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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Schwenk Zement v Commission (Judgment of the Court of First Instance) (French Text) [2014] EUECJ T-306/11 (14 March 2014)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2014/T30611.html
Cite as: [2014] EUECJ T-306/11

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ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

14 mars 2014 (*)

« Concurrence – Procédure administrative – Décision de demande de renseignements – Caractère nécessaire des renseignements demandés – Obligation de motivation – Proportionnalité »

Dans l’affaire T-306/11,

Schwenk Zement KG, établie à Ulm (Allemagne), représentée par Me M. Raible, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. M. Kellerbauer, R. Sauer et C. Hödlmayr, en qualité d’agents, assistés de Me A. Böhlke, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2011) 2367 final de la Commission, du 30 mars 2011, relative à une procédure d’application de l’article 18, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil (affaire 39520 – Ciment et produits connexes),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek (rapporteur), juges,

greffier : Mme T. Weiler, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 février 2013,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        Au cours des mois de novembre 2008 et de septembre 2009, la Commission des Communautés européennes a effectué, en application de l’article 20 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102  TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), plusieurs inspections dans les locaux de sociétés actives dans le secteur cimentier. Ces inspections ont été suivies par l’envoi de demandes de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. La requérante, Schwenk Zement KG, n’a fait l’objet ni d’inspection de ses locaux ni de demande de renseignements.

2        Par lettre du 19 novembre 2010, la Commission a informé la requérante de son intention de lui adresser une décision de demande de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 et lui a communiqué le projet de questionnaire qu’elle envisageait d’annexer à cette décision.

3        Par lettre du 6 décembre 2010, la requérante a présenté ses observations sur ce projet de questionnaire.

4        Le même jour, la Commission a informé la requérante qu’elle avait décidé d’ouvrir une procédure au titre de l’article 11, paragraphe 6, du règlement n° 1/2003 à son égard, ainsi qu’à l’égard de sept autres entreprises actives dans le secteur cimentier, pour des infractions présumées à l’article 101 TFUE visant « des restrictions des flux commerciaux dans l’Espace économique européen (EEE), y compris des restrictions d’importations dans l’EEE en provenance de pays extérieurs à l’EEE, des répartitions de marchés, des coordinations des prix et des pratiques anticoncurrentielles connexes sur le marché du ciment et les marchés des produits connexes » (ci-après la « décision d’ouverture de la procédure »).

5        Le 30 mars 2011, la Commission a adopté la décision C (2011) 2367 final relative à une procédure d’application de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 (affaire 39520 – Ciment et produits connexes) (ci-après la « décision attaquée »).

6        Dans la décision attaquée, la Commission indique que, conformément à l’article 18 du règlement n° 1/2003, pour l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par ledit règlement, elle peut, par simple demande ou par voie de décision, demander aux entreprises et associations d’entreprises de fournir tous les renseignements nécessaires (considérant 3 de la décision attaquée). Après avoir rappelé que la requérante avait été informée de son intention d’adopter une décision conformément à l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 et que celle-ci avait présenté ses observations sur un projet de questionnaire (considérants 4 et 5 de la décision attaquée), la Commission a demandé par voie de décision, à la requérante, ainsi qu’à ses filiales situées dans l’Union européenne et contrôlées directement ou indirectement par elle, de répondre au questionnaire figurant en annexe I, comprenant 94 pages et constitué de onze séries de questions (considérant 6 de la décision attaquée). Les instructions concernant les réponses à ce questionnaire figurent en annexe II de la décision attaquée, tandis que les modèles de réponse à utiliser figurent en annexe III.

7        La Commission a également rappelé la description des infractions présumées, figurant au point 4 ci-dessus (considérant 2 de la décision attaquée).

8        En se référant à la nature et à la quantité des renseignements demandés ainsi qu’à la gravité des infractions présumées aux règles de concurrence, la Commission a estimé qu’il convenait d’accorder à la requérante un délai de réponse de douze semaines pour les dix premières séries de questions et de deux semaines pour la onzième, relative aux « Contacts et réunions » (considérant 8 de la décision attaquée).

9        Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :

« Article premier

[La requérante] (avec ses filiales situées dans l’UE et contrôlées directement ou indirectement par elle), fournira les renseignements mentionnés à l’annexe I de la présente décision, sous la forme demandée à l’annexe II et à l’annexe III de cette dernière, dans un délai de réponse de douze semaines pour les questions 1-10 et de deux semaines pour la question 11, à compter de la date de notification de la présente décision. Toutes les annexes font partie intégrante de la présente décision.

Article 2

[La requérante,] avec ses filiales situées dans l’UE et contrôlées directement ou indirectement par elle, est destinataire de la présente décision. »

10      Par lettre du 11 avril 2011 et par courriel du 12 avril 2011, la requérante a sollicité une prorogation du délai de réponse applicable à la onzième série de questions jusqu’au 2 mai 2011. Par courriel du 12 avril 2011, la requérante a été informée qu’il ne serait pas fait droit à cette demande.

