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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Sibilio (French Text) [2012] EUECJ C-157/11 (15 March 2012) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2012/C15711.html Cite as: EU:C:2012:148, [2012] EUECJ C-157/11, ECLI:EU:C:2012:148 |
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ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
15 mars 2012 (*)
«Politique sociale − Accord-cadre CES, UNICE, CEEP sur le travail à durée déterminée − Directive 1999/70/CE - Clause 2 − Notion d''un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre' − Champ d'application de l'accord-cadre − Clause 4, point 1 − Principe de non-discrimination − Personnes effectuant des 'travaux socialement utiles' auprès des administrations publiques − Réglementation nationale excluant l'existence d'une relation de travail − Réglementation nationale établissant une différence entre l'allocation payée aux travailleurs socialement utiles et la rémunération perçue par les travailleurs à durée déterminée et/ou indéterminée engagés par les mêmes administrations et effectuant les mêmes activités»
Dans l'affaire C-157/11,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l'article 267 TFUE, introduite par le Tribunale di Napoli (Italie), par décision du 22 février 2011, parvenue à la Cour le 31 mars 2011, dans la procédure
Giuseppe Sibilio
contre
Comune di Afragola,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. U. Lõhmus, président de chambre, MM. A. Ó Caoimh (rapporteur) et C. G. Fernlund, juges,
avocat général: M. N. Jääskinen,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
- pour M. Sibilio, par Me F. Del Mondo, avvocato,
- pour le Comune di Afragola, par Me L. Schiavone, avvocato,
- pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d'agent, assistée de M. S. Varone, avvocato dello Stato,
- pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d'agent,
- pour la Commission européenne, par M. M. van Beek et Mme C. Cattabriga, en qualité d'agents,
vu la décision prise, l'avocat général entendu, de juger l'affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation des clauses 2 et 4 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci-après l'«accord-cadre»), qui figure en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO L 175, p. 43).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant M. Sibilio, le requérant au principal, au Comune di Afragola (ci-après le «Comune»), l'administration publique qui l'a employé en tant que «travailleur socialement utile», au sujet de la nature de la relation de travail établie entre eux et de la différence entre la rétribution perçue par les travailleurs socialement utiles et les autres travailleurs employés par la même administration pour exercer des activités identiques aux siennes.
Le cadre juridique
Le droit de l'Union
La directive 1999/70
3 Le dix-septième considérant de la directive 1999/70, qui est fondée sur l'article 139, paragraphe 2, CE, est libellé comme suit:
«en ce qui concerne les termes employés dans l'accord-cadre, sans y être définis de manière spécifique, la présente directive laisse aux États membres le soin de définir ces termes en conformité avec le droit et/ou les pratiques nationales, comme il en est pour d'autres directives adoptées en matière sociale qui emploient des termes semblables, à condition que lesdites définitions respectent le contenu de l'accord-cadre.»
4 Aux termes de l'article 1er de ladite directive, celle-ci «vise à mettre en œuvre l'accord-cadre [...], figurant en annexe, conclu [...] entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP)».
5 Aux termes de la clause 1 de l'accord-cadre:
«Le présent accord-cadre a pour objet:
a) d'améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination;
b) d'établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.»
6 La clause 2 de l'accord-cadre prévoit:
«1. Le présent accord s'applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre.
2. Les États membres, après consultation de partenaires sociaux, et/ou les partenaires sociaux peuvent prévoir que le présent accord ne s'applique pas:
a) aux relations de formation professionnelle initiale et d'apprentissage;
b) aux contrats ou relations de travail conclus dans le cadre d'un programme de formation, insertion et reconversion professionnelles public spécifique ou soutenu par les pouvoirs publics.»
7 Aux termes de la clause 3, point 1, du même accord-cadre, un «travailleur à durée déterminée» est «une personne ayant un contrat ou une relation de travail à durée déterminée conclu directement entre l'employeur et le travailleur où la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives telles que l'atteinte d'une date précise, l'achèvement d'une tâche déterminée ou la survenance d'un événement déterminé».
