»).

9.        Les entreprises pétrolières étaient redevables de l’accise sur les lubrifiants. Lors de l’introduction de l’accise, l’exposé des motifs de la loi THM précisait notamment:

«Les entreprises pétrolières pourront vraisemblablement répercuter cette accise. La plupart des huiles soumises à cette accise sont utilisées par des entreprises pour lesquelles les moyens de la répercuter sont variables.»

10.      Il était en outre précisé, dans l’exposé des motifs, que cette accise allait «contribuer à promouvoir une utilisation plus raisonnable des produits pétroliers, ce qui aura un effet bénéfique pour l’environnement».

11.      Prenant acte de l’arrêt Braathens (4), le Danemark a supprimé l’accise sur les lubrifiants par la loi n° 395 du 6 juin 2002, avec effet rétroactif au 1er décembre 2001. Dans cet arrêt, la Cour avait déclaré, en ce qui concerne la perception d’une taxe de protection de l’environnement, prélevée en Suède sur la consommation de carburant dans le trafic aérien commercial intérieur, que permettre aux États membres de frapper d’une autre imposition indirecte des produits qui sont exonérés de l’accise harmonisée priverait de tout effet utile l’article 8, paragraphe 1, sous b), de la directive relative aux accises sur les huiles minérales. Une telle taxe ne pouvait donc pas être fondée sur l’article 3, paragraphe 2, de la directive sur l’accise.

12.      Il résulte de la demande de décision préjudicielle que, dans le cadre de l’examen du projet de loi, le ministre du Trésor danois a expliqué à la commission des finances du Folketing (5) n’avoir aucun doute quant à l’incompatibilité de l’accise sur les lubrifiants avec le droit de l’Union.

13.      Après l’adoption de cette loi, l’administration des douanes et des impôts a publié des lignes directrices relatives aux demandes de remboursement de l’accise perçue illégalement (circulaire n° 80 du ministère du Trésor, du 15 juillet 2002, sur le remboursement du droit d’accise sur les lubrifiants, etc.). Sur la question des bénéficiaires du droit à restitution, ces lignes directrices précisaient au point 3.1:

«Sont admises au bénéfice du remboursement, au premier échelon de la distribution, les entreprises devant être considérées comme des ayants droit du fait de l’abrogation de la loi. Il s’agit d’entreprises qui se sont acquittées d’impôts et qui n’ont pas répercuté ces derniers sur leurs clients.

La question du remboursement à d’autres agents économiques sera réglée suivant le régime général de responsabilité administrative».

III – Faits et questions préjudicielles

14.      Danfoss A/S (ci-après «Danfoss«) produit des appareils de réfrigération, de chauffage et de contrôle industriel pour l’industrie. Elle utilise les lubrifiants tant lors de la fabrication de ces appareils que pour les transmetteurs, afin éviter les surchauffes et la destruction de tours et appareils de coupe.

15.      Elle a acheté les lubrifiants ainsi utilisés entre le 1er janvier 1995 et le 30 novembre 2001 auprès de différentes sociétés pétrolières danoises qui se sont acquitté auprès de l’État danois du droit d’accise sur les lubrifiants conformément à la loi THM.

16.      Il ne fait aucun doute que les sociétés pétrolières ont répercuté sur Danfoss l’accise sur les lubrifiants frappant les lubrifiants achetés par Danfoss. Le montant s’élève à 6 108 054 DKK.

17.      Danfoss a revendu une partie des lubrifiants à Sauer-Danfoss Aps (ci-après «Sauer-Danfoss») qui utilisait également ces huiles en tant que moyen dans son procédé de production.

18.      Dans la procédure au principal, Danfoss a expliqué que l’accise sur les lubrifiants représentait un montant de 1 686 096 DKK du prix des lubrifiants revendus à Sauer-Danfoss. Mise à part cette revente à Sauer-Danfoss, il ressort des affirmations de Danfoss et de Sauer-Danfoss que ni l’une ni l’autre des ces sociétés n’a répercuté l’accise sur les lubrifiants sur les entreprises en aval. Le gouvernement danois conteste ce point.

19.      Les sociétés pétrolières n’ont réclamé aucun remboursement de l’accise sur les lubrifiants pour les lubrifiants vendus à Danfoss.

20.      Danfoss et Sauer-Danfoss ont en revanche réclamé aux autorités fiscales le remboursement de montants s’élevant respectivement à 6 108 054 et à 1 686 096 DKK

21.      Le montant répercuté sur Sauer-Danfoss est compris dans le montant réclamé par Danfoss. Les deux entreprises sont convenues de ce que, si Danfoss obtenait la totalité du montant réclamé, elle verserait à Sauer-Danfoss le montant de 1 686 096 DKK, laquelle retirerait dans ce cas sa réclamation à l’encontre du ministère. La réclamation présentée par cette dernière auprès du ministère a donc un caractère subsidiaire par rapport à celle de Danfoss.

22.      Les autorités fiscales ont refusé le remboursement. Au titre des motifs allégués, elles ont fait valoir qu’il n’existait aucun droit au remboursement, les entreprises n’ayant versé directement aucune accise sur les lubrifiants à l’État, et que, par conséquent, le droit au remboursement devait être apprécié selon les conditions générales de responsabilité du droit danois. Or, ces conditions n’étaient pas remplies.

23.      Sur le fondement de la responsabilité, les autorités fiscales ont fait valoir que, pour la période allant jusqu’à l’arrêt Braathens, lequel a précisé le rapport entre la directive sur l’accise et la directive relative aux accises sur les huiles minérales, l’incompatibilité de l’accise sur les lubrifiants avec le droit de l’Union n’était pas à ce point évidente que le fait de percevoir cette taxe était de nature à engager la responsabilité de l’État. Pour ce qui est de la période postérieure à cet arrêt, il convient de considérer comme n’étant pas caractérisée la perte subie par un acteur postérieur au contribuable dans la chaîne de distribution. En effet, pour l’État, il est impossible de prévoir à quel stade de la chaîne de distribution la perte serait constatée.

24.      Le 15 mars et le 4 mai 2005, Danfoss et Sauer-Danfoss ont alors introduit des réclamations contre le Skatteministerium auprès du Vestre Landsret, par lesquelles elles réclamaient le remboursement des montants litigieux. Le Vestre Landsret a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles ci-après:

1.      Le droit de l’Union s’oppose t il à ce qu’un État membre rejette une demande de remboursement introduite par une entreprise [sur laquelle a été répercuté un] droit d’accise contraire à une directive, au motif que, comme dans l’espèce au principal, ce n’est pas cette entreprise qui a versé ledit droit d’accise au Trésor public?

