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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Viega v Commission (Competition) French Text [2011] EUECJ T-375/06 (24 March 2011)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2011/T37506.html
Cite as: [2011] EUECJ T-375/06, [2011] EUECJ T-375/6

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AVIS JURIDIQUE IMPORTANT: The source of this judgment is the web site of the Court of Justice of the European Communities. The information in this database has been provided free of charge and is subject to a Court of Justice of the European Communities disclaimer and a copyright notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.



DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

24 mars 2011 (*)

« Concurrence – Ententes – Secteur des raccords en cuivre et en alliage de cuivre – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Participation à l’infraction – Obligation de motivation – Amendes – Chiffre d’affaires pertinent – Circonstances atténuantes »

Dans l’affaire T-375/06,

Viega GmbH & Co. KG, établie à Attendorn (Allemagne), représentée initialement par Mes J. Burrichter, T. Mäger et F. Bulst, puis par Mes Burrichter, Mäger et M. Röhrig, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Nijenhuis et V. Bottka, en qualité d’agents, assistés de Me A. Böhlke, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision C (2006) 4180 de la Commission, du 20 septembre 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/F-1/38.121 ? Raccords), ainsi que, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant de l’amende infligée à la requérante dans ladite décision,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. N. Wahl (rapporteur) et A. Dittrich, juges,

greffier : Mme T. Weiler, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 janvier 2010,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par la décision C (2006) 4180, du 20 septembre 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/F-1/38.121 ? Raccords) (résumé au JO 2007, L 283, p. 63, ci-après la « décision attaquée »), la Commission des Communautés européennes a constaté que plusieurs entreprises avaient enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) en participant, au cours de différentes périodes comprises entre le 31 décembre 1988 et le 1er avril 2004, à une infraction unique, complexe et continue aux règles communautaires de concurrence revêtant la forme d’un ensemble d’accords anticoncurrentiels et de pratiques concertées sur le marché des raccords en cuivre et en alliage de cuivre, qui couvraient le territoire de l’EEE. L’infraction consistait à fixer les prix, à convenir de listes de prix, de remises et de ristournes et de mécanismes d’application des hausses des prix, à répartir les marchés nationaux et les clients et à échanger d’autres informations commerciales ainsi qu’à participer à des réunions régulières et à entretenir d’autres contacts destinés à faciliter l’infraction.

2        La requérante, Viega GmbH & Co. KG, un producteur de raccords en cuivre, figure parmi les destinataires de la décision attaquée.

3        Le 9 janvier 2001, Mueller Industries Inc., un autre producteur de raccords en cuivre, a informé la Commission de l’existence d’une entente dans le secteur des raccords, et dans d’autres industries connexes sur le marché des tubes en cuivre, et de sa volonté de coopérer au titre de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la « communication sur la coopération de 1996 ») (considérant 114 de la décision attaquée).

4        Les 22 et 23 mars 2001, dans le cadre d’une enquête concernant les tubes et les raccords en cuivre, la Commission a effectué, en application de l’article 14, paragraphe 3, du règlement nº 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), des vérifications inopinées dans les locaux de plusieurs entreprises (considérant 119 de la décision attaquée).

5        À la suite de ces premières vérifications, la Commission a, en avril 2001, scindé son enquête portant sur les tubes en cuivre en trois procédures distinctes, à savoir la procédure relative à l’affaire COMP/E-1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre), celle relative à l’affaire COMP/F-1/38.121 (Raccords) et celle relative à l’affaire COMP/E-1/38.240 (Tubes industriels) (considérant 120 de la décision attaquée).

6        Les 24 et 25 avril 2001, la Commission a effectué d’autres vérifications inopinées dans les locaux de Delta plc, société à la tête d’un groupe de génie international dont le département « Ingénierie » regroupait plusieurs fabricants de raccords. Ces vérifications portaient uniquement sur les raccords (considérant 121 de la décision attaquée).

7        À partir de février/mars 2002, la Commission a adressé aux parties concernées plusieurs demandes de renseignements en application de l’article 11 du règlement nº 17, puis de l’article 18 du règlement (CE) nº 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1) (considérant 122 de la décision attaquée).

8        En septembre 2003, IMI plc a présenté une demande visant à bénéficier de la communication sur la coopération de 1996. Cette demande a été suivie par celles du groupe Delta (mars 2004) et de FRA.BO SpA (juillet 2004). La dernière demande de clémence a été présentée en mai 2005 par Advanced Fluid Connections plc (considérants 115 à 118 de la décision attaquée).

9        Le 22 septembre 2005, la Commission a, dans le cadre de l’affaire COMP/F-1/38.121 (Raccords), engagé une procédure d’infraction et a adopté une communication des griefs, laquelle a notamment été notifiée à la requérante (considérants 123 et 124 de la décision attaquée).

10      Le 20 septembre 2006, la Commission a adopté la décision attaquée.

11      À l’article 1er de la décision attaquée, la Commission a constaté que la requérante avait enfreint les dispositions de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE entre le 12 décembre 1991 et le 22 mars 2001.

12      Pour cette infraction, la Commission a, à l’article 2, sous j), de la décision attaquée, infligé à la requérante une amende de 54,29 millions d’euros.

13      Aux fins de fixer le montant de l’amende infligée à chaque entreprise, la Commission a fait application, dans la décision attaquée, de la méthode définie dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 1998 »).

14      S’agissant, d’abord, de la fixation du montant de départ de l’amende en fonction de la gravité de l’infraction, la Commission a qualifié l’infraction de très grave, en raison de sa nature même et de sa portée géographique (considérant 755 de la décision attaquée).

15      Estimant ensuite qu’il existait une disparité considérable entre les entreprises concernées, la Commission a procédé à un traitement différencié, se fondant à cet effet sur leur importance relative sur le marché en cause déterminée par leurs parts de marché. Sur cette base, elle a réparti les entreprises concernées en six catégories (considérant 758 de la décision attaquée).

