Mikhalchanka v Council (Judgment) (French Text) [2014] EUECJ T-196/11 (23 September 2014)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2014/T19611.html
Cite as: ECLI:EU:T:2014:801, [2014] EUECJ T-196/11, EU:T:2014:801

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ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

23 septembre 2014 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la Biélorussie – Gels des fonds et des ressources économiques – Restrictions d’entrée et de passage en transit sur le territoire de l’Union – Inclusion et maintien du nom du requérant dans la liste des personnes concernées – Journaliste – Recours en annulation – Délai de recours – Irrecevabilité partielle – Droits de la défense – Obligation de motivation – Erreur d’appréciation »

Dans les affaires jointes T‑196/11 et T‑542/12,

Aliaksei Mikhalchanka, demeurant à Minsk (Biélorussie), représenté par Me M. Michalauskas, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté, dans l’affaire T‑196/11, par M. F. Naert et Mme M.-M. Joséphidès et, dans l’affaire T‑542/12, par MM. Naert et J.-P. Hix, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation, d’une part, de la décision 2011/69/PESC du Conseil, du 31 janvier 2011, modifiant la décision 2010/639/PESC du Conseil concernant des mesures restrictives à l’encontre de certains fonctionnaires de Biélorussie (JO L 28, p. 40), du règlement d’exécution (UE) n° 84/2011 du Conseil, du 31 janvier 2011, modifiant le règlement (CE) n° 765/2006 concernant des mesures restrictives à l’encontre du président Lukashenko et de certains fonctionnaires de Biélorussie (JO L 28, p. 17), de la décision d’exécution 2011/174/PESC du Conseil, du 21 mars 2011, mettant en œuvre la décision 2010/639/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certains fonctionnaires de Biélorussie (JO L 76, p. 72), du règlement d’exécution (UE) n° 271/2011 du Conseil, du 21 mars 2011, mettant en œuvre l’article 8 bis, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 765/2006 concernant des mesures restrictives à l’encontre du président Lukashenko et de certains fonctionnaires de Biélorussie (JO L 76, p. 13), et, d’autre part, de la décision 2012/642/PESC du Conseil, du 15 octobre 2012, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO L 285, p. 1), du règlement (UE) n° 1014/2012 du Conseil, du 6 novembre 2012, modifiant le règlement (CE) n° 765/2006 concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO L 307, p. 1), et du règlement d’exécution (UE) n° 1017/2012 du Conseil, du 6 novembre 2012, mettant en œuvre l’article 8 bis, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 765/2006 concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO L 307, p. 7), en ce que l’ensemble de ces actes concerne le requérant,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen (rapporteur), président, Mme I. Pelikánová et M. E. Buttigieg, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 février 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. A. Mikhalchanka, est un ressortissant biélorusse, journaliste à la chaîne de télévision publique Obshchenatsional’noe Televidenie (ONT).

2        Il ressort de la position commune 2006/276/PESC du Conseil, du 10 avril 2006, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certains fonctionnaires de Biélorussie et abrogeant la position commune 2004/661/PESC (JO L 101, p. 5), que, à la suite de la disparition de personnalités en Biélorussie, d’élections et d’un référendum frauduleux ainsi que de violations graves des droits de l’homme perpétrées à l’occasion de la répression exercée à l’égard de manifestants pacifiques après ces élections et référendum, il a été décidé de prendre des mesures restrictives, telles que l’entrée ou le passage en transit sur le territoire de l’Union européenne ainsi que le gel de fonds et de ressources économiques, à l’encontre de diverses personnes de Biélorussie.

3        Les dispositions d’exécution de l’Union ont été énoncées dans le règlement (CE) n° 765/2006 du Conseil, du 18 mai 2006, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO L 134, p. 1). Ces dispositions ont fait l’objet de plusieurs modifications successives et l’article 8 bis, paragraphe 1, dudit règlement, tel que modifié, prévoit que, lorsque le Conseil de l’Union européenne décide d’appliquer à une personne physique ou morale, à une entité ou à un organisme les mesures visées à l’article 2, paragraphe 1, il modifie l’annexe, dans laquelle figure la liste sur laquelle cette personne est inscrite, en conséquence.

4        Les mesures restrictives prévues dans la position commune 2006/276 ont été prorogées jusqu’au 15 mars 2010 par la position commune 2009/314/PESC du Conseil, du 6 avril 2009, modifiant la position commune 2006/276 et abrogeant la position commune 2008/844/PESC (JO L 93, p. 21). Toutefois, les interdictions de séjour visant certains responsables de Biélorussie, à l’exception de ceux impliqués dans les disparitions de 1999-2000 et du président de la commission électorale centrale, ont été suspendues jusqu’au 15 décembre 2009.

5        Le 15 décembre 2009, le Conseil a adopté la décision 2009/969/PESC prorogeant les mesures restrictives à l’encontre de certains fonctionnaires de Biélorussie prévues dans la position commune 2006/276 et abrogeant la position commune 2009/314 (JO L 332, p. 76). Il a prorogé jusqu’au 31 octobre 2010 tant les mesures restrictives prévues dans la position commune 2006/276 que la suspension des interdictions de séjour visant certains responsables de Biélorussie.

6        Sur la base d’un réexamen de la position commune 2006/276, le Conseil a, par la décision 2010/639/PESC, du 25 octobre 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO L 280, p. 18), renouvelé jusqu’au 31 octobre 2011 tant les mesures restrictives prévues dans la position commune 2006/276 que la suspension des interdictions de séjour visant certains responsables de Biélorussie.

7        Par la décision 2011/69/PESC du Conseil, du 31 janvier 2011, modifiant la décision 2010/639 (JO L 28, p. 40), il a été décidé, compte tenu des élections présidentielles frauduleuses du 19 décembre 2010 et de la violente répression à l’encontre de l’opposition politique, de la société civile et des représentants des médias indépendants en Biélorussie, de mettre un terme à la suspension des interdictions de séjour ainsi que de mettre en œuvre d’autres mesures restrictives. L’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2010/639 a été complété de la manière suivante :

« d)      sont responsables des atteintes aux normes électorales internationales qui ont marqué l’élection présidentielle organisée en Biélorussie le 19 décembre 2010, ainsi que de la répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique, ainsi que les personnes qui leur sont associées, telles qu’elles sont énumérées à l’annexe III A. »

8        La décision 2011/69 a remplacé l’article 2 de la décision 2010/639 ainsi :

« Article 2

1. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant :

[…]

b)      aux personnes responsables des atteintes aux normes électorales internationales qui ont marqué l’élection présidentielle organisée en Biélorussie le 19 décembre 2010, ainsi que de la répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique, ainsi qu’aux personnes physiques ou morales, les entités et les organismes qui leur sont associés, dont la liste figure à l’annexe III A ;

[…] »

9        Le nom du requérant a été mentionné à l’annexe V de la décision 2011/69, qui ajoute l’annexe III A à la décision 2010/639. Le nom du requérant, qui figure au n° 77, est accompagné de la précision suivante : « Journaliste haut placé et influent à la télévision publique, ONT ».

10      Le règlement d’exécution (UE) n° 84/2011 du Conseil, du 31 janvier 2011, modifiant le règlement n° 765/2006 (JO L 28, p. 17), a notamment remplacé l’article 2 du règlement n° 765/2006 par le texte suivant :

« Article 2

1. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes tels qu’énumérés à l’annexe II ou à l’annexe I A, de même que les fonds et ressources économiques qui sont en leur possession ou qui sont détenus ou contrôlés par eux.

2. Aucun fonds ou ressource économique n’est mis directement ou indirectement à la disposition des personnes physiques ou morales, entités ou organismes énumérés à l’annexe I ou à l’annexe I A ni utilisé à leur profit.