11       Les 18 avril et 5 mai 2011, la requérante a transmis sa réponse à la onzième série de questions. Le 27 juin 2011, la requérante a transmis sa réponse aux dix premières séries de questions.

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 juin 2011, la requérante a introduit le présent recours.

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

14      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–         condamner la requérante aux dépens.

15      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

16      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 8 février 2013.

 En droit

17      À l’appui du recours, la requérante invoque cinq moyens, tirés, premièrement, du caractère disproportionné de l’adoption d’une décision au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, deuxièmement, de la violation dudit article 18, paragraphe 3, troisièmement, du caractère disproportionné du délai de deux semaines fixé pour la réponse à la onzième série de questions, quatrièmement, d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée et, cinquièmement, d’une violation de ses droits de la défense.

 Sur la contestation de la motivation de la décision attaquée, contenue dans les deuxième et quatrième moyens

18      Dans le cadre de la première branche de son deuxième moyen, pris d’une violation de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, la requérante soutient, notamment, que la décision attaquée manque de précision en ce qui concerne les présomptions d’infraction que la Commission entend vérifier, ce qui l’aurait empêchée d’apprécier la nécessité des renseignements demandés.

19      Dans le cadre de son quatrième moyen, la requérante relève le caractère insuffisant de la motivation de la décision attaquée, en violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE. Elle reproche, notamment, à la Commission d’avoir paraphrasé les termes de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et de l’article 18 du règlement n° 1/2003, plutôt que de fournir des éléments de motivation relatifs aux faits qui lui sont reprochés, à la gravité du comportement présumé et à la nécessité des renseignements demandés. Elle fait également valoir, en substance, que l’obligation de motivation de la décision attaquée était renforcée au vu, notamment, du caractère inhabituel du délai de deux semaines accordé pour répondre à la onzième série de questions.

20      Dans sa réponse au deuxième moyen, la Commission fait valoir que la décision attaquée explicite de manière suffisamment précise les présomptions d’infraction qu’elle entend vérifier. Dans le cadre de sa réponse au quatrième moyen, la Commission fait valoir que la décision attaquée est motivée à suffisance de droit.

21      En application d’une jurisprudence bien établie, les éléments essentiels de la motivation d’une décision de demandes de renseignements sont définis par l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 lui-même (voir arrêt du Tribunal du 22 mars 2012, Slovak Telekom/Commission, T-458/09 et T-171/10, non encore publié au Recueil, points 76 et 77, et la jurisprudence citée).

22      Partant, le quatrième moyen (insuffisance de motivation) et la première branche du deuxième moyen (violation de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003) se recoupent partiellement, en ce que la critique d’un manque de précision dans l’explicitation par la Commission des présomptions d’infractions qu’elle entend vérifier, formellement présentée dans le cadre du deuxième moyen, équivaut à une contestation de la motivation de la décision attaquée sur ce point.

23      L’obligation de motiver une décision individuelle a pour but de permettre au juge d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision et de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité, étant précisé que la portée de cette obligation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt de la Cour du 25 octobre 1984, Interfacultair Instituut Electronenmicroscopie der Rijksuniversiteit te Groningen, 185/83, Rec. p. 3623, point 38 ; arrêts du Tribunal du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T-349/03, Rec. p. II-2197, points 62 et 63, et du 12 juillet 2007, CB/Commission, T-266/03, non publié au Recueil, point 35).

24      L’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 prévoit que la Commission « indique la base juridique et le but de la demande, précise les renseignements demandés et fixe le délai dans lequel ils doivent être fournis ». L’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 précise, en outre, que la Commission « indique également les sanctions prévues à l’article 23 », qu’elle « indique ou inflige les sanctions prévues à l’article 24 » et qu’« elle indique encore le droit de recours ouvert devant la Cour de justice contre la décision ».

25      Cette délimitation de l’obligation de motivation s’explique par le caractère de mesure d’instruction des décisions de demande de renseignements.

26      Il convient, en effet, de garder à l’esprit que la procédure administrative au titre du règlement n° 1/2003, qui se déroule devant la Commission, se subdivise en deux phases distinctes et successives dont chacune répond à une logique interne propre, à savoir une phase d’instruction préliminaire, d’une part, et une phase contradictoire, d’autre part. La phase d’instruction préliminaire, durant laquelle la Commission fait usage des pouvoirs d’instruction prévus par le règlement n° 1/2003 et qui s’étend jusqu’à la communication des griefs, est destinée à permettre à la Commission de rassembler tous les éléments pertinents confirmant ou non l’existence d’une infraction aux règles de concurrence et de prendre une première position sur l’orientation ainsi que sur la suite ultérieure à réserver à la procédure. En revanche, la phase contradictoire, qui s’étend de la communication des griefs à l’adoption de la décision finale, doit permettre à la Commission de se prononcer définitivement sur l’infraction reprochée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, AC-Treuhand/Commission, T-99/04, Rec. p. II-1501, point 47).