8 La clause 4 de l'accord-cadre, relative au principe de non-discrimination, dispose à son point 1:
«Pour ce qui concerne les conditions d'emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d'une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu'ils travaillent à durée déterminée, à moins qu'un traitement différent soit justifié par des raisons objectives.»
La réglementation nationale
9 Les «travaux socialement utiles» sont définis à l'article 1er du décret législatif n° 468, concernant la révision de la réglementation applicable aux travailleurs socialement utiles, conformément à l'article 22 de la loi n° 196, du 24 juin 1997 (decreto legislativo n. 468, revisione della disciplina sui lavori socialmente utili, a norma dell'articolo 22 della legge 24 giugno 1997, n. 196), du 1er décembre 1997 (GURI n° 5, du 8 janvier 1998, p. 3, ci-après le «décret législatif n° 468/97»), comme étant «les activités qui ont pour objet la réalisation de travaux ou la prestation de services d'utilité publique, moyennant l'utilisation de catégories particulières de personnes».
10 Conformément à l'article 4, paragraphe 1, sous c) et d), du décret législatif n° 468/97, les personnes susceptibles d'effectuer des travaux socialement utiles sont, d'une part, des travailleurs ayant fait l'objet d'un licenciement inscrits sur les listes de mobilité et qui perçoivent une indemnité ou toute autre allocation spéciale de chômage et, d'autre part, des travailleurs d'entreprises dont l'activité est suspendue pour cause de restructuration, de réorganisation ou de conversion d'entreprise ou de crise de l'entreprise et qui, même s'ils conservent leur poste, se trouvent en arrêt de travail et perçoivent à ce titre une allocation extraordinaire de complément salarial.
11 Les listes de mobilité sont des listes spéciales prévues par la loi n° 223 (legge n. 223, norme in materia di cassa integrazione, mobilità, trattamenti di disoccupazione, attuazione di direttive della Comunità europea, avviamento al lavoro ed altre disposizioni in materia di mercato del lavoro, supplément ordinaire à la GURI n° 175, du 27 juillet 1991), sur lesquelles s'inscrivent les personnes ayant fait l'objet d'un licenciement collectif ou individuel par les entreprises à la suite d'une cessation, d'une transformation ou d'une réduction de l'activité ou du travail.
12 L'article 7 du décret législatif n° 468/97 dispose que les administrations publiques italiennes peuvent recourir aux personnes énumérées à l'article 4, paragraphe 1, sous c) et d), de ce décret législatif en vue de l'exercice d'activités socialement utiles.
13 L'article 8 du décret législatif n° 468/97 ainsi que l'article 4 du décret législatif n° 81, concernant les ajouts et les modifications de la réglementation applicable aux travailleurs socialement utiles, conformément à l'article 45, paragraphe 2, de la loi n° 144, du 17 mai 1999 (decreto legislativo n. 81, integrazioni e modifiche della disciplina dei lavori socialmente utili, a norma dell'articolo 45, comma 2, della legge 17 maggio 1999, n. 144), du 28 février 2000 (GURI n° 82, du 7 avril 2000, p. 28, ci-après le «décret législatif n° 81/2000»), prévoient que l'utilisation de travailleurs pour les activités socialement utiles n'entraîne pas l'établissement d'une relation de travail avec les administrations publiques utilisatrices et ne comporte pas la suspension ni la radiation des personnes concernées des listes de placement ou de mobilité.
14 Les travailleurs socialement utiles ne peuvent pas, conformément à l'article 8, paragraphe 2, du décret législatif n° 468/97, effectuer un horaire inférieur à 20 heures hebdomadaires.
15 Pour cet horaire, conformément à l'article 8, paragraphe 2, du décret législatif n° 468/97 et à l'article 4 du décret législatif n° 81/2000, les travailleurs socialement utiles ont droit à une allocation mensuelle fixe, versée par l'Istituto nazionale della previdenza sociale (Institut national de prévoyance sociale) et financée par le Fondo nazionale per l'occupazione (Fonds national pour l'emploi). Les heures de travail effectuées au-delà du seuil de 20 heures hebdomadaires sont rémunérées selon le niveau de rémunération de base prévu pour les travailleurs salariés qui exercent des activités analogues auprès de l'administration publique utilisatrice, les retenues de sécurité sociale étant déduites de cette rémunération.
