Federacion Espanola de Hostelería v EACEA (Judgment) French Text [2014] EUECJ T-340/13 (16 October 2014)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2014/T34013.html
Cite as: EU:T:2014:889, [2014] EUECJ T-340/13, ECLI:EU:T:2014:889

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

16 octobre 2014 *(1)

« Recours en annulation - Programme dans le domaine de l’éducation et de la formation tout au long de la vie - Contrat portant sur le projet ‘Simulateur virtuel pour l’apprentissage des langues pour les professionnels du tourisme (e-client)’ - Lettre de préinformation - Nature contractuelle du litige - Acte non susceptible de recours - Absence de requalification du contrat - Irrecevabilité »

Dans l’affaire T-340/13,

Federación Española de Hostelería, établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes B. Miguelsanz Roldán, F. J. del Nogal Méndez, R. Fernández Flores et M. P. Abad Marco, avocats,

partie requérante,

contre

Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » (EACEA), représentée par M. H. Monet et Mme A. Jaume, en qualité d’agents, assistés initialement de Mes J. L. Buendía Sierra, N. Ruiz García et A. Balcells Cartagena, puis de Mes Buendía Sierra et Balcells Cartagena, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la lettre de préinformation de l’EACEA du 5 avril 2013 informant la requérante qu’elle devait rembourser la somme de 181 686,11 euros à la suite de l’audit du projet « Simulateur virtuel pour l’apprentissage des langues pour les professionnels du tourisme (e-client) »,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich, président, J. Schwarcz (rapporteur) et Mme V. Tomlejnović, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 juin 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        L’Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » (EACEA) s’est vue confier la mise en œuvre de programmes prévus par la décision n° 1720/2006/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 novembre 2006, établissant un programme d’action dans le domaine de l’éducation et de la formation tout au long de la vie (JO L 327, p. 45).

2        Dans ce cadre, l’EACEA et la requérante, Federación Española de Hostelería, ont signé, le 23 novembre 2007, une convention de subvention 2007-1964/1 134736-LLP-1-2007-ES-Leonardo LMP pour la réalisation du projet « Simulateur virtuel pour l’apprentissage des langues pour les professionnels du tourisme (e-client) » (ci-après la « convention »), que la requérante devait exécuter en partenariat avec huit autres organisations et qui prévoyait une subvention maximale de 420 752 euros.

3        En vertu de l’article I.1 de la convention, la requérante était la seule bénéficiaire de la subvention. Parmi les obligations mises à la charge du bénéficiaire figurait la soumission à l’EACEA d’un rapport final (article I.5 de la convention), que la requérante a envoyé le 3 mars 2010.

4        À la suite de la communication de compléments d’information par la requérante, l’EACEA a annoncé, par acte du 17 mai 2011, un paiement complémentaire en faveur de celle-ci, à la suite duquel la subvention payée s’élevait à 367 189,24 euros et les coûts inéligibles au projet à 112 609,76 euros.

5        Néanmoins, l’EACEA a décidé de faire effectuer un audit du projet par un cabinet spécialisé et en a informé la requérante par courrier du 19 décembre 2011.

6        Après plusieurs tentatives de contact infructueuses, les auditeurs ont communiqué, le 8 janvier 2013, le projet de rapport d’audit à la personne qui aurait été chargée de suivre les questions liées à l’audit pour le compte de la requérante, en lui demandant de leur faire part de ses commentaires, ce qui n’a pas été fait.

7        Au vu de l’absence de réponse au projet de rapport d’audit, les auditeurs ont clos, le 23 mars 2013, la procédure d’audit.

8        Par un courrier du 5 avril 2013, envoyé électroniquement et par voie postale, intitulé « Lettre de préinformation - ordre de récupération à la suite de l’audit », l’EACEA a informé la requérante, conformément aux stipulations contractuelles et à la documentation présentée, du montant définitif de la subvention, soit 185 503,13 euros, et, après prise en compte des montants déjà versés en tant que préfinancement, du montant à rembourser, soit 181 686,11 euros (ci-après la « lettre attaquée »). L’EACEA a annexé le rapport d’audit, incluant, selon elle, toutes les informations sur les coûts inéligibles, et a annoncé l’envoi prochain d’une demande de versement des fonds en cause.