16      La requérante a été classée dans la première catégorie, catégorie pour laquelle le montant de départ de l’amende a été fixé à 60 millions d’euros (considérant 765 de la décision attaquée).

17      Du fait de la durée de la participation de la requérante à l’infraction (neuf ans et trois mois), la Commission a ensuite majoré le montant de l’amende de 90 % (considérant 775 de la décision attaquée), ce qui a abouti à fixer le montant de base de l’amende à 114 millions d’euros (considérant 777 de la décision attaquée).

18      La Commission n’a retenu aucune circonstance aggravante ou atténuante à l’encontre ou au bénéfice de la requérante.

19      En application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires total sur les amendes infligées conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, la Commission a réduit le montant de base de l’amende infligée à la requérante à 54,29 millions d’euros (considérant 831 de la décision attaquée).

 Procédure et conclusions des parties

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 décembre 2006, la requérante a introduit le présent recours.

21      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a invité la Commission à produire certains documents, ce qu’elle a fait dans le délai imparti.

22      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience qui s’est tenue le 20 janvier 2010.

23      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er de la décision attaquée dans la mesure où la Commission y a constaté qu’elle avait violé les dispositions de l’article 81, paragraphe 1, CE et de l’article 53, paragraphe 1, EEE ;

–        annuler l’article 2, sous j), de la décision attaquée dans la mesure où la Commission lui a infligé une amende de 54,29 millions d’euros ;

–        à titre subsidiaire, réduire de manière appropriée le montant de l’amende qui lui a été infligée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

24      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

25      À l’appui du recours, la requérante soulève quatre moyens, tirés, respectivement, d’une violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 résultant d’un calcul erroné du chiffre d’affaires pertinent, d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE et de l’article 253 CE en ce qui concerne la constatation erronée de sa participation à l’entente et, à titre subsidiaire, la détermination erronée de la durée de celle-ci, d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE et de l’article 253 CE en ce qui concerne la constatation erronée de la portée géographique de sa participation à l’entente et d’une violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 résultant de l’absence de prise en considération de circonstances atténuantes.

26      Étant donné que les deuxième et troisième moyens visent à contester la participation de la requérante à l’entente et que le premier et le dernier moyen visent une réduction du montant de l’amende qui a été infligée à celle-ci, le Tribunal estime qu’il convient d’abord d’examiner les deuxième et troisième moyens.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE et de l’article 253 CE, en ce qui concerne la constatation erronée de la participation de la requérante à l’entente et, subsidiairement, de la durée de cette participation

 Arguments des parties

27      La requérante fait valoir que la Commission a erronément constaté sa participation à l’entente ou, à tout le moins, qu’elle n’a pas établi la durée de l’infraction en ce qui la concerne.

28      En substance, elle reconnaît avoir eu des contacts (sous forme de contacts bilatéraux et de réunions) avec ses concurrents durant la période litigieuse, mais estime que les éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est fondée ne sont pas suffisamment probants pour établir son implication dans l’entente. Il s’agit de sa participation aux réunions des 30 avril et 14 juillet 1999, des 22 août, 6 novembre et 1er décembre 2000 et d’un contact avec Comap SA le 2 mars 2001 à Madrid.

29      De même, elle ne conteste pas avoir eu des contacts téléphoniques et par télécopie avec Mueller Industries pendant la période comprise entre le 12 décembre 1991 et le 17 septembre 1998. Toutefois, lesdits contacts n’auraient pas eu un but anticoncurrentiel. En outre, la requérante estime que Mueller Industries et elle n’étaient pas en concurrence.

30      En revanche, elle conteste sa participation aux réunions des 23 novembre 1998 et 29 juillet 1999, ainsi qu’à celles des 15 février et 17 novembre 2000. Elle conteste également sa participation à une réunion le 2 mars 2001 à Madrid et avoir eu des contacts avec des concurrents les 12 et 13 mars 2001.

31      La Commission rétorque que la requérante a admis, dans sa réponse à la communication des griefs, sa participation à trois réunions ayant un caractère anticoncurrentiel, à savoir celles des 6 novembre et 1er décembre 2000 ainsi que celle du 2 mars 2001. Par conséquent, selon la jurisprudence, la requérante ne pourrait plus, en principe, contester sa participation à celles-ci dans le cadre de la procédure devant le Tribunal. En tout état de cause, les éléments de preuve et les déclarations concordantes de Delta, d’IMI et de Mueller Industries montreraient la participation de la requérante à l’infraction du 12 décembre 1991 au 22 mars 2001.

 Appréciation du Tribunal

32      À titre liminaire, le Tribunal rappelle, en ce qui concerne l’administration de la preuve d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, que la Commission doit rapporter des preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction alléguée a été commise (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 mars 1984, CRAM et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679, point 20). L’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant l’infraction. Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation d’une décision infligeant une amende (arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T-38/02, Rec. p. II-4407, point 215).

33      Il est également de jurisprudence constante que chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T-67/00, T-68/00, T-71/00 et T-78/00, Rec. p. II-2501, point 180, et la jurisprudence citée).

34      Par ailleurs, il est usuel que les activités que les accords anticoncurrentiels comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation qui y est afférente soit réduite au minimum. Il s’ensuit que, même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, telles que les comptes rendus de réunions, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dès lors, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêts de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, Rec. p. I-123, points 55 à 57, et du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C-403/04 P et C-405/04 P, Rec. p. I-729, point 51).