16 L'article 8, paragraphes 9 à 11, du décret législatif n° 468/97 dispose que les travailleurs socialement utiles sont assurés contre les accidents et les maladies du travail, qu'ils bénéficient de congés payés et ont droit à une durée maximale d'absence en cas de maladie. Ces travailleurs sont également, conformément aux paragraphes 15 à 17 du même article, soumis aux règles concernant le congé de maternité obligatoire, le congé parental ainsi que le congé prévu pour l'assistance aux personnes handicapées et ils jouissent du droit de participer aux assemblées syndicales au même titre que les travailleurs salariés de l'administration publique qui les emploie.
17 Il ressort de la décision de renvoi que, depuis l'entrée en vigueur du décret législatif n° 81/2000 et de l'article 78, paragraphe 2, de la loi n° 388, concernant les dispositions pour la formation du budget annuel et pluriannuel de l'État (loi de finances pour 2001) [legge n. 388, disposizioni per la formazione del bilancio annuale e pluriennale dello Stato (legge finanziaria 2001)], du 23 décembre 2000 (supplément ordinaire à la GURI n° 302, du 29 décembre 2000), l'utilisation d'une personne par une administration publique pour effectuer des travaux socialement utiles ne peut dépasser une période de six mois, renouvelable pour une durée maximale de huit mois.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
18 Le requérant au principal a été employé du 1er juillet 1998 au 29 janvier 2002 en qualité de travailleur socialement utile et affecté au service de l'état civil du Comune. L'allocation qu'il a perçue pour les activités qu'il a exercées dans ce service était inférieure au montant de la rémunération des travailleurs salariés employés par ce Comune, exerçant les mêmes activités et ayant une ancienneté identique à la sienne.
19 Le 29 janvier 2002, le requérant au principal a été intégré dans les services dudit Comune à la suite d'une procédure de stabilisation.
20 Le recours qu'il a introduit contre le Comune porte sur la différence entre le montant des allocations perçues par lui en sa qualité de travailleur socialement utile et celui de la rémunération à laquelle il estime avoir droit pour la période susmentionnée.
21 Le requérant au principal soutient que les clauses 3, point 1, et 4, point 1, de l'accord-cadre s'opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui refuse de considérer les travailleurs socialement utiles comme des travailleurs exerçant un emploi à durée déterminée, exclut ces travailleurs du champ d'application de l'accord-cadre ainsi que des protections qui en découlent et autorise ainsi un traitement moins favorable à leur égard que celui dont bénéficient les travailleurs à durée indéterminée qui exercent les mêmes fonctions et ont la même ancienneté.
22 Dans sa décision de renvoi, le Tribunale di Napoli exprime des doutes quant à la conformité de la réglementation italienne avec l'accord-cadre. Il constate que, depuis plus d'une décennie, des travailleurs inscrits sur les listes de mobilité ou des chômeurs de longue durée sont utilisés pour des travaux ou des services d'utilité publique. Si ces derniers avaient à l'origine un caractère temporaire, ce caractère aurait disparu avec le temps. La juridiction de renvoi relève également que les activités exercées par les travailleurs socialement utiles visent habituellement à répondre aux besoins institutionnels des entités utilisatrices et non à des objectifs ayant un caractère exceptionnel. Par ailleurs, le législateur italien aurait expressément inclus l'utilisation des travailleurs socialement utiles, dans la réglementation nationale pertinente, parmi les sujets sur lesquels il y a lieu de fournir des informations pour lutter contre les abus de relations de travail flexible.
23 La juridiction de renvoi soutient que, si le droit interne des États membres peut, conformément à la jurisprudence de la Cour relative à l'accord-cadre, établir librement les éléments permettant de considérer qu'il existe une relation de travail, il ne semble cependant pas possible d'exclure du champ d'application de cet accord-cadre une catégorie de relations de travail en raison des seules modalités constitutives de la relation de travail, à savoir, en l'espèce, le fait que les personnes concernées sont inscrites sur les listes de mobilité ou de placement.