9        Par courrier du 16 avril 2013, l’EACEA a adressé à la requérante une note de débit pour un montant de 181 686,11 euros, devant être payé au plus tard le 31 mai 2013, et faisant référence à la lettre attaquée.

10      Par courrier du 19 avril 2013, la requérante a confirmé avoir reçu la lettre attaquée le 11 avril 2013 et a demandé la réouverture de la procédure d’audit, ce qui a été refusé par courrier du 8 mai 2013.

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 juin 2013, la requérante a introduit le présent recours.

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

-        annuler la convention ;

-        à titre subsidiaire, « ramener les actions à la date d’envoi à l’adresse erronée par les auditeurs » ;

-        à titre subsidiaire, réduire le remboursement demandé conformément au principe de proportionnalité ;

-        condamner la Commission aux dépens ;

-        condamner la Commission à lui rembourser les sommes versées majorées des intérêts de retard correspondants.

13      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

-        déclarer le recours en annulation irrecevable dans son ensemble ;

-        rejeter le recours en annulation comme non fondé ;

-        condamner la requérante aux dépens.

 Sur la recevabilité du recours

14      À titre principal, l’EACEA considère que le recours est irrecevable, au motif, premièrement, que l’acte dont l’annulation est demandée par la requérante ne constitue pas un acte susceptible de recours en vertu de l’article 263 TFUE et, deuxièmement, que le recours est tardif.

15      Il y a lieu d’examiner, tout particulièrement, le premier chef d’irrecevabilité soulevé par l’EACEA.

16      L’EACEA soutient que l’acte dont l’annulation est demandée ne constitue pas un acte susceptible de recours en vertu de l’article 263 TFUE, mais qu’il s’inscrit dans les relations contractuelles entre elle et la requérante. En effet, l’acte en question porterait sur le contrôle du projet visé par la convention, la détermination du montant définitif de la subvention due, après prise en compte des résultats de l’audit, lequel, tout comme les mesures adoptées à sa suite, a été effectué en application des articles II.14, II.18.1 et II.19 de la convention, et il annoncerait l’envoi d’une note de débit pour le remboursement des montants indûment perçus par la requérante.

17      Dans la réplique, la requérante estime que le Tribunal est compétent pour connaître du recours en vertu de l’article 263 TFUE, comme cela ressortirait du courrier de l’EACEA du 8 mai 2013.

18      À titre liminaire, il y lieu de constater que, si la requérante demande formellement l’annulation de la convention, il ressort de l’ensemble de ses écrits et de ses déclarations à l’audience que son recours tend, en réalité, à l’annulation de la lettre attaquée.

19      À cet égard, il convient de rappeler que c’est à la partie requérante qu’il appartient de faire le choix du fondement juridique de son recours et non au juge de l’Union européenne de choisir lui-même la base légale la plus appropriée (arrêt de la Cour du 15 mars 2005, Espagne/Eurojust, C-160/03, Rec. p. I-2077, point 35 ; arrêt du Tribunal du 17 juin 2010, CEVA/Commission, T-428/07 et T-455/07, Rec. p. II-2431, point 46).

20      En l’espèce, il ressort des écrits de la requérante devant le Tribunal que son recours est expressément fondé sur l’article 263 TFUE.

21      Une telle constatation vaut également pour les chefs de conclusions autres que la demande d’annulation de la lettre attaquée (voir point 12 ci-dessus). Sur ce point, il y a lieu de relever qu’ils sont présentés, pour deux d’entre eux, à titre subsidiaire de la demande d’annulation de la lettre attaquée et que, à défaut de toute argumentation tendant au paiement des sommes mises à la charge de la requérante, ils ne peuvent être interprétés indépendamment de ladite demande, comme des demandes en paiement autonomes qui auraient été présentées parallèlement à cette demande.

22      En effet, bien que l’argumentation avancée par la requérante soit fondée notamment sur les stipulations de la convention, le recours vise à l’annulation, conformément à l’article 263 TFUE, de la lettre attaquée et ne mentionne aucunement l’article 272 TFUE comme fondement de l’action qu’il introduit (voir, en ce sens, arrêt CEVA/Commission, point 19 supra, point 49).