2.      Le droit de l’Union s’oppose t il à ce qu’un État membre rejette une demande d’indemnité introduite par une entreprise [sur laquelle a été répercuté un] droit d’accise contraire à une directive, pour les motifs invoqués en l’espèce (à savoir que ladite entreprise n’a pas subi un préjudice direct et qu’il n’y a pas de lien de causalité direct entre un éventuel préjudice et le fait générateur susceptible d’engager la responsabilité)?

25.      À la procédure devant la Cour ont participé Danfoss, Sauer-Danfoss, les gouvernements danois, espagnol, italien, polonais et suédois, le gouvernement du Royaume-Uni ainsi que la Commission européenne, étant entendu que les gouvernements espagnol et polonais n’ont déposé que des observations écrites et que le gouvernement suédois s’est borné à s’exprimer oralement.

IV – Appréciation

26.      Il convient de constater, à titre liminaire, que les deux questions préjudicielles poursuivent en définitive le même objectif: des entreprises se trouvant dans la situation de Danfoss et de Sauer-Danfoss disposent-elles, en vertu du droit de l’Union, du droit de réclamer directement auprès de l’État le paiement d’un montant correspondant à l’accise sur les lubrifiants que l’État a prélevée auprès des sociétés pétrolières en méconnaissance du droit de l’Union et que ces dernières ont répercutée sur lesdites entreprises? Les deux questions se distinguent néanmoins eu égard au fondement du droit. Tandis que la première question porte sur un droit à restitution au sens d’un remboursement, la deuxième se rapporte à un éventuel droit à des dommages et intérêts. Par conséquent, les questions requièrent un traitement séparé.

A –    Quant à la première question

27.      Par sa première question, la juridiction de renvoi souhaite essentiellement savoir si, lorsqu’un État membre a perçu une taxe en méconnaissance du droit de l’Union et que l’assujetti a répercutée cette taxe sur ses clients, le client peut, en vertu du droit de l’Union, exiger directement de l’État le remboursement du montant correspondant à ladite taxe.

28.      Il est de jurisprudence constante que les États membres sont tenus, en principe, de rembourser les impôts et autres taxes perçus en violation du droit de l’Union (6).

29.      Selon une formulation classique de la Cour, le droit d’obtenir le remboursement de taxes perçues dans un État membre en violation des règles du droit de l’Union est la conséquence et le complément des droits conférés aux justiciables par les dispositions du droit de l’Union interdisant de telles taxes (7).

30.      Un justiciable, en ce sens, correspond en tout état de cause à l’assujetti concerné lui-même. Il est de jurisprudence constante que, en vertu du droit de l’Union, ce dernier dispose, en principe, d’un droit opposable à l’État au remboursement de la taxe perçue en violation du droit de l’Union  (8).

31.      Selon la jurisprudence, l’obligation de remboursement de l’État vis-à-vis de l’assujetti ne connaît qu’une seule exception qu’il convient, du reste, d’interpréter restrictivement Ainsi, un État membre peut refuser de rembourser un assujetti lorsqu’il constate que la totalité de la charge fiscale a été répercutée sur un tiers et, ce qui reste à démontrer, que le remboursement de ce dernier entraînerait, pour lui, un enrichissement sans cause (9).

32.      Il n’a jusqu’alors pas été répondu à la question de savoir si, dans une telle situation de répercussion, le droit au remboursement à l’encontre de l’État reviendrait non pas à l’assujetti, mais uniquement à la personne sur laquelle la taxe a été répercutée et qui n’a pas été en mesure de la répercuter à son tour (ci-après désignée, dans un but de simplification: «acheteur final»). Différentes indications, contribuant à répondre à cette question, peuvent néanmoins être déduites de la jurisprudence.

1.      L’intérêt au remboursement, digne de protection, de l’acheteur final

33.      Dans l’arrêt Comateb e.a. (10), la Cour a certes abordé expressément la possibilité que l’acheteur final puisse obtenir, directement auprès des autorités nationales, la restitution du montant de la taxe indue dont il a supporté la charge. Toutefois, la Cour n’a abordé ce point qu’à titre de pure hypothèse, en présence de laquelle la question du remboursement à l’assujetti ne se pose pas en tant que telle. La Cour ne s’est pas exprimée quant à la question de savoir si et dans quelles conditions l’acheteur final doit, en vertu du droit national ou du droit de l’Union, disposer d’un droit de ce type, directement invocable à l’encontre de l’État.

34.      Toutefois, la Cour a indiqué, dans le même arrêt, que rembourser le montant de la taxe à l’opérateur, bien que ce dernier ait répercutée cette taxe sur ses clients, équivaudrait pour lui à un double paiement susceptible d’être qualifié d’enrichissement sans cause, sans qu’il soit pour autant remédié aux conséquences de l’illégalité de la taxe pour les clients de l’assujetti (11). La Cour a ainsi reconnu que la taxe contraire au droit de l’Union peut peser économiquement sur une autre personne que l’assujetti, et qu’il est nécessaire de réintégrer le montant de la taxe dans le patrimoine de cette autre personne.

35.      Une telle nécessité découle également du caractère général des impôts indirects. En effet, ces derniers frappent les dépenses ou la consommation, et se caractérisent par le fait que la charge financière qui leur est associée peut être répercutée sur l’acheteur final et qu’elle repose sur ce dernier (12). Il en va de même de l’accise danoise sur les lubrifiants en cause en l’espèce. L’exposé des motifs du projet de loi qui a introduit cette accise précisait expressément que les entreprises pétrolières pourraient vraisemblablement répercuter cette accise. L’incitation à une utilisation plus raisonnable des produits pétroliers, telle que souhaitée par l’État danois, suppose également, sur le plan de la logique, que la taxe soit répercutée et que le produit pétrolier soit rendu plus cher pour la personne qui le consomme.

36.      La jurisprudence de la Cour, aux termes de laquelle la question de la répercussion ou de la non répercussion dans chaque cas d’une taxe indirecte constitue une question de fait, en raison du fait que la répercussion effective, partielle ou totale, dépend de plusieurs facteurs qui entourent chaque transaction commerciale (13), ne remet pas en question cette caractéristique propre aux impôts indirects. Elle se borne à préciser que, vis-à-vis de l’assujetti, l’État ne peut pas se fonder sur une présomption selon laquelle la taxe serait répercutée pour refuser une demande de remboursement de l’assujetti au motif qu’un remboursement entraînerait, pour ce dernier, un enrichissement sans cause.

