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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Italy v Commission (Law governing the institutions) French Text [2011] EUECJ T-205/07 (03 February 2011)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2011/T20507.html
Cite as: [2011] EUECJ T-205/07, [2011] EUECJ T-205/7

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AVIS JURIDIQUE IMPORTANT: The source of this judgment is the web site of the Court of Justice of the European Communities. The information in this database has been provided free of charge and is subject to a Court of Justice of the European Communities disclaimer and a copyright notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.



DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

3 février 2011 (*)

« Régime linguistique – Publication sur le site Internet de l’EPSO d’un appel à manifestation d’intérêt pour la constitution d’une base de données de candidats à recruter en tant qu’agents contractuels – Publication en trois langues officielles – Articles 12 CE et 290 CE –Article 82 du RAA – Règlement n° 1 »

Dans l’affaire T-�205/07,

République italienne, représentée par Mme B. Tidore, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et H. Krämer, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de l’appel à manifestation d’intérêt EPSO/CAST/EU/27/07 en vue de la constitution d’une base de données de candidats à recruter en tant qu’agents contractuels, pour effectuer des tâches diverses au sein des institutions et des agences communautaires, publié sur le site Internet de l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) le 27 mars 2007,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de M. V. Vadapalas (rapporteur), faisant fonction de président, Mme K. Jürimäe et M. L. Truchot, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er juillet 2010,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Les articles 12 CE et 290 CE énoncent :

« Article 12

Dans le domaine d’application du présent traité, et sans préjudice des dispositions particulières qu’il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité.

[…]

Article 290

Le régime linguistique des institutions de la Communauté est fixé, sans préjudice des dispositions prévues par le statut de la Cour de justice, par le Conseil statuant à l’unanimité. »

2        L’article 22 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1, ci-après la « charte »), prévoit :

« L’Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique. »

3        Les articles 1er à 6 du règlement n° 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), dans leur rédaction applicable à la présente espèce, disposent :

« Article premier

Les langues officielles et les langues de travail des institutions de l’Union sont le bulgare, l’espagnol, le tchèque, le danois, l’allemand, l’estonien, le grec, l’anglais, le français, l’irlandais, l’italien, le letton, le lituanien, le hongrois, le maltais, le néerlandais, le polonais, le portugais, le roumain, le slovaque, le slovène, le finnois et le suédois.

[...]

Article 4

Les règlements et les autres textes de portée générale sont rédigés dans les langues officielles.

Article 5

Le Journal officiel de l’Union européenne paraît dans les langues officielles.

Article 6

Les institutions peuvent déterminer les modalités d’application de ce régime linguistique dans leurs règlements intérieurs. »

4        L’article 82 du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci-après le « RAA ») énonce :

« 1. Les agents contractuels sont recrutés sur une base géographique aussi large que possible parmi les ressortissants des États membres, sans distinction d’origine raciale ou ethnique, de conviction politique, philosophique ou religieuse, d’âge ou d’handicap, de sexe ou d’orientation sexuelle et indépendamment de leur état civil ou de leur situation familiale.

[...]

3. Nul ne peut être engagé comme agent contractuel :

[...]

e)      s’il ne justifie posséder une connaissance approfondie d’une des langues des Communautés et une connaissance satisfaisante d’une autre langue des Communautés dans la mesure nécessaire aux fonctions qu’il est appelé à exercer.

[...] »

 Antécédents du litige

5        Le 27 mars 2007, l’Office de sélection du personnel des Communautés européennes (EPSO) a fait paraître sur son site Internet, http://europa.eu/epso/cast27/call, l’appel à manifestation d’intérêt (ci-après l’« AMI ») EPSO/CAST/EU/27/07, dans les langues allemande, anglaise et française, en vue de constituer une base de données de candidats à recruter en tant qu’agents contractuels pour effectuer des tâches diverses au sein des institutions et des agences communautaires (ci-après l’« AMI litigieux »).