27      D’une part, s’agissant de la phase d’instruction préliminaire, elle a pour point de départ la date à laquelle la Commission, dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par les articles 18 et 20 du règlement n° 1/2003, prend des mesures impliquant le reproche d’avoir commis une infraction et entraînant des répercussions importantes sur la situation des entreprises suspectées. D’autre part, ce n’est qu’au début de la phase contradictoire administrative que l’entreprise concernée est informée, moyennant la communication des griefs, de tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure et que cette entreprise dispose d’un droit d’accès au dossier afin de garantir l’exercice effectif de ses droits de la défense. Par conséquent, c’est seulement après l’envoi de la communication des griefs que l’entreprise concernée peut pleinement se prévaloir de ses droits de la défense. En effet, si ces droits étaient étendus à la phase précédant l’envoi de la communication des griefs, l’efficacité de l’enquête de la Commission serait compromise, puisque l’entreprise concernée serait, déjà lors de la phase d’instruction préliminaire, en mesure d’identifier les informations qui sont connues de la Commission et, partant, celles qui peuvent encore lui être cachées (voir, en ce sens, arrêt AC-Treuhand/Commission, point 26 supra, point 48, et la jurisprudence citée).

28      Toutefois, les mesures d’instruction prises par la Commission au cours de la phase d’instruction préliminaire, notamment les mesures de vérification et les demandes de renseignements, impliquent par nature le reproche d’une infraction et sont susceptibles d’avoir des répercussions importantes sur la situation des entreprises suspectées. Partant, il importe d’éviter que les droits de la défense puissent être irrémédiablement compromis au cours de cette phase de la procédure administrative dès lors que les mesures d’instruction prises peuvent avoir un caractère déterminant pour l’établissement de preuves du caractère illégal de comportements d’entreprises de nature à engager leur responsabilité (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission, 46/87 et 227/88, Rec. p. 2859, point 15, et arrêt AC-Treuhand/Commission, point 26 supra, points 50 et 51).

29      Dans ce contexte, il convient de rappeler que l’obligation qui incombe à la Commission d’indiquer la base juridique et le but de la demande de renseignements constitue une exigence fondamentale en vue de faire apparaître le caractère justifié des informations sollicitées auprès des entreprises concernées, mais aussi de mettre celles-ci en mesure de saisir la portée de leur devoir de collaboration tout en préservant en même temps leur droits de la défense. Il en découle que seule peut être requise par la Commission la communication de renseignements susceptibles de lui permettre de vérifier les présomptions d’infraction qui justifient la conduite de l’enquête et qui sont indiquées dans la demande de renseignements (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du Tribunal du 12 décembre 1991, SEP/Commission, T-39/90, Rec. p. II-1497, point 25, et du 8 mars 1995, Société Générale/Commission, T-34/93, Rec. p. II-545, point 40).

30      Ainsi que l’avocat général M. Jacobs l’a souligné au point 30 de ses conclusions sous l’arrêt de la Cour du 19 mai 1994, SEP/Commission (C-36/92 P, Rec. p. I-1911, I-1914), l’obligation d’indiquer le but de la demande signifie « évidemment [que la Commission] doit identifier l’infraction alléguée aux règles de concurrence », « [l]e caractère nécessaire du renseignement doit être apprécié par rapport au but mentionné dans la demande de renseignements » et « [l]e but doit être indiqué avec suffisamment de précision, sans quoi il serait impossible de déterminer si le renseignement est nécessaire et la Cour ne pourrait pas exercer son contrôle ».

31      Il résulte également d’une jurisprudence constante que la Commission n’est pas tenue de communiquer au destinataire d’une telle décision toutes les informations dont elle dispose à propos d’infractions présumées, ni de procéder à une qualification juridique rigoureuse de ces infractions, mais qu’elle doit indiquer clairement les présomptions qu’elle entend vérifier (arrêts Société Générale/Commission, point 29 supra, points 62 et 63, et Slovak Telekom/Commission, point 21 supra, point 77).

32      Il ne saurait cependant être imposé à la Commission d’indiquer, au stade de la phase d’instruction préliminaire, outre les présomptions d’infraction qu’elle entend vérifier, les indices, c’est-à-dire les éléments la conduisant à envisager l’hypothèse d’une violation de l’article 101 TFUE. En effet, une telle obligation remettrait en cause l’équilibre que la jurisprudence établit entre la préservation de l’efficacité de l’enquête et la préservation des droits de la défense de l’entreprise concernée.

33      En l’espèce, il est clairement indiqué dans la décision attaquée qu’elle est adoptée sur le fondement de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 et que les pratiques sous investigation pourraient constituer une violation de l’article 101 TFUE. Ses considérants 10 et 11 se réfèrent expressément aux sanctions et au droit de recours visés au point 24 ci-dessus.

34      Le caractère suffisamment motivé ou non de la décision attaquée dépend donc exclusivement du point de savoir si les présomptions d’infraction que la Commission entend vérifier sont précisées avec suffisamment de clarté.

35      La motivation de la décision attaquée sur ce point est constituée par la mention figurant au considérant 2 de la décision attaquée selon laquelle « [l]es infractions présumées concernent des restrictions des flux commerciaux dans l’Espace économique européen (EEE), y compris des restrictions d’importations dans l’EEE en provenance de pays extérieurs à l’EEE, des répartitions de marchés, des coordinations des prix et des pratiques anticoncurrentielles connexes sur le marché du ciment et les marchés des produits connexes ».