37.      Aussi convient-il de considérer que l’acheteur final, sur lequel a été répercutée une taxe indirecte perçue en violation du droit de l’Union telle que l’accise sur les lubrifiants appliquée au Danemark, constitue, lui aussi, un justiciable auquel les dispositions du droit de l’Union interdisant la perception d’une telle taxe confèrent des droits. Il devrait obtenir lui aussi le remboursement de la taxe qui lui a été répercutée.

2.      Des conséquences qu’il convient de tirer de la protection nécessaire

38.      Il serait cependant prématuré de conclure de l’intérêt digne de protection au remboursement de l’acheteur final, sur lequel a été répercutée une taxe perçue en violation du droit de l’Union, que, en vertu du droit de l’Union, cet acheteur doit disposer d’un droit au remboursement directement invocable à l’encontre de l’État. Il convient en effet de tenir compte de ce que, à la différence de l’assujetti, lequel ne peut logiquement s’adresser qu’à l’État, dans la situation de l’acheteur final l’assujetti peut également entrer en ligne de compte en tant que défendeur au lieu de l’État.

39.      Ainsi, en ce qui concerne l’assujetti, la Cour a considéré que si l’acheteur final est en mesure d’obtenir le remboursement, par l’assujetti, du montant de la taxe qui a été répercuté sur lui, cet assujetti doit, à son tour, être en mesure d’en obtenir le remboursement par l’État (14). Si tel est le cas, la répercussion ne conduit pas, en effet, à une situation d’enrichissement sans cause de l’assujetti en raison du remboursement.

40.      En ce qui concerne le défendeur de l’acheteur final, la «conséquence et le complément» des droits que l’acheteur final tient du droit de l’Union pourraient très bien être différents de ceux dont disposent l’assujetti.

41.      Il y a donc lieu d’examiner ensuite s’il est possible de déduire de la jurisprudence relative au droit au remboursement de l’assujetti des indices selon lesquels l’acheteur final peut lui aussi obtenir un tel remboursement directement de l’État. A cette fin, il convient tout d’abord de rechercher la teneur exacte que la jurisprudence a conférée au droit au remboursement de l’assujetti.

a)      Teneur exacte du droit au remboursement de l’assujetti

42.      Selon la jurisprudence, l’État doit rembourser à l’assujetti non seulement l’impôt indûment perçu, mais également des montants payés à cet État ou retenus par celui-ci en rapport direct avec cet impôt (15).

i)      Le critère de la conséquence inévitable

43.      Le droit au remboursement ne comprend toutefois pas les désavantages qui reposent sur des décisions propres de l’assujetti et qui ne constituent pas, dans son chef, une conséquence inévitable d’un acte d’un État membre contraire au droit de l’Union (16). Ce critère de la conséquence inévitable est resté quelque peu flou dans la jurisprudence et, pour autant que l’on puisse en juger, n’a trouvé jusqu’alors à s’appliquer que dans un cadre fiscal très spécifique (17). Il vise manifestement à délimiter les montants, qui peuvent être réclamés dans le cadre d’un droit au remboursement reconnu par le droit de l’Union, de ceux qui ne peuvent être réclamés «que» dans le cadre d’une demande de dommages et intérêts fondée également sur le droit de l’Union, et subordonnée à des conditions plus strictes (18).

ii)    Un droit au remboursement malgré la répercussion

44.      Toutefois, selon la jurisprudence, le droit au remboursement comprend, tout au moins indirectement, le préjudice subi par l’assujetti par le fait que ce dernier a répercuté la taxe sur ses clients en l’intégrant au prix et que l’augmentation de prix a entraîné une diminution du volume des ventes. C’est ce qui résulte des affirmations de la Cour au sujet de l’exception déjà mentionnée à l’obligation de restitution de l’État.

45.      Selon cette exception, un État membre ne peut s’opposer au remboursement que lorsqu’il est établi par les autorités nationales que la totalité de la charge de la taxe a été supportée par une personne autre que l’assujetti et que le remboursement de la taxe entraînerait, pour ce dernier, un enrichissement sans cause (19). Or, selon la jurisprudence, il n’y a pas d’enrichissement sans cause de l’assujetti, dès lors que ce dernier subit un préjudice économique lié à une diminution de volume de ses ventes (20). La Cour a souligné à cet égard que la répercussion d’une taxe sur un tiers ne neutralise pas nécessairement les effets économiques de l’imposition sur l’assujetti. Aussi, la seule répercussion ne signifie pas que le remboursement de la taxe engendrerait un enrichissement sans cause de l’assujetti et qu’il faille par conséquent nier le droit au remboursement (21).

iii) Conséquences pour un éventuel droit au remboursement de l’acheteur final

46.      Afin de pouvoir tirer des conséquences, à partir des caractéristiques mentionnées du droit au remboursement de l’assujetti en droit de l’Union, quant à la question de savoir si un tel droit peut, en principe, également être reconnu à l’acheteur final, il convient tout d’abord d’apprécier lesdites caractéristiques de manière critique.

47.      Il convient de constater à cet égard que la reconnaissance du droit au remboursement malgré la répercussion ne serait compatible avec le «critère de la conséquence inévitable» (22) que si l’on considérait que le préjudice né de la diminution du volume des ventes constituait une conséquence inévitable de la perception de la taxe par l’État malgré la décision intercalée d’entreprise de répercuter la taxe. Cela semble pour le moins incertain.

48.      De plus, une telle conception se heurte à la jurisprudence selon laquelle la question de la répercussion ou de la non répercussion dans chaque cas d’une taxe indirecte constitue une question de fait, car la répercussion effective, partielle ou totale, dépend de plusieurs facteurs qui entourent chaque transaction commerciale (23).

49.      Par conséquent, se pose nécessairement la question de savoir si le droit au remboursement constitue effectivement le fondement approprié pour réparer un tel préjudice. Il apparaît plus concevable de subordonner la réparation d’un tel préjudice au droit de la responsabilité, à savoir aux règles que la Cour a établies en matière de responsabilité des États membres pour les dommages causés aux particuliers du fait des infractions au droit de l’Union.