23      Il s’ensuit que la requérante a fondé l’ensemble du présent recours uniquement sur l’article 263 TFUE.

24      En vertu de cet article, les juridictions de l’Union contrôlent la légalité des actes adoptés par les institutions destinés à produire des effets juridiques obligatoires à l’égard des tiers, en modifiant de façon caractérisée leur situation juridique (arrêt CEVA/Commission, point 19 supra, point 51, et ordonnance du Tribunal du 30 juin 2011, Cross Czech/Commission, T-252/10, non publiée au Recueil, point 36).

25      Comme cela a été constaté par une jurisprudence constante, cette compétence ne concerne que les actes visés par l’article 288 TFUE que les institutions sont amenées à prendre dans les conditions prévues par le traité FUE (ordonnances du Tribunal du 10 mai 2004, Musée Grévin/Commission, T-314/03 et T-378/03, Rec. p. II-1421, point 63, et Cross Czech/Commission, point 24 supra, point 37).

26      En revanche, les actes adoptés par les institutions qui s’inscrivent dans un cadre purement contractuel dont ils sont indissociables ne figurent pas, en raison de leur nature même, au nombre des actes visés à l’article 288 TFUE, dont l’annulation peut être demandée en vertu de l’article 263 TFUE (ordonnance Musée Grévin/Commission, point 25 supra, point 64, et arrêt CEVA/Commission, point 19 supra, point 52).

27      Dans ces circonstances, il convient, dès lors, d’examiner si la lettre attaquée figure au nombre des actes visés qui peuvent être annulés par le juge de l’Union, en vertu de l’article 263 TFUE, ou si, au contraire, elle revêt une nature contractuelle (voir, en ce sens, ordonnances du Tribunal Musée Grévin/Commission, point 25 supra, point 66 ; Cross Czech/Commission, point 24 supra, point 39, et du 6 septembre 2012, Technion & Technion Research & Development Foundation/Commission, T-657/11, non publiée au Recueil, point 36).

28      En l’espèce, il convient de relever que, par la lettre attaquée, l’EACEA a informé la requérante, d’une part, du montant définitif de la subvention, à savoir 185 503,13 euros, calculée conformément aux stipulations contractuelles et sur la base de la documentation présentée, et, d’autre part, du remboursement qu’elle estimait lui être dû au vu des sommes versées à titre de préfinancement, à savoir 181 686,11 euros. Annexée à la lettre attaquée figurait une copie du rapport d’audit, dont il était indiqué qu’il avait été reçu et accepté par la requérante, et qu’il incluait toute information sur les coûts inéligibles. L’EACEA informait également la requérante de l’envoi prochain d’une note de débit.

29      Force est de constater que la lettre attaquée, qui fait suite à un audit financier, tel que prévu par l’article II.19.3 de la convention et réalisé en vue, notamment, de vérifier l’utilisation de la subvention accordée et donc l’éligibilité des coûts réclamés par la requérante, s’inscrit dans le cadre de la convention.

30      À cet égard, il résulte de l’article II.19.3 de la convention que « [l]e bénéficiaire accepte que l’[EACEA] ou la Commission puisse effectuer un audit de l’utilisation faite de la subvention, conduit soit directement par leur personnel soit par tout autre organisme externe autorisé à procéder ainsi en leur nom », que de tels « audits peuvent être conduits pendant toute la période de mise en œuvre de la convention jusqu’au paiement du solde et pendant une période de cinq ans à partir de la date de paiement du solde » et que « les résultats des audits peuvent conduire à des décisions de recouvrement prise par l’[EACEA] ».

31      En outre, l’article II.18.1 de la convention prévoit que, lorsqu’une somme a été indûment payée au bénéficiaire de la subvention ou qu’un recouvrement en application de la convention est justifié, le bénéficiaire doit rembourser à l’EACEA la somme en question en déférant aux termes et au délai spécifiés par celle-ci, quels qu’ils soient.