36      Par ailleurs, la décision attaquée renvoie explicitement à la décision d’ouverture de la procédure mentionnée au point 4 ci-dessus, laquelle contient des informations supplémentaires sur l’étendue géographique des présomptions d’infraction ainsi que sur le type de produits visés.

37      Le Tribunal relève que la motivation de la décision attaquée est rédigée en des termes très généraux qui auraient mérités, d’être précisés et encourt donc la critique à cet égard. Il peut néanmoins être considéré que la référence à des restrictions d’importations dans l’Espace économique européen (EEE), à des répartitions de marchés ainsi qu’à des coordinations des prix sur le marché du ciment et les marchés des produits connexes, lue conjointement avec la décision d’ouverture de la procédure, correspond au degré minimal de clarté permettant de conclure au respect des prescriptions de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003.

38      Il doit en être déduit que la décision attaquée est motivée à suffisance de droit.

39      Cette conclusion n’est pas infirmée par les différents arguments présentés par la requérante.

40      En premier lieu, en ce qui concerne la critique de la requérante portant sur l’absence de motivation de la nécessité des renseignements demandés, il suffit de souligner que la Commission n’est pas tenue, en application de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, de fournir une motivation spécifique sur ce point. C’est, en effet, au travers de l’indication des présomptions d’infraction que la Commission entend vérifier que l’entreprise concernée peut apprécier la nécessité des renseignements demandés et, le cas échéant, contester la décision de demande de renseignements devant le Tribunal.

41      En deuxième lieu, en ce qui concerne le reproche d’une insuffisance de motivation quant au choix d’une durée de deux semaines pour la onzième série de questions, il convient d’observer que l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 impose seulement à la Commission de fixer un délai et non de fournir une motivation quant au choix de celui-ci.

42      En toute hypothèse, il y a lieu de relever que la décision attaquée contient une motivation sur ce point, dès lors qu’il est souligné au considérant 8 de la décision attaquée que le délai de douze semaines accordé pour les dix premières séries de questions et de deux semaines pour la onzième série s’explique par la nature et la quantité des renseignements demandés ainsi que la gravité des infractions présumées aux règles de concurrence. Partant, la Commission peut être regardée comme ayant estimé que la quantité moindre de renseignements impliquée par la onzième série de questions justifiait un délai de réponse plus court.

43      En troisième lieu, en ce qui concerne l’argumentation de la requérante tirée de ce que la motivation de la décision attaquée ne permettrait pas de comprendre la position de la Commission sur les observations qu’elle a présentées dans sa lettre du 6 décembre 2010, il convient de répondre que la Commission n’était pas , non plus, tenue de fournir une motivation spécifique sur ce point. Il peut cependant être relevé qu’il est précisé au considérant 6 de la décision attaquée que ces observations ont, le cas échéant, été prises en compte dans le cadre de l’établissement du questionnaire figurant à l’annexe I de la décision attaquée.

44      Partant, il convient de rejeter le quatrième moyen ainsi que la première branche du deuxième moyen.

 Sur le premier moyen, tiré du caractère disproportionné de l’adoption d’une décision au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003

45      La requérante estime que la décision attaquée viole le principe de proportionnalité, dès lors que l’envoi d’une simple demande de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 aurait été suffisant dans les circonstances de l’espèce. À l’appui de son argumentation elle se réfère, notamment, à la circonstance que, contrairement à d’autres sociétés visées par une décision au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, la Commission ne lui a pas adressé, au préalable, une demande de renseignements au titre du paragraphe 2 de cet article. Elle considère également que les changements apportés par l’article 18 du règlement n° 1/2003, par rapport à la situation prévalant sous l’empire de l’article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), n’impliquent pas que la Commission puisse librement choisir de procéder par voie de demande de renseignements ou de décision de demande de renseignements en s’affranchissant du respect du principe de proportionnalité.

46      La Commission conclut au rejet du présent moyen.

47      Il ressort d’une jurisprudence constante que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêt de la Cour du 12 juillet 2001, Jippes e.a., C-189/01, Rec. p. I-5689, point 81).

48      En vertu de l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, la Commission est en droit de demander des renseignements « par simple demande ou par voie de décision », sans que cette disposition subordonne l’adoption d’une décision à une « simple demande » préalable. En cela, l’article 18 du règlement n° 1/2003 se distingue de l’article 11 du règlement n° 17, qui, en son paragraphe 5, conditionnait la possibilité de demander par voie de décision des renseignements à l’échec d’une demande préalable de renseignements.