6        Le point A 2 de l’AMI litigieux, régissant les profils recherchés, prévoyait le recrutement d’agents contractuels pour des postes à pourvoir dans quatre groupes de fonctions, à savoir « le groupe de fonctions I : huissiers, chauffeurs, appui administratif et travailleurs manuels » ; « le groupe de fonctions II : crèche (principalement des puéricultrices), chefs de bureau/employés, secrétaires, personnel technique » ; « le groupe de fonctions III : gestion financière, informatique/technologie, tâches d’exécution » et « le groupe de fonctions IV : tâches administratives, de communication et de conseil, chercheurs, ingénieurs et linguistes ».

7        Le point A 3, sous b), de l’AMI litigieux, régissant les conditions générales, prévoyait que tous les candidats à un poste dans l’un des quatre groupes de fonctions susmentionnés devaient posséder une connaissance approfondie de l’une des langues officielles de l’Union européenne (bulgare, espagnol, tchèque, danois, allemand, estonien, grec, anglais, français, irlandais, italien, letton, lituanien, hongrois, maltais, néerlandais, polonais, portugais, roumain, slovaque, slovène, finnois ou suédois), en tant que langue principale, et une connaissance satisfaisante de l’allemand, de l’anglais ou du français, en tant que deuxième langue, obligatoirement différente de la langue principale.

8        Le point C, sous a), de l’AMI litigieux, régissant les épreuves, prévoyait que les candidats devaient passer les tests dans leur deuxième langue, à choisir parmi l’allemand, l’anglais et le français. Si l’une de ces trois langues était leur langue principale, les candidats devaient choisir l’une des deux autres langues comme deuxième langue.

9        Le point D de l’AMI litigieux, régissant les informations d’ordre général, disposait que les candidats devaient remplir leur formulaire de candidature dans l’une des trois langues de publication de l’AMI litigieux, à savoir l’allemand, l’anglais ou le français, et disposer d’une adresse électronique valide pendant toute la durée de la procédure de sélection pour toute correspondance entre eux et les institutions ou les agences communautaires.

 Procédure et conclusions des parties

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 juin 2007, la République italienne a introduit le présent recours.

11      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a invité la République italienne et la Commission européenne à répondre par écrit à une question. La République italienne et la Commission ont déféré à cette demande.

12      À la suite de la cessation des fonctions du juge rapporteur initialement désigné, l’affaire a été réattribuée.

13      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 1er juillet 2010.

14      La République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler l’AMI litigieux.

15      La Commission européenne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République italienne aux dépens.

 En droit

16      À l’appui du présent recours en annulation, la République italienne invoque, en substance, la violation des articles 1er, 4, 5 et 6 du règlement n° 1, des articles 12 CE, 253 CE et 290 CE, de l’article 6 UE, de l’article 22 de la charte, des formes substantielles du fait du défaut de motivation, des principes de non-discrimination, de proportionnalité et de multilinguisme, ainsi qu’un détournement de pouvoir.

17      Les moyens invoqués par la requérante seront examinés par le Tribunal dans l’ordre suivant : en premier lieu, la question de savoir si la Commission était compétente pour fixer le régime linguistique de l’AMI litigieux en vertu de l’article 290 CE ; en deuxième lieu, la question de savoir si la Commission, en établissant ledit régime, a méconnu les articles 1er, 4, 5 et 6 du règlement n° 1 ; en troisième lieu, la question de savoir si la publication, sur le site Internet de l’EPSO, de l’AMI litigieux uniquement en allemand, en anglais et en français, ainsi que le choix opéré par la Commission de communiquer et de faire passer les épreuves de l’AMI litigieux dans ces trois langues est contraire aux principes de non-discrimination, de proportionnalité et de multilinguisme. Dans l’hypothèse où la réponse à cette troisième question serait négative, sera, en quatrième lieu, examinée la question de savoir si la procédure de publication, uniquement dans certaines langues, d’un AMI porte atteinte au principe de protection de la confiance légitime, dans la mesure où elle contredirait une pratique constante jusqu’au mois de juillet 2005 consistant à rédiger et à publier au Journal officiel les avis de concours ou les avis de vacance dans toutes les langues officielles de la Communauté. Dans l’hypothèse où la réponse à cette quatrième question serait négative, seront traitées les questions concernant le défaut de motivation de l’AMI litigieux et le détournement de pouvoir.