35      À cet égard, il est à noter que les déclarations faites dans le cadre de la politique de clémence jouent un rôle important. Ces déclarations, faites au nom d’entreprises, ont une valeur probante non négligeable dès lors qu’elles induisent des risques juridiques et économiques considérables (voir, en ce sens, arrêts JFE Engineering e.a./Commission, point 33 supra, points 205 et 211, et Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, point 34 supra, point 103). Toutefois, la déclaration d’une entreprise inculpée pour avoir participé à une entente, dont l’exactitude est contestée par plusieurs autres entreprises inculpées, ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante de l’existence d’une infraction commise par ces dernières sans être étayée par d’autres éléments de preuve (voir arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 33 supra, point 219, et la jurisprudence citée).

36      S’agissant de la durée de l’infraction, il appartient également à la Commission de la prouver. Les principes mentionnés ci-dessus s’appliquent à cet égard (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C-105/04 P, Rec. p. I-8725, points 94 à 96).

37      En l’espèce, la Commission a constaté l’existence d’une infraction unique, complexe et continue. L’infraction reprochée consistait en l’organisation régulière, pendant plusieurs années, de contacts entre deux ou plusieurs producteurs concurrents dont l’objet était l’établissement de pratiques illicites, destinées à organiser artificiellement le fonctionnement du marché des raccords, notamment au niveau des prix.

38      Dans la décision attaquée, il est fait mention de la participation de la requérante à l’entente du 12 décembre 1991 au 22 mars 2001.

39      Eu égard aux moyens invoqués par la requérante, il convient d’examiner trois questions. La première concerne sa participation à l’entente en soi. La deuxième porte sur la durée de cette participation. Enfin, la dernière question, qui sera traitée dans le cadre de l’examen du troisième moyen, porte sur la portée géographique de la participation de la requérante à l’infraction unique, complexe et continue.

40      En premier lieu, s’agissant de la participation de la requérante à l’entente litigieuse, il y a lieu de noter que la requérante a déclaré, dans sa réponse à la communication des griefs, qu’elle avait participé à des réunions ayant un caractère anticoncurrentiel, à savoir celles des 6 novembre et 1er décembre 2000 ainsi que celle du 2 mars 2001. Or, selon la jurisprudence de la Cour, en l’absence de reconnaissance expresse des faits de la part de l’entreprise mise en cause, la Commission devra encore établir les faits, l’entreprise restant libre de développer, le moment venu et notamment dans le cadre de la procédure contentieuse, tous les moyens de défense qui lui paraîtront utiles (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, SCA Holding/Commission, C-297/98 P, Rec. p. I-10101, point 37). Il est également de jurisprudence constante que tel ne saurait être le cas en présence d’une reconnaissance des faits par l’entreprise en question. Il résulte de cette jurisprudence que le but n’est pas de restreindre la formation de recours contentieux par une entreprise sanctionnée par la Commission, mais de préciser l’étendue de la contestation pouvant être portée devant le juge afin d’éviter tout déplacement de la détermination des faits à la base de l’infraction concernée de la Commission vers le Tribunal, étant rappelé que ce dernier, saisi d’un recours fondé sur l’article 230 CE, est compétent pour contrôler la légalité de la décision infligeant la sanction et pour réformer, le cas échéant, cette dernière en vertu de son pouvoir de pleine juridiction (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T-69/04, Rec. p. II-2567, points 79 à 85, et la jurisprudence citée). En l’espèce, à l’exception de ces trois réunions, la requérante a contesté, dans sa réponse à la communication des griefs, sa participation à d’autres réunions et a, en tout état de cause, cherché à minimaliser son rôle dans l’entente. En outre, la requérante a souligné, lors de l’audience, qu’elle n’a jamais admis avoir participé, par son comportement, à un accord anticoncurrentiel en ce qui concerne les raccords à sertir que ce soit le 6 novembre ou le 1er décembre 2000 ou à n’importe quelle autre date. Dès lors, rien n’empêche la requérante d’avancer cet argument devant le Tribunal, étant donné que la requérante n’a pas réellement reconnu les faits au sens de la jurisprudence citée.

41      En tout état de cause, s’agissant de ces trois réunions, il résulte des notes manuscrites de M. P. (IMI), mentionnant comme objet « Allemagne », et de la déclaration d’IMI du 17 décembre 2003, corroborées par un échange de courriers électroniques du 8 novembre 2000 entre deux salariés de FRA.BO, par des notes manuscrites de M. P. du 17 novembre 2000 et par une déclaration de Mueller Industries, que, lors de la réunion du 6 novembre 2000, la requérante a accepté de mettre en œuvre la hausse de prix devant avoir lieu le 17 novembre 2000 et entrer en vigueur le 2 janvier 2001, ce qu’elle a effectivement fait par l’envoi d’une circulaire aux clients le 10 novembre 2000. Les arguments de la requérante selon lesquels, premièrement, ladite réunion n’aurait pu être l’occasion de conclure un accord sur les prix, étant donné que, à cette date, la procédure interne de fixation des prix était déjà close et, deuxièmement, la commande concernant l’impression de la nouvelle liste de prix avait déjà été passée le 31 octobre 2000 ne sauraient être accueillis. En effet, le fait qu’une entreprise ait déjà établi une nouvelle liste de prix avant que les acheteurs en aient été informés n’exclut pas le fait que celle-ci soit devenue la liste de prix destinée à tous les participants à l’entente par la suite.

42      S’agissant de la réunion du 1er décembre 2000, qui portait sur l’état de la mise en œuvre de la hausse des prix convenue le 6 novembre 2000, les participants y ont également discuté d’une liste de prix applicable à l’échelle européenne. À cet égard, il ressort des notes manuscrites de M. P., prises lors de cette réunion, que la requérante avait proposé de faire de sa liste de prix applicable en Allemagne la base d’une liste de prix commune applicable à l’échelle européenne, ce que la requérante a admis dans sa réponse à la communication des griefs. Toutefois, dans la requête, elle a adopté une position différente. À cet égard, la requérante fait valoir que l’emploi de l’expression « liste préparée » dans lesdites notes manuscrites de M. P. s’explique par le fait qu’elle avait déjà terminé de rédiger sa liste de prix pour l’Allemagne et que l’expression « proposition de Viega » ne pouvait dissimuler le fait que la liste de prix applicable à l’échelle européenne était une idée d’IBP Ltd, une filiale d’Advanced Fluid Connections. Or, pour la raison évoquée au point 41 ci-dessus, le fait qu’une entreprise avait déjà terminé de rédiger sa liste de prix pour l’Allemagne n’exclut pas que celle-ci soit devenue par la suite la liste de prix commune applicable à l’échelle européenne. En outre, une telle circonstance ne peut masquer le fait qu’elle a participé à une réunion ayant un but anticoncurrentiel.