[…]

5. L’annexe I A comporte les noms des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes visés à l’article 2, paragraphe 1, point b), de la décision 2010/639[…] telle que modifiée. »

11      Le règlement d’exécution n° 84/2011 a, par son annexe II (annexe I A du règlement n° 765/2006 comportant la liste des personnes physiques ou morales, des entités ainsi que des organismes visés à l’article 2, paragraphes 1, 2 et 5), inséré le nom du requérant avec la même précision figurant au point 9 ci-dessus.

12      Un avis a été publié le 2 février 2011 au Journal officiel de l’Union européenne à l’attention des personnes auxquelles s’appliquent les mesures prévues par la décision 2011/69 et par le règlement d’exécution n° 84/2011 (JO C 33, p. 17).

13      Par la décision d’exécution 2011/174/PESC du Conseil, du 21 mars 2011, mettant en œuvre la décision 2010/639 (JO L 76, p. 72), les annexes I à III, IIIA et IV de la décision 2010/639 ont été remplacées par le texte figurant aux annexes I à V de cette décision d’exécution. Le nom du requérant figure à l’annexe IV avec la fonction telle qu’indiquée au point 9 ci-dessus.

14      Par le règlement d’exécution (UE) n° 271/2011 du Conseil, du 21 mars 2011, mettant en œuvre l’article 8 bis, paragraphe 1, du règlement n° 765/2006 (JO L 76, p. 13), les annexes I et I A du règlement n° 765/2006 ont été remplacées par le texte figurant aux annexes I et II dudit règlement d’exécution. Le nom du requérant figure à l’annexe II avec la fonction telle qu’indiquée au point 9 ci-dessus.

15      Par la décision 2012/642/PESC, du 15 octobre 2012, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO L 285, p. 1), le Conseil a prorogé, jusqu’au 31 octobre 2013, les mesures restrictives en vigueur et regroupé ces mesures imposées par la décision 2010/639 dans un instrument juridique unique. L’article 3, paragraphe 1, de ladite décision prévoit :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des personnes qui :

a)       sont responsables de violations graves des droits de l’homme ou de la répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique, ou dont les activités nuisent gravement, d’une autre manière, à la démocratie ou à l’État de droit en Biélorussie, ou de toute personne qui leur est associée ;

b)       profitent du régime de Loukashenko ou le soutiennent,

dont la liste figure à l’annexe. »

16      L’article 4, paragraphe 1, de la décision 2012/642 dispose :

« Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes et entités ci-après, de même que tous les fonds et ressources économiques possédés, détenus ou contrôlés par les personnes ou entités ci-après :

a)       les personnes, entités ou organismes responsables de violations graves des droits de l’homme ou de la répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique, ou dont les activités nuisent gravement, d’une autre manière, à la démocratie ou à l’État de droit en Biélorussie, ou toute personne physique ou morale, toute entité ou tout organisme qui leur est associé, ainsi que les personnes morales, les entités ou les organismes qu’ils détiennent ou contrôlent ;

b)       les personnes physiques ou morales, les entités ou les organismes qui profitent du régime de Loukashenko ou le soutiennent, ainsi que les personnes morales, les entités ou les organismes qu’ils détiennent ou contrôlent,

dont la liste figure à l’annexe. »

17      À l’annexe de la décision 2012/642, le nom du requérant, qui figure au n° 138, a été inscrit avec la mention suivante :

« Journaliste influent de la chaîne de télévision d’État ONT. Présentateur du programme télévisé ‘C’est comme ça (That is how it is)’. Cette émission est un instrument de la propagande d’État télévisée qui soutient et justifie la répression des opposants politiques et de la société civile. Les opposants et la société civile sont systématiquement présentés de manière négative et dénigrés, en recourant à des informations falsifiées. Il a joué un rôle particulièrement actif à cet égard après la répression des manifestations pacifiques du 19 décembre 2010 et des protestations qui ont suivi. »

18      Par le règlement (UE) n° 1014/2012, du 6 novembre 2012 (JO L 307, p. 1), le Conseil a modifié le règlement n° 765/2006. Il a remplacé l’article 2 de ce dernier règlement par le texte suivant :

« 1. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes physiques ou morales, aux entités ou aux organismes dont la liste figure à l’annexe I, de même que tous les fonds et ressources économiques qui sont en leur possession, qu’ils détiennent ou qu’ils contrôlent.

2. Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est mis, directement ou indirectement, à la disposition des personnes physiques ou morales, entités ou organismes énumérés à l’annexe I, ni utilisé à leur profit.

3. La participation délibérée et en toute connaissance de cause à des activités ayant pour objet ou pour effet, direct ou indirect, de contourner les mesures visées aux paragraphes 1 et 2 est interdite.

4. L’annexe I est composée d’une liste des personnes physiques ou morales, des entités et des organismes qui, conformément à l’article 4, paragraphe 1, point a), de la décision 2012/642[…], ont été reconnus par le Conseil comme étant responsables de graves violations des droits de l’homme ou d’actes de répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique ou dont les activités nuisent gravement d’une autre manière, à la démocratie ou à l’État de droit en Biélorussie, ainsi que des personnes physiques ou morales, des entités et des organismes qui leur sont associés et des personnes morales, des entités ou des organismes qu’ils détiennent ou contrôlent.

5. L’annexe I est également composée d’une liste des personnes physiques ou morales, des entités et des organismes qui, conformément à l’article 4, paragraphe 1, point b), de la décision 2012/645[…] ont été reconnus par le Conseil comme profitant du régime Lukashenko ou le soutenant, ainsi que des personnes morales, des entités et des organismes qu’ils détiennent ou contrôlent. »

19      Par ailleurs, par le règlement n° 1014/2012, les références aux « annexes I, I A et I B » ou les références aux « annexes I ou I A » dans le règlement n° 765/2006, tel que modifié, ont été remplacées par des références à l’ « annexe I ».

20      Par le règlement d’exécution (UE) n° 1017/2012, du 6 novembre 2012, mettant en œuvre l’article 8 bis, paragraphe 1, du règlement n° 765/2006 (JO L 307, p. 7), le Conseil a remplacé le texte des annexes I, I A et I B du règlement n° 765/2006 par une seule annexe. Dans cette dernière figure le nom du requérant suivi de la même mention, indiquée au point 17 ci-dessus.

21      Par lettres du 7 novembre 2012, le Conseil a notifié au requérant et à son conseil la décision 2012/642, le règlement n° 1014/2012 et le règlement d’exécution n° 1017/2012.

22      Le même jour, un avis à l’attention des personnes et entités auxquelles s’appliquent les mesures restrictives prévues par la décision 2012/642 et par le règlement n° 765/2006, modifié par le règlement n° 1014/2012 et mis en œuvre par le règlement d’exécution n° 1017/2012, a été publié au Journal officiel (JO C 339, p. 9).

 Procédure et conclusions des parties

 Affaire T‑196/11

23      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 28 mars 2011, le requérant a introduit une demande d’aide judiciaire au titre des articles 94 et 95 du règlement de procédure du Tribunal en vue d’introduire, contre le Conseil, un recours tendant à l’annulation de la décision 2010/639, telle que modifiée par la décision 2011/69, en ce qu’elle le concerne.

24      Par ordonnance du président du Tribunal du 26 mars 2012, AX/Conseil, (T‑196/11 AJ, non publiée au Recueil), le requérant a été admis au bénéfice de l’aide judiciaire.