50.      Enfin, la réparation du préjudice par le biais du droit au remboursement a également des conséquences sur la question de savoir comment éliminer, chez l’acheteur final, les conséquences économiques de la perception de la taxe en méconnaissance du droit de l’Union.

51.      En effet, si, malgré la répercussion de la taxe perçue en méconnaissance du droit de l’Union, l’assujetti disposait du droit au remboursement de ladite taxe, parce qu’il aurait subi un préjudice économique lié au recul du volume des ventes – du même montant, pour les besoins de cet exemple – le remboursement par l’État aurait pour effet de satisfaire ce droit, lequel, au fond, serait épuisé. Dans une telle situation, l’acheteur final ne pourrait plus exercer avec succès sa propre demande de remboursement auprès de l’assujetti. En effet, la somme que ce dernier a obtenue de l’État est censée, en pratique, réparer son propre préjudice et demeurer entre ses mains. L’assujetti ne pourrait pas non plus céder de droit à l’acheteur final, dans l’hypothèse où l’on ne voudrait pas lui reconnaître un nouveau droit supplémentaire au remboursement, qui devrait remplacer, en pratique, la taxe elle-même. Dans un tel cas, le destinataire naturel pour l’acheteur final serait, au contraire, l’État lui-même.

52.      Globalement, la jurisprudence actuelle relative à la teneur du droit au remboursement de l’assujetti présente des indices plaidant à la fois pour et contre la possibilité de reconnaître également à l’acheteur final un recours direct en remboursement de ce type.

53.      Si l’on maintient que l’assujetti peut, par le biais du droit au remboursement, également obtenir réparation de préjudices résultant d’un recul du volume des ventes, peuvent alors se présenter des situations, telles que celle qui vient d’être exposée, dans lesquelles seul l’État entre encore en ligne de compte en tant que défendeur pour l’acheteur final. De plus, il conviendrait alors, par voie de conséquence, de reconnaître le critère de la conséquence inévitable également en ce qui concerne la réduction du patrimoine de l’acheteur final. En effet, s’il y a lieu de considérer que, malgré la propre décision de l’assujetti de répercuter la taxe, le préjudice susmentionné, que subit ce dernier, constitue une conséquence inévitable de la perception de la taxe par l’État, la réduction de patrimoine de l’acheteur final, associée à la répercussion, n’est pas moins inévitable.

54.      En revanche, si l’on applique le critère de la conséquence inévitable conformément à sa signification, il convient de constater qu’il ne serait pas respecté en ce qui concerne l’acheteur final. En effet, la répercussion n’est pas un système automatique, et repose en définitive sur une décision prise par l’assujetti en tant qu’entrepreneur. En retenant cette conception restrictive, la nature du droit au remboursement pouvant être reconnu à l’assujetti plaiderait contre la reconnaissance d’un tel droit à l’acheteur final.

55.      Ces indices contraires aboutissent à la conclusion qu’il ne saurait être inféré de la jurisprudence actuelle relative à la teneur du droit au remboursement de l’assujetti aucun critère décisif quant à savoir auprès de qui l’acheteur final doit pouvoir exiger en principe le remboursement. Toutefois, la jurisprudence de la Cour concernant les principes d’équivalence et d’effectivité fournit d’autres indications.

b)      Recours direct contre l’État pour des motifs d’équivalence et d’effectivité

56.      Il est de jurisprudence constante que, en l’absence de réglementation en droit de l’Union en matière de demandes de restitution de taxes perçues en méconnaissance du droit de l’Union, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de prévoir les conditions dans lesquelles ces demandes peuvent être exercées, ces conditions devant respecter les principes d’équivalence et d’effectivité (24). Ces conditions ne doivent donc pas être moins favorables que celles concernant des réclamations semblables fondées sur des dispositions de droit interne ni aménagées de manière à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (25).

57.      Au nombre de ces conditions figure tout d’abord la désignation des juridictions compétentes et l’organisation des recours en justice, à savoir les modalités procédurales (26). Toutefois, dans ce cadre, la Cour a également attribué aux États membres, tout au moins en partie, le soin d’établir des conditions de fond (27).

58.      La question de savoir qui est le défendeur est une question de fond. En ce qui concerne l’assujetti, la réponse à cette question est donnée par le droit de l’Union lui-même: le défendeur est l’État. Dans le cadre de cette relation entre deux personnes, personne d’autre n’entre d’ailleurs en ligne de compte. En ce qui concerne maintenant l’acheteur final, les principes d’équivalence et d’effectivité, lesquels, comme cela a été constaté, s’appliquent également pour les questions de fond, fournissent une réponse partielle.

59.      En effet, dans l’hypothèse où, comme le prétendent, semble-t-il, Danfoss et Sauer-Danfoss, le droit danois reconnaîtrait à l’acheteur final, sur lequel a été répercutée une taxe prélevée en méconnaissance du droit danois, le droit d’obtenir le remboursement directement auprès de l’État, le principe d’équivalence commanderait qu’un tel droit soit également reconnu en cas de prélèvement de taxes en méconnaissance du droit de l’Union.

60.      En outre, si le remboursement s’avérait être impossible ou excessivement difficile au cas où l’acheteur final devrait se retourner contre l’assujetti, le principe d’effectivité peut alors exiger que l’acheteur final soit en mesure de s’adresser directement à l’État. C’est ce qu’a retenu la Cour dans l’arrêt Reemtsma pour le cas où un prestataire facture par erreur à son client la taxe sur la valeur ajoutée, qu’il s’en acquitte auprès de l’État et devient ensuite insolvable (28). Cette solution s’impose a fortiori lors que l’erreur est imputable non pas au prestataire ou au vendeur, mais à l’État lui-même. En cas d’insolvabilité de l’assujetti, le principe d’effectivité peut donc exiger que l’acheteur final soit en mesure de réclamer le remboursement directement auprès de l’État.

61.      À cet égard, le principe d’effectivité exige aussi que ce droit soit, de par sa nature, effectivement un droit au remboursement. En effet, l’exercice de ses droits par l’acheteur final serait rendu excessivement difficile s’il devait, par exemple, remplir les conditions plus strictes qui s’appliquent, selon la jurisprudence, aux demandes de dommages et intérêts fondées sur le droit de l’Union (29). Il est d’ailleurs difficile de comprendre pourquoi, dans une telle situation, l’État doit pouvoir s’abriter derrière ces conditions de recours plus strictes. En effet, c’est lui qui s’est désormais enrichi par le biais du montant de la taxe perçue en méconnaissance du droit de l’Union, et il importe uniquement de rembourser ce montant à la personne qui en a assumé en définitive la charge économique.