 Sur la violation de l’article 290 CE

 Arguments des parties

18      La République italienne estime que l’EPSO s’est substitué au Conseil pour fixer le régime linguistique de l’AMI litigieux, en violation de l’article 290 CE. Par ailleurs, la décision 2002/620/CE du Parlement, du Conseil, de la Commission, de la Cour de justice, de la Cour des comptes, du Comité économique et social, du Comité des régions et du Médiateur, du 25 juillet 2002, portant création de l’EPSO (JO L 197, p. 53), n’attribuerait pas à celui-ci une compétence quelconque en matière de régime linguistique.

19      La Commission conteste l’argument de la République italienne. L’article 290 CE n’introduirait aucune règle concernant le régime linguistique communautaire, mais constituerait simplement la base juridique du règlement n° 1, lequel établirait le régime linguistique communautaire.

 Appréciation du Tribunal

20      Le règlement n° 1, qui porte fixation du régime linguistique des institutions, a été adopté par le Conseil en application de l’article 290 CE. L’article 6 dudit règlement permet expressément aux institutions de déterminer les modalités d’application du régime linguistique dans leurs règlements intérieurs, compétence dans l’exercice de laquelle il convient au demeurant de leur reconnaître une certaine autonomie fonctionnelle, en vue d’assurer leur bon fonctionnement (voir conclusions de l’avocat général M. Poiares Maduro sous l’arrêt de la Cour du 15 mars 2005, Espagne/Eurojust, C-�160/03, Rec. p. I-�2077, I-�2079, point 48, et la jurisprudence citée).

21      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que l’AMI litigieux ne méconnaît pas l’article 290 CE, mais a été adopté au titre de la compétence reconnue aux institutions et aux organes communautaires par l’article 6 du règlement n° 1.

22      Il s’ensuit que le moyen tiré de la violation de l’article 290 CE doit être écarté.

 Sur la violation des articles 1er, 4, 5 et 6 du règlement n° 1

 Arguments des parties

23      En premier lieu, la République italienne fait valoir que la publication, sur le site internet de l’EPSO, de l’AMI litigieux seulement en allemand, en anglais et en français est contraire aux articles 4 et 5 du règlement n° 1. En effet, des actes de portée générale, tels l’AMI litigieux, devraient être rédigés dans toutes les langues officielles, conformément à l’article 4 du règlement n° 1, et, ainsi, paraître au Journal officiel dans toutes les langues officielles, conformément à l’article 5 du règlement n° 1. Le fait que l’AMI litigieux ait été publié sur le site Internet de l’EPSO ne changerait rien à cela.

24      L’expression « textes de portée générale » utilisée à l’article 4 du règlement n° 1 exclurait que ce règlement fasse référence aux seuls actes normatifs. Au contraire, le règlement n° 1 prévoirait que toute manifestation de volonté des institutions susceptible d’intéresser l’ensemble des citoyens de l’Union soit publiée au Journal officiel dans toutes les langues officielles. Or, un AMI, comme un avis de concours, serait un acte qui présenterait ces caractéristiques.

25      En second lieu, la République italienne fait valoir que la limitation arbitraire par l’AMI litigieux à trois langues seulement pour le choix de la deuxième langue, ainsi que pour toute communication et pour le déroulement des épreuves, est contraire à l’article 1er du règlement n° 1, lequel prévoit que toutes les langues nationales des États membres ont le rang de langue officielle et de langue de travail.

26      Cette limitation ne serait pas non plus justifiée au sens de l’article 6 du règlement n° 1. Certes, cette disposition permettrait aux institutions de déterminer les modalités d’application du régime linguistique dans leurs règlements intérieurs. Toutefois, cette faculté ne concernerait que le fonctionnement interne des institutions et non le déroulement des concours externes visant à recruter le personnel appelé à travailler au service des institutions. De plus, aucune institution n’aurait, jusqu’à présent, adopté de règlement prévoyant l’usage de langues spécifiques en son sein et encore moins l’usage de l’allemand, de l’anglais et du français, à la seule exception de la Cour de justice, qui ferait délibérément l’objet d’une mention spéciale à l’article 7 du règlement n° 1.