25      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 avril 2012, le requérant a introduit un recours enregistré sous le numéro d’affaire T‑196/11. Le requérant demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision 2011/69, en ce qu’elle le concerne ;

–        annuler le règlement d’exécution n° 84/2011, en ce qu’il le concerne ;

–        annuler la décision d’exécution 2011/174, en ce qu’elle le concerne ;

–        annuler le règlement d’exécution n° 271/2011, en ce qu’il le concerne ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

26      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 12 avril 2012, le requérant a introduit une demande de procédure accélérée, au titre de l’article 76 bis du règlement de procédure.

27      Par décision du 23 mai 2012, le Tribunal (sixième chambre) a rejeté la demande visant à ce que le litige soit tranché selon une procédure accélérée au titre de l’article 76 bis du règlement de procédure.

28      Le Conseil a, le 28 juin 2012, déposé un mémoire en défense au greffe du Tribunal au terme duquel il a demandé à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

29      Le requérant a, le 26 juillet 2012, déposé la réplique et le Conseil a, le 11 septembre 2012, déposé la duplique.

30      Par lettre en date du 20 décembre 2012, déposée au greffe du Tribunal le 4 janvier 2013, le Conseil a communiqué l’extrait d’un document visé dans la duplique et dont il indique avoir obtenu la déclassification. Il a communiqué, par cette même lettre, un autre document qu’il indique être en rapport avec le premier et pour lequel il a obtenu également une déclassification partielle.

31      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 5 février 2013, le requérant a présenté des observations sur la communication d’une telle pièce.

 Affaire T‑542/12

32      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 décembre 2012, le requérant a introduit un recours enregistré sous le numéro d’affaire T‑542/12. Le requérant demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision 2012/642, en ce qu’elle le concerne ;

–        annuler le règlement n° 1014/2012, en ce qu’il le concerne ;

–        annuler le règlement d’exécution n° 1017/2012, en ce qu’il le concerne ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

33      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 décembre 2012, le requérant a introduit une demande d’aide judiciaire au titre des articles 94 et 95 du règlement de procédure.

34      Le Conseil a, le 1er mars 2013, déposé un mémoire en défense au greffe du Tribunal au terme duquel il a demandé à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme partiellement irrecevable ;

–        en tout état de cause, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

35      Le requérant a, le 23 avril 2013, déposé la réplique et le Conseil a, le 4 juin 2013, déposé la duplique.

 Jonction des affaires T‑196/11 et T‑542/12 et suite de la procédure

36      Par ordonnance du président de la sixième chambre du Tribunal du 11 juin 2013, les affaires T‑196/11 et T‑542/12 ont été jointes aux fins de la procédure écrite, de la procédure orale et de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure.

37      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a, par décision du 23 septembre 2013, été affecté à la première chambre, à laquelle les deux affaires ont, par conséquent, été attribuées par décision du 30 septembre 2013.

38      Par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 7 octobre 2013, Mikhalchanka/Conseil (T‑542/12 AJ, non publiée au Recueil), le requérant a été admis, pour le recours dans l’affaire T‑542/12, au bénéfice de l’aide judiciaire.

39      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 19 décembre 2013, le Conseil a répondu à des questions du Tribunal posées à titre de mesures d’organisation de la procédure.

40      À l’audience, le requérant a indiqué, en réponse à une question du Tribunal posée à titre de mesures d’organisation de la procédure, renoncer à sa demande d’annulation du règlement n° 1014/2012.

 En droit

 Sur la recevabilité

41      En ce qui concerne le règlement n° 1014/2012, il convient d’indiquer que, dans la mesure où le requérant a renoncé à en demander l’annulation, il n’y a pas lieu d’examiner la fin de non-recevoir soulevée par le Conseil à son égard.

42      En ce qui concerne les autres actes attaqués, il est constant que le Tribunal est habilité à examiner d’office le respect du délai de recours, celui-ci étant d’ordre public (arrêts de la Cour du 7 juillet 1971, Müllers/CES, 79/70, Rec. p. 689, point 6 ; du 11 novembre 2010, Transportes Evaristo Molina/Commission, C‑36/09 P, non publié au Recueil, point 33, et du 23 avril 2013, Gbagbo e.a./Conseil, C‑478/11 P à C‑482/11 P, non encore publié au Recueil, point 53).

43      Aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, « [l]es recours prévus au présent article doivent être formés dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance ».

44      Par ailleurs, l’article 102, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure dispose :

« 1.  Lorsqu’un délai pour l’introduction d’un recours contre un acte d’une institution commence à courir à partir de la publication de l’acte, ce délai est à compter, au sens de l’article 101, paragraphe 1, sous a), à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de la publication de l’acte au [Journal officiel].

2.      Les délais de procédure sont augmentés d’un délai de distance forfaitaire de dix jours. »

45      En outre, l’article 96, paragraphe 4, du règlement de procédure prévoit :

« L’introduction d’une demande d’aide judiciaire suspend le délai prévu pour l’introduction du recours jusqu’à la date de la notification de l’ordonnance statuant sur cette demande ou, dans les cas visés au deuxième alinéa du paragraphe 3, de l’ordonnance désignant l’avocat chargé de représenter le demandeur. »

46      Les actes attaqués ont été publiés au Journal officiel, série L, mais devaient également être communiqués aux personnes et aux entités concernées, soit directement si leurs adresses étaient connues, soit, dans le cas contraire, par la publication d’un avis.

47      Cette situation découle de la nature particulière de ces actes, lesquels s’apparentent, à la fois, à des actes de portée générale dans la mesure où ils interdisent à une catégorie de destinataires déterminés de manière générale et abstraite, notamment, de mettre des fonds et des ressources économiques à la disposition des personnes et des entités dont les noms figurent sur les listes contenues dans leurs annexes et à un faisceau de décisions individuelles à l’égard de ces personnes et entités (voir arrêt Gbagbo e.a./Conseil, point 42 supra, point 56, et la jurisprudence citée).

48      En ce qui concerne les actes adoptés sur la base des dispositions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune, tels que les actes attaqués, c’est la nature individuelle de ces actes qui ouvre, conformément aux termes de l’article 275, deuxième alinéa, TFUE et de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, l’accès au juge de l’Union (arrêt Gbagbo e.a./Conseil, point 42 supra, point 57).

49      Eu égard à ces particularités et au régime de publication et de communication en résultant, l’article 263, sixième alinéa, TFUE ne serait pas appliqué d’une manière cohérente si, à l’égard des personnes et des entités dont les noms figurent sur les listes contenues dans les annexes desdits actes, le point de départ pour le calcul du délai d’introduction d’un recours en annulation était situé à la date de la publication de l’acte en cause et non à la date à laquelle celui-ci leur a été communiqué. En effet, cette communication a précisément pour objet de permettre aux destinataires de défendre leurs droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union (voir arrêt Gbagbo e.a./Conseil, point 42 supra, point 58, et la jurisprudence citée).

 S’agissant de la décision 2011/69

50      La décision 2011/69 a fait l’objet d’un avis de publication au Journal officiel le 2 février 2011.

51      Par ailleurs, il ressort du dossier que la demande d’aide judiciaire introduite dans l’affaire T‑196/11 mentionne la décision 2011/69 comme acte devant être visé par le recours à introduire et que cette demande a été déposée le 28 mars 2011. Le délai prévu pour l’introduction d’un recours contre ladite décision a donc été suspendu. Le recours dans ladite affaire ayant été introduit le 12 avril 2012, soit deux jours avant l’adoption de l’ordonnance accordant l’aide judiciaire, il a été introduit dans les délais en ce qui concerne l’acte en question.