49      Contrairement à ce que semble soutenir la Commission dans ses écritures, il convient de souligner que le choix qu’elle doit opérer entre une simple demande de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 et une décision de demande de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 3, de ce même règlement relève du contrôle de proportionnalité. Cela ressort nécessairement de la définition même du principe de proportionnalité figurant au point 47 ci-dessus, en ce qu’il y est mentionné que, « lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante ». De même, il peut être observé que le choix offert à la Commission par l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 présente une analogie certaine avec celui existant entre la vérification par simple mandat et la vérification ordonnée par voie de décision sous l’empire de l’article 14 du règlement n° 17 et de l’article 20 du règlement n° 1/2003. Or, l’exercice de ce choix fait l’objet d’un contrôle par le juge de l’Union au titre du principe de proportionnalité (arrêts de la Cour du 26 juin 1980, National Panasonic/Commission, 136/79, Rec. p. 2033, point 29, et du 22 octobre 2002, Roquette Frères, C-94/00, Rec. p. I-9011, point 77 ; arrêt du Tribunal du 8 mars 2007, France Télécom/Commission, T-340/04, Rec. p. II-573, point 147)

50      Au vu de l’approche privilégiée dans la jurisprudence à l’égard du contrôle de proportionnalité du recours à une vérification ordonnée par voie de décision, il apparaît qu’un tel contrôle, à l’égard du choix à opérer entre une simple demande de renseignements et une décision, doit dépendre des nécessités d’une instruction adéquate, eu égard aux particularités de l’espèce (arrêts National Panasonic/Commission, point 49 supra, point 29 ; Roquette Frères, point 49 supra, point 77, et France Télécom/Commission, point 49 supra, point 147).

51      À cet égard, il convient de prendre en compte la circonstance que la décision attaquée s’inscrit dans le cadre d’une enquête portant sur des pratiques restrictives de concurrence impliquant, outre la requérante, sept autres entreprises actives dans le secteur cimentier.

52      Une décision se distingue d’une simple demande de renseignements par le fait qu’il est possible à la Commission d’infliger une amende ou des astreintes en cas de fourniture de renseignements incomplets ou tardifs, en application, respectivement, de l’article 23, paragraphe 1, sous b), et de l’article 24, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1/2003.

53      Dès lors, au vu de la quantité des renseignements à recueillir et à recouper, il n’apparaît ni inapproprié ni démesuré de la part de la Commission de procéder directement à l’égard de la requérante par le biais de l’instrument juridique lui offrant la plus grande assurance que celle-ci fournira une réponse complète et dans les délais.

54      En outre, dans la mesure où la proportionnalité du recours à une décision de demande de renseignements doit être examinée au regard des nécessités d’une instruction adéquate, l’allégation de la requérante portant sur le traitement inégal qui lui aurait été réservé, en ce que les autres sociétés concernées par l’enquête ont fait l’objet d’une simple demande de renseignements préalablement à l’adoption d’une décision au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, doit être rejetée. En effet, les nécessités d’une instruction adéquate sont à même de justifier que la même approche ne soit pas suivie à l’égard de toutes les entreprises ou associations d’entreprises susceptibles de fournir des renseignements utiles à la poursuite de ladite instruction.

55      Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas violé le principe de proportionnalité en adoptant une décision de demande de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 à l’égard de la requérante et que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 18 du règlement n° 1/2003

56      Le présent moyen est, en substance, constitué de deux branches. Il a déjà été répondu à la première branche, portant sur le caractère insuffisamment précis du but de la demande de renseignements, aux points 18 à 44 ci-dessus. Dans le cadre d’une seconde branche, la requérante soutient que les renseignements exigés au titre des dix premières séries de questions n’auraient aucun lien avec les faits qui lui sont reprochés, ce qui constituerait une violation de l’article 18 du règlement n°1/2003. L’existence d’une infraction au droit de la concurrence ne pourrait pas être établie par la communication des renseignements exigés au titre des dix premières questions, portant sur les ventes de ciment au cours des dix dernières années et aboutissant à fournir à la Commission une représentation détaillée de l’industrie du ciment.

57      La Commission conclut au rejet du présent moyen.

58      Ainsi qu’il a déjà été souligné au point 29 ci-dessus, seule peut être requise par la Commission la communication de renseignements susceptibles de lui permettre de vérifier les présomptions d’infraction qui justifient la conduite de l’enquête et qui sont indiquées dans la demande de renseignements (arrêts du 12 décembre 1991, SEP/Commission, point 29 supra, point 25, et Société Générale/Commission, point 29 supra, point 40).

59      Eu égard au large pouvoir d’investigation et de vérification de la Commission, c’est à cette dernière qu’il appartient d’apprécier la nécessité des renseignements qu’elle demande aux entreprises concernées (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 18 mai 1982, AM & S Europe/Commission, 155/79, Rec. p. 1575, point 17 ; du 18 octobre 1989, Orkem/Commission, 374/87, Rec. p. 3283, point 15, et Roquette Frères, point 49 supra, point 78).

60      En ce qui concerne le contrôle que le Tribunal exerce sur cette appréciation de la Commission, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la notion de « renseignements nécessaires » doit être interprétée en fonction des finalités en vue desquelles les pouvoirs d’enquête en cause ont été conférés à la Commission. Ainsi, il est satisfait à l’exigence d’une corrélation entre la demande de renseignements et l’infraction présumée, dès lors que, à ce stade de la procédure, ladite demande peut être légitimement regardée comme présentant un rapport avec l’infraction présumée, en ce sens que la Commission puisse raisonnablement supposer que le document l’aidera à déterminer l’existence de l’infraction alléguée (arrêts du 12 décembre 1991, SEP/Commission, point 29 supra, point 29, et Slovak Telekom/Commission, point 21 supra, point 42).