43      S’agissant de la réunion qui s’est tenue le 2 mars 2001 à Madrid et qui portait sur une hausse de prix de 7 %, la requérante nie y avoir participé, mais admet avoir eu, le même jour à Madrid, un entretien avec Comap. À cet égard, il y a lieu de relever que les notes manuscrites de M. Hi. (IMI) et le courrier électronique de M. Ha. (IBP) contiennent des données concrètes en ce qui concerne les prix pratiqués par la requérante en Espagne et en « Europe de l’Est », la date de la prochaine application de sa nouvelle liste de prix (mi-mars) et les rabais accordés à certains clients. Bien que la liste de prix de la requérante fût déjà connue sur le marché en ce qui concerne la Pologne [« Viegener va appliquer sa liste (qui est sur le marché) le 15.3.2001 (avec apparemment une remise maximale de 63 %). Se plaint à présent d’être le seul ! »], il n’en allait pas de même en ce qui concerne la liste de prix applicable en Espagne [« Comap va annoncer 7 % (cu & bronze industriel le 15 mars, Viega le 22 et IBP et nous [IMI] le 29. Réglé d’ici le 1.5.01. PL contactera FRA.BO, Streamline et SHK »]. Dès lors, il y a lieu de considérer qu’il y a bien eu, lors de cette réunion, lors d’une réunion antérieure ou par le biais de Comap un contact entre la requérante et ses concurrents concernant les prix qu’elle pratiquait.

44      Ensuite, en ce qui concerne les autres réunions pour lesquelles la requérante n’a pas contesté sa participation (voir point 28 ci-dessus), il y a lieu d’observer que celle-ci reconnaît avoir participé à la réunion du 30 avril 1999, mais nie y avoir abordé la question des prix sur le marché des raccords, car le but de cette réunion aurait été l’achat de raccords à sertir, ce qui, d’un point de vue du droit de la concurrence, ne saurait être proscrit. Toutefois, il ressort des notes manuscrites de M. P. (IMI), prises lors de cette réunion, et de la déclaration d’IMI du 17 décembre 2003 que, lors de cette réunion, la requérante a discuté des prix.

45      Dans lesdites notes manuscrites, il est indiqué ce qui suit :

« 1.      Viegener a dit que, à son avis, les prix allaient encore baisser par rapport au multi actuel de 0,70 en Allemagne.

[…]

6.       Les Espagnols

1.       ont besoin d’une part de marché HGK à discuter plus tard

2.       augmentent les prix

[…]

7.       Réunion IBP semaine prochaine sur le prix des raccords à sertir

[…]

9.       la stratégie des prix de Viegener – remises supplémentaires aux clients [sur] tout l’éventail de leurs raccords (raccord à sertir et à souder)

10.       Prendre contact avec SHK – connaît pas la liste des prix

(3 % de moins en comparaison avec V - 42 %)

11.       Part de marché 10/15 % pour raccords à sertir »

46      Selon la déclaration d’IMI, du 17 décembre 2003, le point 6 desdites notes manuscrites de M. P. concerne un commentaire de la requérante relatif à l’Espagne, d’une part, indiquant que celle-ci avait besoin d’y obtenir ou d’y conserver une part de marché et d’augmenter les prix et, d’autre part, suggérant que ce point soit abordé plus tard avec M. K. De même, le point 9 de ces mêmes notes manuscrites concernerait la stratégie de la requérante en matière de prix des raccords à sertir et le fait que celle-ci accorderait de grosses remises supplémentaires aux clients achetant tout l’éventail de leurs raccords (à savoir les raccords à sertir et à souder). Enfin, le point 11 desdites notes manuscrites ferait mention de l’estimation de la requérante concernant la part de marché des raccords à sertir sur le marché global des raccords.

47      En effet, les notes manuscrites de M. P., prises lors de la réunion du 30 avril 1999, font plutôt référence à une réunion ayant un caractère anticoncurrentiel qu’à une simple réunion concernant la possibilité de s’approvisionner en raccords à sertir auprès de la requérante qui, selon cette dernière, intéressait surtout IMI. En outre, le fait de donner des renseignements tels que des indications techniques concernant la structure de ses prix, comme l’a admis la requérante, renforce la conclusion de la Commission en ce qui concerne la nature anticoncurrentielle de cette réunion.

48      S’agissant de la réunion du 14 juillet 1999, à laquelle la requérante a également participé, cette dernière ne nie pas avoir donné son approbation au système statistique, qui a fait l’objet d’un des points à l’ordre du jour de cette réunion, étant donné qu’un tel système, placé sous le contrôle d’un avocat, n’était pas contraire au droit de la concurrence, ce qui explique que la Commission ne l’ait pas mis en cause dans la décision attaquée. En revanche, elle fait valoir qu’elle n’a pas accepté la classification des clients et estime que la formule « principe admis » figurant dans les notes manuscrites de M. P. ne suffit pas pour conclure à sa participation audit système de classification. À cet égard, il y a lieu de considérer que, indépendamment de la question de savoir si la requérante a accepté la classification des clients, il ressort de ses déclarations qu’un sujet de nature anticoncurrentielle a bien été abordé lors de cette réunion. Par ailleurs, le fait que la requérante conteste son implication dans la classification des clients n’est pas pertinent compte tenu du fait qu’il n’est pas nécessaire qu’un membre d’une entente unique, complexe et continue participe à tous les éléments constituant cette entente pour être déclaré coupable d’une infraction à l’article 81 CE.