62.      Si le droit national ne reconnaît de droit au remboursement à l’acheteur final qui a assumé la charge économique de la taxe ni contre l’État ni contre l’assujetti, le principe d’effectivité commande néanmoins que soit institué l’un au moins de ces deux droits au remboursement. En effet, ce principe oblige les États membres à prévoir les instruments et les modalités procédurales nécessaires pour permettre à l’acheteur final de récupérer la taxe perçue en méconnaissance du droit de l’Union (30). En l’occurrence prévaut également l’idée que le degré de protection exigé par le droit de l’Union ne serait pas respecté si l’acheteur final devait adresser d’éventuelles demandes de dommages et intérêts à l’État.

63.      Il convient donc de retenir, comme conclusion partielle, que les principes d’équivalence et d’effectivité peuvent fonder un recours direct en remboursement de l’acheteur contre l’État.

c)      Absence d’exigences ultérieures en droit de l’Union

64.      Pour autant qu’il ne résulte des principes d’équivalence et d’effectivité aucun recours direct de l’acheteur final contre l’État, il convient de s’en tenir à la règle générale, selon laquelle, en l’absence de réglementation en droit de l’Union en matière de demandes de restitution de taxes perçues en méconnaissance du droit de l’Union, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de prévoir les conditions dans lesquelles ces demandes peuvent être exercées (31).

65.      La Cour a fait expressément observer dans l’arrêt Denkavit italiana (32) que la garantie des droits que l’effet direct de l’interdiction de perception de certaines taxes accorde aux justiciables n’exige pas nécessairement une règle uniforme et commune aux États membres des conditions de forme et de fond à l’observation desquelles le remboursement peut être subordonné. Il devrait en aller ainsi également et a fortiori dans l’hypothèse où serait concerné un éventuel ayant droit «de deuxième rang» sur lequel l’assujetti aurait répercuté une taxe perçue en méconnaissance du droit de l’Union.

66.      Il convient en effet de tenir compte du fait que, comme la Cour l’a constaté à plusieurs reprises, le remboursement de taxes payées à tort est résolu de différentes manières dans les divers États membres et même, à l’intérieur d’un même État, selon les divers types de taxes en cause. Tandis que les recours en remboursement relèvent dans certains cas du droit administratif, ils relèvent, dans d’autres cas, du droit civil et obéissent notamment aux règles relatives à la restitution de l’indu (33). Si, mis à part les cas dans lesquels le principe d’effectivité l’exige (34), l’on ne tenait pas compte de ces règles partiellement complexes et que, au titre du droit de l’Union, l’on voulait reconnaître à l’acheteur final un droit général au remboursement que ce dernier pourrait invoquer directement contre l’État, sans que le législateur de l’Union ne puisse définir plus précisément le cadre juridique d’un tel droit, plus de problèmes pourraient surgir que de solutions. Il est également envisageable de considérer que, pour ce qui est de dépenses modestes relatives à la vie quotidienne, il est considérablement plus intéressant pour l’acheteur final de pouvoir traiter avec son cocontractant que de devoir s’adresser à l’État.

67.      Par conséquent, le droit interne et, le cas échéant, les juridictions nationales devraient préciser si la personne sur laquelle l’assujetti a répercuté une taxe nationale perçue par un État membre en méconnaissance du droit de l’Union peut exiger le remboursement du montant de la taxe directement auprès de l’État ou, en principe, uniquement auprès de l’assujetti ou encore s’il peut choisir entre ces deux solutions, dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité.

68.      Ce résultat correspond du reste à la solution que la Cour a retenue dans l’arrêt Reemtsma Cigarettenfabriken (35) pour le cas où un prestataire facture par erreur à son client la taxe sur la valeur ajoutée et qu’il s’en acquitte auprès de l’État. Même si la question de la responsabilité de l’État est différente selon qu’une entreprise facture par erreur à son client une taxe qui n’est pas due ou que l’État lui-même a perçu, en méconnaissance du droit de l’Union, une taxe qui a ensuite été répercutée, il n’est pas nécessaire de soumettre à un régime différent le droit au remboursement des personnes assumant la chargé économique de la taxe. Dans les deux cas, il convient uniquement de garantir que la personne concernée puisse obtenir le remboursement des montants indûment perçus par l’État, que ce soit de manière directe ou indirecte.

69.      Toutefois, dans la procédure au principal, le principe d’effectivité pourrait exiger de reconnaître que le remboursement puisse être obtenu directement de l’État, ce qu’il appartient en définitive à la juridiction de renvoi de vérifier. Le gouvernement danois a en effet déclaré, quant à la situation juridique au Danemark, que l’acheteur final ne dispose pas du droit d’obtenir le remboursement directement de l’État. Danfoss et Sauer-Danfoss ont en revanche fait valoir que, selon le droit danois, l’acheteur final ne pouvait pas non plus exiger de remboursement par l’assujetti. Interrogé sur ce point lors de l’audience, le gouvernement danois a confirmé, à cet égard, que l’existence d’un tel droit était incertaine au regard du droit danois. Si, en vertu du droit danois, l’acheteur final devait, en pratique, ne pas être en mesure d’exiger directement ou indirectement le remboursement du montant de la taxe, l’exercice de leurs droits par les requérantes dans la procédure au principal serait rendu excessivement difficile pour le cas où celles-ci en seraient réduites à faire usage d’une possibilité d’obtenir le remboursement des sociétés pétrolières qui resterait encore à être confirmée juridiquement et qui est pour l’instant incertaine, et que leurs recours contre le Skatteministeriet seraient rejetés pour ce motif.

3.      Conclusion

70.      Il convient donc de répondre à la première question en ce sens qu’il appartient à l’ordre juridique interne et, le cas échéant, aux juridictions nationales de préciser si la personne sur laquelle l’assujetti a répercuté une taxe nationale perçue par un État membre en méconnaissance du droit de l’Union peut exiger le remboursement du montant de la taxe directement auprès de l’État ou, en principe, uniquement auprès de l’assujetti ou encore si elle peut choisir entre ces deux options, dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité.