61      En l’espèce, force est de constater que la requérante ne fournit pas d’illustration précise de renseignements demandés au titre des dix premières questions dont elle contesterait le caractère nécessaire, mais critique, de manière générale, la nécessité d’une demande de renseignements couvrant les ventes de ciment sur une période de dix ans. En substance, elle conteste le recours à une décision de demande de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, la Commission devant plutôt procéder, dans une telle circonstance, par le biais d’une enquête par secteur économique au titre de l’article 17 du règlement n° 1/2003.

62      Or, la simple mise en exergue par la requérante de la circonstance que les renseignements demandés au titre des dix premières séries de questions couvrent les ventes de ciment sur une période de dix ans ne permet pas, à elle seule, de conclure que lesdites questions dépassent ce qui peut être considéré comme nécessaire au regard du but de la demande de renseignements, tel que mentionné aux points 4 et 35 ci-dessus.

63      Cette conclusion n’est pas infirmée par l’affirmation de la requérante figurant dans la réplique, tirée, en substance, de ce que la quantité de renseignements demandés donnerait l’impression que la décision attaquée revêt un caractère exploratoire.

64      Il est, certes, exact que l’exigence d’une protection contre des interventions de la puissance publique dans la sphère d’activité privée d’une personne, qu’elle soit physique ou morale, qui seraient arbitraires ou disproportionnées, constitue un principe général du droit de l’Union (arrêt Slovak Telekom/Commission, point 21 supra, point 81).

65      De même, il convient de souligner que, aux fins de respecter ce principe général, une décision de demande de renseignements doit viser à recueillir la documentation nécessaire pour vérifier la réalité et la portée de situations de fait et de droit déterminées à propos desquelles la Commission dispose déjà d’informations.

66      Cependant, l’éventuel caractère arbitraire de la décision attaquée ne saurait être établi en fonction de l’étendue de la demande de renseignements, la Commission pouvant légitimement conduire une enquête disposant d’un large champ d’investigation, dès lors qu’elle est en possession d’indices suffisamment sérieux de la participation de l’entreprise aux différentes présomptions d’infraction qu’elle entend vérifier.

67      Force est de constater que, en l’espèce, la requérante ne remet pas en cause, et n’a pas demandé au Tribunal de vérifier, la détention par la Commission d’indices suffisamment sérieux justifiant l’adoption de la décision attaquée. Ainsi à défaut d’une demande explicite et motivée de la requérante, il n’y a pas lieu pour le Tribunal de vérifier de sa propre initiative, et sur la seule base de l’allégation générale tirée du caractère large de la demande de renseignements, si la Commission disposait d’indices suffisamment sérieux justifiant l’adoption de la décision attaquée.

68      Le deuxième moyen doit, dès lors, être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré du caractère disproportionné du délai de deux semaines fixé pour la réponse à la onzième série de questions

69      La requérante considère que la décision attaquée viole le principe de proportionnalité au regard du délai insuffisant de deux semaines fixé pour la réponse à la onzième série de questions.

70      La Commission conclut au rejet du présent moyen. Elle estime que la requérante ne dispose pas d’un intérêt à agir en ce qui concerne le délai en cause, la réponse à la onzième série de questions ayant été fournie et la requérante ayant reçu des assurances qu’elle ne ferait pas l’objet d’une amende en cas de communication échelonnée des renseignements demandés. La Commission soutient également que le délai de deux semaines était justifié et que la requérante n’était pas dans l’impossibilité matérielle de répondre à la onzième série de questions dans le délai imparti.

71      Il résulte d’une jurisprudence constante que les demandes de renseignements adressées par la Commission à une entreprise doivent respecter le principe de proportionnalité et que l’obligation imposée à une entreprise de fournir un renseignement ne doit pas représenter pour cette dernière une charge disproportionnée par rapport aux nécessités de l’enquête (arrêts du Tribunal du 12 décembre 1991, SEP/Commission, point 29 supra, point 51 ; du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T-191/98, T-212/98 à T-214/98, Rec. p. II-3275, point 418, et Slovak Telekom/Commission, point 21 supra, point 81).

72      Aux fins d’apprécier le caractère éventuellement disproportionné de la charge impliquée par l’obligation de répondre à la onzième série de questions dans un délai de deux semaines, il convient de prendre en compte la circonstance que la requérante, en tant que destinataire d’une décision de demande de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, encourait le risque de se voir infliger non seulement une amende ou une astreinte en cas de fourniture de renseignements incomplets ou tardifs ou en l’absence de fourniture de renseignements, en application, respectivement, de l’article 23, paragraphe 1, sous b), et de l’article 24, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1/2003, mais également une amende en cas de communication d’un renseignement qualifié par la Commission d’inexact ou de dénaturé, en application de l’article 23, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

73      Ainsi, l’examen de l’adéquation du délai prescrit par une décision de demande de renseignements revêt une importance particulière. Il convient, en effet, que ledit délai puisse permettre au destinataire non seulement de fournir matériellement une réponse, mais également de s’assurer du caractère complet, exact et non dénaturé des renseignements fournis.