49      En ce qui concerne la réunion du 22 août 2000, il est à noter que, même si un accord n’avait pas été conclu à cette date, il ressort d’une note de M. B. (IMI) que les prix applicables à l’époque sur le marché allemand y ont été abordés en plus des prix historiques.

50      S’agissant des réunions auxquelles la requérante conteste avoir participé (voir point 30 ci-dessus), il y a lieu de relever que, en ce qui concerne la réunion du 23 novembre 1998, il ressort de deux notes de M. P. (IMI) que la requérante était favorable à l’objectif de cette réunion, notamment en ce qui concerne la mise en place d’une nouvelle liste de prix, et qu’elle avait été préalablement informée des détails de cette réunion.

51      En ce qui concerne la réunion du 15 février 2000, son objet anticoncurrentiel et la participation de la requérante ressortent de la déclaration d’IMI du 17 décembre 2003 et des notes manuscrites de M. P. (IMI), dans lesquelles il est indiqué :

« Allemagne – Raccords à souder

Bonne atmosphère

Engagement en faveur de la hausse actuelle

Accord pour nouvelle action le 15.4.00

(8 - 10 %)

laiton/cuivre

Viegener un peu nerveux – Être sûr de la 1re hausse

Comap a présidé réunion (Krainberg)

Viegener ne voulait pas parler exportation »

52      À cet égard, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que, dès lors qu’une entreprise participe, même sans y prendre part activement, à des réunions entre entreprises ayant un objet anticoncurrentiel et qu’elle ne se distancie pas publiquement du contenu de celles-ci, donnant ainsi à penser aux autres participants qu’elle souscrit au résultat des réunions et qu’elle s’y conformera, il peut être considéré comme établi qu’elle participe à l’entente résultant desdites réunions (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7/89, Rec. p. II-1711, point 232 ; du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T-12/89, Rec. p. II-907, point 98, et du 6 avril 1995, Tréfileurope/Commission, T-141/89, Rec. p. II-791, points 85 et 86).

53      Il ressort de tout ce qui précède que, même si la requérante n’a pas participé à toutes les réunions, telles que celles des 29 juillet 1999, 17 novembre 2000 et 12 ou 13 mars 2001, nonobstant le fait qu’il existe des indices attestant le contraire, il est prouvé à suffisance de droit que la requérante était impliquée dans l’entente. À cet égard, les déclarations d’autres participants, tels que celles de Mueller Industries, de Delta et de FRA.BO, vont dans le même sens. En outre, il y a lieu de rappeler que la régularité avec laquelle une entreprise assiste aux réunions n’affecte pas sa participation à l’infraction, mais tout au plus le degré de cette participation. En effet, le fait qu’une entreprise n’a pas participé à tous les éléments constitutifs d’une entente ou qu’elle a joué un rôle mineur dans les aspects auxquels elle a participé n’est pas pertinent pour établir l’existence d’une infraction à son égard (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 34 supra, point 86).

54      En deuxième lieu, s’agissant de la durée de la participation de la requérante à l’entente, plus spécifiquement la question de savoir si elle y a participé entre le 12 décembre 1991 et le 17 septembre 1998, il y a lieu de rappeler qu’elle a reconnu avoir eu des contacts avec Mueller Industries au cours de cette période. Toutefois, selon la requérante, ces contacts auraient été en conformité avec le droit de la concurrence.

55      Dès lors, il y a lieu d’examiner les preuves invoquées par la Commission, notamment :

–        une télécopie du 13 décembre 1991 (considérant 202 de la décision attaquée) ;

–        une télécopie du 12 mai 1993 (considérant 217 de la décision attaquée) ;

–        une télécopie du 19 septembre 1994 (considérant 231 de la décision attaquée) ;

–        une télécopie du 25 novembre 1994 (considérant 232 de la décision attaquée) ;

–        une télécopie du 31 août 1996 ;

–        une télécopie du 9 septembre 1996 (considérant 257 de la décision attaquée) ;

–        un extrait de la déclaration de Mueller Industries du 8 février 2002 ;

–        un extrait de la déclaration de Mueller Industries du 19 octobre 2001 et de l’agenda de M. G. (Mueller Industries) concernant un contact téléphonique du 17 septembre 1998 entre MM. G. et M. (considérant 316 de la décision attaquée) ;

–        le rapport commercial d’IMI de janvier 1998 (considérant 295 de la décision attaquée).

56      Il y a lieu de relever, tout d’abord, que l’argument de la requérante selon lequel les contacts entre Mueller Industries et elle n’auraient pas eu un but anticoncurrentiel, car ces deux entreprises n’auraient pas exercé leurs activités sur le même marché, n’est pas convaincant. En effet, en premier lieu, toutes deux produisent les mêmes produits et sont donc, à tout le moins, des concurrents potentiels. En second lieu, Mueller Industries était présent sur le marché allemand par le biais de l’entreprise Hermann Schmidt. Enfin, comme l’a admis la requérante lors de l’audience, l’information reçue de Mueller Industries constituait pour la requérante un des éléments à prendre en considération avant de décider si elle allait ou non s’implanter sur le marché au Royaume-Uni.

57      Ensuite, s’agissant des éléments de preuve invoqués par la Commission, il est à noter que, pris isolément, ils peuvent donner lieu à diverses interprétations, mais que, pris ensemble, ils montrent l’implication de la requérante dans l’entente dès 1991, et ce jusqu’en 2001.