24 C'est dans ces circonstances que le Tribunale di Napoli a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) La directive 1999/70 [...] est-elle applicable aux travailleurs socialement utiles ou lesdits travailleurs doivent-ils être considérés, conformément à la clause 3, point 1, [de l'accord-cadre], comme des personnes ayant [...] une relation de travail conclue directement entre l'employeur et le travailleur où la fin de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives telles que l'atteinte d'une date précise constituée, en l'espèce, par la fin du projet?
2) La clause 4 [de l'accord-cadre] s'oppose-t-elle à ce qu'un travailleur socialement utile/travailleur d'utilité publique [...] perçoive une rémunération inférieure à celle d'un travailleur à durée indéterminée qui exerce les mêmes fonctions et a la même ancienneté au seul motif que sa 'relation' de travail a commencé tel que décrit précédemment, ou cela constitue-t-il une raison objective justifiant une rémunération moins favorable?»
Sur la recevabilité de la demande préjudicielle
25 Le Comune soutient que la demande de décision préjudicielle doit être rejetée comme manifestement irrecevable dès lors que, premièrement, l'interprétation du droit de l'Union demandée n'a, dans l'état actuel de la procédure, aucun rapport avec la réalité ou l'objet du litige au principal. Deuxièmement, selon lui, le problème soulevé dans la décision de renvoi est de nature purement hypothétique. Troisièmement, il soutient que la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions posées.
26 Le Comune fait valoir, notamment, qu'une demande de décision préjudicielle qui cherche à établir l'existence d'une différence de traitement telle que celle alléguée par le requérant au principal, sans avoir au préalable examiné la question de la comparabilité entre les travailleurs socialement utiles et les agents publics employés par le Comune, doit être rejetée comme irrecevable dès lors qu'elle soulève une question hypothétique.
27 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu d'une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales telle que prévue à l'article 267 TFUE, il appartient aux seules juridictions nationales, qui sont saisies du litige et doivent assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d'apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu'elles posent à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l'interprétation du droit de l'Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir, notamment, arrêts du 13 mars 2001, PreussenElektra, C-379/98, Rec. p. I-2099, point 38; du 22 mai 2003, Korhonen e.a., C-18/01, Rec. p. I-5321, point 19, ainsi que du 19 avril 2007, Asemfo, C-295/05, Rec. p. I-2999, point 30).
28 Il s'ensuit que la présomption de pertinence qui s'attache aux questions posées à titre préjudiciel par les juridictions nationales ne peut être écartée que dans des cas exceptionnels et, notamment, lorsqu'il apparaît de manière manifeste que l'interprétation sollicitée des dispositions du droit de l'Union visées dans ces questions n'a aucun rapport avec la réalité ou l'objet du litige au principal (voir, notamment, arrêts du 15 décembre 1995, Bosman, C-415/93, Rec. p. I-4921, point 61, ainsi que du 1er avril 2008, Gouvernement de la Communauté française et gouvernement wallon, C-212/06, Rec. p. I-1683, point 29).
29 Compte tenu de l'objet du recours au principal et des informations fournies par la décision de renvoi, force est de constater que les questions posées n'apparaissent pas de nature purement hypothétique et que la Cour dispose des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile à ces questions.
30 Il convient également de constater que le fait que la comparaison exigée par la clause 4, point 1, de l'accord-cadre entre les activités exercées par les travailleurs socialement utiles et les autres travailleurs salariés employés par le Comune n'a pas encore été opérée par la juridiction de renvoi n'implique pas que les questions posées par celle-ci sont de nature purement hypothétique.
31 En effet, le choix du moment le plus opportun pour interroger la Cour par voie préjudicielle est de la compétence exclusive du juge national (voir, notamment, arrêts du 30 mars 2000, JämO, C-236/98, Rec. p. I-2189, points 30 et 31, ainsi que du 7 janvier 2004, X, C-60/02, Rec. p. I-651, point 28 et jurisprudence citée).