74      En ce qui concerne la question préalable soulevée par la Commission portant sur l’intérêt de la requérante à soulever le présent moyen, elle doit être comprise comme contestant l’intérêt à agir de la requérante à l’encontre de la décision attaquée en ce que celle-ci lui impose un délai de deux semaines aux fins de répondre à la onzième série de questions. La Commission se fonde sur la circonstance que les renseignements demandés ont été fournis en partie hors délai sans que la requérante se voie infliger une amende et que, dans le cadre d’une conversation téléphonique, lui aurait été accordée la possibilité de communiquer ses réponses de manière échelonnée dans le temps.

75      À cet égard, il suffit de souligner que l’intérêt à agir à l’encontre d’une décision ordonnant de fournir des renseignements demeure même si elle a déjà été exécutée par son destinataire. En effet, l’annulation d’une telle décision est susceptible, par elle-même d’avoir des conséquences juridiques, notamment en obligeant la Commission à prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du Tribunal et en évitant le renouvellement d’une telle pratique de la part de la Commission (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 9 novembre 1994, Scottish Football/Commission, T-46/92, Rec. p. II-1039, point 14, et la jurisprudence citée).

76      Partant, il convient de conclure que la requérante dispose d’un intérêt à agir à l’encontre de la décision attaquée et est en droit de soulever les moyens qu’elle estime de nature à amener le Tribunal à faire droit à ses conclusions.

77      En tout état de cause, force est de constater que la Commission n’apporte aucun élément de preuve démontrant que la requérante aurait été assurée qu’une fourniture échelonnée des renseignements demandés (et donc en partie hors délais) ne donnerait pas lieu à une amende ou à une astreinte. S’il est constant entre les parties qu’une conversation téléphonique s’est déroulée à ce sujet entre le conseil de la requérante et un fonctionnaire de la Commission, elles sont en désaccord quant au sens exact de cette conversation.

78      Ainsi, seul ressort clairement du dossier le refus opposé par la Commission, dans un courriel du 12 avril 2011, de proroger le délai de réponse applicable à la onzième série de questions, en réponse à la demande en ce sens présentée par la requérante dans sa lettre du 11 avril 2011 et dans son courriel du 12 avril 2011. Par conséquent, la requérante ayant communiqué une partie de sa réponse à la onzième série de questions hors du délai prescrit, elle pourrait se voir infliger, au moins en théorie, une amende par la Commission pour ce motif en application de l’article 23, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1/2003, en dépit des assurances que semble vouloir donner la Commission dans ses écritures.

79      En outre, pour les raisons exposées aux points 72 et 73 ci-dessus, il convient de considérer que le caractère éventuellement disproportionné de la charge impliquée par l’obligation de répondre à la onzième série de questions dans un délai de deux semaines peut avoir une incidence sur le caractère complet, exact et suffisamment clair des réponses fournies, ce qui pourrait, le cas échéant, également conduire à l’imposition d’une amende en application de l’article 23, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1/2003.

80      Par la question 11, sous a), il est demandé à la requérante de communiquer toutes données concernant le rôle, la fonction et les responsabilités de MM. P. L. et H. M. depuis 2001, la personne à laquelle ils rendent compte immédiatement et, en dernier ressort, la ou les personnes auxquelles ils donnent ou donnaient des instructions. Au titre de la question 11, sous b), il est demandé de fournir une liste de toutes les réunions et autres contacts écrits ou oraux concernant le ciment et les produits connexes qui ont eu lieu entre M. P. L. (pour la période 2003-2009), et M. H. M. (pour la période 2006-2008) avec des producteurs de ciment et de produits connexes ou leurs représentants en Allemagne. À ce titre, il est demandé à la requérante, notamment, de préciser les dates des réunions et les noms des invités et participants, de mentionner le nom de la personne et de l’entreprise qui ont organisé la ou les réunions ou ont demandé leur tenue ainsi que de fournir le nom, le rôle, la fonction et la responsabilité des autres employés de la requérante qui auraient participé à ces réunions pendant la période 2001-2010. Enfin, au titre de la question 11, sous c), il est demandé à la requérante de fournir tous les documents relatifs aux contacts ou réunions précités, y compris, notamment, des courriels, des ordres du jour, des procès-verbaux de réunions, des documents de voyage, des notes écrites, des rapports ou des protocoles.

81      Force est de constater que ne ressort pas de la décision attaquée l’existence d’une nécessité particulière de l’enquête justifiant qu’un délai particulièrement bref soit prévu pour la fourniture des renseignements demandés au titre de la onzième série de questions.

82      Ainsi qu’il a été souligné au point 42 ci-dessus, il peut seulement être déduit du considérant 8 de la décision attaquée que la justification de ce délai pourrait tenir dans l’appréciation de la Commission selon laquelle cette série de questions impliquerait la fourniture d’une quantité moindre de renseignements.