32      Les considérations qui précèdent, desquelles il ressort que la lettre attaquée est de nature purement contractuelle, ne sont pas remises en cause par l’argumentation de la requérante selon laquelle le Tribunal est compétent pour connaître du recours en vertu de l’article 263 TFUE, comme cela ressortirait du courrier de l’EACEA du 8 mai 2013. En effet, il convient de relever que ce courrier, par lequel l’EACEA a rejeté la demande de réouverture de la procédure d’audit, indique à la requérante qu’elle dispose de la possibilité de former un recours en annulation devant le Tribunal dans les conditions prévues par l’article 263 TFUE et précise qu’un tel recours doit être introduit contre la décision relative au recouvrement et non contre la note de débit. Or, il est constant que la lettre attaquée n’a pas le caractère d’une décision portant sur le recouvrement de la créance de l’EACEA. Plus généralement, la circonstance que le Tribunal est compétent pour connaître de recours en vertu de l’article 263 TFUE est, en outre, sans incidence sur la nature contractuelle ou non de la lettre attaquée.

33      Par suite, le présent recours est irrecevable, puisqu’il est fondé sur l’article 263 TFUE.

34      Toutefois, il convient de rappeler que le Tribunal, lorsqu’il est saisi d’un recours en annulation, alors que le litige est, en réalité, de nature contractuelle, requalifie le recours si les conditions d’une telle requalification sont réunies (arrêts du Tribunal du 19 septembre 2001, Lecureur/Commission, T-26/00, Rec. p. II-2623, point 38, et CEVA/Commission, point 19 supra, point 57 ; ordonnances Musée Grévin/Commission, point 25 supra, point 88, et Technion & Technion Research & Development Foundation/Commission, point 27 supra, point 54).

35      Plus particulièrement, tel que cela a été reconnu par la jurisprudence, en présence d’un litige d’une telle nature, le Tribunal est dans l’impossibilité de requalifier un recours en annulation soit lorsque la volonté expresse du requérant de ne pas fonder sa demande sur l’article 272 TFUE s’oppose à une telle requalification (voir, en ce sens, arrêt CEVA/Commission, point 19 supra, point 59 ; ordonnances Musée Grévin/Commission, point 25 supra, point 88, et Technion & Technion Research & Development Foundation/Commission, point 27 supra, point 55), soit lorsque le recours ne s’appuie sur aucun moyen tiré de la violation des règles régissant la relation contractuelle en cause, qu’il s’agisse des clauses contractuelles ou des dispositions de la loi nationale désignée dans le contrat (voir, en ce sens, arrêt CEVA/Commission, point 19 supra, point 59 ; ordonnances du Tribunal du 10 avril 2008, Imelios/Commission, T-97/07, non publiée au Recueil, point 33, et Technion & Technion Research & Development Foundation/Commission, point 27 supra, point 55).

36      Or, en l’espèce, il convient de constater que la requérante, confrontée à l’argumentation de l’EACEA relative à la nature contractuelle de la lettre attaquée et, donc, à l’irrecevabilité de la demande d’annulation de cette dernière, s’est bornée, dans la réplique, à soutenir que le Tribunal était compétent pour connaître d’un recours en annulation sur le fondement de l’article 263 TFUE et a maintenu ses conclusions en annulation de la lettre attaquée dans les mêmes termes que dans la requête introductive d’instance. À aucun moment, la requérante n’a demandé la requalification du recours en annulation en recours sur le fondement de l’article 272 TFUE, ni explicitement ni implicitement (voir, en ce sens, ordonnance Cross Czech/Commission, point 24 supra, point 64). Notamment lors de l’audience, la requérante a, par son comportement, manifesté la volonté de se tenir dans les limites de son recours, tel qu’il avait été introduit par la requête, sans réagir aux arguments de la Commission quant à l’irrecevabilité de la voie ainsi choisie, répétés à cette occasion.

37      Au vu des considérations qui précèdent, il convient de conclure qu’il n’est pas possible de requalifier le présent recours de recours au titre de l’article 272 TFUE.

38      Il résulte de tout ce qui précède que le recours est, dans son ensemble, irrecevable et qu’il doit être rejeté, sans qu’il soit besoin de statuer sur le second chef d’irrecevabilité, tiré de la tardiveté du recours.

 Sur les dépens

39      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EACEA.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Federación Española de Hostelería est condamnée aux dépens.

Dittrich

Schwarcz

Tomljenović

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 octobre 2014.

Signatures


1 Langue de procédure : l’espagnol.

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