27      La Commission conteste l’ensemble des arguments de la République italienne et fait observer que la procédure suivie pour la publication sur le site Internet de l’EPSO de l’AMI litigieux ne serait pas nouvelle. Contrairement à l’article 1er, paragraphe 2, de l’annexe III du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), qui requiert la publication au Journal officiel des avis de concours, aucune forme de publication particulière ne serait requise pour les emplois relevant du RAA. Par ailleurs, le site Internet de l’EPSO, mis en service au début de l’année 2003, aurait toujours fonctionné en trois langues seulement, à savoir l’allemand, l’anglais et le français, sans donner lieu à des contentieux et sans entraîner une quelconque diminution du nombre de candidatures présentées par des citoyens de l’Union n’ayant pas l’une de ces langues comme langue maternelle.

28      La Commission ajoute également que, depuis la mise en service du site Internet de l’EPSO en 2003, les AMI pour l’engagement d’agents relevant du RAA, comme celui de l’espèce, ne seraient plus systématiquement publiés dans la presse écrite. En effet, ces formes de publication, coûteuses et d’efficacité aléatoire, seraient délaissées au profit d’informations en ligne que toute personne ayant accès à Internet peut facilement consulter, gratuitement ou à un prix modique. Même lorsque des informations concernant un concours ou un AMI sont publiées dans la presse, la majorité des candidats en aurait, en réalité, connaissance par le biais de moyens électroniques.

29      La Commission précise par ailleurs que son site Internet s’affiche dans toutes les langues officielles et prévoit des renvois vers le site Internet trilingue de l’EPSO pour l’inscription en ligne aux concours des institutions ou agences communautaires.

 Appréciation du Tribunal

30      Les articles 1er, 4 et 5 du règlement n° 1, invoqués par la requérante, ne sont pas applicables aux relations entre les institutions et leurs fonctionnaires et agents, en ce qu’ils fixent uniquement le régime linguistique applicable entre les institutions et un État membre ou une personne relevant de la juridiction de l’un des États membres (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 5 octobre 2005, Rasmussen/Commission, T-�203/03, RecFP p. I-�A-�279 et II-�1287, point 60, et du 20 novembre 2008, Italie/Commission, T-�185/05, Rec. p. II-�3207, point 117).

31      En effet, les fonctionnaires et les autres agents des Communautés, ainsi que les candidats à de tels postes, relèvent de la seule juridiction de l’Union, s’agissant de l’application des dispositions du statut, y compris celles relatives au recrutement au sein d’une institution (voir, par analogie, arrêts du Tribunal du 7 février 2001, Bonaiti Brighina/Commission, T-�118/99, RecFP p. I-�A-�25 et II-�97, point 13, et Italie/Commission, précité, point 118).

32      L’assimilation aux fonctionnaires et aux autres agents des Communautés des candidats à de tels postes, en matière de régime linguistique applicable, trouve sa justification dans le fait que lesdits candidats entrent en relation avec une institution uniquement aux fins d’obtenir un poste de fonctionnaire ou d’agent, pour lequel certaines connaissances linguistiques sont nécessaires et peuvent être exigées par les dispositions communautaires applicables pour pourvoir le poste en cause (voir, par analogie, Italie/Commission, précité, point 119).

33      Il en découle que les articles 1er, 4, et 5 du règlement n° 1 ne s’appliquent pas à l’AMI litigieux.

34      L’article 6 du règlement n° 1 permet expressément aux institutions de déterminer les modalités d’application du régime linguistique dans leurs règlements intérieurs. Dans ces conditions, il relève de la responsabilité des institutions de choisir la langue de communication interne, chaque institution ayant le pouvoir de l’imposer à ses agents et à ceux qui revendiquent cette qualité (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Poiares Maduro sous l’arrêt Espagne/Eurojust, précitées, point 46). Le choix de la langue de publication externe d’un AMI relève également de la responsabilité des institutions (voir, en ce sens, arrêt Italie/Commission, précité, point 122).