 S’agissant du règlement d’exécution n° 84/2011

52      Le règlement d’exécution n° 84/2011 a fait l’objet d’un avis de publication au Journal officiel le 2 février 2011. Il n’a pas fait l’objet d’une notification au requérant, les parties s’accordant à reconnaître que le Conseil n’avait pas connaissance de l’adresse du requérant à cette date.

53      Par ailleurs, contrairement à ce qu’a soutenu le requérant à l’audience, il apparaît que la demande d’aide judiciaire introduite dans l’affaire T‑196/11 ne mentionne pas le règlement d’exécution n° 84/2011 comme acte devant être visé par le recours à introduire. Cette demande vise uniquement la décision 2011/69. Elle n’a donc pas suspendu le délai prévu pour l’introduction d’un recours contre le règlement d’exécution n° 84/2011.

54      Le recours dans l’affaire T‑196/11 ayant été introduit le 12 avril 2012, soit plus de quatorze mois après la publication de l’avis de publication du règlement d’exécution n° 84/2011, il n’a pas été introduit dans les délais en ce qui concerne ledit règlement d’exécution. Il est donc irrecevable en ce qu’il est dirigé contre un tel acte.

 S’agissant de la décision d’exécution 2011/174 et du règlement d’exécution n° 271/2011

55      En réponse à une question posée par le Tribunal à titre de mesures d’organisation de la procédure, le Conseil a indiqué que la décision d’exécution 2011/174 et le règlement d’exécution n° 271/2011 avaient fait l’objet d’un avis de publication au Journal officiel. Il a précisé toutefois, que, du fait d’une erreur, cet avis ne mentionnait pas ces deux actes, mais la décision 2010/639 et le règlement n° 765/2006 qu’ils entendaient modifier.

56      Il ressort en effet de l’avis de publication au Journal officiel du 22 mars 2011, dont a fait état le Conseil, qu’avait été portée à l’attention des personnes concernées la décision 2010/639, telle que modifiée par la décision 2011/69, et le règlement n° 765/2006, tel que modifié par le règlement d’exécution n° 84/2011. Cet avis ne fait pas mention de la décision d’exécution 2011/174 et du règlement d’exécution n° 271/2011. Il ne peut donc être considéré que ces deux actes avaient fait l’objet d’un avis de publication.

57      Faute d’un tel avis et en l’absence de notification au requérant, le recours dans l’affaire T‑196/11, introduit un peu plus d’un an après l’adoption de la décision d’exécution 2011/174 et du règlement d’exécution n° 271/2011, doit donc être considéré comme introduit dans les délais en ce qui concerne les actes en cause.

 S’agissant de la décision 2012/642 et du règlement d’exécution n° 1017/2012

58      Par lettres du 7 novembre 2012, le Conseil a notifié au requérant et à son conseil la décision 2012/642 et le règlement d’exécution n° 1017/2012, qui ont également fait l’objet, le même jour, d’un avis de publication au Journal officiel.

59      Le recours dans l’affaire T‑542/12 ayant été introduit le 18 décembre 2012, il doit donc être considéré comme introduit dans les délais en ce qui concerne la décision 2012/642 et le règlement d’exécution n° 1017/2012.

 Sur le fond

60      Le recours dans l’affaire T‑196/11 étant irrecevable en ce qu’il vise le règlement d’exécution n° 84/2011, il n’y a lieu d’examiner son bien-fondé qu’en ce qui concerne la décision 2011/69, la décision d’exécution 2011/174 et le règlement d’exécution n° 271/2011 ainsi que le bien-fondé du recours dans l’affaire T‑542/11 en ce qui concerne la décision 2012/642 et le règlement d’exécution n° 1017/2012.

61      Dans les deux affaires jointes, le requérant a soulevé trois moyens, tirés, en premier lieu, d’une insuffisance de motivation et d’une violation des droits de la défense, en deuxième lieu, d’une erreur d’appréciation et, en troisième lieu, du non-respect du principe de proportionnalité. Dans l’affaire T‑542/12, le requérant a invoqué, dans la réplique, des vices affectant l’examen opéré par le Conseil.

 Sur le premier moyen, tiré d’un défaut de motivation et d’une violation des droits de la défense

62      Le premier moyen invoqué par le requérant est constitué de deux branches, la première relative à une insuffisance de motivation et, la seconde, relative à la violation des droits de la défense. Pour les besoins de l’affaire, la seconde branche est abordée avant la première.

–       Sur la branche relative à la violation des droits de la défense

63      Il ressort de la procédure écrite et de l’audience que le requérant a, dans le cadre de la branche de son premier moyen relative à la violation des droits de la défense, invoqué des griefs différents selon l’affaire. Seront abordés successivement les griefs invoqués dans l’affaire T‑542/12 et ceux invoqués dans l’affaire T‑196/11.

64      S’agissant, en premier lieu, de l’affaire T‑542/12, le requérant a soutenu, en substance, que son conseil et lui n’avaient pas été informés préalablement de la reconduction des mesures restrictives en cause. Le Conseil a justifié cette absence de communication en soutenant que les motifs figurant dans les actes de 2011 et ceux figurant dans les actes de 2012 concernant le requérant étaient pour l’essentiel identiques, qu’il y avait eu un échange de pièces écrites dans le cadre de l’affaire T‑196/11 et que, dans l’avis de publication de la décision 2012/642 et du règlement d’exécution n° 1017/2012, il avait été rappelé que les personnes pouvaient soumettre des observations au Conseil et demander un réexamen de leur désignation. Ce réexamen n’aurait pas été demandé par le requérant.

65      À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, dans le cadre d’une procédure portant sur l’adoption de la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne sur une liste figurant à l’annexe d’un acte portant mesures restrictives, le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective exige que l’autorité compétente de l’Union communique à la personne concernée les éléments dont dispose cette autorité à l’encontre de ladite personne pour fonder sa décision, afin que cette personne puisse défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, non encore publié au Recueil, point 111).

66      Lors de cette communication, l’autorité compétente de l’Union doit permettre à cette personne de faire connaître utilement son point de vue à l’égard des motifs retenus à son égard (voir, en ce sens, arrêt Commission e.a./Kadi, point 65 supra, point 112).

67      S’agissant d’une décision consistant à maintenir le nom de la personne concernée sur la liste figurant à l’annexe de l’acte portant mesures restrictives, le respect de cette double obligation procédurale doit, contrairement à ce qui est le cas pour une inscription initiale, précéder l’adoption de cette décision (voir, en ce sens, arrêt Commission e.a./Kadi, point 65 supra, point 113).

68      La Cour a, à cet égard, déjà considéré que, dans le cas d’une décision subséquente de gel de fonds par laquelle le nom d’une personne ou d’une entité figurant déjà sur la liste était maintenu, l’effet de surprise n’était plus nécessaire afin d’assurer l’efficacité de la mesure, de sorte que l’adoption d’une telle décision devait, en principe, être précédée d’une communication des éléments retenus à charge ainsi que de l’opportunité conférée à la personne ou à l’entité concernée d’être entendue (arrêt de la Cour du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, Rec. p. I‑13427, point 62).

69      Ce droit d’être entendu préalablement doit être respecté lorsque le Conseil a retenu de nouveaux éléments à l’encontre de la personne visée par la mesure restrictive et qui fait l’objet d’un maintien sur la liste en cause (arrêt du Tribunal du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, non encore publié au Recueil, point 43 ; voir également, en ce sens, arrêt France/People’s Mojahedin Organization of Iran, point 68 supra, point 63).

70      S’agissant des motifs spécifiques au requérant, il importe de relever que la décision 2012/642 et le règlement d’exécution n° 1017/2012 ont maintenu le nom du requérant sur la liste des personnes visées par les mesures restrictives en cause.