32 En l'espèce, le Tribunale di Napoli a décidé d'examiner au préalable la question de savoir si la directive 1999/70 et l'accord-cadre trouvent à s'appliquer à une relation, telle que celle en cause au principal, entre un travailleur socialement utile et l'administration publique pour laquelle il exerce des activités, une telle relation n'étant pas qualifiée de «relation de travail» dans le droit national. Si tel devait être le cas, ce tribunal demande également si une réglementation nationale telle que celle ayant donné lieu au litige dont il est saisi viole le principe de non-discrimination consacré par la clause 4 de l'accord-cadre.
33 Force est donc de constater qu'il n'apparaît pas de manière manifeste que l'interprétation de la directive 1999/70 et de l'accord-cadre sollicitée par la juridiction de renvoi est dépourvue de pertinence au regard de la décision que cette dernière est appelée à rendre.
34 Par conséquent, la demande de décision préjudicielle doit être déclarée recevable.
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
35 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la relation établie entre les travailleurs socialement utiles et les administrations publiques pour lesquelles ils exercent leurs activités, prévue par une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, relève du champ d'application de l'accord-cadre.
36 Le Comune, les gouvernements italien et polonais ainsi que la Commission européenne estiment que la directive 1999/70 et l'accord-cadre ne trouvent pas à s'appliquer dans une situation telle que celle au principal. À cet égard, ils soulignent notamment le fait que, à la différence d'autres directives adoptées en matière sociale, le législateur de l'Union a, s'agissant de la directive 1999/70, décidé de donner aux notions de «relation de travail» et de «travailleur» le sens retenu par la législation nationale, les conventions collectives et les pratiques nationales en vigueur dans l'État membre concerné. L'existence d'un contrat ou d'une relation de travail définie comme telle par la législation, les conventions collectives ou les pratiques nationales en vigueur dans chaque État membre représenterait donc une condition essentielle pour l'application de l'accord-cadre.
37 Le gouvernement polonais et la Commission relèvent également, à titre subsidiaire, la faculté dont disposent les États membres, conformément à la clause 2, point 2, sous b), de l'accord-cadre, d'exclure l'application de celui-ci aux contrats ou relations de travail conclus dans le cadre d'un programme de formation, d'insertion et de reconversion professionnelles public spécifique. Selon eux, les travaux socialement utiles, qui font l'objet du litige au principal, relèvent de cette catégorie.
38 À cet égard, il convient de rappeler que l'accord-cadre part de la prémisse selon laquelle les contrats de travail à durée indéterminée constituent la forme générale des relations de travail, tout en reconnaissant que les contrats de travail à durée déterminée sont une caractéristique de l'emploi dans certains secteurs ou pour certaines occupations et activités (voir points 6 et 8 des considérations générales de l'accord-cadre ainsi que arrêt du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C-212/04, Rec. p. I-6057, point 61).
39 En conséquence, le bénéfice de la stabilité de l'emploi est conçu comme un élément majeur de la protection des travailleurs, alors que ce n'est que dans certaines circonstances que des contrats de travail à durée déterminée sont susceptibles de répondre aux besoins tant des employeurs que des travailleurs (voir deuxième alinéa du préambule et point 8 des considérations générales de l'accord-cadre ainsi que arrêt Adeneler e.a., précité, point 62).
40 Dans cette optique, l'accord-cadre vise à encadrer le recours successif à cette dernière catégorie de relations de travail, d'une part, en prévoyant un certain nombre de dispositions protectrices minimales destinées à éviter la précarisation de la situation des salariés et, d'autre part, en énonçant, à la clause 4, point 1, du même accord-cadre, une interdiction de traiter, en ce qui concerne les conditions d'emploi, les travailleurs à durée déterminée d'une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu'ils travaillent à durée déterminée, à moins qu'un traitement différent soit justifié par des raisons objectives (voir, notamment, arrêts Adeneler e.a., précité, point 63, ainsi que du 15 avril 2008, Impact, C-268/06, Rec. p. I-2483, points 59 et 69).