35      En conséquence, l’argument selon lequel l’administration aurait utilisé une faculté qui ne lui est pas reconnue par l’article 6 du règlement n° 1 en imposant aux candidats potentiels de choisir leur deuxième langue parmi trois langues seulement, à savoir l’allemand, l’anglais et le français, et en publiant l’AMI litigieux sur le site Internet de l’EPSO dans ces seules langues, doit être rejeté.

36      Compte tenu de tout ce qui précède, le moyen tiré de la violation des articles 1er, 4, 5 et 6 du règlement n° 1 doit être rejeté.

 Sur la violation des principes de non-discrimination, de proportionnalité et de multilinguisme

 Arguments des parties

37      En premier lieu, la République italienne estime que la publication sur le site Internet de l’EPSO de l’AMI litigieux en trois langues seulement a empêché tous les citoyens de l’Union de prendre connaissance de son existence dans des conditions d’égalité, selon le principe de non-discrimination en raison de la nationalité posé par l’article 12 CE. En effet, un avantage compétitif serait conféré aux citoyens de langues allemande, anglaise et française par rapport à tous les autres citoyens de l’Union. Cette publication constituerait également une violation du respect du principe du multilinguisme consacré à l’article 6, paragraphe 3, UE et à l’article 22 de la charte, en ce que chaque citoyen de l’Union aurait le droit d’être informé, dans sa propre langue, des actes communautaires qui affectent ses droits. Les AMI devraient être publiés au Journal officiel dans toutes les langues officielles.

38      La République italienne soutient qu’il importe peu que de nombreux citoyens de l’Union n’appartenant pas aux États membres de langue allemande, anglaise et française et, notamment, des ressortissants italiens aient participé aux concours en cause en prenant connaissance de ces concours par l’intermédiaire d’avis publiés par l’EPSO dans d’autres langues dans certains journaux nationaux ou sur son site Internet. Il s’agirait d’un concours de circonstances tout à fait fortuit, qui n’éliminerait pas la discrimination, étant donné que tout le monde ne lirait pas les journaux de son propre pays, ni ne consulterait le site Internet de l’EPSO, sur lequel l’AMI litigieux a été publié. En tout état de cause, l’EPSO n’aurait en aucune façon indiqué dans quels journaux la publication d’avis synthétiques interviendrait, ni qu’il publierait les appels sur son site Internet. Par ailleurs, la publication d’avis synthétiques dans la presse nationale constituerait un acte totalement dépourvu de base juridique.

39      La République italienne fait valoir qu’une discrimination existe également en ce qui concerne le délai de présentation des demandes d’inscription. En effet, même si les candidats de langue allemande, anglaise ou française disposaient d’un délai d’un mois à compter de la publication sur le site Internet de l’EPSO, les autres candidats disposaient d’un délai nettement plus court, dans la mesure où leur prise de connaissance de l’appel en question était intervenue à une date postérieure à celle de sa publication sur le site Internet de l’EPSO.

40      En second lieu, la République italienne considère que la limitation arbitraire à trois langues seulement pour le choix de la deuxième langue, ainsi que pour toute communication et pour le déroulement des épreuves, se traduit par une discrimination flagrante à l’encontre des langues autres que l’allemand, l’anglais et le français, en violation de l’article 12 CE. Cette limitation serait également contraire au principe de multilinguisme protégé par l’article 22 de la charte, lequel prévoirait que toutes les langues officielles doivent pouvoir être admises à titre de deuxième langue. De plus, cela produirait une discrimination tout aussi flagrante au détriment de tous les ressortissants qui connaissent, outre leur propre langue, une deuxième et peut-être aussi une troisième, une quatrième et une cinquième langue officielle parmi lesquelles ne se trouvent ni l’allemand, ni l’anglais, ni le français.

41      Lors de l’audience, la République italienne a ajouté que cette limitation était également contraire à l’article 27 du statut, qui prévoit qu’aucun emploi ne peut être réservé à des citoyens d’un État membre. Elle a ensuite précisé que ladite limitation était, de plus, contraire à l’article 28, sous f), du statut, dans la mesure où cette disposition ne prévoit pas, pour les candidats à un concours, de limite à la connaissance ni de la première langue du concours ni de la deuxième langue du concours.