71      Or, alors que, dans les actes de 2011, le requérant a été visé par les mesures restrictives au motif qu’il était un « [j]ournaliste haut placé et influent de la télévision publique, ONT », il a été retenu, dans les actes de 2012, qui sont des actes subséquents, ce qui suit :

« Journaliste influent de la chaîne de télévision d’État ONT. Présentateur du programme télévisé ‘ C’est comme ça (That is how it is) ’. Cette émission est un instrument de la propagande d’État télévisée qui soutient et justifie la répression des opposants politiques et de la société civile. Les opposants et la société civile sont systématiquement présentés de manière négative et dénigrés, en recourant à des informations falsifiées. Il a joué un rôle particulièrement actif à cet égard après la répression des manifestations pacifiques du 19 décembre 2010 et des protestations qui ont suivi. »

72      Il apparaît ainsi que les motifs figurant dans les actes de 2012 sont beaucoup plus détaillés que ceux figurant dans les actes de 2011 en ce qu’ils visent expressément un programme télévisé, le rôle du requérant dans ce programme télévisé et la manière que le requérant a de présenter les opposants et la société civile. À titre d’élément nouveau, il est fait référence au rôle du requérant après la répression des manifestations pacifiques et des protestations qui ont suivi, rôle qui n’est pas évoqué dans les actes de 2011.

73      S’agissant du critère d’inscription retenu à l’encontre du requérant, tant la décision 2012/642 que le règlement d’exécution n° 1017/2012 retiennent des motifs qui sont libellés de manière différente de ceux retenus pour inscrire initialement le requérant sur la liste des personnes visées par des mesures restrictives, puisqu’il n’est pas contesté que ce dernier est désormais inscrit sur cette liste au titre des personnes responsables de violations graves des droits de l’homme ou de la répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique, ou dont les activités nuisent gravement, d’une autre manière, à la démocratie ou à l’État de droit en Biélorussie. Il est constant que les actes de 2011 ont visé le requérant au titre des personnes responsables dans les atteintes aux normes électorales internationales et la répression de la société civile et de l’opposition.

74      Le Conseil était donc tenu d’informer préalablement le requérant des nouveaux éléments qu’il entendait retenir à son égard.

75      Or il importe de relever que, dans sa défense, le Conseil a déjà reconnu, en substance, que les actes de 2012 en cause n’avaient pas fait l’objet d’une communication au requérant avant leur adoption. Il a indiqué qu’ils avaient été publiés au Journal officiel et qu’un avis y avait été publié également. Il a ajouté que c’était par la lettre du 7 novembre 2012, donc postérieure auxdits actes en cause, que le requérant et son conseil avaient été informés de l’adoption de ceux-ci. Le requérant n’a donc pas été en mesure de faire connaître utilement son point de vue, préalablement à l’adoption desdits actes.

76      Il convient donc de considérer fondée la branche du moyen tirée de la violation des droits de la défense soulevée par le requérant en ce qui concerne la décision 2012/642 et le règlement d’exécution n° 1017/2012.

77      S’agissant, en second lieu, de l’affaire T‑196/11, le requérant a, en substance, reproché au Conseil de s’être fondé sur un rapport de l’Organisation sur la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et des conclusions provisoires d’une mission de l’OSCE, alors que ni ce rapport ni ces conclusions ne lui avaient été communiqués.

78      Une telle argumentation repose sur le grief selon lequel le Conseil n’a pas indiqué ou communiqué une motivation complète concernant la désignation du requérant sur la liste. Elle s’inscrit donc dans le cadre d’une insuffisance de motivation qu’il convient d’aborder, ci-après, avec la première branche du premier moyen soulevée par le requérant.

–       Sur la branche relative à une insuffisance de motivation

79      Compte tenu de ce qui a été considéré au point 76 ci-dessus, l’examen pour l’affaire T‑542/12 de la branche relative à une insuffisance de motivation n’est plus nécessaire. Ladite branche sera examinée, pour l’affaire T‑196/11, seulement en ce qui concerne la décision 2011/69, la décision d’exécution 2011/174 et le règlement d’exécution n° 271/2011.

80      Selon le requérant, l’approche suivie par le Conseil n’est pas conforme aux principes établis par la jurisprudence du Tribunal en matière d’obligation de motivation. Il invoque l’article 11, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et soutient que l’obligation de motivation devrait être renforcée à l’égard d’un journaliste.

81      Ne sachant pas ce qui lui est concrètement reproché, le requérant estime être dans l’impossibilité de se défendre utilement et que le Tribunal n’est pas en mesure d’exercer le contrôle de la légalité des actes attaqués.

82      Le Conseil ne pourrait pas apporter des éléments de motivation supplémentaire devant le Tribunal. Ces éléments seraient irrecevables, dès lors que l’institution serait tenue de communiquer ses motifs à la personne ou à l’entité concernée, dans toute la mesure du possible, soit au moment où cette inclusion serait décidée, soit, à tout le moins, aussi rapidement que possible après qu’elle l’aurait été, afin de permettre à ces destinataires l’exercice, dans les délais, de leur droit de recours.

83      Le requérant fait valoir qu’aucun élément ne permet de considérer que la publication détaillée des griefs retenus à sa charge se serait heurtée aux considérations impérieuses d’intérêt général touchant à la sûreté de l’Union et de ses États membres, ou à la conduite de leurs relations internationales, ou aurait porté atteinte à ses intérêts légitimes, dans la mesure où elle serait susceptible de nuire gravement à sa réputation.

84      Selon le requérant, c’est son activité professionnelle qui, selon le Conseil, justifie per se sa responsabilité dans les supposées « atteintes aux normes électorales internationales qui ont marqué l’élection présidentielle organisée en Biélorussie le 19 décembre 2010, ainsi que la répression à l’égard de la société civile et l’opposition démocratique ».

85      La motivation du Conseil reposerait uniquement sur un rapport de l’OSCE et les conclusions provisoires d’une mission de l’OSCE.

86      Or, le rapport en question ne consacrerait sur ses 28 pages que deux lignes au programme télévisé présenté par le requérant. En outre, ni ledit rapport ni les conclusions en question ne seraient signés. Ils ne seraient pas susceptibles de servir de fondement à la décision 2011/69, ce rapport étant au demeurant postérieur à cette décision. Les informations contenues dans le rapport en cause seraient singulières dans le contexte de la promotion de la liberté d’expression dont se réclame le Conseil. Le même rapport serait incomplet et ne serait pas l’œuvre du Conseil ni d’aucune autre institution de l’Union. Le Conseil n’aurait pas pris en compte un autre rapport émanant de la Communauté des États indépendants (CEI) ni envoyé d’observateur en Biélorussie. Il aurait dû motiver son choix de retenir le rapport en question.

87      Le simple renvoi aux deux lignes très générales du rapport en question, qui ne serait pas contradictoire, ne pourrait pas constituer une motivation suffisante.

88      Le requérant conteste que la résolution 17/24 du Conseil des droits de l’homme des Nations unies du 17 juin 2011, le communiqué de presse de l’OSCE du 27 octobre 2010, la publication du Commissariat de l’ONU aux réfugiés du 1er octobre 2010 ainsi que le rapport du rapporteur de l’OSCE du 28 mai 2011 puissent être utilisés pour motiver les actes attaqués en cause.

89      Le Conseil considère, en substance, avoir indiqué dans les actes attaqués, de manière suffisamment claire et précise, les raisons pour lesquelles il a adopté les mesures restrictives en cause, les critères utilisés pour inscrire des personnes et entités sur les listes en cause et les raisons pour lesquelles il a estimé que le requérant répondait à ces critères.

90      À cet égard, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt de la Cour du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, non encore publié au Recueil, point 49, et la jurisprudence citée).