58      S’agissant de la télécopie du 13 décembre 1991, envoyée par Mueller Industries à la requérante, à la suite d’un contact téléphonique le jour précédent, il ressort de son texte qu’il s’agit d’un échange d’informations sur les prix. En effet, dans cette télécopie, Mueller Industries a indiqué :

« J’ai reçu une télécopie de la nouvelle liste ‘B’, mais une copie de votre liste par courrier sera également la bienvenue, une fois qu’elle sera imprimée. J’en étudie déjà les implications en ce qui nous concerne en réfléchissant aux actions qui s’imposent. »

59      S’agissant de la télécopie du 12 mai 1993, dans laquelle il est indiqué « 3) Prix RU – Strictement confidentiel », elle porte sur les prix d’un distributeur de Mueller Industries et les rabais effectués au Royaume-Uni. De même, par télécopie du 19 septembre 1994, une nouvelle liste de prix concernant un autre concurrent a été échangée. Bien que cette dernière liste ait déjà été disponible auprès des grossistes, comme le prétend la requérante, il n’en demeure pas moins que Mueller Industries et la requérante ont ainsi régulièrement échangé des informations concernant les prix.

60      La télécopie du 25 novembre 1994 entre Mueller Industries et la requérante fait également état d’informations confidentielles sur les prix. Dans cette télécopie, Mueller Industries indiquait :

« Je vous transmets les informations qui suivent comme une faveur en échange de l’aide que vous m’accordez de temps à temps […] Quand vous en aurez l’occasion, une confirmation de la liste de prix allemande de 1995 me serait utile. »

61      Ensuite, par télécopie du 31 août 1996, M. G. (Mueller Industries) a demandé à M. M. (membre du personnel de la requérante), d’une part, des informations concernant les « premières rumeurs » d’une nouvelle liste « B » et une copie de la section concernant la « série 5000 » et, d’autre part, ce qu’il pensait des « multis » qui s’appliqueraient. Les réponses se trouvent dans la télécopie du 9 septembre 1996.

62      En outre, il ressort de la déclaration de Mueller Industries du 8 février 2002 qu’elle a régulièrement reçu des informations concernant des changements de prix en Allemagne. Cette déclaration a été corroborée par celle de M. P. (IMI), en ce qui concerne l’implication de la requérante dans l’entente. Selon lui, la requérante a participé à des « réunions allemandes » à partir de 1991.

63      Enfin, le rapport commercial d’IMI de janvier 1998 indique qu’IBP, Comap et IMI Woeste ont annoncé une augmentation de prix et que la requérante et les autres concurrents mentionnés dans ce rapport annonceraient leur augmentation de prix pendant la première semaine de février de la même année, ce qui présuppose qu’un contact entre concurrents avait eu lieu à ce sujet.

64      Dès lors, il ressort de l’ensemble de ces éléments de preuve que c’est à bon droit que la Commission a considéré que la requérante avait participé à l’entente dès le 12 décembre 1991.

65      Il résulte de ces considérations que le présent moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen soulevé à titre subsidiaire, tiré d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE et de l’article 253 CE, en ce qui concerne la constatation erronée de la portée géographique de la participation de la requérante à l’entente

 Arguments des parties

66      À titre subsidiaire, la requérante estime que, à supposer qu’il soit établi qu’elle a participé à l’entente, il n’est pas prouvé qu’elle y ait été impliquée au niveau paneuropéen. De plus, elle fait valoir que les éléments sur lesquels la Commission a fondé son appréciation ne ressortent pas clairement de la décision attaquée. Selon elle, la Commission ne mentionne l’existence d’activités commerciales la concernant qu’en Allemagne, en Espagne et aux Pays-Bas et n’invoque des griefs concrets qu’en ce qui concerne l’Allemagne et l’Espagne.

67      D’après la requérante, une lecture attentive du dossier de la Commission, les déclarations de M. P. (IMI) incluses, ne permet de démontrer aucun lien avec une entente paneuropéenne. Bien que M. P. ait déclaré que tous les « acteurs moyens » ont, à un moment donné, participé à des réunions relatives à des agissements au niveau national, il ressort également de sa réponse à la question de savoir si les « acteurs moyens » avaient connaissance de l’existence d’une « entente paneuropéenne », qu’il estimait que, s’agissant de sa forme ou de son organisation, ils n’en avaient pas une connaissance précise. En outre, la liste communiquée par IMI, qui reprend les noms des représentants des participants à l’entente pour les différents territoires au niveau européen, ne mentionne que le nom de M. V., en tant que représentant de la requérante au niveau national et, contrairement à de nombreuses autres entreprises, aucun représentant au niveau européen.

68      Enfin, la requérante fait remarquer qu’il est « symptomatique » qu’IMI, qui était l’un des principaux acteurs de l’entente paneuropéenne, se soit contentée de supposer en ce qui la concerne une « implication occasionnelle » dans des « activités collusoires paneuropéennes » et qu’il ressort des citations sélectives effectuées par la Commission dans ses écritures en réponse au troisième moyen que celle-ci ne dispose pas de preuves solides à l’appui de ses accusations.

69      La Commission conclut au rejet de ce moyen. En outre, elle fait observer que la requérante ne conteste pas, en tant que telle, l’existence de l’infraction unique, complexe et continue constatée dans la décision attaquée, mais sa participation à cette infraction. La preuve dont l’absence est alléguée concorderait donc avec la preuve de participation à l’entente déjà évoquée à propos du deuxième moyen, de sorte que ce moyen serait dépourvu de caractère autonome.

 Appréciation du Tribunal

70      S’agissant de la participation de la requérante à l’entente au niveau paneuropéen, il y a lieu de rappeler que, afin d’établir la participation d’une entreprise à une infraction unique, complexe et continue, la Commission se doit de prouver que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements matériels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C-49/92 P, Rec. p. I-4125, point 87).

71      À cet égard, il a déjà été constaté que la requérante avait participé à des réunions ayant un caractère anticoncurrentiel.