42      La République italienne soutient qu’un AMI est un texte dont le contenu est exclusivement juridique, par lequel le candidat se fait une idée de ses propres droits et obligations en rapport avec un acte important, tel que la participation à un concours de recrutement dans les institutions. Dès lors, les candidats ayant une connaissance approfondie de l’allemand, de l’anglais et du français seraient avantagés quant à la lecture d’un AMI publié dans ces trois langues, par rapport à tout autre candidat n’ayant pas de connaissance, ou ayant une connaissance seulement satisfaisante, de ces trois langues.

43      La Commission expose qu’il incombe à la République italienne de prouver que la publication sur le site Internet de l’EPSO de l’AMI litigieux en trois langues seulement aurait empêché tous les citoyens de l’Union de prendre connaissance de son existence dans des conditions d’égalité et de non-discrimination.

44      La Commission fait observer que les candidats de nationalité italienne ont postulé en masse, contrairement aux candidats germanophones, anglophones et francophones, qui se seraient largement abstenus. Ainsi, le taux de participation italien, de 15,03 %, serait l’un des plus élevés, alors que le taux de candidats anglophones ne représenterait que 1,55 % du total des candidatures déposées. La République italienne oublierait aussi que, en ce qui concerne l’accès à la publication de l’AMI litigieux, tous les candidats se seraient trouvés dans la même situation en ce que l’appel n’aurait été publié que sur le site Internet de l’EPSO. Donc, tout candidat potentiel, quelle que soit sa langue principale, n’aurait eu qu’une seule voie d’accès à l’information officielle, cette voie étant la même pour tous.

45      La Commission considère que la publication sur le site Internet de l’EPSO de l’AMI litigieux en trois langues seulement reflète les besoins objectifs du service. Ainsi, un candidat, n’ayant pas la capacité de comprendre ledit AMI dans l’une des trois langues, ne remplirait pas les conditions pour postuler.

46      Quant à la question de la compréhension de l’AMI litigieux en ce qu’il s’agirait d’un texte juridique de nature complexe, la Commission souligne qu’un AMI est toujours rédigé en des termes clairs, sa mission étant précisément d’informer pleinement les intéressés pour qu’ils puissent apprécier s’ils ont intérêt à postuler.

47      Enfin, la Commission expose que la limitation à trois langues pour le choix de la deuxième langue serait légitime, dès lors qu’elle reflète les besoins du service.

 Appréciation du Tribunal

–       Remarques liminaires

48      Il convient, à titre liminaire, d’observer que le présent moyen se divise en deux branches. Dans le cadre de la première branche, le Tribunal est, en substance, appelé à se prononcer sur la question de savoir si la publication sur le site Internet de l’EPSO de l’AMI litigieux en trois langues seulement, à savoir l’allemand, l’anglais et le français, est conforme aux principes de non-discrimination, de proportionnalité et de multilinguisme. Dans le cadre de la seconde branche, le Tribunal est appelé à se prononcer sur la conformité aux principes de non-discrimination et de multilinguisme du choix de l’une de ces trois langues en tant que deuxième langue pour répondre à l’AMI litigieux et en tant que langue à utiliser pour toute communication et pour le déroulement des épreuves.

–       Sur la première branche, concernant la publication sur le site Internet de l’EPSO de l’AMI litigieux en seulement trois langues

49      En premier lieu, il convient de relever qu’aucune disposition ni aucun principe de droit communautaire n’impose qu’un AMI soit systématiquement publié sur le site Internet de l’EPSO dans toutes les langues officielles (voir, par analogie, arrêt Italie/Commission, précité, point 115).