91      La motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre à l’intéressé de connaître les justifications des mesures prises et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt Conseil/Bamba, point 90 supra, point 50, et la jurisprudence citée).

92      La motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure de gel des fonds doit identifier les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (arrêt Conseil/Bamba, point 90 supra, point 52).

93      Cependant, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt Conseil/Bamba, point 90 supra, point 53, et la jurisprudence citée).

94      En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt Conseil/Bamba, point 90 supra, point 54, et la jurisprudence citée).

95      En l’espèce, d’une part, il apparaît que le Conseil a exposé dans la décision 2011/69, la décision d’exécution 2011/174 et le règlement d’exécution n° 271/2011 le contexte général dans lequel avaient été adoptées les mesures restrictives en cause et que ce contexte ne pouvait pas être méconnu par le requérant, eu égard à sa position professionnelle.

96      Aux considérants 1 à 5 de la décision 2010/639, le Conseil a exposé les raisons pour lesquelles il avait décidé de renouveler les mesures restrictives imposées par la position commune 2006/276. Aux considérants 2 et 3 de la décision 2011/69, le Conseil a indiqué que, compte tenu des élections présidentielles frauduleuses du 18 décembre 2010 et de la violente répression à l’encontre de l’opposition politique, de la société civile et des représentants des médias indépendants en Biélorussie, il y avait lieu de mettre un terme à la suspension des interdictions de séjour concernant les personnes visées à l’article 1er, paragraphe 1, sous b) et c), de la décision 2010/639, et que les personnes responsables du processus électoral frauduleux et de la répression à l’encontre de l’opposition devaient faire l’objet de mesures restrictives.

97      D’autre part, s’agissant des motifs pour lesquels le Conseil a considéré que le requérant devait être visé par les mesures restrictives, il importe d’examiner la motivation telle que retenue dans la décision 2011/69, la décision d’exécution 2011/174 et le règlement d’exécution n° 271/2011.

98      Ces actes identifient les éléments spécifiques et concrets pour lesquels il est considéré que le requérant détient une part de responsabilité dans le déroulement des élections présidentielles du 18 décembre 2010 et dans la répression à l’encontre de l’opposition. En effet, dans les annexes de ces actes, la mention suivante a été apportée : « Journaliste haut placé et influent à la télévision publique, ONT ».

99      La lecture de cette motivation permet de comprendre que le Conseil tire la raison spécifique et concrète l’ayant conduit à adopter des mesures restrictives à l’encontre du requérant de la prétendue responsabilité de ce dernier, au titre de sa fonction de journaliste influant d’une chaîne de télévision publique, à savoir ONT, dans le déroulement des élections présidentielles et la répression de l’opposition.

100    Le requérant ne pouvait raisonnablement ignorer que, en faisant allusion à sa fonction de journaliste à ONT, le Conseil a entendu mettre en exergue son rôle et celui du programme qu’il présentait et qui était diffusé sur ONT, en ce qui concerne le déroulement des élections présidentielles et la répression de l’opposition.

101    Il apparaît d’ailleurs, à la lecture de l’argumentation développée par ailleurs par le requérant dans la requête, qu’il avait très bien compris les griefs qui lui étaient reprochés dans le contexte des élections présidentielles.

102    Il importe d’ajouter que la question de la motivation, qui concerne une formalité substantielle, est distincte de celle de la preuve du comportement allégué, laquelle relève de la légalité au fond de l’acte en cause et implique de vérifier la réalité des faits mentionnés dans cet acte ainsi que la qualification de ces faits de constituant des éléments justifiant l’application de mesures restrictives à l’encontre de la personne concernée (arrêt Conseil/Bamba, point 90 supra, point 60).

103    Ainsi, le contrôle du respect de l’obligation de motivation doit être distingué de l’examen du bien-fondé de la motivation, qui consiste à vérifier si les éléments invoqués par le Conseil sont établis et s’ils sont de nature à justifier l’adoption de ces mesures.

104    Il n’y a donc pas lieu de répondre aux arguments invoqués par le requérant dans le cadre du premier moyen et qui relèvent du bien-fondé de la motivation, notamment ceux relatifs au rapport de l’OSCE en question, qui ne contiendrait pas les éléments démontrant suffisamment l’implication du requérant dans le déroulement des élections présidentielles de décembre 2010.

105    Il y a lieu de rejeter comme non fondée la branche du premier moyen, relative à une insuffisance de motivation, en ce qui concerne la décision 2011/69, la décision d’exécution 2011/174 et le règlement d’exécution n° 271/2011.

106    Il résulte de ce qui précède que le premier moyen, en ce qu’il vise, par sa branche relative à la violation des droits de la défense, la décision 2012/642 et le règlement d’exécution n° 1017/2012, est fondé. Ce même moyen, en ce qu’il vise, par ses deux branches relatives à une insuffisance de motivation et à la violation des droits de la défense, la décision 2011/69, la décision d’exécution 2011/174 et le règlement d’exécution n° 271/2011, est non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation

107    Compte tenu de ce qui a été considéré au point 76 ci-dessus, le deuxième moyen ne sera pas examiné en ce qui concerne les actes attaqués dans le cadre de l’affaire T‑542/12. Ce moyen sera seulement examiné en ce qu’il vise la décision 2011/69, la décision d’exécution 2011/174 et le règlement d’exécution n° 271/2011.

–       Arguments des parties

108    Le requérant indique qu’il n’y a pas d’élément factuel accréditant l’affirmation selon laquelle il serait « responsable des atteintes aux normes électorales internationales qui ont marqué l’élection présidentielle organisée en Biélorussie le 19 décembre 2010, ainsi que la répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique ». Il ajoute n’avoir eu aucune implication dans l’organisation et le déroulement des élections politiques, qu’il n’est ni fonctionnaire de police ou de justice ni militaire. Il ne pourrait donc pas être responsable de la répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique. Les indications figurant au considérant 3 de la décision 2011/69 ne pourraient pas le viser.

109    En outre, la qualification de « journaliste haut placé et influent à la télévision publique, ONT » serait largement erronée. Le requérant affirme être un journaliste parmi d’autres, sans fonction de direction ni personnel subordonné, au sein d’une rédaction qui emploie 36 autres journalistes. Il ne serait pas davantage un journaliste influent, lequel qualificatif ne serait étayé par aucune preuve. La preuve du niveau d’audience du programme télévisé qu’il présente ne serait pas apportée. En outre, âgé de 38 ans, il ne travaillerait à ONT que depuis cinq ans, principalement en qualité d’envoyé spécial, ayant réalisé différents reportages dont un sur la crise grecque, un sur Fukushima et un sur le style de vie japonais. Le programme télévisé qu’il présente serait un billet d’humeur de quelques minutes, diffusé une à trois fois par semaine, dans le cadre du journal du soir, où il critique à la fois l’administration et les opposants. Il n’aurait pas l’ancienneté nécessaire pour être qualifié de journaliste influent.

110    Le requérant ajoute que rien ne permet d’établir un lien de causalité directe, concrète et immédiate entre ses fonctions de journaliste et, d’une part, les atteintes aux normes électorales internationales ainsi que, d’autre part, la répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique.

111    Le requérant fait valoir également, dans la réplique, que le rapport de l’OSCE en question constate seulement que le programme qu’il présente dure 5 minutes et est diffusé de façon irrégulière. Il estime que, avec la simple référence audit rapport et aux conclusions provisoires d’une mission de l’OSCE, le Conseil ne démontre pas ce qu’il a réellement fait et celui-ci se borne à reprendre l’assertion lapidaire de l’OSCE selon laquelle le programme télévisé qu’il présentait « discréditait les candidats de l’opposition », laquelle assertion serait purement subjective.