B –    Quant à la deuxième question préjudicielle

71.      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi souhaite essentiellement savoir si, lorsqu’un État membre a perçu un droit d’accise en méconnaissance du droit de l’Union et que l’assujetti a répercuté ce droit sur son client, ce dernier peut se voir opposer une fin de non-recevoir concernant une demande de dommages et intérêts introduite contre l’État au motif qu’un lien de causalité direct entre la perception de la taxe et le préjudice du client est d’emblée exclu.

72.       Il est de jurisprudence constante que les États membres sont, en principe, responsables des dommages causés aux particuliers du fait de violations du droit communautaire qui leur sont imputables (36).

73.      Le droit à réparation est subordonné à trois conditions, à savoir que la règle du droit de l’Union qui a été violée ait pour objet de conférer des droits aux personnes lésées, que la violation soit suffisamment caractérisée et, enfin, qu’il existe un lien de causalité direct entre cette violation et le dommage subi par les personnes lésées (37). La question préjudicielle porte sur cette troisième condition.

74.      Certes, il appartient, en principe, aux juridictions nationales de vérifier s’il existe effectivement un lien de causalité direct entre la violation du droit de l’Union imputable à l’État et le dommage subi par les personnes lésées (38). Il convient de préciser, d’une part, que, afin de donner à la juridiction de renvoi une réponse utile, la Cour peut néanmoins lui fournir les indications qu’elle juge nécessaires (39) et que, d’autre part, il s’agit ici moins d’une question de fait que d’une question de droit. Il convient en effet de préciser si la condition tenant au lien direct de causalité doit être comprise dans un sens aussi restrictif que, comme l’indique notamment le gouvernement danois, elle peut être satisfaite uniquement en ce qui concerne l’assujetti, contrairement à la personne sur laquelle l’assujetti a répercuté le droit d’accise perçu en méconnaissance du droit de l’Union.

75.      Il convient tout d’abord de constater que, dans le cas d’espèce, la causalité en tant que telle ne fait aucun doute. Si le droit d’accise n’avait pas été prélevé, les requérantes dans la procédure au principal n’auraient pas subi le préjudice invoqué, lequel consiste dans le montant de la taxe que les sociétés pétrolières leur ont répercutée.

76.      Le caractère direct de la causalité ne doit pas être conçu de manière absolue; il suffit, en revanche, selon la jurisprudence, que la causalité soit «suffisamment directe» (40). La Cour a dégagé cette précision par référence à sa jurisprudence relative à la responsabilité extracontractuelle de l’Union (41), matière à laquelle s’appliquent essentiellement les trois mêmes conditions que celles relatives à la responsabilité des États membres du fait des violations du droit de l’Union (42). Il est également possible d’inférer de cette jurisprudence que le critère lié au caractère «suffisamment direct» est notamment censé empêcher que toute conséquence préjudiciable, même éloignée, soit indemnisée (43). À supposer que l’on ne souhaite pas étendre outre mesure la notion de caractère direct par l’ajout de l’adverbe «suffisamment», on pourrait donc, de surcroît, parler simplement de lien de causalité étroit. Toutefois, la notion de «lien de causalité direct» a fait l’objet d’une consécration telle dans la jurisprudence que, dans le cadre des développements qui suivent, je me tiendrai à cette notion et à la conception extensive qui en est retenue.

77.      Le gouvernement danois fait valoir, par référence aux principes du droit danois de la responsabilité, que seul «celui qui a subi directement le préjudice» peut disposer d’un droit à réparation, la personne sur laquelle une taxe prélevée à tort a été répercutée n’appartenant pas à cette catégorie. Le préjudice de cette personne dépendrait au contraire d’une série entière d’autres circonstances telles que la politique de prix de l’assujetti, ainsi que de sa propre politique de prix, de l’utilisation spécifique des produits taxés et de la situation de concurrence. De plus, la question de savoir qui supportera en définitive la charge économique serait difficilement prévisible et, de surcroît, incertaine.

78.      Or, ce critère lié à la personne «qui a subi directement le préjudice» n’a pas de fondement en droit de l’Union. Au contraire, selon une jurisprudence constante, les trois conditions mentionnées au point 73 ci-dessus, au nombre desquelles figure le «lien de causalité suffisamment direct», sont suffisantes pour engendrer au profit des particuliers un droit à réparation (44). Ce n’est que récemment que la Cour a relevé expressément que les États membres n’étaient pas autorisés à établir des conditions supplémentaires (45).

79.      Le critère mentionné par le gouvernement danois constitue en définitive une condition supplémentaire, étant entendu que, dans le même temps, une notion plus stricte de causalité est retenue. En effet, il aboutit, à défaut d’un examen de chaque situation particulière, à priver systématiquement du droit à réparation consacré en droit de l’Union les personnes qui ont dû supporter la charge économique de la taxe perçue en méconnaissance du droit de l’Union et qui, de ce fait, ont, à l’évidence, subi un préjudice. L’efficacité complète du droit de l’Union et la protection effective des droits reconnus par le droit de l’Union, que ce droit à réparation est censé garantir (46), seraient considérablement mises à mal dans l’hypothèse d’une telle limitation globale du cercle des éventuels ayants droit.

80.      De plus, il convient d’observer que le préjudice subi par l’acheteur final ne peut nullement être considéré comme une conséquence lointaine de la perception de la taxe. Comme cela a déjà été indiqué dans le cadre de la première question préjudicielle, les taxes indirectes se caractérisent véritablement par le fait que la personne qui en assume la charge économique est non pas l’assujetti, mais l’acheteur final, raison pour laquelle ce dernier subit en définitive un préjudice. Au fond, c’est un seul et même préjudice qui est transmis à travers la chaîne des opérateurs. Son montant demeure inchangé, ce qui le rend prévisible et calculable pour l’État. Le simple fait que l’assujetti aurait pu renoncer à répercuter la taxe à travers le prix et que la personne réellement lésée a renoncé à répercuter de nouveau la taxe ne suffit ni à écarter le lien de causalité entre la perception de la taxe et le préjudice ni à priver automatiquement cette causalité de son caractère suffisamment direct au sens de la jurisprudence.

81.      La circonstance que le cercle des personnes pouvant prétendre à réparation soit éventuellement, dans un premier temps, imprécis, ne remet pas en cause la possibilité d’une causalité directe. En effet, le fait qu’un nombre indéfini de personnes puisse se prévaloir de la qualité d’ayant droit ne peut exclure le droit à réparation reconnu en droit de l’Union (47). Du reste, si le cercle des personnes effectivement lésées est encore moins susceptible d’être connu d’avance que ne l’est celui des assujettis, il peut néanmoins être défini précisément dès le début. Il s’agit des personnes sur lesquelles la taxe est répercutée et qui ne peuvent pas, à leur tour, la répercuter de nouveau.