50      Il est vrai qu’un AMI pour la constitution d’une base de données de candidats à recruter en tant qu’agents contractuels est susceptible d’intéresser potentiellement des candidats en provenance de tout État membre. Toutefois, ainsi qu’il a déjà été jugé par la Cour, les nombreuses références dans le traité CE à l’emploi des langues ne peuvent être considérées comme étant la manifestation d’un principe général de droit communautaire assurant à chaque citoyen le droit à ce que tout ce qui serait susceptible d’affecter ses intérêts soit rédigé dans sa langue en toutes circonstances (arrêt de la Cour du 9 septembre 2003, Kik/OHMI, C-�361/01 P, Rec. p. I-�8283, point 82, et arrêt Italie/Commission, précité, point 116).

51      En second lieu, il convient de constater que, si l’administration est en droit d’arrêter les mesures qui lui paraissent appropriées afin de régir certains aspects d’un AMI, ces mesures ne doivent pas conduire à une discrimination fondée sur la langue entre les candidats à un poste déterminé (voir, par analogie, Italie/Commission, précité, point 127).

52      En effet, l’article 82, paragraphe 1, du RAA – et non l’article 27 du statut, évoqué par la République italienne, cette disposition visant non pas les agents contractuels, mais les fonctionnaires – s’oppose à ce que l’institution exige des candidats à un poste d’agent contractuel une connaissance parfaite d’une langue officielle déterminée, lorsque cette condition linguistique a pour effet de réserver ledit poste à une nationalité déterminée, sans que cela soit justifié par des raisons ayant trait au fonctionnement du service (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 4 mars 1964, Lassalle/Parlement, 15/63, Rec. p. 57, 73 et 74, et arrêt Italie/Commission, précité, point 129).

53      Il s’ensuit que, si l’administration décide de publier sur le site Internet de l’EPSO le texte d’un AMI pour la constitution d’une base de données de candidats à recruter en tant qu’agents contractuels uniquement dans certaines langues, elle doit, afin d’éviter une discrimination fondée sur la langue entre les candidats potentiellement intéressés par ledit appel, adopter des mesures appropriées afin d’informer l’ensemble desdits candidats de l’existence de l’AMI et des versions linguistiques dans lesquelles il a été publié de manière intégrale (voir, par analogie, arrêt Italie/Commission, précité, point 130).

54      Pour autant que cette condition est remplie, la publication sur le site Internet de l’EPSO d’un AMI dans un nombre restreint de langues n’est pas susceptible de conduire à une discrimination entre les différents candidats s’il est constant que ces derniers possèdent une maîtrise suffisante d’au moins une de ces langues, leur permettant de prendre utilement connaissance du contenu dudit AMI (voir, par analogie, arrêt Italie/Commission, précité, point 131).

55      À cet égard, il convient de rappeler la jurisprudence selon laquelle le fait que des documents adressés par l’administration à un de ses fonctionnaires sont rédigés dans une langue autre que la langue maternelle de ce fonctionnaire ou la première langue étrangère choisie par lui n’est constitutif d’aucune violation des droits dudit fonctionnaire, s’il possède une maîtrise de la langue utilisée par l’administration lui permettant de prendre effectivement et facilement connaissance du contenu des documents en question. Cette conclusion est également valable s’agissant de la publication sur le site Internet de l’EPSO d’un AMI visant à constituer une base de données de candidats à recruter en tant qu’agents contractuels (voir, par analogie, arrêt Italie/Commission, précité, point 132, et la jurisprudence citée).

56      Il y a lieu de rappeler également que, eu égard à l’article 82, paragraphe 3, sous e), du RAA – et non à l’article 28, sous f), du statut, invoqué à tort à l’audience par la République italienne –, tout candidat à une procédure de recrutement pour un poste d’agent contractuel doit justifier une connaissance approfondie d’une des langues officielles et une connaissance satisfaisante d’une autre langue officielle, dans la mesure nécessaire aux fonctions qu’il est appelé à exercer. Il s’agit de connaissances linguistiques minimales nécessaires pour le recrutement d’agents contractuels des Communautés, l’administration pouvant, le cas échéant, fixer des conditions linguistiques plus sévères pour le recrutement à un poste déterminé (voir, par analogie, arrêts du Tribunal du 18 septembre 2003, Pappas/Comité des régions, T-�73/01, RecFP p. I-�A-�207 et II-�1011, point 85, et Italie/Commission, précité, point 133).