112    Le Conseil répond qu’il a indiqué dans les annexes des actes attaqués que le requérant était responsable des atteintes aux normes électorales internationales qui avaient marqué l’élection présidentielle organisée en Biélorussie le 19 décembre 2010, ainsi que la répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique du fait de ses activités de journaliste influent à ONT.

113    ONT serait une chaîne de télévision publique qui ferait partie des instruments étatiques utilisés par le régime du président Lukashenko pour manipuler l’opinion publique en vue des élections et pour contribuer à la répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique.

114    Le rôle des médias étatiques serait multiple. Il conduirait à un combat inégal entre les candidats aux élections présidentielles et le cadre médiatique serait étouffant. Cela aurait été dénoncé dans la résolution 17/24 du Conseil des droits de l’homme des Nations unies du 17 juin 2011. La situation d’affaiblissement des médias indépendants en Biélorussie perdurerait depuis plusieurs années et ONT participerait aux efforts du régime du président Lukashenko pour manipuler l’opinion publique en vue des élections et contribuerait à la répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique ainsi qu’à l’égard des médias indépendants. Le Conseil renvoie à cet égard aux pages 12 à 14 du rapport de l’OSCE en question et soutient que ONT est une des sources principales d’information pour la population en Biélorussie et qu’elle n’a pas traité de manière égale les différents candidats, favorisant le président Lukashenko. Le programme télévisé présenté par le requérant aurait discrédité les candidats de l’opposition.

115    S’agissant de la motivation qui devrait être renforcée pour les journalistes, le Conseil indique qu’il tient beaucoup au respect de la liberté d’expression, mais que celle-ci n’est pas absolue et qu’elle n’implique pas une absence de responsabilité pour les agissements de la personne concernée. Il indique avoir inclus certains journalistes étant donné le rôle des médias d’État dans les politiques visées par les mesures restrictives.

116    Le Conseil précise que l’expression « haut placé » a été utilisée dans la motivation en combinaison avec « influent » pour indiquer le niveau de responsabilité exercée par le requérant et sa capacité à peser sur l’opinion. Par ailleurs, malgré son statut formel de spécialiste en tant que commentateur politique, le requérant serait bien haut placé et influent au sein de ONT, en ce qui concerne les émissions consacrées aux activités et à la vie politiques, car il aurait une responsabilité sur « l’analyse et l’évaluation complète de la situation actuelle de la vie moderne », pour « participer à l’élaboration des plans prospectifs et actuels de l’organisation pour la diffusion de la direction de la diffusion d’information » et pour « organiser les discours avec les hommes politiques et publics » ainsi que du fait qu’il aurait son propre programme. Le requérant serait suffisamment connu pour être reconnu dans la rue.

117    Le Conseil ajoute que, si le programme télévisé présenté par le requérant dure cinq minutes et est diffusé de manière irrégulière, cela n’empêche pas une audience large et un impact important. Ce programme télévisé serait diffusé aux heures de grande audience, vers 20 h 30, souvent le samedi. Par ailleurs, le Conseil nie avoir soutenu qu’il s’agissait d’un programme télévisé ad hoc, créé spécifiquement pour les élections. Il estime que ledit programme télévisé continue au contraire à « jouer un rôle négatif ».

118    Le Conseil invoque une interview du requérant le 29 juin 2011 et trois extraits d’émissions du programme présenté par le requérant, à savoir des extraits des émissions du 21 décembre 2010, du 12 janvier 2011 et du 11 août 2012, pour démontrer la partialité dont aurait fait preuve le requérant en faveur du président Lukashenko et au détriment des candidats de l’opposition. Il souligne que le requérant a reconnu s’être montré « caustique » envers ces candidats de l’opposition et n’apporte aucune preuve démontrant qu’il aurait été tout aussi « caustique » vis-à-vis de l’administration.

–       Appréciation du Tribunal

119    Selon la jurisprudence, les juridictions de l’Union doivent, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu du traité, assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union (voir arrêt Commission e.a./Kadi, point 65 supra, point 97, et la jurisprudence citée).

120    À cet égard, il importe d’indiquer que le contrôle juridictionnel de la légalité des actes attaqués s’étend à l’appréciation des faits et des circonstances invoqués comme la justifiant, de même qu’à la vérification des éléments de preuve et d’information sur lesquels est fondée cette appréciation (arrêts du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec. p. II‑4665, point 154, et du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, Rec. p. II‑3967, point 37).

121    L’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux exige que, au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne déterminée sur la liste annexée des actes en cause, le juge de l’Union s’assure que cette décision, qui revêt une portée individuelle pour cette personne, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt Commission e.a./Kadi, point 65 supra, point 119).

122    Par ailleurs, eu égard à la nature préventive des mesures restrictives en cause, si, dans le cadre de son contrôle de la légalité de la décision attaquée, le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi une base suffisante pour soutenir cette décision, la circonstance que d’autres parmi ces motifs ne le soient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision (voir, en ce sens, arrêt Commission e.a./Kadi, point 65 supra, point 130).

123    En l’espèce, il convient de rappeler les motifs retenus dans la décision 2011/69, la décision d’exécution 2011/174 et le règlement d’exécution n° 271/2011. Le nom du requérant est accompagné de la précision suivante : « Journaliste haut placé et influent à la télévision publique, ONT ». En ce qui concerne la motivation générale, il est constant que le requérant a été visé au titre des personnes responsables dans les atteintes aux normes électorales internationales et la répression de la société civile et de l’opposition.

124    Le requérant ne conteste pas que ONT soit une chaîne de télévision publique, ni qu’il soit journaliste et à la tête d’un programme télévisé, dénommé « Kak Est » [‘ C’est comme ça (That’s the way it is) ’]. Il conteste davantage les qualificatifs de « haut placé », d’« influent », l’influence prêtée audit programme télévisé et l’absence de preuve venant au soutien des dires du Conseil.

125    Il convient d’observer que le Conseil a produit plusieurs pièces en annexe au mémoire en défense et à la duplique, à savoir le rapport de l’OSCE en question, la résolution 17/24 du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies du 17 juin 2011, un communiqué de presse de l’OSCE, un article de presse du 1er octobre 2010, un rapport du rapporteur de l’OSCE sur la Biélorussie, des conclusions provisoires d’une mission de l’OSCE, le transcript d’une émission du 29 juin 2011 au cours de laquelle le requérant était interviewé. Le Conseil a également communiqué un message du 19 janvier 2011 qu’il avait mentionné dans la duplique et dont il a obtenu le consentement de l’autorité d’origine pour sa communication.

126    La production de ces différents documents témoigne que, contrairement à ce que le requérant a soutenu, le Conseil ne s’est pas uniquement fondé sur le seul rapport de l’OSCE en question et des conclusions provisoires d’une mission de l’OSCE pour fonder sa décision d’inscrire le requérant sur la liste annexée aux actes attaqués.

127    Face à ces éléments de preuve apportés par le Conseil, le requérant a joint son curriculum vitae professionnel, l’organigramme de ONT, la description de son poste et un extrait d’un arrêté du ministre du Travail biélorusse.

128    Tout d’abord, il convient de relever qu’il n’est même pas soutenu par le Conseil qu’il serait suffisant d’exercer l’activité de journaliste d’une chaîne de télévision publique pour être visé par les mesures restrictives en cause. À l’audience, le Conseil a d’ailleurs reconnu que, compte tenu du principe de liberté d’expression, seul un nombre restreint de journalistes avaient été visés par lesdites mesures restrictives.