82.      L’examen d’un autre domaine du droit de l’Union en matière de responsabilité vient confirmer que celui-ci ne connaît pas la restriction au sujet «directement lésé», que retient le droit danois. Ainsi, la Cour a constaté, dans l’arrêt Manfredi (48), en ce qui concerne l’interdiction des ententes en droit de l’Union, que toute personne est en droit de demander réparation du préjudice subi lorsqu’il existe un lien de causalité entre ledit préjudice et l’entente interdite.

83.      Par conséquent, lorsqu’un État membre a perçu un droit d’accise en méconnaissance du droit de l’Union et que l’assujetti a répercuté ce droit sur son client, le droit à réparation de ce dernier contre l’État ne saurait être rejeté au motif qu’un lien de causalité direct entre la perception de la taxe et le préjudice du client est d’emblée exclu.

V –    Conclusion

84.      Je propose donc de répondre aux questions préjudicielles du Vestre Landsret dans les termes suivants:

1.      Il appartient à l’ordre juridique interne et, le cas échéant, aux juridictions nationales de préciser si la personne sur laquelle l’assujetti a répercuté une taxe nationale perçue par un État membre en méconnaissance du droit de l’Union peut exiger le remboursement du montant de la taxe directement auprès de l’État ou, en principe, uniquement auprès de l’assujetti ou encore si elle peut choisir entre ces deux options, dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité.


2.      Lorsqu’un État membre a perçu un droit d’accise en méconnaissance du droit de l’Union et que l’assujetti a répercuté ce droit sur son client, le droit à réparation de ce dernier contre l’État ne saurait être rejeté au motif qu’un lien de causalité direct entre la perception de la taxe et le préjudice du client est d’emblée exclu.



1 – Langue originale: l’allemand.


2 – JO L 76, p.1.


3 – JO L 316, p. 12.


4 – Arrêt du 10 juin 1999 (C 346/97, Rec. p. I 3419).


5 – Parlement danois.


6 – Voir, en ce sens, tout d’abord les arrêts du 27 février 1980, Just (68/79, Rec. p. 501, points 25 à 27), du 27 mars 1980, Denkavit italiana (61/79, Rec. p. 1205, points 22 à 27), du 9 novembre 1983, San Giorgio (199/82, Rec. p. 3595, point 12), puis, expressément, entre autres, les arrêts du 14 janvier 1997, Comateb e.a. (C-192/95 à C-218/95, Rec. p. I-165, point 20), du 8 mars 2001, Metallgesellschaft e.a. (C-397/98 et C-410/98, Rec. p. I-1727, point 84), du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation (C-446/04, Rec. p. I-11753, point 202), du 28 janvier 2010, Direct Parcel Distribution Belgium (C-264/08, non encore publié au Recueil, point 45). Voir actuellement sur ce sujet, quoique sur des aspects différents, les conclusions de l’avocat général Cruz Villalón du 7 décembre 2010, Lady & Kid e.a. (C-398/09, non encore publié au Recueil) et les conclusions de l’avocat général Mengozzi du 22 décembre 2010, Accor (C-310/09, non encore publié au Recueil, points 53 et suiv.).


7 – Arrêts San Giorgio (précité, note 6, point 12), Comateb e.a. (précité, note 6, point 20), Metallgesellschaft e.a. (précité, note 6, point 84), Test Claimants in the FII Group Litigation (précité, note 6, point 202) et Direct Parcel Distribution Belgium (précité, note 6, point 45).


8 – Voir les arrêts cités à la note 6, lesquels concernent tous le cas dans lequel l’assujetti lui-même réclame le remboursement, de même que les arrêts du 29 juin 1988, Deville (240/87, Rec. p. 3513, point 11) et du 2 octobre 2003, Weber’s Wine World e.a. (C-147/01, Rec. p. I-11365, points 93 à 95).


9 – Arrêts Just (précité, note 6, point 26), du 21 septembre 2000, Michaïlidis (C-441/98 et C-442/98, Rec.  p. I-7145, point 33) et Weber’s Wine World e.a. (précité, note 8, points 94 et 102). Dans ses conclusions Lady & Kid e.a., citées à la note 6, l’avocat général Cruz Villalón indique à juste titre, aux points 34 et 44, que la Cour a assumé en l’espèce une exception d’origine nationale, et plaide pour que d’autres exceptions soient admises, outre le cas de la répercussion (points 35 et suiv.).


10 – Précité, note 6, point 24.


11 – Arrêt Comateb e.a. (précité, note 6, point 22, italique ajouté).


12 – Dans ce sens également conclusions de l’avocat général Jacobs du 17 mars 2005, Banca Popolare di Cremona (C-475/03, Rec. P. I-09373, point 35).


13 – Arrêts du 25 février 1988, Les Fils de Jules Bianco et Girard (331/85, 376/85 et 378/85, Rec. 1988 p. 1099, points 17 et 20), Comateb e.a. (précité, note 6, points 25 à 27) et Weber’s Wine World e.a. (précité, note 8, points 96 et suiv.).


14 – Arrêt Comateb e.a. (précité, note 6, point 24).


15 – La Cour inclut à cet égard notamment le désavantage économique subi par l’assujetti du fait de la perception prématurée d’une taxe non contestable en tant que telle au regard du droit de l’Union, l’incompatibilité avec le droit de l’Union ne résultant, par conséquent, que de cette exigibilité prématurée. Dans ce cas, l’octroi d’intérêts représente le remboursement de ce qui a été indûment versé. Voir, sur ce point, arrêts Metallgesellschaft e.a. (précité, note 6, points 87 à 89), Test Claimants in the FII Group Litigation (précité, note 6, point 205), du 13 mars 2007, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation (C-524/04, Rec. p. I-2107, point 112), et ordonnance du 23 avril 2008, Test Claimants in the CFC and Dividend Group Litigation (C-201/05, Rec. p. I-2875, point 114).


16 – Arrêts Test Claimants in the FII Group Litigation (précité, note 6, point 207) et Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation (précité, note 15, point 113) et ordonnance Test Claimants in the CFC and Dividend Group Litigation (précité, note 15, point 115).