57      Ainsi, lorsque les nécessités du service ou celles de l’emploi l’exigent, l’administration peut légitimement spécifier les langues dont la connaissance approfondie ou satisfaisante est requise. Dans ce dernier cas, la circonstance que le texte de l’AMI concerné est uniquement disponible dans ces langues n’est pas susceptible de conduire à une discrimination entre les candidats, dès lors qu’ils doivent tous maîtriser au moins l’une de ces langues (voir, par analogie, arrêt Italie/Commission, précité, point 134).

58      En revanche, la publication sur le site Internet de l’EPSO d’un AMI uniquement dans certaines langues officielles, alors même que des personnes ayant seulement des connaissances d’autres langues officielles seraient recevables à poser leur candidature, est susceptible de conduire, en l’absence d’autres mesures visant à permettre à cette dernière catégorie de candidats potentiels de prendre utilement connaissance du contenu de cet appel, à une discrimination à leur détriment (voir, par analogie, arrêt Italie/Commission, précité, point 135).

59      En effet, dans cette hypothèse, les candidats en question se trouveraient dans une position moins avantageuse par rapport aux autres candidats, dès lors qu’ils ne seraient pas en mesure de prendre utilement connaissance des qualifications exigées par l’AMI ainsi que des conditions et des règles de la procédure de recrutement. Or, une telle connaissance constitue un préalable nécessaire à la présentation optimale de leur candidature, en vue de maximiser leurs chances d’être retenus pour le poste en cause (voir, par analogie, arrêt Italie/Commission, précité, point 136).

60      En l’espèce, il convient de constater que l’AMI litigieux a été publié sur le site Internet de l’EPSO, de manière intégrale, dans les seules langues allemande, anglaise et française. La Commission n’a par ailleurs prévu ni la publication sur son site, qui s’affiche, comme elle le fait valoir, dans toutes les langues officielles de l’Union, d’une annonce donnant l’information de l’existence et du contenu de l’AMI litigieux, ni l’adoption d’autres mesures équivalentes.

61      Ainsi, même à supposer, comme le soutient la Commission, que son site Internet renvoie, dans toutes les langues officielles, au site trilingue de l’EPSO, force est de constater qu’il existe un risque important que les candidats potentiellement intéressés, dont la langue maternelle est différente de l’allemand, de l’anglais ou du français, ne soient pas même informés de l’existence de l’AMI.

62      Dans ces conditions, la Commission ne peut soutenir que la possibilité d’être informé de l’existence de l’AMI litigieux était identique pour chaque candidat, indépendamment de la langue de départ.

63      Il résulte de tout ce qui précède que la publication, dans les seules langues allemande, anglaise et française, sur le site Internet de l’EPSO, de l’AMI litigieux constitue une discrimination fondée sur la langue entre les candidats potentiels, contraire à l’article 12 CE.

64      Au demeurant, elle conduit, de manière indirecte, à la violation de l’article 82 du RAA, dès lors qu’elle est susceptible de favoriser, dans le cadre de procédures de recrutement de personnel contractuel, des candidats de certaines nationalités, à savoir celles des États membres où les langues allemande, anglaise et française sont des langues maternelles.

65      À la lumière de ces considérations, il convient d’accueillir la première branche du présent moyen.

66      Dès lors, l’AMI litigieux doit être annulé, sans qu’il soit besoin d’analyser la seconde branche du présent moyen, ni les autres moyens invoqués par la République italienne.

 Sur les dépens

67      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

68      En l’espèce, la Commission ayant succombé et la République italienne n’ayant pas conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens, les parties supportent leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’appel à manifestation d’intérêt EPSO/CAST/EU/27/07 en vue de la constitution d’une base de données de candidats à recruter en tant qu’agents contractuels, pour effectuer des tâches diverses au sein des institutions et des agences communautaires, publié sur le site Internet de l’Office européen de sélection du personnel le 27 mars 2007, est annulé.

2)      La République italienne et la Commission européenne supportent leurs propres dépens.

Vadapalas

Jürimäe

Truchot

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 février 2011.

Signatures


** Langue de procédure : l’italien.


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