72      En outre, la requérante ne saurait contester qu’elle était impliquée dans l’entente au niveau européen, compte tenu de sa proposition d’utiliser sa liste de prix applicable en Allemagne comme base pour établir une liste de prix applicable au niveau européen.

73      Par ailleurs, elle avait également un intérêt à influencer les prix des raccords au niveau européen, ne serait-ce qu’en raison de l’éventualité d’une variation défavorable des prix accordés à ce niveau ou au niveau d’autres pays par rapport aux prix accordés pour l’Allemagne, ce qui, le cas échéant, aurait pu provoquer une augmentation du nombre des importations en provenance d’autres pays et donc affaiblir la position de la requérante sur le marché.

74      Même si la requérante n’était pas présente sur tous les marchés nationaux, elle était néanmoins informée du comportement de ses concurrents opérant au niveau paneuropéen, ce qui lui permettait d’exclure tout risque commercial concernant son entrée potentielle sur d’autres marchés et atteste de sa participation à l’entente au niveau paneuropéen.

75      Enfin, s’agissant de la prétendue violation de l’article 253 CE, tenant à l’absence de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne l’étendue géographique de la participation de la requérante à l’entente, il y a lieu de constater que la raison pour laquelle il est justifié de présumer qu’il s’agit d’une infraction unique, complexe et continue, dans le cadre de laquelle un comportement anticoncurrentiel au niveau paneuropéen s’avère être la continuation naturelle d’un comportement anticoncurrentiel adopté au niveau national et vice versa et qui explique que l’interaction entre le niveau national et le niveau paneuropéen soit devenue si étroite qu’ils ne peuvent être distingués, ressort clairement du considérant 559 de la décision attaquée. Le fait que la requérante n’était pas présente sur tous les marchées nationaux, ainsi qu’il a déjà été constaté, ne remet pas en cause la participation de la requérante à l’entente en cause.

76      Partant, ce moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 résultant de la prise en considération du chiffre d’affaires réalisé avec la vente des raccords à sertir

 Arguments des parties

77      La requérante fait valoir que le montant de départ de l’amende qui lui a été infligée a été erronément fondé sur le chiffre d’affaires réalisé avec la vente des raccords à sertir, alors même qu’il n’existe aucun indice, ni aucune preuve, qu’elle ait participé aux accords portant sur ces produits. Dans ce contexte, elle explique que, dès lors qu’elle occupait une position quasi monopolistique en ce qui concerne les raccords à sertir jusqu’à presque la fin de l’infraction, elle n’avait aucun intérêt économique à coordonner sa politique commerciale en matière de raccords à sertir par des accords avec ses concurrents, ni à se concerter avec eux en matière de prix.

78      La requérante ajoute que, si la Commission s’était fondée, en ce qui la concerne, sur la part de marché et le chiffre d’affaires résultant de la vente des raccords à souder, elle aurait dû être classée non dans la première catégorie dont le montant de base avait été fixé à 60 millions d’euros, mais dans la sixième catégorie, pour laquelle le montant de base avait été fixé à 5,5 millions d’euros.

79      La requérante critique également le fait que la Commission se contente, dans la décision attaquée, de faire remarquer que, en raison de leur interchangeabilité avec d’autres types de raccords, les raccords à sertir étaient concernés par les accords de l’entente et qu’il convenait de les englober dans les constatations de la décision attaquée. D’après la requérante, la Commission est consciente de ne pas être parvenue à prouver sa participation aux accords dans le domaine des raccords à sertir, d’où la tentative de celle-ci de montrer que cette preuve était superflue en raison de la substituabilité des raccords à sertir et des raccords à souder. D’ailleurs, si cette substituabilité était le seul élément déterminant, la Commission aurait dû également tenir compte des chiffres d’affaires que les participants à l’entente ont réalisés avec la vente des raccords en acier inoxydable et en matières synthétiques.

80      La Commission conclut au rejet du présent moyen.

 Appréciation du Tribunal

81      Il convient d’abord d’observer que, selon la jurisprudence, le marché visé par une décision de la Commission constatant une infraction à l’article 81 CE est déterminé par les accords et les activités de l’entente (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T-71/03, T-74/03, T-87/03 et T-91/03, non publié au Recueil, point 90). Or, selon le considérant 634 de la décision attaquée, l’enquête de la Commission a montré que, à différents moments de la période de mise en œuvre de l’entente, tous les types et toutes les tailles de raccords, les raccords à sertir inclus, avaient fait l’objet de discussions anticoncurrentielles.

82      Ensuite, il est à noter à cet égard que, étant donné que les marchés et la technologie concernant les produits en cause ont tendance à évoluer avec le temps, il y a lieu de s’attendre, lorsque l’entente a été mise en place, à ce que les produits couverts par celle-ci changent également afin de s’adapter aux nouvelles caractéristiques du marché.

83      En l’espèce, il ressort des éléments de preuve que les participants à l’entente ont discuté des raccords à sertir lors des réunions des 17 décembre 1999 et 27 juin 2000.

84      À cet égard, il y a lieu de relever que les autres fabricants de raccords n’ont commencé à commercialiser les raccords à sertir qu’à partir des années 1999-2000 et que c’est uniquement à compter de ce moment que ces raccords ont fait l’objet de discussions concernant la stratégie à suivre. En effet, il y a lieu de constater que la réunion du 27 juin 2000, à laquelle ont participé des représentants d’IMI et d’IBP, a porté sur l’opportunité de suivre la ligne de conduite de la requérante en ce qui concerne les raccords à sertir ou sur celle de les incorporer dans la liste des prix de l’entente. De même, ces questions ainsi que le prix de ces raccords avaient déjà été abordés lors de la réunion du 17 décembre 1999 ainsi que lors de réunions antérieures entre les représentants d’IMI, d’IBP et de Comap.