17 – Ni les dégrèvements ou autres avantages fiscaux auxquels une société résidente a renoncé pour être en mesure d’imputer intégralement l’impôt indûment perçu sur un montant dû au titre d’un autre impôt ni les dépenses encourues par les sociétés de ce groupe pour se conformer à la législation nationale en cause ne peuvent être compensés au moyen d’une action en remboursement fondée sur le droit communautaire (voir jurisprudence citée, note 16).


18 – Voir, à ce sujet, arrêt Test Claimants in the FII Group Litigation (précité, note 6, points 207 à 209).


19 – Arrêts Just (précité, note 6, point 26), Michaïlidis (précité, note 9, point 33), et Weber’s Wine World e.a. (précité, note 8, point 94).


20 – Arrêts Comateb e.a. (précité, note 6, points 29 et suiv.), Michaïlidis (précité, note 9, points 34 et suivants) et Weber’s Wine World e.a. (précité, note 8, points 95 et 98 et suiv.).


21 – Voir arrêt Weber’s Wine World e.a. (précité, note 8, points 101 et suiv.).


22 – Voir à ce sujet le point 43 ci-dessus.


23 – Arrêts Les Fils de Jules Bianco (précité, note 13, points 17 à 20), Comateb e.a. (précité, note 6, points 25 à 27) et Weber’s Wine World e.a. (précité, note 8, points 96 et suiv.).


24 – Arrêts du 6 octobre 2005, MyTravel (C-291/03, Rec. p. I-8477, point 17) et du 15 mars 2007, Reemtsma Cigarettenfabriken (C-35/05, Rec. p. I-2425, point 37).


25 – Arrêts Weber’s Wine World e.a. (précité, note 8, point 103), MyTravel (précité, note 24, point 17), Reemtsma Cigarettenfabriken (précité, note 24, point 37), et Direct Parcel Distribution Belgium (précité, note 6, point 46).


26 – Arrêts Just (précité, note 6, point 25), MEtallgesellschaft e.a. (précité, note 6, point 85), Weber’s Wine World e.a. (précité, note 8, point 103), Test Claimants in the FII Group Litigation (précité, note 6, point 203) et Direct Parcel Distribution Belgium (précité, note 6, point 46).


27 – Arrêts Denkavit italiana (précité, note 6, point 22), San Giorgio (précité, note 6, point 12), et Metallgesellschaft e.a. (précité, note 6, point 86); voir aussi, quant à la responsabilité extracontractuelle des États membres du fait de la violation du droit de l’Union, arrêts du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (C-6/90 et C-9/90, Rec. p. I-5357, points 42 et 43), du 10 juillet 1997, Palmisani (C-261/95, Rec. p. I-4025, point 27), du 17 avril 2007, AGM-COS.MET (C-470/03, Rec. p. I-2749, point 86), et du 24 mars 2009, Danske Slagterier (C-445/06, Rec. p. I-2119, point 31).


28 – Arrêt Reemtsma Cigarettenfabriken (précité, note 24, point 41).


29 – Voir, à ce sujet, arrêt Test Claimants in the FII Group Litigation (précité, note 6, points 207 à 209).


30 – En ce sens arrêt Reemtsma Cigarettenfabriken (précité, note 24, point 41); voir aussi l’article 19, paragraphe 1, 2è alinéa, TUE.


31 – Voir jurisprudence citée, note 24.


32 – Précité, note 6, point 22.


33 – Voir arrêts Just (précité, note 6, points 23 et suiv.), du 17 novembre 1998, Aprile (C-228/96, Rec. p. I-7141, point 17), et du 17 juin 2004, Recheio - Cash & Carry (C-30/02, Rec. p. I6051, point 16).


34 – En revanche, le principe d’équivalence aboutirait non pas à faire échec à la réglementation nationale, mais précisément à la rendre applicable à des cas dans lesquels des taxes ont été prélevées en méconnaissance du droit de l’Union.


35 – Précité, note 24, points 37 et suiv..


36 – Arrêts Francovich e.a. (précité, note 27, point 35), du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame (C-46/93 et C-48/93, Rec. p. I-1029, point 31), Danske Slagterier (précité, note 27, point 27), du 26 janvier 2010, Transportes Urbanos y Servicios Generales (C-118/08, non encore publié au Recueil, point 29), du 25 novembre 2010, Fuß (C-429/09, non encore publié au Recueil, point 45), et du 9 décembre 2010, Combinatie Spijker Infrabouw/De Jonge Konstruktie e.a. (C-568/08, non encore publié au Recueil, point 87).


37 – Arrêts Brasserie du pêcheur et Factortame (précité, note 36, point 51), Danske Slagterier (précité, note 27, point 20) et Transportes Urbanos y Servicios Generales (précité, note 36, point 30).


38 – Arrêts Brasserie du pêcheur et Factortame (précité, note 36, point 65), du 15 juin 1999, Rechberger e.a. (C-140/97, Rec. p. I-3499, point 72), AGM-COS.NET (précité, note 27, point 83) et, Fuß (précité, note 36, points 48 et 59).


39 – Arrêts du 18 janvier 2001, Stockholm Lindöpark (C-150/99, Rec. p. I-493, point 38) et du 18 juin 2009, Stadeco (C-566/07, Rec. p. I-5295, point 43).


40 – Arrêts Test Claimants in the FII GroupLitigation (précité, note 6, point 218) et Test Claimants in the Thin Cap Group LItigation (précité, note 15, point 122).


41 – Arrêt du 4 octobre 1979, Dumortier e.a./Conseil (64/76, 113/76, 167/78, 239/78, 27/79, 28/79 et 45/79, Rec. p. 3091, point 21).


42 – Arrêt Brasserie du Pêcheur et Factortame (précité, note 36, point 53).


43 – Arrêt Dumortier e.a./Conseil (précité, note 41, point 21).


44 – Arrêts Francovich e.a. (précité, note 27, point 41), AGM-COS.NET (précité, note 27, point 85) et Fuß (précité, note 36, point 65).


45 – Arrêt Fuß (précité, note 36, point 66).


46 – En ce sens, arrêts Francovich e.a. (précité, note 27, point 33), Brasserie du Pêcheur et Factortame (précité, note 36, point 52), et du 30 septembre 2003, Köbler (C-224/01, Rec. p. I-10239, point 33).


47 – En ce sens, arrêt Brasserie du Pêcheur et Factortame (précité, note 36, point 71).


48 – Arrêt du 13 juillet 2006, Manfredi e.a. (C-295/04 à C-298/04, Rec. p. I-6619, point 61).


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