41 Toutefois, afin de bénéficier de la protection résultant de l'accord-cadre, le contrat ou la relation de travail en cause doivent relever du champ d'application de cet accord.
42 Si le champ d'application de l'accord-cadre est, ainsi qu'il ressort du libellé de sa clause 2, point 1, conçu de manière large, visant de façon générale les «travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre», il n'en demeure pas moins que la définition des contrats et des relations de travail auxquels s'applique cet accord-cadre relève non pas de celui-ci ou du droit de l'Union, mais de la législation et/ou des pratiques nationales.
43 Ainsi qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour, lorsque le législateur de l'Union a fait un renvoi exprès à la législation, aux conventions collectives ou aux pratiques en vigueur dans les États membres, il n'appartient pas à la Cour de donner aux termes employés une définition autonome et uniforme, au titre du droit de l'Union, à la notion en cause (voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 1984, Ekro, 327/82, Rec. p. 107, point 14).
44 S'agissant de l'accord-cadre, il ressort explicitement du dix-septième considérant de la directive 1999/70 qu'il est laissé aux États membres le soin de définir les termes employés dans cet accord-cadre qui ne sont pas définis de manière spécifique dans celui-ci, en conformité avec le droit et/ou les pratiques nationales, comme il en est pour d'autres directives adoptées en matière sociale qui emploient des termes semblables.
45 Il s'ensuit qu'il appartient aux États membres et/ou aux partenaires sociaux de définir ce qui constitue un contrat ou une relation de travail relevant de l'accord-cadre, conformément à la clause 2, point 1, de celui-ci.
46 Il ressort tant de la décision de renvoi que des dispositions du droit italien qui y sont mentionnées que l'utilisation de travailleurs pour les activités socialement utiles n'entraîne pas l'établissement d'une relation de travail avec les administrations publiques au sens de ce droit.
47 Il apparaît donc, à première vue, que les travailleurs socialement utiles, dès lors qu'ils ne bénéficient pas d'une relation de travail telle que définie par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur en Italie, ne relèvent pas du champ d'application de l'accord-cadre.
48 Il convient néanmoins de constater que, selon le Comune, qui se réfère à cet égard à une jurisprudence des juridictions nationales, le droit italien n'exclut pas que des prestations fournies dans le cadre d'un projet de travaux socialement utiles puissent, en réalité, présenter concrètement les caractéristiques d'une prestation de travail salarié. Si tel est le cas, le législateur italien ne saurait refuser la qualification juridique de relation de travail salarié à des relations qui, objectivement, revêtent une telle nature. Il appartient à la juridiction de renvoi et non à la Cour de vérifier le bien-fondé de cette appréciation du droit national.
49 Compte tenu des objectifs poursuivis par l'accord-cadre, tels que rappelés au point 40 du présent arrêt, il convient de relever que la qualification formelle, par le législateur national, de la relation établie entre une personne effectuant des travaux socialement utiles et l'administration publique pour laquelle ces travaux sont effectués ne saurait exclure que cette personne doive néanmoins se voir reconnaître la qualité de travailleur, au regard du droit national, si cette qualification formelle n'est que fictive, déguisant ainsi une véritable relation de travail au sens dudit droit.
50 En effet, les États membres ne sauraient appliquer une réglementation susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs poursuivis par une directive et, partant, de priver celle-ci de son effet utile (arrêt du 1er mars 2012, O'Brien, C-393/10, non encore publié au Recueil, point 35).
51 Dès lors qu'il ressort du dix-septième considérant de la directive 1999/70 que, en déterminant ce qui constitue un contrat ou une relation de travail en conformité avec le droit et/ou les pratiques nationales, et donc en déterminant le champ d'application de l'accord-cadre, les États membres doivent respecter les exigences de celui-ci, la définition de ces notions ne saurait aboutir à exclure arbitrairement une catégorie de personnes du bénéfice de la protection offerte par la directive 1999/70 et l'accord-cadre (voir, par analogie, arrêt O'Brien, précité, point 51).