129    Ensuite, il ne résulte pas de l’analyse des éléments du dossier que le requérant soit un journaliste haut placé, contrairement à ce qui est mentionné dans la décision 2011/69, la décision d’exécution 2011/174 et le règlement d’exécution n° 271/2011. À la lecture des documents produits, le requérant n’exerce pas son activité de journaliste à un poste hiérarchiquement élevé dans l’organigramme de ONT, mais plutôt comme journaliste spécialisé, commentateur politique à la direction de la diffusion d’information de cette chaîne de télévision publique et comme présentateur du programme télévisé dénommé « Kak Est ».

130    À cet égard, le Conseil a soutenu à l’audience que la responsabilité des journalistes visés par les mesures restrictives en cause ne dépendait pas de leur place dans la hiérarchie de la chaîne de télévision publique, mais davantage de leur influence réelle dans la politique de diffusion de cette chaîne.

131    Or, il importe de souligner que les éléments du dossier ne démontrent pas à suffisance de droit que le requérant soit un journaliste à ce point influent.

132    Certes, il résulte de l’analyse des documents communiqués par le Conseil qu’il y a eu un manque d’indépendance et d’objectivité de la part des médias en Biélorussie lors des élections présidentielles de 2010, avec un cadre médiatique étouffant et une absence de pluralisme dans le secteur audiovisuel. Il apparaît que les principales chaînes de télévision ayant une couverture nationale ont favorisé le président Lukashenko, le ton employé à son égard étant exclusivement positif ou neutre, alors que le ton employé à l’égard des autres candidats a été principalement négatif ou, dans certains cas, neutre. Il ressort également que ONT a consacré la très grande partie de ses nouvelles à couvrir la campagne du président Lukashenko et ses activités officielles. Les autres candidats ont eu droit à beaucoup moins de temps d’antenne. Le ton employé à l’égard du président Lukashenko n’a jamais été négatif, alors que le ton à l’égard des autres candidats a été principalement négatif. Le programme télévisé dénommé « Kak Est » a discrédité les candidats de l’opposition.

133    De même, il ressort du transcript d’une émission de radio que le requérant a reconnu n’avoir jamais éprouvé le désir de critiquer le président Lukashenko, qu’il avait une « certaine compréhension de ce qui se passe et de la manière dont cela se passe » et qu’il ne souhaitait pas montrer, dans le cadre du programme télévisé qu’il présentait, des scènes montrant la répression à l’égard de l’opposition et de la société civile.

134    Toutefois, il n’est pas contestable que le Conseil n’a pas communiqué d’éléments de nature à démontrer l’influence, l’impact concret et la responsabilité qu’aurait pu avoir le requérant ainsi que, le cas échéant, le programme télévisé qu’il présentait, dans les atteintes aux normes électorales internationales qui ont marqué les élections de 2010 et la répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique.

135    Le fait que plusieurs documents produits par le Conseil mentionnent expressément ONT comme faisant partie des chaînes de télévision publique à grande audience, ayant soutenu le président Lukashenko, et que cette chaîne ou l’un de ses journalistes ne figurent pas parmi ceux victimes de la répression qui a eu lieu à l’occasion des élections présidentielles de 2010 n’est pas suffisant pour démontrer la responsabilité du requérant dans les atteintes aux normes électorales internationales et la répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique.

136    Ces documents ne font que citer le programme télévisé dénommé « Kak Est », dont le requérant était responsable. Ce programme télévisé est listé parmi des exemples, dans les médias biélorusses, qui ont joué un rôle partial et actif en faveur du président Lukashenko pendant les élections présidentielles. Toutefois, il n’est mentionné ni que ledit programme a une audience importante ni que le requérant est un des journalistes ayant une influence telle dans les médias biélorusses qu’il porterait une responsabilité dans les atteintes aux normes électorales internationales et la répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique. Aucun élément de preuve n’a été apporté par le Conseil pour démontrer l’influence de ce programme dans les médias biélorusses.

137    Il convient donc de considérer le deuxième moyen comme fondé.

138    Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le recours dans l’affaire T‑196/11 comme irrecevable en ce qu’il est dirigé contre le règlement d’exécution n° 84/2011 et d’annuler, en ce qu’ils concernent le requérant, la décision 2011/69, la décision d’exécution 2011/174, le règlement d’exécution n° 271/2011, la décision 2012/642 et le règlement d’exécution n° 1017/2012, sans qu’il soit besoin d’analyser les autres moyens soulevés par le requérant.

 Sur les effets dans le temps de l’annulation partielle de la décision 2011/69, de la décision d’exécution 2011/174, du règlement d’exécution n° 271/2011, de la décision 2012/642 et du règlement d’exécution n° 1017/2012

139    En ce qui concerne les effets dans le temps de l’annulation des actes attaqués, il y a lieu de relever que le règlement d’exécution n° 1017/2012, en ce qui concerne son annexe, a abrogé les annexes du règlement d’exécution n° 271/2011 et qu’il ne produit plus d’effets depuis le 30 octobre 2013, date de son abrogation par le règlement d’exécution (UE) n° 1054/2013 du Conseil, du 29 octobre 2013, mettant en œuvre l’article 8 bis, paragraphe 1, du règlement n° 765/2006 (JO L 288, p. 1). Par conséquent, l’annulation des règlements d’exécution n° 271/2011 et n° 1017/2012 ne concerne que les effets que ces actes ont produits entre la date de leur entrée en vigueur et la date de leur abrogation.

140    En ce qui concerne la demande, formulée à l’audience par le Conseil, de maintenir, en cas d’annulation, les effets de la décision 2011/69, de la décision d’exécution 2011/174 et de la décision 2012/642, il y a lieu de relever que la décision 2010/639, telle que modifiée par la décision 2011/69, puis par la décision d’exécution 2011/174, a été abrogée par la décision 2012/642 qui a été, à son tour, modifiée et, en ce qui concerne son annexe, abrogée par la décision 2013/534/PESC du Conseil, du 29 octobre 2013 (JO L 288, p. 69). Il n’y a donc pas lieu de faire droit à la demande du Conseil de maintenir les effets de la décision 2011/69, de la décision d’exécution 2011/174 et de la décision 2012/642 jusqu’à la prise d’effet de l’annulation des règlements d’exécution n° 271/2011 et n° 1017/2012.

 Sur les dépens

141    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé, pour l’essentiel, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Sont annulés, pour autant qu’ils concernent M. A. Mikhalchanka :

–        la décision 2011/69/PESC du Conseil, du 31 janvier 2011, modifiant la décision 2010/639/PESC du Conseil concernant des mesures restrictives à l’encontre de certains fonctionnaires de Biélorussie ;

–        la décision d’exécution 2011/174/PESC du Conseil, du 21 mars 2011, mettant en œuvre la décision 2010/639/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certains fonctionnaires de Biélorussie ;

–        le règlement d’exécution (UE) n° 271/2011 du Conseil, du 21 mars 2011, mettant en œuvre l’article 8 bis, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 765/2006 concernant des mesures restrictives à l’encontre du président Lukashenko et de certains fonctionnaires de Biélorussie ;

–        la décision 2012/642/PESC du Conseil, du 15 octobre 2012, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie ;

–        le règlement d’exécution (UE) n° 1017/2012 du Conseil, du 6 novembre 2012, mettant en œuvre l’article 8 bis, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 765/2006 concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie.

2)      Il n’y a pas lieu de faire droit à la demande du Conseil de maintenir les effets dans le temps des actes attaqués.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      Le Conseil de l’Union européenne supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par M. Mikhalchanka.

Kanninen

Pelikánová

Buttigieg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 septembre 2014.

Signatures


* Langue de procédure : le français.

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