85      En outre, la requérante a participé à l’entente portant sur les raccords depuis 1991 jusqu’aux inspections de la Commission en 2001 et a elle-même discuté des raccords à sertir lors de la réunion du 6 novembre 2000 durant laquelle elle s’était déclarée disposée à mettre en œuvre une hausse des prix, qui devait entrer en vigueur le 2 janvier 2001 et qui couvrait aussi les raccords à sertir (voir point 41 ci-dessus). Par ailleurs, lors de la réunion du 30 avril 1999, elle avait déjà fait état de sa stratégie tarifaire pour ce qui est des raccords à sertir (voir points 44 et suivants ci-dessus).

86      S’il est vrai que les raccords à sertir ont fait l’objet de l’entente à un stade tardif de la mise en œuvre de celle-ci, cela ne remet pas en cause le constat selon lequel les raccords à sertir ont fait l’objet de discussions anticoncurrentielles à partir des années 1999-2000. Par ailleurs, la requérante ne met pas en doute le choix de l’année 2000 comme étant l’année de référence pour le calcul du montant de l’amende.

87      Enfin, l’argument selon lequel la requérante n’aurait eu aucun intérêt économique à ce que les raccords à sertir fassent l’objet de l’entente n’est pas pertinent, étant donné qu’il a été établi par des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission qu’elle l’avait effectivement fait.

88      Dès lors, la Commission était habilitée, lors de la fixation du montant de départ de l’amende, à prendre en considération le chiffre d’affaires réalisé en 2000 avec la vente de tous les types et de toutes les tailles de raccords, y compris les raccords à sertir.

89      Il s’ensuit que le présent moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 résultant de l’absence de prise en considération de circonstances atténuantes

 Arguments des parties

90      À titre subsidiaire, la requérante fait valoir que l’amende qui lui a été infligée doit être réduite au motif que la Commission a omis de prendre en considération des circonstances atténuantes.

91      À l’appui de cette thèse, la requérante invoque le fait qu’elle n’a jamais été membre du « Super EFMA », ni même de l’European Fittings Manufacturers Association (EFMA, Association européenne des producteurs de raccords) et que son rôle était marginal, comme le prouverait sa faible participation aux « réunions allemandes », y compris celles de Düsseldorf (Allemagne). En fait, elle devrait plutôt être considérée comme un « perturbateur » et un « adversaire » de l’« entente paneuropéenne ». Elle aurait exercé une pression concurrentielle sur le marché des raccords, notamment en sa qualité de concepteur du raccord à sertir. De plus, en réaction à son comportement agressif sur le marché, les membres de l’entente auraient pris à son égard des mesures de sanction ciblées.

92      La Commission rétorque que ce que la requérante présente comme des « sanctions de ses concurrents » n’est que la conséquence du fait que les membres d’une entente restent des concurrents et que chacun d’entre eux peut être tenté, à un moment ou à un autre, de profiter du respect des règles de l’entente par les autres participants pour s’en écarter à son propre avantage. Une telle utilisation de l’entente à son profit ne constituerait pas une circonstance atténuante.

93      En ce qui concerne le prétendu rôle marginal de la requérante, la Commission fait remarquer que, même si la participation sensiblement plus sporadique d’une entreprise aux réunions de l’entente par rapport à celle d’autres membres de l’entente constitue un indice du rôle passif joué par cette entreprise au sein de ladite entente, seul un rôle exclusivement passif ou suiviste peut, selon les lignes directrices de 1998, donner lieu à une réduction du montant de l’amende. D’après elle, il ne suffit donc pas que, pendant certaines périodes de la mise en œuvre de l’entente ou à l’égard de certains accords de l’entente, l’entreprise concernée ait adopté un « profil bas ». En l’espèce, il ne pourrait être conclu à l’existence d’un « profil bas », puisque la requérante a explicitement donné son accord sur la proposition d’augmenter les prix, qu’elle a fait des propositions de prix, discuté des prix, partagé des attentes et échangé des informations sur les prix.

 Appréciation du Tribunal

94      S’agissant du fait que la requérante n’a jamais été membre de l’EFMA, il y a lieu de relever qu’un tel argument n’est pas pertinent pour lui reconnaître le bénéfice d’une circonstance atténuante. En effet, les réunions de l’EFMA se déroulaient conformément au droit de la concurrence. Ce sont les réunions informelles tenues avant ou après les réunions de l’EFMA qui avaient un caractère anticoncurrentiel. De plus, l’entente ne réunissait pas seulement les participants des réunions dites « Super EFMA », mais incluait d’autres participants présents lors des réunions bilatérales, nationales, ad hoc et européennes.

95      S’agissant du prétendu rôle marginal de la requérante, il y a d’abord lieu de relever que le point 3, premier tiret, des lignes directrices de 1998 prévoit une diminution du montant de base de l’amende infligée à l’égard d’une entreprise en fonction de circonstances atténuantes particulières telles qu’un rôle exclusivement passif ou suiviste dans la réalisation de l’infraction. Il convient également de rappeler que, selon la jurisprudence, pour être éligible au bénéfice d’une circonstance atténuante résultant d’un « rôle exclusivement passif ou suiviste », l’entreprise concernée doit avoir adopté un « profil bas », caractérisé par une absence de participation active à l’élaboration du ou des accords anticoncurrentiels (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T-220/00, Rec. p. II-2473, points 166 et 167). Or, en l’espèce, la requérante a activement participé ou a donné son accord en ce qui concerne les propositions de prix, ainsi qu’en témoigne le fait qu’elle a proposé sa liste de prix applicable en Allemagne comme liste de référence au niveau paneuropéen.

96      Par conséquent, la Commission a pu considérer à juste titre qu’il n’y avait aucune raison de réduire le montant de l’amende infligée à la requérante au titre de circonstances atténuantes.

97      Partant, ce moyen doit être rejeté.

98      Il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

99      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Viega GmbH & Co. KG est condamnée aux dépens.

Martins Ribeiro

Wahl

Dittrich

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 mars 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.


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