52 Toutefois, même si la juridiction de renvoi devait parvenir à la conclusion selon laquelle, compte tenu de ses caractéristiques et des circonstances dans lesquelles sont effectués les travaux socialement utiles par des personnes telles que le requérant au principal, la relation entre celui-ci et l'administration publique italienne qui l'a employé constitue, en réalité, une relation de travail au sens du droit national, il convient, en tout état de cause, de rappeler que la clause 2, point 2, de l'accord-cadre confère aux États membres une marge d'appréciation quant à l'application de l'accord-cadre à certaines catégories de contrats ou de relations de travail.
53 En effet, la clause 2, point 2, de l'accord-cadre ouvre aux États membres et/ou aux partenaires sociaux la faculté de soustraire du domaine d'application de cet accord-cadre les «relations de formation professionnelle initiale et d'apprentissage» ainsi que les «contrats ou relations de travail conclus dans le cadre d'un programme de formation, insertion et reconversion professionnelles public spécifique ou soutenu par les pouvoirs publics» (arrêt Adeneler e.a., précité, point 57).
54 Il s'ensuit que, à supposer même que la juridiction de renvoi aboutisse à la conclusion selon laquelle l'accord-cadre est applicable dans une situation telle que celle du requérant au principal, en raison du fait que la relation établie entre ce dernier en tant que travailleur socialement utile et le Comune peut être qualifiée de «relation de travail» en droit italien, il n'en demeure pas moins que cette relation pourrait en tout état de cause être soustraite à l'application de l'accord-cadre en vertu de la clause 2, point 2, de celui-ci, ainsi que le gouvernement polonais et la Commission l'ont fait valoir.
55 Conformément au libellé de la clause 2, point 2, de l'accord-cadre, c'est aux partenaires sociaux et/ou aux États membres, ces derniers après consultation des partenaires sociaux, qu'il incombe d'exercer la marge d'appréciation prévue par le législateur de l'Union.
56 L'application des critères établis sur le fondement de ladite marge d'appréciation doit certes être effectuée de manière transparente et doit pouvoir être contrôlée afin d'empêcher qu'un travailleur employé dans un programme qui ne relève pas des catégories énumérées à la clause 2, point 2, de l'accord-cadre soit privé de la protection que cet accord-cadre vise à lui assurer (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2011, Rosado Santana, C-177/10, non encore publié au Recueil, point 77).
57 En l'espèce, il ressort de l'information fournie à la Cour que les travaux socialement utiles seraient effectués dans le cadre de programmes d'insertion ou de reconversion professionnelles publics spécifiques ou soutenus par les pouvoirs publics au sens de la clause 2, point 2, de l'accord-cadre.
58 Eu égard aux observations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que la clause 2 de l'accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu'elle ne s'oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que la relation établie entre les travailleurs socialement utiles et les administrations publiques pour lesquelles ils exercent leurs activités ne relève pas du champ d'application de cet accord-cadre, lorsque, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, ces travailleurs ne bénéficient pas d'une relation de travail telle que définie par la législation, les conventions collectives ou les pratiques nationales en vigueur, ou les États membres et/ou les partenaires sociaux ont exercé la faculté qui leur est reconnue au point 2 de ladite clause.
Sur la seconde question
59 Compte tenu de la réponse à la première question, il n'y a pas lieu de répondre à la seconde question relative au principe de non-discrimination consacré à la clause 4 de l'accord-cadre.
Sur les dépens
60 La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit:
La clause 2 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, doit être interprétée en ce sens qu'elle ne s'oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que la relation établie entre les travailleurs socialement utiles et les administrations publiques pour lesquelles ils exercent leurs activités ne relève pas du champ d'application de cet accord-cadre, lorsque, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, ces travailleurs ne bénéficient pas d'une relation de travail telle que définie par la législation, les conventions collectives ou les pratiques nationales en vigueur, ou les États membres et/ou les partenaires sociaux ont exercé la faculté qui leur est reconnue au point 2 de ladite clause.
Signatures
* Langue de procédure: l'italien.
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