83      Certes, la Commission rappelle à juste titre que, en vertu du devoir général de prudence qui incombe à toute entreprise ou association d’entreprises, la requérante est tenue de veiller à la bonne conservation, en ses livres ou archives, des éléments permettant de retracer son activité, afin, notamment, de disposer des preuves nécessaires dans l’hypothèse d’actions judiciaires ou administratives (arrêt du Tribunal du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T-240/07, Rec. p. II-3355, point 301).

84      Néanmoins, dans la mesure où la réponse à la onzième série de questions implique, notamment, l’identification de tous les contacts, y compris les plus informels, de deux employés de la requérante avec des producteurs de ciment et de produits connexes ou leurs représentants en Allemagne sur des périodes respectivement de trois et de sept ans, le Tribunal relève que, en dépit de ce devoir de conservation, la collecte, l’organisation et la vérification des renseignements demandés ne revêtait pas un caractère forcément aisé.

85      De plus, pour les raisons exposées au point 73 ci-dessus, il y a lieu de prendre en compte la circonstance que le délai prescrit doit pouvoir permettre à la requérante de s’assurer du caractère complet, exact et non dénaturé des renseignements fournis.

86      Force est de constater que, au vu de la nature des renseignements demandés, un délai de réponse de deux semaines apparaît insuffisant pour les collecter et s’assurer du caractère complet, exact et non dénaturé de la réponse fournie.

87      Il en découle qu’imposer une obligation de répondre à ces questions dans un tel délai correspond à une charge disproportionnée au sens de la jurisprudence citée au point 71 ci-dessus.

88      Cette conclusion n’est pas infirmée par la circonstance, rappelée par la Commission, que, dans sa lettre du 19 novembre 2010, elle avait averti la requérante de son intention de lui adresser une décision de demande de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 en lui fournissant un projet de questionnaire, dont la quinzième série de questions était substantiellement identique à la onzième série de questions figurant dans le questionnaire définitif.

89      Il suffit, à cet égard, de souligner qu’au paragraphe 4 de cette lettre la Commission a écrit, dans un langage dépourvu de toute ambiguïté, que « la Décision prise en application de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 donnera[it] à Schwenk un délai de deux mois pour répondre au questionnaire de la décision d’une manière correcte, complète et non dénaturée ».

90      Ainsi, la circonstance que la requérante pouvait légitimement s’attendre à disposer d’un délai de deux mois aux fins de répondre à la onzième série de questions empêche, en toute hypothèse, que l’avertissement compris dans la lettre du 19 novembre 2010 puisse être pris en compte aux fins d’apprécier la proportionnalité de l’obligation de répondre à ladite série de questions dans un délai de deux semaines.

91      Quant au renvoi opéré par la Commission au point 38 de sa communication concernant les bonnes pratiques relatives aux procédures d’application des articles 101 TFUE et 102 TFUE (JO 2011, C 308, p. 6), il suffit de souligner qu’il est dépourvu de pertinence.

92      En toute hypothèse, il convient de souligner qu’il ressort du point 38 de ladite communication que, en règle générale, le délai prescrit est d’au moins deux semaines, mais qu’il peut être d’une durée plus courte pour les demandes ne disposant que d’une portée limitée. Cela tend plutôt à accréditer l’idée que, pour la Commission, un délai de deux semaines revêt, en règle générale, un caractère d’exigence minimale. Or, en l’espèce, au regard de l’importance du travail que sont susceptibles de représenter la collecte, l’organisation et la vérification des renseignements demandés, le recours à un délai de deux semaines revêt un caractère pour le moins disproportionné.

93      Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’accueillir le présent moyen.

94      Il est précisé à l’article 1er de la décision attaquée que les annexes font partie intégrante de la décision attaquée. La lecture de l’annexe I, constituant le questionnaire, laisse apparaître que la onzième série de questions ne forme pas une unité indissociable avec le reste du questionnaire.

95      Il convient dès lors d’annuler la décision attaquée dans la seule mesure où elle demande à la requérante de répondre à la onzième série de questions du questionnaire figurant à son annexe I, et ce sans qu’il soit nécessaire d’examiner le cinquième moyen, celui-ci concernant exclusivement la onzième série de questions.

 Sur les dépens

96      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En application du paragraphe 3, premier alinéa, de la même disposition, le Tribunal peut répartir les dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

97      En l’espèce, le recours ayant été partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la Commission supportera un tiers de ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par la requérante, cette dernière supportant deux tiers de ses propres dépens et deux tiers des dépens exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision C (2011) 2367 final de la Commission, du 30 mars 2011, relative à une procédure d’application de l’article 18, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil (affaire 39520–Ciment et produits connexes), est annulée en ce qui concerne la onzième série de questions du questionnaire constituant son annexe I.

2)      Schwenk Zement KG supportera deux tiers de ses dépens ainsi que deux tiers des dépens exposés par la Commission européenne. La Commission supportera un tiers de ses dépens ainsi qu’un tiers des dépens exposés par Schwenk Zement.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 mars 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.

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